JORF n°0302 du 30 décembre 2010

LOI DE FINANCES POUR 2011

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous avons l'honneur de vous déférer conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution la loi de finances pour 2011.
I. - Sur le placement de certaines dispositions en première partie de la loi de finances et le respect des dispositions organiques
L'article 34 de la LOLF pose la subdivision de la loi de finances de l'année en deux parties distinctes et limite strictement le champ de la première partie de la loi de finances. Concernant les dispositions relatives aux ressources, cette première partie autorise la perception des ressources de l'Etat et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat, et comporte les dispositions relatives aux seules ressources de l'Etat qui affectent l'équilibre budgétaire.
Au regard de ces dispositions, plusieurs articles de la loi de finances pour 2011 ont fait l'objet d'un placement erroné en première partie.
Il s'agit d'abord de l'article 21 qui propose de soumettre à la taxe sur les contrats d'assurance (TSCA) les contrats d'assurance maladie dits « solidaires et responsables », actuellement exonérés de cette taxe. Le produit de cette nouvelle taxation, estimé à 1,1 milliard d'euros, serait affecté à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).
Ainsi, cet article n'autorise en rien la perception d'une imposition dès lors qu'il propose de la majorer. Au demeurant, c'est toujours l'article 1er de la loi de finances qui autorise la perception des impositions. D'autre part, l'article 21 n'affecte pas l'équilibre budgétaire, puisque le produit serait intégralement affecté au financement de la CADES.
Le respect des dispositions organiques aurait donc a minima conduit à inscrire cet article en seconde partie, l'article 34 disposant que celle-ci « peut comporter [...] des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ». Au demeurant, la logique aurait voulu que cette mesure figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), même si elle ne relève pas de son domaine exclusif.
Il en va de même concernant l'article 22 du projet de loi de finances, qui soumet le compartiment euros des contrats d'assurance-vie multisupports aux prélèvements sociaux « au fil de l'eau ». Les prélèvements concernés sont intégralement affectés aux régimes de sécurité sociale.
L'article 35 enfin adapte la taxe due au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) par les chaînes de télévision. Codifiée aux articles L. 115-6 à L. 115-13 du code du cinéma et de l'image animée, cette taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision est due par tout éditeur de services de télévision établi en France et par tout distributeur de services de télévision établi en France.
Le produit de la taxe dite « taxe COSIP » est intégralement affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée, qui gère le compte de soutien à l'industrie des programmes. Elle est acquittée directement auprès de l'agent comptable du CNC.
Une fois encore, l'aménagement du régime de cette taxe est sans effet sur les ressources et le budget de l'Etat, puisque son produit est affecté à une autre personne morale. Cette disposition aurait donc dû être présentée et votée dans le cadre de la seconde partie de la loi de finances.
La circonstance que, à l'initiative de la commission des finances du Sénat, cet article a été amendé pour prévoir, au Il, un prélèvement exceptionnel de 20 millions d'euros sur le produit des ressources affectées au bénéfice du budget général ne modifie en rien cet Etat de fait, dès lors qu'il ne conduit pas à proprement parler à une nouvelle affectation de ressources, mais bien à un prélèvement sur les ressources affectées à une personne morale autre que l'Etat. Ce prélèvement seul aurait pu faire l'objet, le cas échéant, d'une disposition spécifique inscrite dans la première partie de la loi de finances, pour tenir compte de son impact budgétaire.
L'article 35 appelle des observations complémentaires. D'une part, la hausse de la taxe au 2° du l est mise à la charge des éditeurs distributeurs, au titre de leurs activités de distribution. Elle est contraire au principe d'égalité dès lors que les activités de distribution ne sont plus taxées de la même façon selon qu'elles sont exercées de manière autonome ou groupée avec des activités d'édition, alors même que les activités d'édition font l'objet d'une imposition spécifique à ce titre même.
Sur l'ensemble de ces dispositions, il convient d'observer que le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée lui-même a observé que « la première partie du présent projet de loi de finances comporte plusieurs dispositions qui, en application de la LOLF, devraient figurer en seconde partie ». Il soulignait que le rattachement des dispositions en cause porte atteinte aux modalités d'organisation de la discussion budgétaire. Celle-ci « s'organise en effet autour d'un équilibre qui, en fixant, enfin de première partie, l'évaluation des recettes de l'Etat et le montant de son solde budgétaire pour l'année à venir, définit un plafond de dépenses que la deuxième partie doit respecter. La distinction entre les deux parties est un fondement de notre droit budgétaire, protecteur des finances publiques ». Il ajoutait que ce rattachement « réduit sensiblement les délais d'examen des dispositions en cause par l'Assemblée nationale », cette réduction s'inscrivant « dans un mouvement plus général de détérioration des conditions d'examen du projet de loi de finances » (1).

(1) Gilles Carrez, Rapport général n° 2857, tome II, p. 7 et 8.


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LOI DE FINANCES POUR 2011

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous avons l'honneur de vous déférer conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution la loi de finances pour 2011.

I. - Sur le placement de certaines dispositions en première partie de la loi de finances et le respect des dispositions organiques

L'article 34 de la LOLF pose la subdivision de la loi de finances de l'année en deux parties distinctes et limite strictement le champ de la première partie de la loi de finances. Concernant les dispositions relatives aux ressources, cette première partie autorise la perception des ressources de l'Etat et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat, et comporte les dispositions relatives aux seules ressources de l'Etat qui affectent l'équilibre budgétaire.

Au regard de ces dispositions, plusieurs articles de la loi de finances pour 2011 ont fait l'objet d'un placement erroné en première partie.

Il s'agit d'abord de l'article 21 qui propose de soumettre à la taxe sur les contrats d'assurance (TSCA) les contrats d'assurance maladie dits « solidaires et responsables », actuellement exonérés de cette taxe. Le produit de cette nouvelle taxation, estimé à 1,1 milliard d'euros, serait affecté à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

Ainsi, cet article n'autorise en rien la perception d'une imposition dès lors qu'il propose de la majorer. Au demeurant, c'est toujours l'article 1er de la loi de finances qui autorise la perception des impositions. D'autre part, l'article 21 n'affecte pas l'équilibre budgétaire, puisque le produit serait intégralement affecté au financement de la CADES.

Le respect des dispositions organiques aurait donc a minima conduit à inscrire cet article en seconde partie, l'article 34 disposant que celle-ci « peut comporter [...] des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ». Au demeurant, la logique aurait voulu que cette mesure figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), même si elle ne relève pas de son domaine exclusif.

Il en va de même concernant l'article 22 du projet de loi de finances, qui soumet le compartiment euros des contrats d'assurance-vie multisupports aux prélèvements sociaux « au fil de l'eau ». Les prélèvements concernés sont intégralement affectés aux régimes de sécurité sociale.

L'article 35 enfin adapte la taxe due au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) par les chaînes de télévision. Codifiée aux articles L. 115-6 à L. 115-13 du code du cinéma et de l'image animée, cette taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision est due par tout éditeur de services de télévision établi en France et par tout distributeur de services de télévision établi en France.

Le produit de la taxe dite « taxe COSIP » est intégralement affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée, qui gère le compte de soutien à l'industrie des programmes. Elle est acquittée directement auprès de l'agent comptable du CNC.

Une fois encore, l'aménagement du régime de cette taxe est sans effet sur les ressources et le budget de l'Etat, puisque son produit est affecté à une autre personne morale. Cette disposition aurait donc dû être présentée et votée dans le cadre de la seconde partie de la loi de finances.

La circonstance que, à l'initiative de la commission des finances du Sénat, cet article a été amendé pour prévoir, au Il, un prélèvement exceptionnel de 20 millions d'euros sur le produit des ressources affectées au bénéfice du budget général ne modifie en rien cet Etat de fait, dès lors qu'il ne conduit pas à proprement parler à une nouvelle affectation de ressources, mais bien à un prélèvement sur les ressources affectées à une personne morale autre que l'Etat. Ce prélèvement seul aurait pu faire l'objet, le cas échéant, d'une disposition spécifique inscrite dans la première partie de la loi de finances, pour tenir compte de son impact budgétaire.

L'article 35 appelle des observations complémentaires. D'une part, la hausse de la taxe au 2° du l est mise à la charge des éditeurs distributeurs, au titre de leurs activités de distribution. Elle est contraire au principe d'égalité dès lors que les activités de distribution ne sont plus taxées de la même façon selon qu'elles sont exercées de manière autonome ou groupée avec des activités d'édition, alors même que les activités d'édition font l'objet d'une imposition spécifique à ce titre même.

Sur l'ensemble de ces dispositions, il convient d'observer que le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée lui-même a observé que « la première partie du présent projet de loi de finances comporte plusieurs dispositions qui, en application de la LOLF, devraient figurer en seconde partie ». Il soulignait que le rattachement des dispositions en cause porte atteinte aux modalités d'organisation de la discussion budgétaire. Celle-ci « s'organise en effet autour d'un équilibre qui, en fixant, enfin de première partie, l'évaluation des recettes de l'Etat et le montant de son solde budgétaire pour l'année à venir, définit un plafond de dépenses que la deuxième partie doit respecter. La distinction entre les deux parties est un fondement de notre droit budgétaire, protecteur des finances publiques ». Il ajoutait que ce rattachement « réduit sensiblement les délais d'examen des dispositions en cause par l'Assemblée nationale », cette réduction s'inscrivant « dans un mouvement plus général de détérioration des conditions d'examen du projet de loi de finances » (1).

(1) Gilles Carrez, Rapport général n° 2857, tome II, p. 7 et 8.