- S'agissant en effet des règles d'attribution du nombre de députés à chaque département ou territoire, le Gouvernement a choisi de recourir de nouveau à la méthode dite des tranches. Or, bientôt un siècle après la publication de l'ouvrage majeur du mathématicien français Sainte-Laguë, l'unanimité de ses collègues et successeurs s'est faite sur le constat de ce que sa méthode, bien connue et couramment pratiquée, est la plus juste, la seule qui n'introduise aucun biais systématique (12).
Ainsi, en demeurer à la méthode des tranches ramènerait les sciences juridiques et politiques au niveau où étaient les sciences exactes à la fin du xixe siècle ! On frémit à l'idée d'un tel obscurantisme dont le champ démocratique se ferait l'apanage.
Nous n'ignorons pas que, dans le commentaire précité aux Cahiers, il était écrit que :
« Le Conseil n'a entendu écarter par principe aucune méthode de répartition, notamment la méthode de répartition par tranches évoquée au cours des débats parlementaires. »
Mais, dans le même temps et au même endroit, il est aussi précisé que :
« Il a entendu cependant signifier que l'égalité devant le suffrage constitue une exigence qui doit être respectée à tous les stades des opérations d'adaptation de la carte électorale. »
De cela, il résulte que si vous n'aviez nulle raison d'écarter la méthode des tranches « par principe », dès lors qu'elle pouvait aboutir à des résultats très proches de ceux qu'eût donnés l'utilisation d'une méthode plus sûre, vous ne l'aviez pas pour autant validée par avance, attendant légitimement de savoir, au vu de la répartition proposée, si celle-ci respectait effectivement l'exigence de l'égalité de suffrage.
Tel n'est manifestement pas le cas et il existe des écarts significatifs entre ce qu'est le découpage ratifié et ce qu'il aurait dû être.
(12) V. Michel Balinski, « Projets électoraux : le droit rencontre les mathématiques », Dalloz, n° 3, 22 janvier 2009, p. 183.
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