Monsieur le Président de la République,
Ce projet d'ordonnance portant adaptation des dispositions de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution et à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon est pris en application de l'article 20 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre pour le plein emploi.
L'article 20 prévoit une habilitation du Gouvernement pour prendre, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi soit jusqu'au 17 juin 2024, des dispositions de niveau législatif visant à adapter les dispositions de la loi :
- en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Martinique et à Mayotte (collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution) ;
- à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon (collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution).
L'article 20 fixe un délai de six mois, à compter de la publication de l'ordonnance, pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.
Le projet d'ordonnance comporte essentiellement quatre types de mesures :
- des adaptations du cadre de la gouvernance territoriale fixée par l'article 4 de la loi pour le plein emploi, liées aux spécificités institutionnelles des collectivités ultramarines concernées ;
- des adaptations à Mayotte, en Guyane et à La Réunion des dispositions relatives aux parcours des demandeurs d'emploi lorsqu'ils sont bénéficiaires du revenu de solidarité active (orientation, contrôle des engagements, accompagnement) prévues aux articles 1er, 2 et 3 de la loi pour le plein emploi, compte tenu de la gestion du RSA mise en place dans ces trois territoires (recentralisation en Guyane, à Mayotte et à La Réunion). Ces adaptations se traduisent à la fois dans le code du travail et dans le code d'action sociale et des familles ;
- des adaptations des dispositions de la loi portant sur la gouvernance en matière d'accueil du jeune enfant pour leur application à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s'agit d'étendre, à la caisse de sécurité sociale de Mayotte et à la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon, les dispositions relatives aux pouvoirs de contrôle reconnus aux caisses d'allocations familiales ;
- un allongement, dans l'ensemble des collectivités visées par la présente ordonnance, du délai dont bénéficient les organismes référents pour conclure un contrat d'engagement avec les demandeurs d'emploi dont ils assurent déjà l'accompagnement au jour de l'entrée en vigueur de la loi.
L'article 1er crée deux chapitres dans le titre II du chapitre V de la cinquième partie du code du travail adaptant le droit commun de la gouvernance territoriale et du parcours du demandeur d'emploi lorsqu'il est bénéficiaire du RSA aux spécificités des territoires ultramarins.
S'agissant du cadre de gouvernance territoriale, la loi pour le plein emploi pose un nouveau cadre de gouvernance dans le champ de l'insertion sociale et professionnelle, notamment en instituant des comités territoriaux pour l'emploi à chaque niveau territorial : les comités régionaux pour l'emploi en articulation avec les CREFOP, les comités départementaux pour l'emploi et les comités locaux pour l'emploi.
L'article 1er de la présente ordonnance adapte ces dispositions en son article L. 5523-7 pour les territoires de la Guadeloupe et de La Réunion, régions monodépartementales, en donnant la possibilité aux exécutifs locaux d'activer un droit d'option leur permettant de fusionner les comités prévus aux niveaux régional et départemental en une instance de gouvernance territoriale unique, dénommée comité pour l'emploi, et intégrée au CREFOP. La mise en œuvre de cette option nécessite l'accord du représentant de l'Etat dans la collectivité, du président du conseil régional et du président du conseil départemental. Le comité pour l'emploi sera alors co-présidé par le représentant de l'Etat, le président du conseil régional et le président du conseil départemental. Il mettra en œuvre les missions portées par les deux comités. A l'instar de ce qui est prévu dans le droit commun, il est prévu une option selon laquelle, par accord entre le représentant de l'Etat dans le territoire, le président du conseil régional et le président du conseil départemental, le CREFOP devient le comité pour l'emploi et exerce les missions en principe dévolues au CREFOP, au comité régional pour l'emploi et au comité départemental pour l'emploi. Le comité pour l'emploi est alors co-présidé par ces trois mêmes acteurs.
Il s'agit d'offrir aux territoires concernés la souplesse nécessaire pour adapter la gouvernance territoriale aux spécificités du territoire, dans une logique de simplification des instances de gouvernance, au regard des caractéristiques particulières de ces territoires, notamment l'équivalence de périmètres géographiques entre les territoires administrés par les deux niveaux de collectivité (régional et départemental).
L'article L. 5523-8 concerne la Guyane, la Martinique et Mayotte caractérisées par des collectivités territoriales uniques dotées d'un exécutif unique. Le texte confie à une instance de gouvernance territoriale unique (le comité pour l'emploi), intégrée au CREFOP, les missions en principe dévolues aux comités régional et départemental pour l'emploi. Il est également prévu une option selon laquelle, par accord entre le représentant de l'assemblée exécutive locale et le représentant de l'Etat dans le territoire, le CREFOP devient le comité pour l'emploi. Le comité pour l'emploi est co-présidé par le représentant de l'Etat dans le territoire et par le représentant de l'assemblée exécutive locale.
L'article L. 5523-9 concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon qui sont des collectivités territoriales uniques et présentent, en outre, la particularité supplémentaire d'avoir un maillage administratif à l'échelle locale ne permettant pas l'installation de comités locaux pour l'emploi. Le projet d'ordonnance confie en conséquence à une instance de gouvernance territoriale unique (le comité pour l'emploi), intégrée au CEFOP, les missions en principe dévolues aux trois niveaux de comités pour l'emploi (comité régional, comité départemental et comité local). L'instance est coprésidée par le représentant de l'Etat dans le territoire et par le représentant du conseil territorial concerné. Il est également prévu pour ces territoires une option selon laquelle, par accord entre le représentant de l'Etat dans le territoire et le président du conseil territorial concerné, le CEFOP devient le comité pour l'emploi et vient exercer l'ensemble des missions en principe dévolues au CEFOP et aux trois niveaux de comités territoriaux pour l'emploi.
S'agissant de l'adaptation du parcours du demandeur d'emploi lorsqu'il est bénéficiaire du RSA (orientation, accompagnement et sanctions), pour les territoires de Guyane, Mayotte et de La Réunion, les dispositions de la loi pour le plein emploi nécessitent d'être adaptées pour tenir compte des compétences dévolues à l'Etat pour ces territoires à la place des conseils départementaux et exercées par les caisses locales de sécurité sociale. En effet, le financement et la gestion du revenu de solidarité active (RSA) ont été transférés à l'Etat en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, à la demande de ces collectivités, en 2019 et en 2020.
Ainsi, si sur ces trois territoires, les conseils départementaux conservent la compétence d'insertion, cette recentralisation a conduit à transférer plusieurs compétences des collectivités aux caisses d'allocations familiales (CAF), ou, à Mayotte, à la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) : attribution du droit à prestation, orientation et sanction des bénéficiaires du RSA. Par ailleurs, à La Réunion et en Guyane, la CAF assure elle-même l'accompagnement des bénéficiaires percevant un RSA majoré, auprès desquels elle assure le rôle d'organisme référent.
L'article L. 5523-10 porté par l'ordonnance adapte en conséquence les dispositions applicables à l'orientation, l'accompagnement et les sanctions des demandeurs d'emploi bénéficiaires du RSA. Son 1° prévoit les adaptations relatives à l'orientation :
- d'une part, il transfère la compétence d'orientation des bénéficiaires du RSA, actuellement mise en œuvre par les caisses, à l'opérateur France Travail, en lui permettant de déléguer cette compétence aux caisses par convention ;
- d'autre part, il adapte la possibilité ouverte par la loi pour le plein emploi de préciser les critères nationaux d'orientation compte tenu des circonstances locales par un arrêté conjoint du préfet de département et du président du conseil départemental pour les bénéficiaires du RSA, après avis du comité départemental pour l'emploi. L'arrêté précisant les critères d'orientation relèvera ainsi de la seule compétence du préfet (au lieu d'une compétence conjointe préfet/président du conseil départemental), pris après avis du président du conseil départemental, et avis du comité pour l'emploi compétent, afin de tenir compte de l'organisation spécifique découlant de la recentralisation du RSA ;
- enfin, il inscrit les caisses d'allocation familiales de Guyane et de La Réunion au titre des organismes référents en charge du diagnostic global et de l'accompagnement vers lesquels les bénéficiaires du RSA majoré peuvent être orientés.
Son 2° précise les adaptations attachées au processus de réorientation des bénéficiaires du RSA en donnant la compétence à France Travail et non aux conseils départementaux.
Son 3° précise les adaptations attachées au processus de sanctions pour conforter les compétences exercées sur ces territoires par les caisses locales de sécurité sociale. Ainsi, le projet d'ordonnance tire les conséquences du maintien de la responsabilité des caisses locales sur le prononcé des mesures de sanction des bénéficiaires du RSA, ainsi que sur la constitution et l'animation des équipes pluridisciplinaires.
L'article 2 modifie les dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives au RSA dans les territoires de Guyane, Mayotte et de La Réunion, en particulier la répartition des compétences résultant de la recentralisation et l'exercice, par les caisses, des compétences d'orientation et de sanction des bénéficiaires du RSA dévolues dans le droit commun aux conseils départementaux. Ces adaptations sont nécessaires pour tenir compte de l'évolution des compétences issues de la loi pour le plein emploi.
Les 1°, 2° et 4° concernent respectivement la Guyane, La Réunion et Mayotte, pour lesquels les modifications consistent à titre principal :
- à transférer la compétence d'orientation des bénéficiaires du RSA des caisses à France Travail, tout en permettant à ce dernier de déléguer par convention cette compétence aux caisses. La possibilité ouverte à France Travail de déléguer la compétence à la caisse permettra aux territoires qui le souhaitent de conserver, pour une durée convenue, l'organisation, les processus et les outils mis en place localement depuis la recentralisation ;
- à prendre en compte les évolutions du régime de sanction des bénéficiaires du RSA en cas de refus de signer le contrat d'engagement ou de manquement à leurs obligations telles que définies par ce contrat, et notamment l'instauration de la nouvelle sanction mise en place par la loi pour le plein emploi, de suspendre le versement de l'allocation et son reversement pour une durée maximale de trois mois en cas de non-respect des obligations liées à cette allocation. Les décisions de sanction demeurent de la compétence des caisses.
Ses 3° et 5° adaptent à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon la gouvernance des services aux familles modifiée par les articles 17 et 18 de la loi pour le plein emploi :
- le 3° remplace la référence au conseil départemental par la référence à la collectivité territoriale à Saint-Pierre-et-Miquelon et prend en compte le dispositif local pour effectuer des formalités administratives de recrutement et de rémunération des assistants maternels.
Le 5° remplace la référence au conseil départemental par la référence à la collectivité territoriale à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Les articles 3 et 4 adaptent à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte les dispositions de l'article 18 de la loi pour le plein emploi qui sont relatives à l'action sociale de la branche famille de la sécurité sociale et aux prestations familiales servies par les caisses locales.
L'article 3 et le 1° de l'article 4 autorisent respectivement les caisses de sécurité sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte à prévoir des sanctions dans les conventions de financement au titre de leur action sociale des établissements ou de services d'accueil de jeunes enfants.
Le 2° de l'article 4 autorise la caisse de sécurité sociale de Mayotte à recouvrer des indus de complément de libre choix du mode de garde auprès des établissements ou de services d'accueil de jeunes enfants et non des parents.
L'article 5 augmente d'un an le délai mentionné au deuxième alinéa du IV de l'article 2 de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Martinique, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint Pierre-et-Miquelon. Ce délai, dont bénéficient les organismes référents pour conclure le contrat d'engagement avec chaque demandeur d'emploi dont ils assurent déjà l'accompagnement à la date d'entrée en vigueur de la loi est ainsi reporté d'un an par rapport au reste du territoire national, le portant au maximum à trois ans à compter de cette date, soit au plus tard le 1er janvier 2028.
L'article 6 fixe les dates d'entrée en vigueur de l'ordonnance au 1er janvier 2025, à l'exception des dispositions de l'article 1er dont l'entrée en vigueur est fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2025.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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