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Ordonnance relative à l'encadrement de la négociation collective dans les secteurs de la plateforme
Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise sur le fondement de l'article 2 de la loi n° 2022-139 du 7 février 2022 ratifiant l'ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes.
Cette habilitation s'inscrit dans le cadre des réformes entreprises pour mieux accompagner le développement de l'activité des plateformes de la mobilité, notamment par l'établissement d'un dialogue social structuré entre les représentants des plateformes et des travailleurs indépendants qui y recourent.
L'ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation, ratifiée par la loi n° 2022-139 du 7 février 2022 ratifiant l'ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes, a ainsi instauré le principe d'un dialogue social entre les plateformes et les travailleurs qui y recourent, au sein de deux secteur d'activités : celui de la conduite d'une voiture de transport avec chauffeur et de celui des activités de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non.
A cette fin, elle a organisé la représentation des travailleurs indépendants des plateformes via l'organisation d'une mesure de l'audience sous forme d'une élection nationale, sous l'égide d'un nouvel établissement public, l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (ARPE).
L'article 2 de la loi du 7 février 2022 précitée habilite le Gouvernement à poursuivre la réforme entreprise et à compléter les règles organisant le dialogue social de secteur entre les plateformes de la mobilité et les travailleurs indépendants qui y recourent pour leur activité. L'article 2 habilite également le Gouvernement à compléter les missions de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi ainsi que les obligations incombant aux plateformes de la mobilité à l'égard des travailleurs indépendants qui y recourent, afin de renforcer l'autonomie de ces derniers dans l'exercice de leur activité.
L'article 1er de l'ordonnance modifie en conséquence le chapitre VI du titre II du livre III de la première partie du code des transports.
L'objectif de ces dispositions est d'une part d'améliorer les modalités selon lesquelles ces travailleurs sont informés sur les propositions de prestation, notamment en ce qui concerne la destination, et peuvent y souscrire, notamment en disposant d'un délai raisonnable pour se prononcer sur ces propositions. Il s'agit d'autre part de garantir à ces travailleurs une marge d'autonomie pour déterminer les modalités de réalisation des prestations, notamment en ce qui concerne l'itinéraire, et les moyens mis en œuvre à cet effet, tels que le matériel utilisé. Cette habilitation vise à poursuivre le développement des dispositions introduites dans le code des transports par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (dite LOM), conformément aux préconisations du rapport « Réguler les plateformes numériques de travail » remis au Premier ministre le 1er décembre 2020.
Ainsi, l'article 1er complète l'article L. 1326-2 du code des transports afin d'imposer aux plateformes de communiquer aux travailleurs, lorsqu'elles leur proposent une prestation, la destination de cette prestation, en plus des informations d'ores et déjà énumérées à cet article, à savoir la distance couverte par cette prestation et le prix minimal garanti dont bénéficient les travailleurs. Il prévoit également que les plateformes laissent aux travailleurs un délai raisonnable pour accepter ou non une proposition de prestation. Ces modifications permettront aux travailleurs de disposer d'une meilleure connaissance des prestations qui leur sont proposées, et d'être en mesure, de manière plus éclairée, de choisir ou non de les accepter, avec le discernement requis par l'exercice d'une activité indépendante.
L'article 1er de l'ordonnance complète également l'article L. 1326-4 du code des transports afin de garantir aux travailleurs une marge d'autonomie supplémentaire dans la détermination des modalités de réalisation des prestations, au-delà du droit de choisir leurs plages horaires d'activité et leurs périodes d'inactivité ainsi que le droit de se déconnecter d'ores et déjà prévus par l'article. Il prévoit que, pour l'exécution de leurs prestations, les travailleurs ne peuvent se voir imposer l'utilisation d'un matériel ou d'un équipement déterminé, sous réserve des obligations légales et réglementaires en matière notamment de santé, de sécurité et de préservation de l'environnement. Cette disposition vise, conformément à l'habilitation, à ce que le travailleur puisse librement décider du matériel et de l'équipement avec lesquels il souhaite effectuer ses prestations, ce qui correspond à une caractéristique forte du travail indépendant. Il ne s'agit toutefois pas d'ôter toute capacité aux plateformes de convenir avec les travailleurs indépendants auxquelles elles recourent de l'emploi de matériel ou d'équipement caractéristiques d'un certain niveau de service, ou d'imposer l'emploi de matériel ou d'équipement imposés par ailleurs par des obligations légales ou réglementaires.
L'article 1er réaffirme, par ailleurs, le principe de non exclusivité de la relation commerciale entre les plateformes et les travailleurs indépendants qui y recourent. Il prévoit que ces derniers peuvent recourir pour leur activité à plusieurs intermédiaires ou acteurs de mise en relation avec des clients, ou commercialiser leurs prestations sans intermédiaire.
L'article 1er prévoit aussi que le travailleur détermine librement son itinéraire au regard notamment des conditions de circulation, de l'itinéraire proposé par la plateforme et le cas échéant du choix du client.
Enfin, afin de garantir une meilleure effectivité des droits énumérés à l'article L. 1326-4, l'article 1er prévoit que l'exercice de ces droits par les travailleurs indépendants ne peuvent engager leur responsabilité contractuelle et ne peuvent constituer un motif de suspension ou de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l'exercice de leur activité, telles que des déconnexions ponctuelles.
L'article 2 de l'ordonnance prévoit l'insertion, au sein chapitre III du titre IV du livre III de la septième partie du code du travail consacré aux travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique, de quatre nouvelles sections numérotées de 3 à 6.
La section 3 du chapitre III détermine les formes juridiques que peuvent revêtir les organisations susceptibles de représenter les entreprises de plateformes et met en place un cadre permettant de reconnaître leur représentativité au niveau des secteurs d'activité économique.
Sont reconnues représentatives les organisations qui remplissent les critères suivants : respecter les valeurs républicaines, être indépendante, satisfaire aux exigences de transparence financière, avoir une ancienneté minimale d'un an, démontrer son influence dans le secteur d'activité et représenter une audience suffisante.
Le critère de l'audience s'apprécie à hauteur de 30 % au regard du nombre de travailleurs inscrits sur les plateformes adhérentes à l'organisation, et à hauteur de 70 % au regard du montant total des revenus d'activités générés par les entreprises de plateformes adhérentes à l'organisation. L'audience agrégée calculée à partir de ces deux critères devra être supérieure à 8 %.
Les organisations de plateformes devront déposer leur candidature auprès de l'autorité des relations sociales des plateformes d'emploi, qui est chargée de contrôler le respect des critères mentionnés précédemment.
La liste des organisations reconnues représentatives dans les secteurs d'activité est arrêtée par le directeur général de l'autorité des relations sociales de plateformes d'emploi, au nom de l'Etat, après avis du conseil d'administration de l'établissement public.
L'ordonnance précise que pour le premier cycle de représentativité, les arrêtés fixant la liste des organisations représentatives seront publiés avant le 31 octobre 2022.
Les organisations reconnues représentatives désignent leurs représentants dont le nombre sera déterminé par décret.
La section 4 du chapitre III organise le dialogue social et la négociation collective au niveau du secteur.
La sous-section 1 établit ainsi la possibilité de conclure des accords au niveau des deux secteurs d'activité définis à l'article L. 7343-1, soit celui des activités de conduite d'une voiture de transport avec chauffeur et celui des activités de livraison de marchandises au moyen d'un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non. Ces accords peuvent déterminer au sein de chacun des secteurs concernés le champ d'application territorial et professionnel de leurs stipulations.
La sous-section 2 précise les conditions de négociation et de conclusion des accords collectifs de secteur.
Ainsi, les accords de secteurs sont négociés par les représentants des organisations de travailleurs et les représentants des organisations de plateformes reconnues représentatives.
Pour être valide, l'accord de secteur doit, d'une part, être signé par au moins une organisation de plateformes et par des organisations de travailleurs représentant plus de 30 % des suffrages exprimés lors des élections et d'autre part, ne pas avoir rencontré l'opposition d'organisations de travailleurs représentant 50 % des suffrages exprimés. Pour garantir que les organisations de travailleurs puissent négocier de manière éclairée, l'ordonnance prévoit que les organisations de plateformes communiquent aux organisations de travailleurs les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et répondent de manière motivée à leurs éventuelles propositions.
La sous-section 3 aborde le sujet des thèmes de négociation.
Pour favoriser la conclusion d'accords sur des sujets d'une importance particulière pour les travailleurs et les plateformes, l'ordonnance prévoit l'obligation d'engager une négociation tous les ans au niveau du secteur sur au moins un des thèmes suivants :
- les modalités de détermination des revenus des travailleurs, y compris le prix de leur prestation de services ;
- les conditions d'exercice de l'activité professionnelle des travailleurs, et notamment l'encadrement de leur temps d'activité ainsi que les effets des algorithmes et des changements les affectant sur les modalités d'accomplissement des prestations ;
- la prévention des risques professionnels et les dommages causés à des tiers ;
- les modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels.
Pour inciter les partenaires sociaux à négocier sur d'autre sujets, l'ordonnance liste également d'autres thèmes de discussion possibles, notamment les prestations de protection sociale complémentaire.
L'ordonnance prévoit également la possibilité de négocier des accords de méthode permettant à la négociation de s'accomplir dans des conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties.
La sous-section 4 précise les modalités d'application, de révision et de dénonciation des accords collectifs de secteur.
La sous-section 5 traite des effets des accords collectifs de secteur.
L'accord conclu s'applique aux plateformes adhérentes aux organisations signataires et à leurs travailleurs relevant des secteurs concernés. Il s'impose aux contrats commerciaux liant les plateformes et les travailleurs du secteur concerné, sauf s'agissant des stipulations plus favorables dans les contrats commerciaux. Il s'impose également aux engagements unilatéraux et aux chartes de responsabilité sociale que peuvent adopter les plateformes, sauf stipulations plus favorables.
Enfin, la sous-section 6 met en place une procédure d'homologation des accords de secteur.
Afin d'améliorer la protection de l'ensemble des travailleurs des plateformes des deux secteurs d'activité définis à l'article L. 7343-1, l'ordonnance crée une procédure d'homologation des accords de secteurs. Cette homologation a pour effet de rendre obligatoire pour toutes les plateformes et leurs travailleurs compris dans son champ d'application, les stipulations de l'accord. Elle n'est toutefois possible qu'en l'absence d'opposition d'une ou de plusieurs organisations représentant les plateformes reconnues représentatives dont le poids est supérieur à 50 %. L'homologation est décidée par l'ARPE qui peut être saisie à cet effet par toute organisation de travailleurs ou de plateformes reconnues représentatives. L'ARPE peut homologuer les clauses incomplètes au regard des dispositions légales sous réserve de l'application de ces dispositions. Elle peut également exclure de l'homologation les clauses illégales ou ne répondant pas à la situation du secteur considéré. Enfin, elle peut refuser l'homologation, pour des motifs d'intérêt général ainsi qu'en cas d'atteinte excessive à la libre concurrence.
La section 5 du chapitre III crée dans chaque secteur une commission de négociation. Cette commission sera composée des organisations reconnues représentatives côté plateformes et travailleurs. Outre la négociation d'accords, la commission pourra être un lieu d'échange d'informations et de dialogue entre organisations. Un décret fixera de manière supplétive le nombre et la composition de ses collèges, le nombre de sièges et leur répartition au sein des collèges tant qu'un accord de secteur n'aura pas été homologué sur ces sujets. En cas de difficultés dans le dialogue social sectoriel, l'ARPE, de sa propre initiative ou bien à la demande commune d'au moins une organisation de travailleurs et d'une organisation de plateformes, peut provoquer la réunion d'une commission mixte de négociation. Dans ce cas la commission est présidée par le directeur général de l'ARPE ou son représentant qui a pour mission de faciliter le déroulement des négociations.
La section 6 du chapitre III met en place un dispositif permettant tant aux organisations représentatives des travailleurs qu'aux organisations représentatives des plateformes de bénéficier d'une expertise financée par l'ARPE pour les accompagner lors des négociations d'accords de secteur. Les organisations doivent adresser leur demande à l'ARPE qui apprécie l'utilité de l'expertise sollicitée. Les conclusions de l'expert, qui doivent respecter le secret des affaires, seront communiquées à l'ensemble des organisations parties à la négociation.
L'article 3 procède à des ajustements afin de compléter les missions de l'ARPE au regard des nouvelles dispositions introduites dans l'ordonnance.
Il précise ainsi que le directeur général de l'ARPE est chargé de fixer la liste des organisations de plateformes reconnues représentatives, d'accompagner les représentants des travailleurs et des plateformes dans la mise en œuvre des règles de négociation collective et de rendre une décision sur l'homologation des accords de secteur. L'ordonnance prévoit également la possibilité pour l'ARPE d'observer les pratiques des plateformes, notamment en matière d'usage des algorithmes, des outils numériques et des données personnelles des travailleurs, de conduire des enquêtes ou études relatives à ces sujets et émettre des avis et préconisations.
L'article 4 ajoute une nouvelle section 3, au sein du chapitre V du titre IV du livre III de la septième partie du code du travail, qui attribue à l'ARPE une fonction de médiation afin de faciliter le règlement des conflits en matière de dialogue social entre plateformes et travailleurs indépendants. Le champ de cette médiation est concentré sur la mise en œuvre en œuvre des accords collectifs de secteur.
L'ARPE peut être saisie gratuitement, soit par une plateforme, soit par un représentant des travailleurs. Elle propose aux parties à la médiation un processus structuré leur permettant de parvenir à un accord et pourra, dans ce cadre, leur recommander des solutions.
L'article 5 regroupe l'ensemble des dispositions transitoires.
Le I concerne les dispositions transitoires en matière de mesure de l'audience et d'appréciation de la représentativité. Il prévoit que la représentativité des organisations de plateformes devra être arrêtée par l'ARPE au plus tard le 31 octobre 2022. Une seconde mesure de représentativité aura lieu au plus tard le 31 octobre 2024.
En outre, pour la première mesure d'audience, l'article 5 supprime la condition d'ancienneté et présume la transparence financière des organisations créées au cours de l'année 2022.
Pour les deux premières mesures, l'article 5 précise par ailleurs que le critère de l'influence sera exclusivement apprécié au regard de l'activité des organisations concernées.
Le II définit les thèmes de négociation du premier cycle. Pour les revenus et les conditions d'exercice de l'activité professionnelle, qui relèvent en principe de la négociation annuelle, celle-ci sera, pour le premier cycle, engagée dans les deux ans suivants la publication du dernier arrêté de représentativité.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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