Monsieur le Président de la République,
Département d'outre-mer depuis le 31 mars 2011 en application de l'article 1er de la loi n° 2010-1486 du 7 décembre 2010, Mayotte a progressivement accueilli l'application de nombreux codes et lois en vigueur dans l'Hexagone mais a continué à appliquer le code du travail spécifique à cette collectivité créé en 1991.
Après avoir, notamment par voie d'ordonnances, rapproché les dispositions du code du travail applicable à Mayotte de celles en vigueur dans les autres collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, le Premier ministre s'est engagé auprès des élus mahorais à appliquer le code du travail à Mayotte à compter du 1er janvier 2018 en signant le 13 juin 2015 le document stratégique « Mayotte 2025, une ambition pour la République ». Cet engagement a été inscrit dans la loi par l'article 120 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
Ce même article 120 a habilité le Gouvernement, après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives à Mayotte, à prendre la présente ordonnance qui prévoit :
- les mesures d'adaptations nécessaires à l'application à Mayotte de la partie législative du code du travail ;
- l'extension et l'adaptation de dispositions spécifiques en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle relevant du domaine de la loi et applicables dans l'Hexagone ;
- les conditions de l'abrogation du code du travail applicable à Mayotte.
Pour ce faire, le chapitre Ier de la présente ordonnance (articles 1er à 9) modifie les huit parties législatives du code du travail afin d'y insérer les dispositions d'adaptation nécessaires compte tenu de la situation particulière de Mayotte, en tenant compte des évolutions apportées par les ordonnances relatives au code du travail publiées le 22 septembre 2017.
L'objectif du Gouvernement, largement partagé par les élus et les partenaires sociaux locaux, est de prévoir l'application à Mayotte du code du travail dans les mêmes conditions qu'en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique ou à La Réunion. Dès lors, sous réserve de l'adaptation des formules rédactionnelles rendant applicables à Mayotte les dispositions du code déjà en vigueur outre-mer et de la prise en compte des spécificités institutionnelles de Mayotte, dont le conseil départemental exerçant les compétences d'un département et d'une région, les adaptations sont relativement peu nombreuses et principalement liées :
- au maintien de dispositions spécifiques à Mayotte prévues par le code du travail actuellement applicable, notamment, la commission consultative du travail qui regroupe sous l'égide de l'Etat les partenaires sociaux locaux, la possibilité de jours fériés spécifiques, le maintien d'un régime d'indemnisation du chômage négocié par les partenaires sociaux nationaux s'alignant progressivement sur le régime de droit commun avec des cotisations et des normes spécifique adaptées ;
- au renvoi à des dispositions réglementaires spécifiques pour fixer des seuils ou des taux particuliers tenant compte de la situation économique et sociale de la collectivité, par exemple pour la garantie financière des entreprises de travail temporaire, pour l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés, pour la revalorisation du taux de l'allocation spécifique de solidarité ou pour le financement de la formation professionnelle ;
- au maintien de certaines dispositions, notamment en matière d'application de normes collectives de travail ;
- à la nécessité de prendre en compte l'application progressive des dispositions du code de la sécurité sociale à Mayotte, afin d'aboutir à une application à Mayotte du droit commun de la sécurité sociale à moyen terme.
Le chapitre II de la présente ordonnance (articles 10 à 30) a trois objets :
- le premier consiste à supprimer dans une trentaine de codes, lois et ordonnances les références au code du travail applicable à Mayotte qui deviennent inutiles dès l'application du code du travail « de droit commun » au 1er janvier 2018 ;
- le deuxième rend applicables à Mayotte, sans adaptations particulières, les dispositions intéressant le droit du travail, de l'emploi ou de la formation professionnelle figurant dans le code de l'action sociale et des familles (conditions de travail des assistants maternels et familiaux, des éducateurs et aides familiaux), le code de l'éducation (touchant à la formation professionnelle), le code de la propriété intellectuelle (le salaire minimum des pigistes), le code du sport (les sportifs professionnels) et le code des transports (les conducteurs routiers, les gens de mer ou le personnel aérien) ;
- le troisième permet de rendre applicables à Mayotte des dispositions ne relevant pas du code du travail, mais dont la mise en œuvre est nécessaire à sa bonne application telle que la procédure de référé devant le tribunal du travail.
Enfin, le chapitre III de la présente ordonnance (articles 31 à 40) regroupe les dispositions d'abrogation, d'entrée en vigueur et transitoires.
Les articles 31 et 40 prévoient l'entrée en vigueur des dispositions de la présente ordonnance et l'abrogation du code du travail applicable à Mayotte au 1er janvier 2018 sous réserve d'adaptations prévues aux articles 33, 34, 36, 37 et 38 qui portent sur l'application :
- au 1er janvier 2019 des dispositions du code du travail relatives aux services de santé au travail, au compte personnel de formation et au compte d'engagement citoyen constitutifs du compte personnel d'activité ;
- au 1er janvier 2020 du chèque emploi service universel et du chèque emploi associatif ;
- au 1er janvier 2022 du conseil des prud'hommes, du portage salarial, de la prévention des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels et des conditions de sa mise en œuvre, de la journée de solidarité et du financement du congé individuel de formation pour certains salariés ;
- au 1er janvier 2022 au plus tard et selon des modalités déterminées par décret de certaines normes techniques de sécurité des machines et des équipements de travail.
L'application différée de ces dispositions s'explique par la nécessité de tenir compte de l'environnement local, des équilibres socioéconomiques, de l'application progressive des dispositions du droit de la sécurité sociale et à la nécessité pour l'administration, les employeurs, les salariés et les organisations syndicales ou professionnelles de mettre en œuvre de nouvelles méthodes de travail, de se former ou de s'équiper.
L'article 32 abroge certaines dispositions transitoires qui ne trouveront plus à s'appliquer à compter du 1er janvier 2022.
L'article 35 prévoit les modalités de mise en œuvre de la durée légale hebdomadaire du travail, actuellement fixée à 39 heures par le code du travail applicable à Mayotte qui est ainsi alignée sur celle prévue par le code du travail et accompagnée de mesures appropriées, en prévoyant le respect dans ce cadre d'une rémunération mensuelle brute minimale correspondant à 169 fois le taux du salaire minimum garanti au 31 décembre 2017, ainsi qu'une aide de l'Etat à l'intention des entreprises ayant fait baisser le temps de travail de leurs salariés.
Enfin, l'article 39 prévoit les modalités de compensation liées aux transferts de compétences au conseil départemental de Mayotte qu'entraîne l'application du code du travail, notamment en matière de formation professionnelle et d'aide à la création d'entreprise.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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