JORF n°0159 du 11 juillet 2014

RAPPORT relatif à l'ordonnance n° 2014-792 du 10 juillet 2014

Monsieur le Président de la République,
La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (LPM) habilite, à son article 55, le Gouvernement à prendre, par ordonnances, des dispositions législatives dans des domaines variés de la politique de défense.
Huit composantes de la politique de défense relevant du domaine de la loi sont ainsi identifiées. Ce champ varié de l'habilitation s'explique par la volonté de ne retenir dans les mesures normatives de la loi que les dispositions intéressant les axes stratégiques de la politique de défense et, pour permettre au débat parlementaire de se concentrer sur ces derniers, de renvoyer à des ordonnances les autres dispositions identifiées.
L'ordonnance qui vous est présentée ici répond à un double impératif que s'est imposé le Gouvernement. D'une part, une volonté de mettre rapidement en œuvre des dispositions prévues par l'article d'habilitation. D'autre part, le Gouvernement souhaite ne pas multiplier les ordonnances prises dans le cadre de l'article 55 de la LPM. Aussi, la présente ordonnance porte sur la quasi-totalité des huit thèmes identifiés, à l'exception de ce qui concerne l'amélioration des dispositions financières et domaniales du code de la défense (3°), de certains points relatifs aux dispositions statutaires (5°) ainsi que de la refonte du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (8°), sujet qui fera l'objet d'une ordonnance spécifique.
La présente ordonnance porte donc sur les 1°, 2°, 4°, 5°, 6° et 7° de l'article 55 de la LPM, sans pour autant que l'ensemble des mesures que le Gouvernement souhaite prendre au titre de ces items d'habilitation soient contenues dans cette première ordonnance.
Elle se compose de sept titres qui sont présentés ci-dessous.

Dispositions relatives à la prise en compte des réformes portant sur un nouveau dispositif statutaire et sur la défense civile et militaire (titres Ier, II et VII)

Ces dispositions visent, d'une part, à tirer les conséquences de la fusion des trois corps statutaires de commissaires de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la marine nationale dans le corps statutaire des commissaires des armées en modifiant ou en abrogeant plusieurs dispositions de nature législative qui font référence à l'un des trois anciens corps. La fusion des corps statutaires de commissaires s'inscrit dans une réforme des corps militaires de soutien et implique, pour que l'économie de la réforme ne soit pas déséquilibrée, de modifier les limites d'âge de certains corps (article 2).
D'autre part, il s'agit de prendre en compte la nouvelle terminologie « zone de défense et de sécurité » pour la substituer à celle de « zone de défense » dans la partie législative du code de la défense.

Dispositions relatives au droit de l'armement (titres III et VII)

Ces dispositions visent à étendre le régime des importations et exportations de matériels de guerre aux flux en provenance et à destination des collectivités d'outre-mer ainsi qu'à adapter le code de la défense aux évolutions du droit de l'armement.
La transposition de la directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté par la loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité a permis de faciliter les échanges sur le territoire intracommunautaire. Les dispositions qui ont modifié le code de la défense ne permettent pas de régir les flux d'armes en provenance ou à destination de certaines collectivités françaises d'outre-mer. Or, au regard du droit de l'Union européenne, elles ont le statut de pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne (PTOM) et sont considérées comme des pays tiers. Les modifications proposées viennent combler ce vide en faisant subsister un dispositif de contrôle des flux à destination et en provenance de ces collectivités, consistant à les considérer expressément comme des pays tiers dans le traitement des demandes d'autorisation d'importation ou d'exportation.
Par ailleurs, les travaux qui découlent des lois n° 2011-702 du 22 juin 2011 et n° 2012-304 du 6 mars 2012 ont conduit à examiner plusieurs dispositions du code de la défense et ont mis en évidence le besoin d'en modifier ou abroger certaines devenues inadaptées ou obsolètes.

Dispositions relatives aux activités nucléaires (titres IV et VII)

D'une part, il s'agit d'insérer dans la partie législative du code de la défense des dispositions relatives aux installations et activités nucléaires intéressant la défense (IANID). Ces dispositions visent en particulier à codifier le III de l'article 2 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « loi TSN », et à préciser les conditions et limites dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives aux IANID, en conformité avec l'article 7 de la Charte de l'environnement.
D'autre part, il s'agit de renforcer le cadre juridique concernant la protection des installations nucléaires. La mesure retenue consiste à donner compétence au préfet de département pour réglementer la circulation et le stationnement à proximité de toutes les installations nucléaires, qu'elles soient civiles ou militaires.

Dispositions relatives aux ressources humaines (titre V)

Ce titre regroupe quatre nouvelles dispositions portant application du 5° de l'article 55 de la loi de programmation militaire :
1° L'article 18 de la présente ordonnance, qui modifie l'article L. 4138-14 du code de la défense, a pour objet de transposer aux militaires le dispositif de « congé parental » dont bénéficient les fonctionnaires. Le congé demeure non rémunéré, accordé de droit sur simple demande du militaire, après la naissance ou l'adoption d'un enfant, sans préjudice du congé de maternité ou d'adoption qui peut intervenir au préalable. Les innovations du dispositif ouvrent ce droit à de nouveaux bénéficiaires (militaire qui assure la charge de l'enfant en vertu d'une filiation ou d'une décision administrative ou judiciaire), les deux parents militaires peuvent désormais prendre ce congé concomitamment pour élever le même enfant, les droits des militaires sont préservés pendant le congé (conservation des droits à l'avancement d'échelon, ainsi que considération de service effectif - en totalité la première année et réduction de moitié pour les années suivantes), conservation du droit à congé de maternité, de paternité ou d'adoption en cas de naissance ou d'adoption pendant le congé parental en cours ;
2° Le 2° du I de l'article L. 4139-16 du code de la défense définit, par corps, les limites d'âge associées à chaque grade. Or, dans le cadre de la rationalisation du paysage statutaire, il a été décidé qu'au 1er janvier 2016 les officiers du corps technique et administratif (CTA) de la marine qui n'auraient pas intégré le corps des commissaires des armées intégreront d'office le corps des officiers spécialisés de la marine (OSM), corps dont les limites d'âge sont plus basses que celui des CTA de la marine. En conséquence, il est nécessaire de modifier cet article et de prévoir, au profit des officiers du CTA de la marine affectés d'office dans le corps des OSM, la conservation de la limite d'âge de leur grade dans leur corps d'origine (CTA de la marine) ;
3° Il est décidé de créer au profit des militaires blessés en opérations extérieures, dont un retour à l'emploi est probable, un congé spécifique, relevant de la position d'activité : le congé du blessé. Ce congé s'applique à tout militaire blessé en opérations extérieures, qu'il soit de carrière, sous contrat ou réserviste. Cette création est la contrepartie de l'esprit de sacrifice et de l'acceptation des risques consubstantiels à l'état de militaire, en particulier pour ceux d'entre eux qui combattent en OPEX. Elle est aussi un moyen pour la Nation de manifester sa reconnaissance aux militaires qui reviennent blessés physiquement et psychologiquement ou qui y contractent une maladie ;
4° La possibilité en droit de prévoir une rémunération inférieure au SMIC pour certains militaires ne repose que sur une disposition de niveau réglementaire (article R. 4123-1 du code de la défense). Or, cet article déroge à un principe général du droit énoncé par le Conseil d'Etat dans son arrêt de section du 23 avril 1982 Ville de Toulouse c/Mme Aragnou (n° 36851). Il est donc nécessaire de modifier l'article L. 4123-1 du code de la défense afin d'y insérer le principe selon lequel les volontaires et élèves militaires perçoivent une rémunération qui peut être inférieure à la rémunération prévue à l'article L. 3231-2 du code du travail.

Dispositions relatives aux missions des organismes d'enquêtes du ministre de la défense (titre VI)

Les missions du bureau enquêtes accidents défense transport terrestre et du bureau enquêtes accidents transport mer sont prévues à l'article L. 3125-1 du code de la défense.
En application de cette disposition, ces bureaux sont compétents pour mener des enquêtes techniques relatives aux accidents ou incidents impliquant des moyens de transports spécifiques du ministère de la défense.
Fort de cette expérience, le ministère de la défense a décidé d'étendre la compétence de ces bureaux aux accidents de tir, de munitions et de plongée. Cet élargissement du champ de leurs pouvoirs d'enquête spécifiques nécessite une modification législative.
Destinée à permettre aux armées d'être pleinement opérationnelles en leur permettant de déterminer rapidement les causes des accidents de tir, de munitions et de plongée, cette mesure n'entrave pas le déroulement des enquêtes judiciaires ou instructions qui peuvent être ouvertes compte tenu de l'encadrement juridique dont font l'objet ces enquêtes.
Cette mesure a également pour objet d'actualiser, à la suite de l'entrée en vigueur du code des transports, les renvois opérés par les articles du code de la défense qui ne sont plus à jour.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.