Monsieur le Président de la République,
En application de l'article 1er de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 la collectivité de Mayotte est devenue un département d'outre-mer le 31 mars 2011. Le Gouvernement a été autorisé par l'article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 à prendre par ordonnances les mesures destinées à rapprocher les règles législatives applicables à Mayotte des règles législatives applicables en métropole.
Il existe à Mayotte un code du travail local qui régit les relations au travail. C'est ce code du travail que la présente ordonnance complète et enrichit, en adaptant, le cas échéant, les dispositions de droit commun au contexte économique et social de l'île, selon les règles fixées par l'article 73 de la Constitution.
Les domaines du droit du travail couverts par la présente ordonnance concernent :
I. ― Les grands principes de droit du travail
L'extension à Mayotte des dispositions du code du travail relatives aux grands principes de droit du travail permet de mieux prévenir :
― les discriminations, notamment en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
― le harcèlement ;
― la corruption.
II. ― Le paiement du salaire
Les règles actuellement applicables à Mayotte en matière de paiement des salaires font l'objet d'ajustements et de suppressions de dispositions obsolètes.
III. ― Le règlement intérieur et le droit disciplinaire
Les nouvelles dispositions sur le règlement intérieur, le droit disciplinaire et les congés payés annuels comblent certaines omissions du code applicable à Mayotte et introduisent des droits nouveaux pour le salarié mahorais.
IV. ― Le droit syndical
Le droit syndical figurait au nombre des priorités inscrites dans le Pacte pour la départementalisation de Mayotte. En effet, si le code mahorais actuel pose les grands principes du droit syndical, il restait à y inscrire l'ensemble des modes d'exercice de ce droit au sein de l'entreprise. La présente ordonnance étend à Mayotte, de façon progressive, les nouvelles règles applicables en matière de représentativité des organisations syndicales et de transparence financière introduites par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
L'ensemble des mesures prévues par la présente ordonnance a donné lieu à une consultation de la commission consultative du travail, instance de concertation prévue par le code du travail applicable à Mayotte. Les réunions se sont tenues les 20 juillet et 12 décembre 2011.
Pour une approche explicite de la présente ordonnance, il sera fait mention, lors de la présentation de chaque dispositif juridique, des règles qui :
― modifient de façon substantielle les règles du droit du travail en vigueur à Mayotte ;
― dérogent à titre provisoire ou définitif au droit commun du travail, en raison des caractéristiques sociales, économiques et culturelles de l'île.
Il convient enfin de noter que si la reprise des dispositions de droit commun dans le code du travail applicable à Mayotte aboutit nécessairement à modifier le plan actuel de celui-ci en lui substituant celui du code du travail métropolitain, l'option retenue a été de limiter cette réorganisation du code mahorais aux seules thématiques retenues par la présente ordonnance.
L'article 1er modifie le livre préliminaire du code du travail applicable à Mayotte. Les six titres qui le composent désormais portent sur le champ d'application du code, les règles en matière de calcul des effectifs et les droits fondamentaux du travail :
― le titre Ier relatif au « champ d'application et au calcul des effectifs » ne modifie pas en profondeur les règles applicables à Mayotte mais prend en compte les nouveaux contrats aidés introduits par l'ordonnance n° 2011-1641 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active au Département de Mayotte (contrats d'accompagnement dans l'emploi) ;
― le titre II intitulé : « Droits et libertés dans l'entreprise » comporte un seul article qui a pour objet de prévenir les restrictions non justifiées aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives ;
― le titre III renforce le principe de non-discrimination dans l'entreprise en alignant le droit mahorais actuel sur le droit commun (chapitre II) ; il précise par ailleurs les différences de traitement autorisées (chapitre III) et la possibilité pour la victime d'une discrimination de saisir la justice (chapitre IV). Le seul aménagement apporté à la liste des causes de discrimination porte sur le statut civil, spécificité qui est conservée par l'article L. 032-1 du code du travail applicable à Mayotte ;
― le titre IV pose le principe de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (chapitre Ier). Il renforce les dispositions générales du code du travail applicable à Mayotte et introduit la possibilité pour la victime de saisir la justice (chapitre IV) ; par ailleurs, il tend à promouvoir le principe de l'égalité professionnelle en permettant aux entreprises de Mayotte de conclure des plans et contrats pour l'égalité professionnelle (chapitre III) ;
― le titre V introduit dans le code mahorais l'ensemble du dispositif du code du travail destiné à lutter contre le harcèlement moral ;
― le titre VI complète le dispositif mahorais actuel de prévention de la corruption.
L'article 2 modifie les titres II, III, IV et V du livre Ier du code du travail applicable à Mayotte.
Les modifications qui affectent les titres II et III portent pour l'essentiel sur des modifications de structure du code consécutives au regroupement de thèmes dispersés jusqu'à présent dans le code applicable à Mayotte et désormais regroupées selon le plan retenu par le code du travail métropolitain.
Le titre IV intitulé : « Salaire » est réorganisé sur la base du plan du code métropolitain et introduit quelques ajustements au droit du travail mahorais en matière d'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, d'une part, et de paiement des salaires, d'autre part. Sur ce dernier point, l'ajustement se limite à la suppression de dispositions obsolètes (exemple : suppression de l'obligation de tenir un livre de paie).
Le nouveau titre V introduit les dispositions du droit commun en matière de règlement intérieur et de droit disciplinaire. Il en résulte quelques ajustements par rapport au droit mahorais actuel.
L'article 3 modifie les chapitres III, IV et V du livre II du code du travail applicable à Mayotte :
Le chapitre III relatif aux congés payés est mis en conformité avec les règles de droit commun. Ainsi, de nouveaux droits sont accordés aux salariés mahorais :
― l'article L. 223-2 prévoit que les salariées de retour de congés pris à raison de leur grossesse ont droit à leurs congés annuels quelle que soit la période de congés retenue dans l'entreprise qui les emploie ;
― l'article L. 223-3 modifie les conditions d'ouverture du droit aux congés payés en les alignant sur le droit commun ;
― l'article L. 223-15 étend aux partenaires pacsés travaillant dans une même entreprise le principe du droit aux congés simultanés ;
― l'article L. 223-19 accorde un ou deux jours de congés supplémentaires en cas de fractionnement des congés à certaines périodes de l'année ;
― l'article L. 223-23 introduit des règles de détermination de l'indemnité de congé dans les professions où la rémunération est constituée en partie ou en totalité de pourboires.
En revanche, les dispositions du droit commun applicables aux caisses de congés payés instituées par l'article L. 3141-30 du code du travail ne seront pas étendues à Mayotte en raison des difficultés prévisibles auxquelles donnerait lieu la création de tels organismes dans le contexte mahorais. Les professionnels concernés (bâtiment et travaux publics) n'ont d'ailleurs pas manifesté le souhait, dans l'immédiat, de disposer de cet outil de mutualisation des droits à congés du personnel.
Si le chapitre IV du code du travail applicable à Mayotte est modifié à la marge (modification d'articles de renvoi), le chapitre V intitulé : « Autres congés » introduit une obligation nouvelle de rémunération des salariés bénéficiaires d'un congé de formation économique, sociale et syndicale (article L. 225-5). En revanche, les demandeurs d'emploi bénéficiaires d'un tel congé de formation ne pourront, dans l'immédiat, bénéficier du revenu de remplacement prévu par le code du travail, cette perspective étant liée à un accord des partenaires sociaux.
L'article 4 modifie plusieurs renvois inclus dans les articles du livre III du code du travail applicable à Mayotte : ces renvois sont consécutifs aux nouvelles dispositions introduites par la présente ordonnance dans les livres préliminaire et Ier.
L'article 5 modifie les titres Ier à V du livre IV du code du travail applicable à Mayotte :
Le titre Ier intitulé : « Les syndicats professionnels » étend à Mayotte l'ensemble du dispositif de droit commun relatif au droit syndical.
Le chapitre II qui traite de la représentativité des organisations syndicales introduit à Mayotte les règles prévues par la loi du 20 août 2008 précitée. Ces nouvelles règles vont progressivement se substituer à celles en vigueur à Mayotte fondées sur les anciens critères de représentativité. Les entreprises de Mayotte appliqueront les nouvelles règles fixées par les articles L. 412-1 à L. 412-6 dès le 1er janvier 2013. En conséquence, à compter de cette date, les élections professionnelles (comité d'entreprise, délégués du personnel) devront être organisées en conformité avec les dispositions nouvelles prévues par le droit commun.
Par ailleurs, les entreprises de Mayotte participeront à la mesure de l'audience des organisations syndicales au niveau de la branche et au niveau national et interprofessionnel dans les conditions fixées par les articles L. 412-7 à L. 412-12 pour la première fois :
― lors du second cycle de mesure de l'audience des organisations syndicales qui prendra en compte les résultats des élections professionnelles organisées au sein des entreprises de Mayotte (le second cycle couvre la période 2013-2016) ;
― lors du second scrutin organisé au niveau national auxquelles les entreprises de moins de dix salariés participeront (en 2016).
Le chapitre III étend à Mayotte les dispositions de droit commun relatives au statut juridique des syndicats, aux ressources et aux moyens dont ils disposent. Si les dispositions relatives au statut juridique ne modifient que sur la forme les dispositions du code mahorais actuel, les dispositions relatives à la certification et la publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles issues de la loi du 20 août 2008 précitée créent des obligations nouvelles ; elles ne s'appliqueront qu'à compter de l'exercice comptable 2016, afin de laisser aux organisations mahoraises le temps de s'adapter aux nouvelles exigences du droit commun.
Le chapitre IV nouveau du code modifie et complète les dispositions relatives à l'exercice du droit syndical à Mayotte en étendant au nouveau département les prérogatives attachées à la création des sections syndicales et en instituant le délégué syndical. Les prérogatives attachées à la création des sections syndicales s'appliquent immédiatement, à l'exception des dispositions relatives au représentant de la section syndicale dont l'entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2013. Les dispositions de droit commun relatives au délégué syndical, ses conditions de désignation, ses prérogatives ainsi que la protection spéciale dont il bénéficie s'appliquent immédiatement.
Les dispositions des titres III, IV et V du code du travail applicables à Mayotte ne sont affectées que par des modifications de renvois et une abrogation des articles L. 450-1 et L. 450-2, dont le contenu est repris par les articles L. 413-26 et L. 413-27.
Les articles 6 et 7 modifient respectivement des renvois dans le livre VI relatif au contrôle de l'application de la législation et de la réglementation et le livre VII relatif à la formation professionnelle.
L'article 8 a pour objet de prendre en compte l'ensemble des conséquences issues de la refonte du code du travail de Mayotte : les références au code du travail applicable à Mayotte incluses dans d'autres codes ou textes législatifs sont remplacées par les dispositions correspondantes issues de la présente ordonnance.
L'article 9 fixe les règles relatives à l'entrée en vigueur de l'ordonnance :
― le I précise la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance, soit le premier mois du jour suivant sa publication ;
― les II et III déterminent les exceptions à ce principe, notamment :
― le II précise en 1° que les règles en matière de publicité et de certification des comptes des organisations professionnelles seront applicables en 2016. Les 2° à 7° fixent quant à eux les dates d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la représentativité des organisations syndicales (ainsi que de celles qui y renvoient) ;
― le III dresse la liste des articles du code du travail de Mayotte dont l'entrée en vigueur est liée à la publication des décrets ou, au plus tard, au 1er octobre 2012.
Les articles 10 à 14 fixent les dispositions transitoires applicables à Mayotte dans l'attente de l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles :
L'article 10 prévoit que ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs les bénéficiaires de contrats aidés en cours (contrats emploi-solidarité, contrat emploi consolidé et de contrats de retour à l'emploi), ces dispositifs étant désormais remplacés par le contrat unique d'insertion introduit à Mayotte par l'ordonnance n° 2011-1636 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du contrat unique d'insertion au Département de Mayotte.
L'article 11 maintient pendant la période transitoire les critères de représentativité des organisations syndicales en vigueur à Mayotte.
L'article 12 prévoit que, jusqu'aux premières élections professionnelles organisées dans les entreprises de Mayotte à compter du 1er janvier 2013, les règles actuelles de représentativité des organisations syndicales continuent de s'y appliquer.
L'article 13 pose une règle analogue au niveau de la branche professionnelle : les règles traditionnelles de représentativité continuent de s'appliquer à Mayotte durant la période qui précède la première mesure de l'audience des organisations syndicales représentatives au niveau des branches professionnelles et au niveau interprofessionnel à laquelle les entreprises de Mayotte auront participé.
Sans attendre l'entrée en vigueur des règles de droit commun relatives à la représentativité des organisations syndicales, l'article 14 crée au sein de l'entreprise un régime transitoire d'exercice du droit syndical calqué sur le système en vigueur avant la loi du 20 mai 2008 précitée : ainsi la désignation du délégué syndical peut intervenir immédiatement dans les entreprises de plus de cinquante salariés ; de la même façon, les prérogatives attachées à la création d'une section syndicale peuvent être exercées au sein de l'entreprise dès la publication de la loi.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
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