Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance a pour objet l'extension et l'adaptation de dispositions du code rural et de la pêche maritime, et d'autres dispositions législatives, pour tirer les conséquences de l'accession de Mayotte au statut de département par l'effet de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.
L'habilitation à étendre et adapter ces dispositions par ordonnance, conformément à l'article 38 de la Constitution, résulte des 4° et 5° du III de l'article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte. Cette ordonnance devait, au terme de ces dispositions, intervenir dans les dix-huit mois suivant la publication de cette loi.
L'ordonnance est organisée en trois titres :
― le titre Ier comporte toutes les modifications apportées au code rural et de la pêche maritime du fait de la départementalisation de Mayotte ; il comprend sept chapitres qui correspondent aux sept premiers livres de ce code (aucune modification n'étant apportée aux livres VIII et IX, relatifs respectivement à l'enseignement agricole et à la pêche maritime, dont l'ordonnancement juridique actuel est postérieur à l'application à Mayotte du régime de l'identité législative en janvier 2008) ;
― le titre II porte sur les autres textes de nature législative modifiés en cohérence avec les adaptations apportées au code rural et de la pêche maritime ;
― le titre III regroupe les dispositions diverses et finales, et en particulier les dispositions transitoires et d'entrée en vigueur différée.
Une part substantielle du code rural et de la pêche maritime était déjà applicable à Mayotte, en particulier par l'effet de l'ordonnance n° 2007-1801 du 21 décembre 2007 relative à l'adaptation à Mayotte de diverses dispositions législatives, prise à la suite de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer qui avait placé Mayotte sous le régime de l'identité législative. Toutefois, plusieurs matières demeuraient régies par le principe de spécialité, notamment l'aménagement rural, le droit du travail et la protection sociale. En conséquence, les livres du code rural et de la pêche maritime correspondant à ces matières ne trouvaient pas à s'y appliquer.
En outre, au sein des livres du code rural dont l'extension à Mayotte avait été réalisée, toutes les mesures d'adaptation utiles n'avaient pas été prises, notamment pour les dispositions renvoyant directement à des règlements communautaires, qui ne pouvaient pas s'y appliquer puisque Mayotte, n'étant pas encore une région ultrapériphérique de l'Union européenne, se trouve hors du champ d'application de ces règlements. Une adaptation des dispositions concernées a donc été introduite, afin que le contenu de ces règlements, à défaut de leur application de plein droit, soit rendu applicable à Mayotte, dans la perspective de son accession au statut de région ultrapériphérique de l'Union.
Les principales mesures d'adaptation portent, au chapitre Ier du titre Ier sur :
― la composition des commissions communale, intercommunale et départementale d'aménagement foncier, qui a été resserrée pour tenir compte des réalités mahoraises ;
― l'introduction, en matière d'aménagement foncier en zone forestière, de l'agroforesterie, en cohérence avec l'ordonnance recodifiant la partie législative du code forestier ;
― les règles applicables, notamment en cas d'opération d'aménagement, aux chemins ruraux qui continuent à relever du domaine du Département de Mayotte ;
― l'attribution de la compétence exercée en métropole par les SAFER à l'Agence de services et de paiement, qui assure déjà aujourd'hui cette mission par convention avec le Département de Mayotte ; une commission consultative spéciale permettra d'associer la profession agricole à la politique conduite par cet opérateur foncier ;
― l'application à Mayotte des dispositions, par exemple en matière de pastoralisme, dont le code rural prévoit qu'elles s'appliquent aux zones de montagne à tous les terrains d'une pente supérieure à 15 %, afin de favoriser la reconquête de terres agricoles aujourd'hui insuffisamment exploitées.
Au chapitre II, les adaptations prévoient, en l'absence d'équipement répondant aux normes actuellement en vigueur dans l'Union européenne, la possibilité de définir par la voie réglementaire les conditions d'installation, d'équipement et de fonctionnement d'abattoirs d'animaux de boucherie. Les normes en matière de production des denrées alimentaires ou de produits destinés à l'alimentation animale, d'importation d'animaux vivants, de produits ou sous-produits d'origine animale ou d'aliments pour animaux ou d'importation de produits végétaux sont définies par référence à celles en vigueur dans les autres départements de métropole ou d'outre-mer, afin d'assurer l'application de l'acquis communautaire en vue de l'intégration de Mayotte comme région ultrapériphérique de l'Union européenne.
Au chapitre III, différentes adaptations sont apportées aux formes juridiques de l'exploitation agricole, comme par exemple le statut des conjoints collaborateurs, et, au chapitre IV, le régime des baux à long terme qui, jusqu'ici, n'était pas applicable à Mayotte est étendu.
L'organisation particulière de la chambre de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte, qui exerce à la fois les compétences d'une chambre d'agriculture et d'un comité régional des pêches maritimes, est maintenue, pour une durée limitée, au chapitre V. Il est toutefois prévu que cette organisation particulière soit abrogée « à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2019 », soit avant le renouvellement général des chambres d'agriculture suivant celui prévu en 2013. Lorsque les conditions en seront réunies, le régime de droit commun s'appliquera donc, avec une chambre d'agriculture et un comité régional des pêches distincts.
Au chapitre VII, l'article 15 étend à Mayotte les règles applicables en matière de protection sociale des non-salariés agricoles dans les autres départements d'outre-mer, la gestion de ce régime restant confiée à une caisse de mutualité sociale agricole désignée par les ministres de l'agriculture et de la sécurité sociale, adossée à la caisse de sécurité sociale de Mayotte qui conservera les relations directes avec les prestataires. L'affiliation est rendue obligatoire pour les non-salariés qui exercent une activité de production végétale ou animale sur une superficie supérieure à deux hectares pondérés ou à laquelle ils consacrent, lorsqu'il n'existe pas de coefficient d'équivalence en hectares, un temps de travail au moins égal à un seuil fixé par décret. Cette définition est destinée à tenir compte de la réalité actuelle de l'agriculture mahoraise, essentiellement vivrière et familiale, et à favoriser une évolution progressive vers une agriculture professionnelle, notamment par le fait que les exploitants pourront bénéficier, lorsqu'ils mettent en valeur l'équivalent de moins de 40 hectares pondérés, des mêmes exonérations de cotisations sociales que celles qui s'appliquent aux exploitants des autres départements d'outre-mer. En coordination avec les dispositions de l'ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l'évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation, l'institution de ce régime de non-salariés agricoles prend effet au 1er janvier 2015. D'ici là, les exploitants agricoles continueront de relever du régime des « travailleurs indépendants » de la caisse de sécurité sociale de Mayotte.
S'agissant des prestations, si celles relatives à l'assurance maladie, invalidité et maternité, aux prestations familiales et à l'assurance vieillesse de base sont rendues applicables au 1er janvier 2015, une montée en charge progressive est prévue, à l'article 21 du titre III pour l'assurance vieillesse complémentaire obligatoire et l'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des non-salariés et pour les prestations familiales, qui seraient étendues à compter de 2019.
Au même chapitre, l'article 16 rappelle les dispositions du régime général en vigueur et applicables aux salariés agricoles.
L'article 17 dispose que la réglementation du travail applicable aux salariés agricoles est celle du code du travail applicable à Mayotte, sous réserve que quelques dispositions spécifiques aux professions agricoles et contenues dans le code rural et de la pêche maritime que cet article a justement pour objet d'étendre et d'adapter à Mayotte au sein d'un chapitre III bis du titre VI du livre VII. Toutefois, pour ne pas créer de déséquilibre avec le régime général, certaines dispositions du code rural relatives à la durée du travail, à l'emploi des jeunes travailleurs ou au travail en hauteur dans les arbres sont exclues de l'application à Mayotte : ce sont donc les dispositions du code du travail applicable à Mayotte qui régiront ces matières.
Certaines dispositions, comme la lutte contre le travail illégal, entrent en vigueur à compter de la publication de l'ordonnance, les autres dispositions n'entrent en vigueur avec effet différé, jusqu'en 2016 comme les règles applicables à l'hébergement des salariés ou au congé formation, jusqu'en 2020 pour les autres dispositions afin de laisser le temps aux exploitations agricoles de s'y adapter.
Le titre II modifie plusieurs dispositions de nature législative en cohérence avec les adaptations réalisées par le code rural et de la pêche maritime.
L'article 18 abroge l'article 2504 du code civil, ce qui a pour effet de rendre applicables à Mayotte les dispositions de ce code en matière d'attributions préférentielles pour les preneurs de baux à long terme.
L'article 19 adapte à Mayotte certaines dispositions de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 modifiée relative aux associations syndicales de propriétaires.
L'article 20 actualise, dans différents articles du code rural et de la pêche maritime, les références au code du travail, et l'article 21 comporte les dispositions temporaires ou d'entrée en vigueur différée.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre profond respect.
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