JORF n°177 du 2 août 2000

III. - Sur l'exercice d'un pouvoir de sanction

par le Conseil supérieur de l'audiovisuel

A. - Les dispositions de la loi déférée relatives à ce pouvoir de sanction sont contestées à un double titre.

  1. Est d'abord en cause l'article 42-4, introduit dans la loi du 30 septembre 1986 par le VI de l'article 71 de la loi déférée, qui prévoit que :

« Dans tous les cas de manquement aux obligations incombant aux éditeurs de services de radiodiffusion sonore ou de télévision, le CSA ordonne l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes, la durée et les conditions de diffusion. Le CSA demande à l'intéressé de lui présenter ses observations dans un délai de deux jours francs à compter de la réception de cette demande. La décision est ensuite prononcée sans que soit mise en oeuvre la procédure prévue à l'article 42-7. Le refus de se conformer à cette décision est passible d'une sanction pécuniaire dans les conditions fixées aux articles 42-2 et 42-7. »

Cet article s'applique aux chaînes privées. L'article 72 de la loi déférée introduit une disposition identique à l'article 48-3 de la loi du 30 septembre 1986 qui s'applique aux chaînes publiques.

Les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires au principe de nécessité des peines en tant qu'elles instituent une sanction automatique.

  1. Ils mettent également en cause le VIII de l'article 71 et le III de l'article 72 de la loi déférée, qui suppriment les dispositions des actuels articles 42-7 et 48-6 de la loi du 30 septembre 1986 qui imposent, lorsque le CSA envisage d'infliger certaines sanctions, la désignation par le vice-président du Conseil d'Etat d'un membre de la juridiction administrative chargé d'instruire le dossier et d'établir un rapport.

Les requérants estiment que ces dispositions sont contraires à la Constitution en tant qu'elles suppriment une garantie procédurale pour les titulaires d'autorisation qui encourent une sanction.

B. - Ces critiques appellent les remarques suivantes.

  1. S'agissant du pouvoir d'appréciation du CSA, on rappellera, à titre liminaire, que le caractère automatique d'une sanction n'est pas, en soi, un motif d'inconstitutionnalité dès lors que sont respectés les principes de nécessité et de proportionnalité des peines (cf. par exemple, à propos du mécanisme du « permis à points », la décision no 99-411 DC du 16 juin 1999).

Cela étant, le Gouvernement n'était pas favorable à la rédaction retenue par le VI de l'article 71, qui semble prévoir un certain automatisme pour les décisions du CSA relatives à l'insertion d'un communiqué en cas de manquement aux obligations des éditeurs de services audiovisuels. Au demeurant, ce dispositif s'insère difficilement dans le reste de l'article, qui dispose que l'intéressé est auparavant invité à présenter ses observations. Le texte ne peut donc se comprendre que comme réservant en tout état de cause au CSA la possibilité de ne pas donner suite à son intention de prendre une telle mesure, en fonction des observations ainsi recueillies.

  1. Quant à la suppression de l'intervention d'un rapporteur désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, elle ne méconnaît pas les exigences de la jurisprudence dont se prévalent les requérants.

Contrairement, en effet, à ce qu'ils soutiennent, le Conseil constitutionnel n'a jamais consacré une sorte d' « effet-cliquet » qui interdirait, de manière générale, au législateur de revenir sur ce qu'il a antérieurement décidé. Le principe est, au contraire, que le législateur peut toujours modifier ou abroger des textes antérieurs en leur substituant, ou non, d'autres dispositions. Il peut, en particulier, définir des règles nouvelles en supprimant des dispositions qui ne lui paraissent plus utiles. La seule contrainte qui encadre ce pouvoir est que son exercice ne doit pas aboutir à priver de garanties légales des exigences constitutionnelles, ce qui conduit à porter une appréciation globale sur un dispositif donné, sans attacher nécessairement une importance déterminante à telle ou telle règle particulière.

Or, en l'espèce, la suppression contestée par la saisine ne met en cause aucune des garanties essentielles devant nécessairement entourer le prononcé d'une sanction par une autorité administrative indépendante. On remarquera d'ailleurs qu'aucune procédure analogue n'existe dans les régimes applicables à des organismes comparables, notamment à la Commission des opérations de bourse ou à l'Autorité de régulation des télécommunications, dont les procédures ont été jugées conformes à la Constitution par les décisions no 89-260 DC du 28 juillet 1989 et no 96-378 DC du 23 juillet 1996.

En l'espèce, le législateur a simplement estimé, comme il lui appartenait de le faire en opportunité, que l'intervention d'un rapporteur extérieur - au demeurant non prévue pour toutes les sanctions énumérées à l'article 42-1 de la loi de 1986 - ne se justifiait plus compte tenu, d'une part, de l'expérience acquise par le CSA et, d'autre part, des inconvénients que présentait cette intervention en termes d'allongement des procédures.


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Version 1

III. - Sur l'exercice d'un pouvoir de sanction

par le Conseil supérieur de l'audiovisuel

A. - Les dispositions de la loi déférée relatives à ce pouvoir de sanction sont contestées à un double titre.

1. Est d'abord en cause l'article 42-4, introduit dans la loi du 30 septembre 1986 par le VI de l'article 71 de la loi déférée, qui prévoit que :

« Dans tous les cas de manquement aux obligations incombant aux éditeurs de services de radiodiffusion sonore ou de télévision, le CSA ordonne l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes, la durée et les conditions de diffusion. Le CSA demande à l'intéressé de lui présenter ses observations dans un délai de deux jours francs à compter de la réception de cette demande. La décision est ensuite prononcée sans que soit mise en oeuvre la procédure prévue à l'article 42-7. Le refus de se conformer à cette décision est passible d'une sanction pécuniaire dans les conditions fixées aux articles 42-2 et 42-7. »

Cet article s'applique aux chaînes privées. L'article 72 de la loi déférée introduit une disposition identique à l'article 48-3 de la loi du 30 septembre 1986 qui s'applique aux chaînes publiques.

Les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires au principe de nécessité des peines en tant qu'elles instituent une sanction automatique.

2. Ils mettent également en cause le VIII de l'article 71 et le III de l'article 72 de la loi déférée, qui suppriment les dispositions des actuels articles 42-7 et 48-6 de la loi du 30 septembre 1986 qui imposent, lorsque le CSA envisage d'infliger certaines sanctions, la désignation par le vice-président du Conseil d'Etat d'un membre de la juridiction administrative chargé d'instruire le dossier et d'établir un rapport.

Les requérants estiment que ces dispositions sont contraires à la Constitution en tant qu'elles suppriment une garantie procédurale pour les titulaires d'autorisation qui encourent une sanction.

B. - Ces critiques appellent les remarques suivantes.

1. S'agissant du pouvoir d'appréciation du CSA, on rappellera, à titre liminaire, que le caractère automatique d'une sanction n'est pas, en soi, un motif d'inconstitutionnalité dès lors que sont respectés les principes de nécessité et de proportionnalité des peines (cf. par exemple, à propos du mécanisme du « permis à points », la décision no 99-411 DC du 16 juin 1999).

Cela étant, le Gouvernement n'était pas favorable à la rédaction retenue par le VI de l'article 71, qui semble prévoir un certain automatisme pour les décisions du CSA relatives à l'insertion d'un communiqué en cas de manquement aux obligations des éditeurs de services audiovisuels. Au demeurant, ce dispositif s'insère difficilement dans le reste de l'article, qui dispose que l'intéressé est auparavant invité à présenter ses observations. Le texte ne peut donc se comprendre que comme réservant en tout état de cause au CSA la possibilité de ne pas donner suite à son intention de prendre une telle mesure, en fonction des observations ainsi recueillies.

2. Quant à la suppression de l'intervention d'un rapporteur désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, elle ne méconnaît pas les exigences de la jurisprudence dont se prévalent les requérants.

Contrairement, en effet, à ce qu'ils soutiennent, le Conseil constitutionnel n'a jamais consacré une sorte d' « effet-cliquet » qui interdirait, de manière générale, au législateur de revenir sur ce qu'il a antérieurement décidé. Le principe est, au contraire, que le législateur peut toujours modifier ou abroger des textes antérieurs en leur substituant, ou non, d'autres dispositions. Il peut, en particulier, définir des règles nouvelles en supprimant des dispositions qui ne lui paraissent plus utiles. La seule contrainte qui encadre ce pouvoir est que son exercice ne doit pas aboutir à priver de garanties légales des exigences constitutionnelles, ce qui conduit à porter une appréciation globale sur un dispositif donné, sans attacher nécessairement une importance déterminante à telle ou telle règle particulière.

Or, en l'espèce, la suppression contestée par la saisine ne met en cause aucune des garanties essentielles devant nécessairement entourer le prononcé d'une sanction par une autorité administrative indépendante. On remarquera d'ailleurs qu'aucune procédure analogue n'existe dans les régimes applicables à des organismes comparables, notamment à la Commission des opérations de bourse ou à l'Autorité de régulation des télécommunications, dont les procédures ont été jugées conformes à la Constitution par les décisions no 89-260 DC du 28 juillet 1989 et no 96-378 DC du 23 juillet 1996.

En l'espèce, le législateur a simplement estimé, comme il lui appartenait de le faire en opportunité, que l'intervention d'un rapporteur extérieur - au demeurant non prévue pour toutes les sanctions énumérées à l'article 42-1 de la loi de 1986 - ne se justifiait plus compte tenu, d'une part, de l'expérience acquise par le CSA et, d'autre part, des inconvénients que présentait cette intervention en termes d'allongement des procédures.