III. - Sur le respect de l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la loi et sur la répartition des compétences législative et réglementaire
A. - Les sénateurs, auteurs de la première saisine, observent que la simple lecture de la loi ne permet pas aux intéressés de prendre la mesure de l'ensemble des modifications que le nouveau système apportera à leur protection sociale. Ils considèrent que le texte adopté laisse dans l'ombre des points qui leur paraissent essentiels, s'agissant notamment du contenu des prestations, de la nature et des modalités de fonctionnement du fonds de réserve des rentes prévue à l'article L. 752-18. Il en va de même, selon les requérants, des modalités de gestion du régime, des rapports entre assureurs et assurés à partir de la date d'entrée en vigueur du nouveau système et du rôle que les assureurs y joueront. A leurs yeux, le caractère incomplet de la loi contrevient à l'objectif constitutionnel d'accessibilité, d'intelligibilité, de clarté et de précision de la loi.
Les sénateurs saisissants estiment que le législateur a, en même temps, méconnu l'obligation d'exercer pleinement la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution. Ils ajoutent que la loi n'encadre suffisamment ni la convention prévue au nouvel article L. 752-14, ni le pouvoir d'autorisation conféré au ministre de l'agriculture par le même article. Ils estiment en outre que la compétence attribuée à ce ministre pour fixer le montant des cotisations l'a été en violation des dispositions de l'article 21 de la Constitution qui réservent en principe au Premier ministre le pouvoir réglementaire d'exécution des lois. Ils critiquent de même le pouvoir reconnu par l'article L. 752-12 aux organismes de mutualité sociale agricole en matière notamment de classement des exploitations.
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
- S'agissant de l'objectif d'accessibilité, d'intelligibilité, de clarté et de précision de la loi, on soulignera, à titre liminaire, que la jurisprudence dont se prévalent les sénateurs saisissants ne saurait être interprétée comme pouvant conduire à ce qu'un régime juridique déterminé doive nécessairement être appréhendé, dans son ensemble, à la seule lecture d'un texte législatif : une telle interprétation reviendrait en effet à exiger, en méconnaissance de la répartition des compétences normatives opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution, que ce régime soit décrit en détail dans la loi.
C'est donc en vain que les sénateurs font valoir, dans leur recours, que la nature des prestations n'est pas suffisamment précisée : conformément à l'article 34 de la Constitution, la loi indique la nature des prestations offertes par la branche des accidents du travail des exploitants agricoles (indemnités journalières, rentes), leur montant, qui ne relève pas des principes fondamentaux de la sécurité sociale, étant fixé par voie réglementaire.
De même est-il normal que, s'agissant des modalités de gestion du fonds de réserve des rentes et, plus largement, du régime, seuls les principes soient posés dans la loi, la définition de ces modalités étant renvoyée au règlement. Quant aux autorisations données aux organismes assureurs autres que les caisses de MSA, l'article L. 752-13 en fixe le principe et indique qu'elles seront délivrées par le ministre chargé de l'agriculture, lequel n'aura donc pour mission, comme il a été souligné plus haut, que de vérifier que l'organisme en question a reçu l'autorisation d'exercer une activité d'assurance ou de mutuelle et qu'il a bien adhéré au groupement prévu par le même article.
Enfin les compétences du groupement auquel les organismes autres que les caisses de MSA doivent adhérer sont clairement définies par l'article L. 752-14 : il est chargé de représenter les organismes adhérents auprès des assurés et des pouvoirs publics, ainsi que de gérer, par délégation de ces organismes, les opérations afférentes au régime.
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La loi déférée n'est entachée d'aucune imprécision quant au régime transitoire. En effet, les articles 12 et 13 de la loi déférée énoncent, de manière détaillée, des dispositions transitoires destinées à faciliter la mise en oeuvre du nouveau régime, de telle sorte que celui-ci soit effectivement entré en vigueur au 1er avril 2002, tant en ce qui concerne la conclusion des nouveaux contrats avec les assureurs qu'en ce qui concerne les modalités de gestion du régime. A ce dernier titre, l'article 13 prévoit qu'au cas où la convention organisant les relations entre le groupement d'assureurs et les caisses de MSA ne serait pas approuvée au 15 mars 2002, un arrêté du ministre se substituerait à cette convention. Il va de soi que cette disposition n'a qu'une portée supplétive et au surplus largement théorique, dans la mesure où, en pratique, cette convention est en cours de mise au point entre la MSA et les assureurs.
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Les critiques mettant en cause la conformité à la Constitution de la délégation accordée au pouvoir réglementaire pour fixer les modalités d'application de la loi ne peuvent davantage être accueillies.
Conformément à ce qu'impliquent les dispositions de l'article 34, la loi énonce les principes d'organisation et de fonctionnement du régime de couverture des exploitants agricoles contre les accidents du travail, les modalités d'application étant renvoyées au règlement. Ce dernier fixera le montant des prestations et des cotisations et précisera les modalités de gestion du régime. Celles-ci seront complétées par une convention, de caractère purement technique, entre la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et le groupement des organismes assureurs autres que lesdites caisses (article L. 752-14).
En outre, et contrairement à ce qui est soutenu, la loi ne confie aucun pouvoir réglementaire à la MSA. C'est simplement du fait de sa qualité de gestionnaire du service public de la sécurité sociale de base des agriculteurs que la MSA se voit confier un rôle limité à la centralisation des informations et des ressources du régime, à la gestion du contrôle médical et de la prévention, et à la certification des immatriculations.
S'agissant enfin des cotisations, la loi ne méconnaît pas plus l'article 21 que l'article 34 de la Constitution. L'article L. 752-16 définit clairement les principes suivant lesquels elles seront fixées (prise en compte du taux de risque applicable à la catégorie d'exploitation considérée) et précise qu'elles ont un caractère forfaitaire. La fixation de leur montant en valeur absolue est renvoyée au pouvoir réglementaire, à l'exemple des cotisations forfaitaires d'accident du travail prévues pour certains salariés par l'article L. 241-5 du code de la sécurité sociale, qui sont fixées par arrêté ministériel. En l'occurrence, l'article L. 752-17 pouvait confier ce soin au ministre de l'agriculture sans méconnaître la jurisprudence dont se prévalent les requérants, dès lors que cette délégation a un champ d'application et un contenu limités (no 89-269 DC du 22 janvier 1990). La compétence ainsi accordée au ministre est d'autant plus encadrée qu'en raison du principe d'équilibre posé par le même article L. 752-17, il ne pourra que retenir les montants permettant de couvrir les charges du régime, compte tenu du classement des exploitations dans les différentes catégories de risques.
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