I. - Sur l'article 24 de la loi relative à la chasse
Le dernier alinéa de l'article 24 précité dispose que : « La pratique de la chasse à tir est interdite du mercredi 6 heures au jeudi 6 heures ou à défaut une autre période hebdomadaire de vingt-quatre heures comprise entre 6 heures et 6 heures, fixée au regard des circonstances locales, par l'autorité administrative après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage. »
Les requérants ont déjà soulevé, dans leur mémoire initial, l'inconstitutionnalité de cette mesure au regard du principe constitutionnel du droit de propriété, consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ils souhaitent développer ce moyen, d'une part, en complétant la démonstration de l'absence de « nécessité publique évidente », pourtant requise par l'article 17 de ladite Déclaration pour justifier une atteinte au droit de propriété et, d'autre part, en soulignant le caractère insuffisant de l'encadrement législatif du pouvoir ainsi dévolu à l'autorité administrative au regard de la jurisprudence constitutionnelle.
Sur l'absence de « nécessité publique évidente » justifiant une atteinte au droit de propriété :
L'article 24 de la loi ne contient aucune mention des motifs d'intérêt général justifiant l'instauration d'un jour de non-chasse. Or, si des limitations peuvent être apportées au droit de propriété, la loi doit être explicite quant aux motifs qui les justifient.
En effet, l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 exige de fonder toute atteinte au droit de propriété sur une nécessité publique, non seulement « évidente », mais aussi « légalement constatée ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 81-132 DC du 16 janvier 1982, évoque de plus comme seules limitations constitutionnelles au droit de propriété celles qui sont « imposées par l'intérêt général ».
Dès lors, il apparaît que le jour de non-chasse institué par l'article 24 de la loi, qui n'est fondé sur aucune « nécessité publique évidente légalement constatée », doit être déclaré contraire à la Constitution.
Sur le caractère insuffisant et imprécis de l'encadrement législatif du pouvoir dévolu à l'autorité administrative :
La seule précision encadrant le pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative réside dans la prise en compte des « circonstances locales », qui ne sauraient à elles seules suffire à légitimer le dispositif. Il en résulte que l'autorité administrative départementale sera livrée à elle-même pour fonder la décision d'instaurer un jour de non-chasse. De même, elle aura toute latitude tant pour définir le jour de la semaine concerné que pour motiver ce choix, puisque la rédaction retenue se contente de faire référence au mercredi ou, « à défaut », à une autre période hebdomadaire.
Cette absence d'encadrement législatif précis méconnaît la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle « l'administration doit fonder ses décisions, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs se référant à des fins d'intérêt général définies avec une précision suffisante par la loi » (décision no 85-189 DC du 17 juillet 1985).
Or, cette insuffisance de l'encadrement législatif aura des conséquences regrettables sur le contrôle que sera appelée à exercer la juridiction administrative sur les conditions de mise en oeuvre de la loi déférée. Alors que l'application du jour de non-chasse ne manquera pas de susciter un contentieux important, la rédaction insuffisante retenue à l'article 24 ne fournit, en effet, aucun élément au juge administratif pour fonder sa décision.
Ainsi, le jour de non-chasse institué par l'article 24 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution en ce qu'il repose sur un pouvoir discrétionnaire confié à l'administration sans que la loi définisse précisément les motifs d'intérêt général susceptibles de fonder et d'encadrer ce pouvoir.
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