II. - Sur l'article 14, paragraphe XI,
de la loi relative à la chasse
Le paragraphe XI de l'article 14 de la loi relative à la chasse complète l'article L. 229-5 du code rural en disposant que : « Dans les communes urbaines dont la liste est arrêtée dans les conditions de l'article L. 229-15, le conseil municipal peut, tous les neuf ans, décider de ne pas mettre en location la chasse sur son ban. Cette délibération fixe les conditions de gestion de la faune sauvage et de régulation des espèces susceptibles de causer des dégâts aux cultures, après avis de la commission consultative de la chasse prévue à l'article L. 229-4-1 et du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage prévu à l'article L. 221-27. Dans ce cas, les articles L. 229-3 et L. 229-4 ne s'appliquent pas. »
Au-delà des conditions contestables dans lesquelles le droit local a ainsi été modifié par voie d'amendement, sans consultation préalable de la commission d'harmonisation du droit local alsacien et mosellan ni concertation avec les instances locales, le contenu même de cette disposition se révèle contraire aux principes constitutionnels, en ce qu'elle porte une atteinte au droit de propriété, qui n'est justifiée par aucune nécessité publique évidente constatée par la loi.
En effet, l'article 14, paragraphe XI, ne respecte pas les règles fondamentales régissant le droit constitutionnel de propriété à trois égards.
D'une part, la commune qui décide de ne pas procéder à la location du droit de chasse sur son ban prive les propriétaires de terrains d'une contenance de vingt-cinq hectares au moins d'un seul tenant ou de lacs et étangs d'une superficie de cinq hectares au moins d'une prérogative fondamentale attachée à leur droit subjectif de propriété consistant à pouvoir se réserver l'exercice du droit de chasse sur leurs propriétés en application de l'article L. 229-4 du code rural. Or, cette atteinte au droit de propriété n'est aucunement justifiée par des limitations découlant de la prise en compte de l'intérêt général et n'est accompagnée d'aucun mécanisme d'indemnisation, pourtant exigés par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
D'autre part, l'inapplication de l'article L. 229-3 du code rural dans l'hypothèse où la commune opte pour la non-location du droit de chasse sur son ban a pour conséquence d'interdire la chasse sur les terrains militaires, les emprises de la Société nationale des chemins de fer, les forêts indivises entre l'Etat et d'autres propriétaires et sur les terrains entourés d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les propriétés voisines. Or, la commune n'est pas propriétaire de ces terrains. De ce fait, elle ne saurait légitimement exercer sur ceux-ci le droit de non-chasse en tant que prérogative attachée au droit de propriété, dont elle n'est, en l'occurrence, pas titulaire. Lui confier ce droit revêt donc le caractère d'une atteinte au droit de propriété. Mais, dans la mesure où cette atteinte n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général ni accompagnée d'une juste et préalable indemnisation, elle doit être considérée comme contraire à la Constitution, et notamment à l'article 17 de la Déclaration précitée.
Enfin, l'absence de motifs d'intérêt général justifiant l'atteinte au droit de propriété que représente le paragraphe XI de l'article 14 de la loi apparaît confortée par l'absence de définition législative des communes urbaines concernées. En effet, l'article précité se contente de renvoyer à un arrêté ministériel le soin d'établir la liste des communes urbaines, qui ne sont pas plus précisément définies dans la loi.
Pour toutes ces raisons, le paragraphe XI de l'article 14 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution.
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