JORF n°0240 du 9 octobre 2024

Partie 5 : La situation particulière des femmes migrantes et demandeuses d'asile

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Protection des femmes migrantes et demandeuses d'asile en France

Résumé Les femmes migrantes en France ont besoin de plus de protection contre les violences.
  1. En 2021, les femmes représentaient plus de 50 % (179) des personnes migrantes et des demandeurs d'asile en France. Or, un grand nombre d'entre elles sont victimes de toutes sortes de violences, que ce soit dans leur pays d'origine, lors du parcours migratoire ou après leur arrivée en France. C'est pourquoi, il est indispensable de leur accorder une attention particulière au moment de leur demande de droit au séjour et lors de leur prise en charge sur le territoire français. Notamment pour mieux identifier et prévenir les violences liées au genre et accompagner au mieux les éventuelles victimes, en particulier de traite des êtres humains. Selon de nombreux rapports (180), les violences subies par les femmes migrantes, autant physiques et sexuelles que morales, ont un caractère quasi systémique. Les femmes qui prennent le chemin de l'exil doivent quitter leur pays d'origine pour des raisons variées qui peuvent être politiques ou liées à des risques pour leur intégrité physique comme un mariage forcé, un risque de mutilation féminine ou encore en raison de violences conjugales… Au cours de leur parcours migratoire, elles sont souvent confrontées à des violences de la part des passeurs, de membres de la police ou de l'armée mais aussi d'autres migrants. A l'arrivée en France, ces violences et ces traumatismes spécifiques sont malheureusement peu ou mal pris en compte par les pouvoirs publics. Et nombre de ces femmes exilées se retrouvent en situation de vulnérabilité, de précarité et d'insécurité.
  2. Si les dernières lois précédemment adoptées (181) ont davantage traité de la situation des femmes, ce n'est pas le cas de la loi du 26 janvier 2024. Afin d'améliorer les conditions d'accueil des femmes étrangères ayant besoin de protection, il apparaît nécessaire de disposer d'informations plus précises sur les spécificités de leur situation. C'est pourquoi la CNCDH souligne l'importance d'améliorer le recueil des données relatives aux femmes. Le nouvel article L. 131-8 du Ceseda relatif à la publicité des rapports d'activité de la CNDA qui prévoit expressément de publier les données sur les persécutions « en raison du sexe » est une première avancée en ce sens.
  3. Les violences liées au genre nécessitent une formation constante des agents de la préfecture (qui sont le premier contact entre les femmes demandeuses d'asile et l'administration) ou de l'OFPRA, notamment pour la prise en compte des violences subies et des éventuels traumatismes et pour la proposition d'un accompagnement psychologique, physique et médical adapté. Dans le cadre de la demande d'asile, les femmes qui ont fui leur pays d'origine pour des violences liées au genre doivent prouver l'existence de ces violences et le risque de les subir de nouveau en cas de retour. Elles doivent exposer ces motifs dans le formulaire OFPRA, expliquer ces raisons lors de leur entretien et de nouveau devant la CNDA en cas de recours. La réitération du récit devant différents acteurs n'est pas toujours évidente car cela oblige les femmes à revivre, à de nombreuses reprises, des moments traumatisants devant des personnels de l'administration. Il est donc indispensable que les agents soient mieux formés à recevoir des informations qui peuvent s'avérer douloureuses pour les intéressées.
  4. Avec la généralisation du juge unique (voir supra), la CNCDH s'inquiète des risques encourus par ces femmes pour la reconnaissance de leur statut de réfugié. En effet, le juge unique conduit à un examen moins approfondi des dossiers ce qui peut notamment avoir des conséquences sur l'identification des victimes de traite des êtres humains ou de violences sexuelles. C'est pourquoi la CNCDH insiste sur l'importance de reconnaître, dans certains cas, les femmes comme appartenant à un « groupe social » tel que défini par la directive 2011/95. Ainsi, dès lors que : « ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l'identité ou la conscience qu'il ne devrait pas être exigé d'une personne qu'elle y renonce, et ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu'il est perçu comme étant différent par la société environnante ».
  5. Reconnaitre l'appartenance d'une personne qui sollicite l'asile à un groupe social permet de lui accorder la protection si elle est persécutée ou menacée pour des raisons autres que son opinion politique, sa religion, sa nationalité ou son ethnie (182). Pour accorder l'asile sur ce motif, il faut vérifier que le groupe social existe, déterminer si la personne requérante fait partie de ce groupe et si son appartenance à ce groupe la rend victime de discriminations ou de traitements inhumains et dégradants. Certains groupes sociaux concernent exclusivement ou majoritairement les femmes comme le groupe des femmes susceptibles de subir une excision, d'être mariées de force et de façon précoce et d'être victimes de traite des êtres humains ou de prostitution (183).
  6. Récemment, la Cour de justice de l'Union européenne a reconnu l'existence d'un groupe social des femmes dans la délivrance de la protection internationale. Dans un arrêt du 16 janvier 2024 (184), elle a affirmé que les femmes dans leur ensemble appartenant à un groupe social peuvent bénéficier du statut de réfugié. Cela constitue une avancée dans la protection des femmes par le droit d'asile. C'est ainsi que, selon cette jurisprudence, les femmes victimes de violences liées au genre dans leur pays d'origine pourraient bénéficier du statut de réfugié, si elles prouvent l'existence de ces violences ou le risque qu'elles encourent : « en fonction des conditions prévalant dans le pays d'origine, peuvent être considérées comme appartenant à “un certain groupe social”, en tant que “motif de la persécution” susceptible de conduire à la reconnaissance du statut de réfugié, tant les femmes de ce pays dans leur ensemble que des groupes plus restreints de femmes partageant une caractéristique commune supplémentaire ». En juin 2024, la CJUE a considéré, dans le cadre d'une question préjudicielle que les femmes, y compris mineures, qui partagent comme caractéristique commune l'identification effective à la valeur fondamentale de l'égalité entre les femmes et les hommes, peuvent être considérées comme appartenant à un certain groupe social, cette identification étant intervenue au cours de leur séjour dans un Etat membre (185). La CNCDH suivra avec attention la prise en compte de ces arrêts dans les décisions d'octroi d'une protection internationale, par l'OFPRA ou la CNDA.
    Recommandation n° 21 : La CNCDH réitère l'importance le principe de la formation collégiale à la CNDA. S'agissant des femmes, la CNCDH recommande d'améliorer leur accès à la demande d'asile en prenant en compte les violences liées au genre. Elle préconise, notamment, la formation des agents de préfecture et de l'OFPRA pour mieux appréhender les violences subies et offrir un accompagnement adapté, incluant le soutien psychologique et médical ; et d'accorder aux femmes victimes de violences liées au genre une protection internationale, en les reconnaissant comme appartenant à un « groupe social » au sens de la directive 2011/95.