JORF n°0260 du 25 octobre 2020

ANNEXE 2
LA RÉPARATION INTÉGRALE DU PRÉJUDICE ÉCONOMIQUE DES VICTIMES DE TRAITE PAR LE TRAVAIL

Après avoir fait l'objet d'une kafala (55), Mme B., jeune mineure d'origine marocaine, est amenée illégalement en France à l'âge de 12 ans par sa famille d'accueil qui, durant sept années, lui fait subir une situation de servitude domestique. Après s'être enfuie et avoir déposé plainte avec le soutien du Comité contre l'esclavage moderne, la jeune fille voit son affaire classée sans suite pour insuffisance de preuve. Mme B. et son conseil saisissent alors directement le juge d'instruction qui ouvre une information judiciaire. Celle-ci aboutit à la condamnation en appel de la famille d'accueil sur le fondement des délits d'obtention de la fourniture de services non rétribués (56) et d'aide au séjour irrégulier (57). Mme B. obtient la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral. Elle saisit alors le conseil des prud'hommes en vue d'obtenir la réparation de son préjudice économique. Déboutée de sa demande faute d'être titulaire d'un contrat de travail, elle se pourvoit en cassation.
La chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît alors, pour la première fois, dans un arrêt du 3 avril 2019 (58), le droit à la réparation intégrale du préjudice subi par les victimes d'exploitation économique et renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Paris qui alloue à Mme B., conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, une indemnisation de 280 000 euros au titre de son préjudice économique (59).
La CNCDH, si elle salue cette décision historique, regrette que cette victoire n'ait abouti qu'à l'issue de vingt années de procédure et souligne que, sans le soutien au long cours d'une association spécialisée, Madame B. n'aurait pu obtenir gain de cause.
Liste des personnes auditionnées :
M. Maxime Cessieux, Avocat ;
Mmes Mona Chamass Saunier et Annabel Canzian, respectivement directrice et coordinatrice du pôle juridique du Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) ;
M. Jean-Yves Constantin, du Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l'agriculture des Bouches-du-Rhône (Codetras) ;
Mme Maria Grazia Giammarinaro, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants ;
Mme Nagham Hriech Wahabi, directrice de l'Organisation internationale contre l'esclavage moderne (OICEM) ;
Mme Federica Marengo, cheffe de projets dans le pôle Prévention, hébergement, insertion, dispositif national ACSE et Monsieur Patrick Hauvuy, directeur dudit pôle ;
Mme Elisabeth Moiron-Braud, Secrétaire générale de la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains), accompagnée de Jessica Gourmelen, nouvellement chargée de mission à la MIPROF sur la traite des êtres humains.
Mme Brigitte Pesquié, Vice-Procureure à la section S2 du parquet de Paris ;
Mme Maryline Poulain, responsable immigration au sein de la CGT ;
M. Jean-Henry Pyronnet, Directeur du projet Lutte contre le travail illégal et les fraudes transnationales (Direction générale du travail) ;
M. Paul Ramackers, Directeur du travail Unité Départementale du Gard (DIRRECTE) et Secrétaire permanent du CODAF du Gard ;
Colonel Philippe Thuries, Chef de l'office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI).

(53) Voir, « On était traités comme des animaux » : la face cachée du travail saisonnier dans le secteur agricole, 21 septembre 2020, Bastamag.

(54) Voir le rapport 2019 de la Cour des Comptes « La lutte contre la fraude au travail détaché : un cadre juridique renforcé, des lacunes dans les sanctions ».

(55) Forme d'adoption dans le droit musulman qui ne prévoit pas le changement d'état civil.

(56) Article 225-13 du code pénal.

(57) Article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

(58) Soc. 3 avr. 2019, n° 16-20.490, D. 2019. 765 ; RDT 2019. 487, obs. R. Dalmasso ; RJS 2019, n° 339.

(59) Décision de la cour d'appel de Paris du 8 septembre 2020.


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Version 1

ANNEXE 2

LA RÉPARATION INTÉGRALE DU PRÉJUDICE ÉCONOMIQUE DES VICTIMES DE TRAITE PAR LE TRAVAIL

Après avoir fait l'objet d'une kafala (55), Mme B., jeune mineure d'origine marocaine, est amenée illégalement en France à l'âge de 12 ans par sa famille d'accueil qui, durant sept années, lui fait subir une situation de servitude domestique. Après s'être enfuie et avoir déposé plainte avec le soutien du Comité contre l'esclavage moderne, la jeune fille voit son affaire classée sans suite pour insuffisance de preuve. Mme B. et son conseil saisissent alors directement le juge d'instruction qui ouvre une information judiciaire. Celle-ci aboutit à la condamnation en appel de la famille d'accueil sur le fondement des délits d'obtention de la fourniture de services non rétribués (56) et d'aide au séjour irrégulier (57). Mme B. obtient la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral. Elle saisit alors le conseil des prud'hommes en vue d'obtenir la réparation de son préjudice économique. Déboutée de sa demande faute d'être titulaire d'un contrat de travail, elle se pourvoit en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît alors, pour la première fois, dans un arrêt du 3 avril 2019 (58), le droit à la réparation intégrale du préjudice subi par les victimes d'exploitation économique et renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Paris qui alloue à Mme B., conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, une indemnisation de 280 000 euros au titre de son préjudice économique (59).

La CNCDH, si elle salue cette décision historique, regrette que cette victoire n'ait abouti qu'à l'issue de vingt années de procédure et souligne que, sans le soutien au long cours d'une association spécialisée, Madame B. n'aurait pu obtenir gain de cause.

Liste des personnes auditionnées :

M. Maxime Cessieux, Avocat ;

Mmes Mona Chamass Saunier et Annabel Canzian, respectivement directrice et coordinatrice du pôle juridique du Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) ;

M. Jean-Yves Constantin, du Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l'agriculture des Bouches-du-Rhône (Codetras) ;

Mme Maria Grazia Giammarinaro, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants ;

Mme Nagham Hriech Wahabi, directrice de l'Organisation internationale contre l'esclavage moderne (OICEM) ;

Mme Federica Marengo, cheffe de projets dans le pôle Prévention, hébergement, insertion, dispositif national ACSE et Monsieur Patrick Hauvuy, directeur dudit pôle ;

Mme Elisabeth Moiron-Braud, Secrétaire générale de la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains), accompagnée de Jessica Gourmelen, nouvellement chargée de mission à la MIPROF sur la traite des êtres humains.

Mme Brigitte Pesquié, Vice-Procureure à la section S2 du parquet de Paris ;

Mme Maryline Poulain, responsable immigration au sein de la CGT ;

M. Jean-Henry Pyronnet, Directeur du projet Lutte contre le travail illégal et les fraudes transnationales (Direction générale du travail) ;

M. Paul Ramackers, Directeur du travail Unité Départementale du Gard (DIRRECTE) et Secrétaire permanent du CODAF du Gard ;

Colonel Philippe Thuries, Chef de l'office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI).

(53) Voir, « On était traités comme des animaux » : la face cachée du travail saisonnier dans le secteur agricole, 21 septembre 2020, Bastamag.

(54) Voir le rapport 2019 de la Cour des Comptes « La lutte contre la fraude au travail détaché : un cadre juridique renforcé, des lacunes dans les sanctions ».

(55) Forme d'adoption dans le droit musulman qui ne prévoit pas le changement d'état civil.

(56) Article 225-13 du code pénal.

(57) Article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

(58) Soc. 3 avr. 2019, n° 16-20.490, D. 2019. 765 ; RDT 2019. 487, obs. R. Dalmasso ; RJS 2019, n° 339.

(59) Décision de la cour d'appel de Paris du 8 septembre 2020.