Assemblée plénière du 15 octobre 2019 Résultat du vote : adoption à l'unanimité
Résumé
Engagée de longue date sur la thématique "Entreprises et droits de l'Homme ", la CNCDH suit de près les travaux menés depuis cinq ans par le Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies pour élaborer un "instrument international juridiquement contraignant " dans ce domaine. Elle a examiné la version révisée du projet d'instrument, dans le fil de sa déclaration du 2 octobre 2018 sur la version dite "zéro ".
La Commission salue l'élargissement du champ d'application de l'instrument à toutes les activités des entreprises, au-delà des seules activités transnationales. Elle se félicite de la référence expresse aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux droits de l'Homme et aux entreprises (Principes Ruggie), ainsi qu'aux instruments internationaux des droits de l'Homme afin d'assurer la cohérence du droit international. Elle note les améliorations apportées aux dispositions ayant trait aux différentes formes de responsabilité, mais souligne l'importance de distinguer davantage les responsabilités civile, administrative et pénale. Elle salue le rôle central accordé au devoir de vigilance, mais considère comme essentiel de mieux combiner la prévention et la réparation.
En outre, malgré des avancées certaines, d'importantes lacunes subsistent, signalées dans le présent avis. La CNCDH recommande que la France, en lien avec ses partenaires européens, joue un rôle moteur lors de la cinquième session du groupe de travail intergouvernemental.
Introduction
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La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) salue la publication d'un projet révisé d'instrument juridiquement contraignant (1) sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l'Homme par le Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée (OEIGWG), le 16 juillet 2019 (2). Elle regrette toutefois à nouveau que ce projet révisé n'ait pas été traduit dans les six langues officielles des Nations Unies (3) et ne peut qu'insister sur le fait que l'absence de traduction constitue un obstacle à l'accessibilité, la compréhension et à l'appropriation de l'instrument, par les Etats ainsi que l'ensemble des parties prenantes susceptibles d'être concernées (dont les entreprises, les syndicats, la société civile, les victimes de violation de leurs droits par une entreprise) (4).
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Engagée depuis plus de deux décennies sur la thématique "Entreprises et droits de l'Homme " (5) et rapporteur national indépendant sur la mise en œuvre du Plan national d'action pour la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l'Homme et entreprises de la France depuis 2017 (6), la Commission suit les travaux préparatoires de près. Elle a adopté une déclaration le 2 octobre 2018 sur la version antérieure du projet d'instrument (dite "version zéro ") (7), suivie d'une contribution au Groupe de travail intergouvernemental, rendue publique le 29 avril 2019 (8).
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La Commission réitère son appui aux négociations pour un instrument juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l'Homme. Cet instrument peut constituer une avancée pour le processus de responsabilisation des entreprises dans ce domaine. Il complèterait utilement les instruments internationaux, notamment ceux adoptés au sein des Nations Unies, de l'Organisation internationale du travail (OIT) et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (9). Leur développement a permis d'inciter les Etats à mieux encadrer les activités des entreprises pouvant avoir un impact sur les droits de l'Homme et d'encourager les bonnes pratiques des entreprises. Toutefois, un instrument international juridiquement contraignant reste nécessaire afin de garantir une protection plus efficace des droits de l'Homme, en renforçant la prévention des violations commises par les entreprises et en améliorant l'accès des victimes à des procédures de réparation (10). Son adoption à l'échelle universelle contribuerait également à une harmonisation des obligations qui pèsent déjà sur certaines entreprises en vertu du droit de l'Union européenne, favorisant ainsi une plus grande sécurité juridique et évitant la concurrence déloyale entre entreprises soumises à des obligations trop inégales. La CNCDH insiste sur la complémentarité entre cet instrument juridiquement contraignant et les autres normes sur les entreprises et les droits de l'Homme, qu'il vient consolider (11). Cette complémentarité doit être cohérente et contribuer à une protection plus efficace des droits de l'Homme.
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Plusieurs des recommandations exprimées dans ses déclaration et contribution (12) à propos de la "version zéro " ont été prises en compte dans le projet d'instrument publié en juillet 2019, ce dont la Commission se félicite. Ainsi, sa structure générale a gagné en clarté et son champ d'application a été élargi. De même, le préambule renvoie aux principaux instruments internationaux des droits de l'Homme (13) et fait une référence expresse aux Principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l'Homme et entreprises, dits Principes Ruggie (14). Pour autant, la rédaction mérite d'être perfectionnée tant sur le fond que sur la forme. En outre, des sujets de préoccupations et des lacunes demeurent. Sans que l'avis n'ait vocation à présenter une analyse exhaustive du projet révisé d'instrument juridiquement contraignant, la Commission souhaite attirer l'attention sur certains points.
Préciser le champ d'application et les définitions de l'instrument -
La Commission accueille avec satisfaction l'élargissement du champ d'application du projet révisé d'instrument juridiquement contraignant. Ne se cantonnant plus uniquement aux activités des entreprises transnationales, il s'applique à celles de toutes les entreprises (15). La Commission salue cette ouverture, qui s'accompagne de la nécessité pour les Etats d'accompagner les entreprises, en particulier les petites et moyennes (PME) (16), dans l'évolution de leurs "modèles d'affaires " ("business model ") afin de prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux. De même, la nouvelle formulation du projet d'instrument n'exclut plus les activités publiques de son champ d'application (17).
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La Commission se félicite également de la définition large des relations contractuelles qui fait référence aux activités menées notamment par l'intermédiaire des sociétés affiliées, filiales, agents ou fournisseurs (article 1§ 4). Elle recommande toutefois que l'expression de "relations d'affaires " ("business relationship ") soit préférée, car celle de "relations contractuelles " risque fortement d'être interprétée de façon restrictive. De plus, cette terminologie s'inscrirait en cohérence avec celle du droit international positif, avec laquelle les Etats et les entreprises sont déjà familiers (18). Le projet d'instrument gagnerait ainsi en lisibilité. Cela permettrait en outre de s'assurer que les rapports entre les sociétés mères et leurs filiales ne soient pas exclues (19).
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La CNCDH salue par ailleurs l'attention spécifique portée aux activités menées par les entreprises dans les zones touchées par un conflit ou territoires occupés (20).
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En outre, c'est une conception systémique des droits de l'Homme qui est retenue (21). Le projet d'instrument "vise tous les droits de l'Homme " (22) et mentionne notamment les droits environnementaux (article 1§ 2) (23). Cette conception est conforme à l'approche fondée sur les droits de l'Homme préconisée par la CNCDH, qui repose sur leur universalité, leur indivisibilité et leur interdépendance (24).
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Toutefois, certaines définitions méritent d'être précisées afin de clarifier l'étendue du champ d'application du projet révisé d'instrument. En particulier, la distinction entre "violations " et "abus " des droits de l'Homme commis dans le contexte d'activités des entreprises (article 1§ 2) mériterait d'être explicitée. En outre, la définition de victime (article 1§ 1) devrait être précisée. A cet égard, la Commission recommande que la notion de "proches " ("relatives ") soit préférée à celle de "famille immédiate " ou "personnes à charge de la victime directe " (25).
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Enfin, la CNCDH considère que c'est dans le corps de l'instrument que doit être mentionné le rôle des syndicats et des acteurs de la société civile dans la promotion et la protection de tous les droits de l'Homme, notamment des droits sociaux et environnementaux (26). Si l'article 11 fait référence aux mesures que les Etats doivent prendre, en partenariat notamment avec la société civile, pour promouvoir entre autres la coopération technique, le partage des bonnes pratiques et les études sur les violations des droits de l'Homme dans le contexte des activités des entreprises, il est essentiel que l'instrument rappelle plus précisément l'obligation des Etats de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer un environnement propice et sûr à l'exercice des rôles des syndicats et acteurs de la société civile, notamment en leur assurant une information et une consultation effectives.
Renforcer le devoir de vigilance -
La Commission salue à nouveau le rôle central accordé au devoir de vigilance (due diligence) (27) dans le projet révisé d'instrument, en particulier à l'article 5 sur la prévention (28). Cette disposition fait écho à la loi adoptée par la France sur le devoir de vigilance (29), à l'origine d'un mouvement visant à concrétiser la notion de diligence raisonnable développée dans les Principes Ruggie (30), les Principes de l'OCDE (31) ou la Déclaration tripartite de l'OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale (32), mouvement qui semble se répandre dans d'autres Etats. Le devoir de vigilance permet de prévenir toute conséquence négative que pourraient avoir les activités des entreprises par l'identification de leurs incidences sur les droits de l'Homme, leur prévention et l'atténuation de leurs effets (33).
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L'article 5 du projet révisé d'instrument met ainsi à la charge des Etats l'obligation d'imposer à toutes les personnes exerçant des activités d'entreprise sur leur territoire ou sous leur juridiction, d'exercer un devoir de vigilance en matière de droits de l'Homme, à savoir de les respecter et de prévenir leurs violations. A cette fin, un certain nombre de mesures que les Etats doivent imposer aux entreprises sont détaillées. L'instrument devrait toutefois aller plus loin sur ce point, conformément aux Principes Ruggie. Il est essentiel que tant la définition du contenu de l'obligation de vigilance que celle des "procédures nationales efficaces " que les Etats doivent mettre en place pour en garantir le respect, incluent toutes les dimensions des Principes Ruggie, en particulier celles relatives aux mesures de réparation (remedies) (34). La CNCDH recommande que l'article 5§ 2 soit complété par un e) qui intègre l'obligation de prévoir des mesures de réparation et de coopérer avec les victimes, ainsi qu'avec les personnes, groupes, syndicats ou organisations qui leur apportent leur soutien, pour faciliter l'accès des victimes à des voies de réparation appropriées et efficaces (35). De même, l'article 5§ 4 devrait prévoir que les Etats parties s'assurent que tout dommage résultant de l'absence de respect du devoir de vigilance doit engager la responsabilité de l'entreprise concernée et donner lieu à réparation (36).
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La Commission prend note avec satisfaction que les recours adéquats, efficaces et rapides que les Etats doivent mettre en place pour garantir l'accès à la justice des victimes incluent, sans s'y limiter, tant la restitution, la compensation, la réhabilitation, la satisfaction et les garanties de non-répétition pour les victimes (article 4§ 5 a) que l'assainissement de l'environnement et la restauration écologique (b) (37). La nécessité pour les Etats de prévoir des mécanismes de réclamation non-judiciaires est également rappelée (article 4§ 8). C'est bien "un système étatique complet de réparation des atteintes aux droits de l'Homme commises par les entreprises " que les Principes Ruggie encouragent les Etats à mettre en place (38).
Remédier aux dénis de justice -
La Commission considère que l'accès à des voies de recours effectives pour les victimes de violation des droits de l'Homme commises par des entreprises, tant judiciaires qu'extrajudiciaires, est primordial. Il participe à la nécessaire lutte contre l'impunité. A cet égard, elle souligne l'importance de l'article 4 sur les droits des victimes, qui vient compléter le troisième pilier des Principes directeurs des Nations Unies sur les voies de recours, le procès équitable et la réparation des violations (39). La Commission salue en particulier l'article 4§ 12 qui détaille les mesures que les Etats doivent prendre pour fournir une assistance juridique adéquate et efficace aux victimes tout au long de la procédure judiciaire. Cette disposition favorise le respect effectif de leurs droits, notamment face aux stratégies dissuasives adoptées à l'encontre de victimes ou de leurs défenseurs (40). De même, l'article 4§ 9 qui impose aux Etats parties de prendre "des mesures adéquates et efficaces pour garantir un environnement sûr et propice aux personnes, groupes et organisations qui promeuvent et défendent les droits de l'Homme et l'environnement ", est bienvenu. Il est toutefois essentiel que les syndicats soient expressément visés par cette disposition. Par ailleurs, la CNCDH souligne l'importance de l'article 4§ 12 e) : les victimes qui ont obtenu réparation ne seront pas tenues de rembourser les frais de justice de l'autre partie de la procédure. Toutefois, lorsque les requérants n'ont, au contraire, pas obtenu réparation, l'hypothèse retenue pour les dispenser de ce remboursement est restrictive : ils doivent démontrer l'absence ou l'insuffisance de leurs ressources économiques. La Commission recommande de prévoir que tant que l'action n'est pas vexatoire, abusive (notion d'allégation plausible, "arguable claim "), les requérants déboutés ne se voient pas imputer par le juge les coûts de la procédure (41).
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La Commission salue le maintien d'une possibilité de renverser la charge de la preuve en matière civile (42) (article 4§ 16) afin d'assurer l'accès de la victime à la justice et aux voies de recours (43). Cette disposition, en cas de rapports de force particulièrement inégaux entre les auteurs et victimes présumés des violations de droits de l'Homme, permet d'éviter les dénis de justice. Toutefois, en l'état, la formule du projet révisé d'instrument n'est pas une avancée : c'est "sous réserve du droit interne " que les tribunaux qui se déclarent compétents en vertu du présent instrument "peuvent " exiger, " en cas de besoin ", le renversement de la charge de la preuve afin d'assurer l'accès de la victime à la justice et aux voies de recours.
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La Commission salue par ailleurs les améliorations apportées à la rédaction de l'article 6 sur la responsabilité. Les responsabilités civiles, administratives et pénales restent néanmoins insuffisamment distinguées, ainsi que les responsabilités des personnes physiques et morales. Cette disposition semble avoir pour objet d'imposer aux Etats de garantir l'accessibilité des voies de recours civils pour toute atteinte aux droits de l'Homme et de prévoir une liste limitative d'atteintes graves à ces droits qui justifie une réaction pénale de leur part (44). La CNCDH recommande toutefois que la liste des infractions pénales prévues à l'article 6§ 7 ne soit pas limitative et soit complétée, notamment par les infractions énumérées dans la Convention des Nations Unies contre la corruption (45). Des corrections sont également à apporter, puisque l'article 6§ 7 c) renvoie de manière erronée aux articles 7 et 25 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (46). En outre, la Commission suggère que l'articulation entre les articles 5 et 6 soit améliorée. Le projet révisé d'instrument devrait énoncer plus clairement que les Etats doivent s'assurer que le non-respect des obligations découlant du devoir de vigilance imposées par l'article 5 entraîne l'engagement de la responsabilité des entreprises concernées. Inversement, elle recommande que l'article 6 précise que le fait pour une entreprise de satisfaire à ces obligations découlant du devoir de vigilance n'exclut pas la possibilité de voir sa responsabilité engagée pour d'autres motifs, conformément au droit national et international.
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L'article 7 confère la compétence à l'égard des actions présentées par les victimes pour les actes ou omissions ayant entraîné des violations des droits de l'Homme visées par le projet d'instrument aux tribunaux de l'Etat dans lequel sont intervenus ces actes ou omissions, résident les victimes (47) ou sont domiciliées les personnes physiques ou morales présumées les avoir commis dans le cadre de leurs activités d'entreprise (§ 1). La CNCDH se félicite de ce que la notion de domicile retenue est large : l'entreprise est considérée comme domiciliée à son lieu d'immatriculation (a), son siège statutaire (b), son administration centrale (c) et également au lieu "où elle détient des intérêts commerciaux substantiels " ("substantial business interests ") (d). Cette interprétation de la notion de domicile n'est pas une innovation en droit international. Elle se rapproche de la notion de "principal établissement " ("principal place of business ") du Règlement Bruxelles I de l'Union européenne, tel que modifié en 2012 (48). En outre, le Comité des droits de l'enfant a eu l'occasion de préciser que "[l]es Etats devraient favoriser l'accès à des mécanismes judiciaires et non judiciaires efficaces en vue d'assurer des réparations aux enfants et à leur famille en cas de violation de leurs droits par des entreprises opérant à l'étranger lorsqu'il existe un lien raisonnable entre l'Etat et le comportement concerné " (49). Or, selon le Comité, il existe "un lien raisonnable lorsqu'une entreprise a son cœur d'activité dans l'Etat concerné, y est immatriculée ou domiciliée ou y exerce l'essentiel ou une part substantielle de ses activités " (50).
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La Commission regrette en revanche que le projet révisé d'instrument ne prévoie pas l'exception de connexité, c'est-à-dire la compétence d'une juridiction pour juger de deux litiges ayant des liens étroits, alors même qu'une autre juridiction serait compétente, afin d'éviter que ne soient rendues des décisions incompatibles. De même, la question d'une pluralité de défendeurs est absente du projet, alors que cette configuration est courante en pratique. En outre, la Commission recommande que le projet d'instrument inclue le for de nécessité (forum necessitatis) afin de garantir un accès effectif aux voies de recours pour les victimes. De même, une interdiction expresse du forum non conveniens serait nécessaire à cette fin (51).
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S'agissant des délais de prescription, la Commission salue la précision apportée par l'article 8§ 1 selon laquelle l'imprescriptibilité n'est prévue que pour les crimes les plus graves "qui touchent l'ensemble de la communauté internationale " (52). Les délais de prescription prévus par les droits nationaux des Etats parties pour les autres violations des droits de l'Homme doivent laisser "un délai raisonnable " pour les procédures d'enquête et les poursuites (article 8§ 2). Si cette notion n'est pas définie, elle devra être interprétée de manière à prévoir un délai suffisamment long et proportionné à la gravité de la violation alléguée.
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La Commission recommande par ailleurs que la rédaction de l'article 9 qui détermine le droit applicable soit améliorée. Sa rédaction actuelle manque de lisibilité quant à l'articulation entre les deux premiers paragraphes. En outre, l'article 9§ 2 ne précise pas expressément qui choisit, et selon quels critères, entre l'application du droit de l'Etat dans lequel ont été commis les actes ou omissions contestés (a), celui dans lequel la victime est domiciliée (b) ou celui de la domiciliation de l'auteur présumé (c). Si la possibilité d'appliquer alternativement plusieurs lois reflète la pratique, notamment celle dans le cadre des conventions de la Conférence de La Haye de droit international privé, la CNCDH recommande que le texte précise qu'il revient aux victimes de procéder à ce choix.
Articuler l'instrument avec le droit international positif -
La Commission se félicite de la clause selon laquelle l'instrument ne porte pas atteinte aux dispositions plus favorables au respect, à la promotion, à la protection et à la réalisation des droits de l'Homme dans le cadre des activités d'entreprises et à la garantie de l'accès aux voies de recours des victimes qui pourraient être contenues dans la législation interne d'un Etat partie ou dans tout autre traité ou accord régional ou international en vigueur pour celui-ci (article 12§ 3). Elle recommande toutefois que la formule inclue également les obligations internationales non conventionnelles.
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La CNCDH salue les améliorations apportées par l'article 12§ 6 à la rédaction de l'ancien article 13 de la "version zéro " (53) concernant l'articulation de l'instrument avec les accords bilatéraux et multilatéraux, y compris régionaux ou sous-régionaux, en particulier en matière de commerce et d'investissement. Une articulation entre le droit international des droits de l'Homme et le droit international économique à même de garantir la protection effective des droits de l'Homme est fondamentale pour la CNCDH (54). A cette fin, des clarifications restent à apporter. En tout état de cause, la CNCDH recommande que la limitation apportée par l'article 12§ 6 en ne visant que les accords sur des "questions intéressant le présent [instrument] " soit supprimée, et que l'exigence de compatibilité soit précisée en s'appliquant à "toute disposition " dans les accords bilatéraux et multilatéraux, et non seulement aux accords dans leur globalité. Enfin, une mention explicite des accords de commerce et d'investissement serait vivement souhaitable.
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La Commission attire par ailleurs l'attention sur le fait qu'il convient d'interpréter les références du projet révisé d'instrument aux droits internes des Etats conformément au droit international général (55), à savoir comme un renvoi au droit national pour la mise en œuvre de l'instrument, et non comme sa subordination au droit interne (56).
Favoriser la mise en œuvre de l'instrument -
La Commission considère que les articles 10 et 11 sur l'entraide judiciaire et la coopération internationale sont essentiels, car l'impunité découle bien souvent de l'absence de coopération entre les Etats (57). A cet égard, elle estime que le fait que l'assistance judiciaire mutuelle soit subordonnée au respect des règles relatives au procès équitable (58) constitue un levier pour les renforcer au niveau universel. L'instrument pourrait toutefois viser expressément les conventions multilatérales en matière d'entraide judiciaire tant en matière civile qu'en matière pénale.
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La Commission invite à reprendre l'ensemble des travaux préparatoires sur les mécanismes de suivi à mettre en place pour la mise en œuvre de l'instrument, et à veiller à ce que leur soient attribués les moyens financiers, humains et juridiques nécessaires à leur fonctionnement efficace. Elle regrette à nouveau que le mécanisme national, élément essentiel et central prévu dans le Protocole optionnel, soit dissocié du corps de l'instrument (59). Elle salue par ailleurs l'idée d'un Fonds international pour les victimes (article 13§ 7).
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La Commission encourage à nouveau la France à jouer un rôle moteur dans les négociations lors de la cinquième session du groupe de travail intergouvernemental qui se déroulera à Genève du 14 au 18 octobre. En particulier, elle l'invite à encourager ses partenaires européens et l'Union européenne à s'investir activement et de manière constructive dans celles-ci, en vue de l'adoption d'un instrument international juridiquement contraignant, qui favorisait une meilleure sécurité juridique et une protection plus effective des droits de l'Homme.
Recommandations de la CNCDH
Recommandation n° 1 : La CNCDH recommande de veiller à ce que les prochaines versions du projet d'instrument juridiquement contraignant soient traduites dans les langues officielles des Nations Unies, notamment le français, afin de garantir leur accessibilité, compréhension et appropriation par tous.
Préciser le champ d'application et les définitions du traité :
Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande de veiller à ce que l'instrument couvre les activités de toutes les entreprises, transnationales ou autres, tout en tenant compte des spécificités des petites et moyennes entreprises.
Recommandation n° 3 : La CNCDH conseille que le terme de "relations d'affaires " soit privilégié, au lieu de celui de relations contractuelles, pour s'inscrire en cohérence avec le droit international positif et s'assurer de l'inclusion des rapports entre les sociétés mères et leurs filiales.
Recommandation n° 4 : La CNCDH invite à préciser certaines définitions afin de clarifier l'étendue du champ d'application du traité, notamment d'expliquer la distinction entre "violation " et "abus " des droits de l'Homme commis dans le contexte d'activités des entreprises. Elle recommande par ailleurs que la notion de proches soit préférée à celle de famille immédiate s'agissant de la définition des victimes.
Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande que soit mis en exergue dans le corps même de l'instrument, le rôle des syndicats et des acteurs de la société civile, en particulier des défenseurs des droits de l'Homme, dans la promotion et la protection de tous les droits de l'Homme, notamment des droits sociaux et environnementaux.
Renforcer le devoir de vigilance :
Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande que soit renforcé le contenu de l'obligation à la charge des Etats d'imposer à toutes les personnes exerçant des activités d'entreprise sur leur territoire ou sous leur juridiction, un devoir de vigilance en matière de droits de l'Homme.
Recommandation n° 7 : En outre, elle recommande que la définition de son contenu ainsi que celle des procédures nationales que les Etats doivent mettre en place pour en garantir le respect, incluent plus expressément la dimension réparation des Principes Ruggie. A cette fin, l'article 5§ 2 devrait être complété par un e) qui intégrerait l'obligation de réparation et de coopération avec les victimes, ainsi qu'avec les personnes, groupes, syndicats ou organisations qui leur apportent leur soutien, pour faciliter l'accès des victimes à des voies de réparation appropriées et efficaces.
Recommandation n° 8 : De même, la Commission recommande que l'article 5§ 4 prévoie que les Etats parties s'assurent que tout dommage résultant de l'absence de respect du devoir de vigilance doit engager la responsabilité de l'entreprise concernée et donner lieu à réparation.
Remédier aux dénis de justice :
Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande d'élargir l'article 4§ 12 e) et de prévoir que tant que l'action n'est pas vexatoire ou abusive (notion d'allégation plausible - "arguable claim "), les requérants déboutés ne seront pas tenus de rembourser les frais de justice de l'autre partie de la procédure.
Recommandation n° 10 : La CNCDH invite à envisager une formulation plus précise de l'article 4§ 16 sur la possibilité d'un renversement de la charge de la preuve en matière civile.
Recommandation n° 11 : La CNCDH souligne la nécessité de distinguer plus clairement les responsabilités civiles, administratives et pénales.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande que la liste des infractions pénales de l'article 6§ 7 ne soit pas limitative et complétée notamment par les infractions énumérées dans la Convention des Nations Unies contre la corruption. De plus, des corrections doivent être apportées s'agissant de la définition des disparitions forcées.
Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande également que l'instrument énonce plus clairement que les Etats doivent s'assurer que le non-respect des obligations découlant du devoir de vigilance imposées par l'article 5 entraîne l'engagement de la responsabilité de l'entreprise concernée. De même, l'instrument devrait préciser que le fait pour une entreprise de satisfaire à ces obligations n'exclut pas la possibilité de voir sa responsabilité engagée pour d'autres motifs, conformément au droit national et international.
Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de prévoir l'exception de connexité et de prendre en compte la pluralité des défendeurs.
Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande que l'instrument inclue le for de nécessité pour garantir un accès effectif aux voies de recours pour les victimes.
Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande à cette fin que le forum non conveniens soit expressément interdit.
Recommandation n° 17 : La CNCDH encourage à améliorer la rédaction de l'article 9 et notamment de préciser qu'il revient aux victimes de choisir le droit applicable, conformément aux modalités envisagées par cette disposition.
Articuler l'instrument avec le droit international positif :
Recommandation n° 18 : La CNCDH recommande de veiller à la complémentarité entre l'instrument international juridiquement contraignant en cours de négociation et les autres normes sur les entreprises et les droits de l'Homme, qu'il vient consolider - en particulier avec les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme des Nations Unies (Principes Ruggie). Cette complémentarité garantit une plus forte sécurité juridique et une protection plus effective des droits de l'Homme.
Recommandation n° 19 : La CNCDH recommande que la clause selon laquelle l'instrument ne porte pas atteinte aux dispositions plus favorables inclue également les obligations internationales non conventionnelles (article 12§ 3).
Recommandation n° 20 : La CNCDH invite à clarifier l'articulation entre le droit international des droits de l'Homme et le droit international économique. Elle recommande que la mention des accords qui portent sur "des questions intéressant le présent [traité] " soit supprimée (article 12§ 6) et qu'une référence explicite aux accords de commerce et d'investissement soit ajoutée.
Recommandation n° 21 : La CNCDH attire l'attention sur le fait que les références de l'instrument au droit interne des Etats doivent s'interpréter conformément au droit international général et ne peuvent en aucun cas signifier une subordination de cet instrument au droit interne.
Favoriser la mise en œuvre de l'instrument juridiquement contraignant :
Recommandation n° 22 : La CNCDH recommande que l'instrument vise expressément les conventions multilatérales en matière d'entraide judiciaire adoptées sous l'égide de la Conférence de La Haye de droit international privé.
Recommandation n° 23 : La CNCDH encourage à reprendre l'ensemble des travaux sur les mécanismes de suivi et à veiller à ce que leur soient attribués les moyens financiers, humains et juridiques nécessaires à leur fonctionnement efficace.
(1) La forme de cet instrument juridiquement contraignant (hard law) sera précisée en cours de négociations (pacte, convention, traité, etc.).
(2) Cf. l'annexe 2.
(3) La CNCDH remercie l'Organisation internationale de la Francophonie d'avoir fait circuler une traduction de courtoisie du projet révisé de l'instrument international juridiquement contraignant en français.
(4) La CNCDH avait formulé ce regret dans sa déclaration du 2 octobre 2018 (CNCDH, Déclaration sur l'adoption d'un instrument international contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 5 octobre 2018, JORF n° 238 du 14 octobre 2018, texte n° 100, disponible sous https://www.cncdh.fr/fr/publications/declaration-sur-ladoption-dun-instrument-international-contraignant-sur-les-entreprises) et dans sa contribution du 29 avril 2019 (CNCDH, Contribution au projet de traité contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, adoptée le 29 avril 2019, disponible sous https://www.cncdh.fr/fr/actualite/contribution-au-projet-de-traite-contraignant-sur-les-entreprises-et-les-droits-de-lhomm-0).
(5) Suivi des travaux de l'ancienne Sous-Commission des droits de l'Homme des Nations Unies ; Etudes réalisées par Olivier Maurel pour la CNCDH, La responsabilité des entreprises en matière de droits de l'Homme, Volume I - Nouveaux enjeux, nouveaux rôles ; Volume II - Etat des lieux et perspectives d'action publique, La Documentation française, 2008 et 2009, disponibles sous https://www.cncdh.fr/sites/default/files/etude_responsabilite_des_entreprises_vol_1.pdf et https://www.cncdh.fr/sites/default/files/etude_responsabilite_des_entreprises_vol_2.pdf ; CNCDH, Avis sur les enjeux de l'application par la France des Principes directeurs des Nations Unies, Assemblée plénière du 24 octobre 2013, JORF n° 266 du 16 novembre 2013, texte n° 56, disponible sous https://www.cncdh.fr/fr/publications/entreprises-et-droits-de-lhomme, rendu sur saisine du gouvernement ; CNCDH, Avis sur les accords internationaux de commerce et d'investissement : Ne sacrifions pas les droits de l'Homme aux intérêts commerciaux - l'exemple du CETA, Assemblée plénière du 15 décembre 2016, JORF n° 56 du 7 mars 2017, texte n° 65, disponible sous https://www.cncdh.fr/fr/publications/ne-sacrifions-pas-les-droits-de-lhomme-aux-interets-commerciaux-avis-sur-le-ceta-et-les. La CNCDH a également participé aux travaux de la Plateforme RSE (responsabilité sociétale des entreprises) en vue de l'élaboration d'un plan national d'action : Avis de la Plateforme RSE sur le Plan national d'action d'application des Principes directeurs des Nations Unies pour les droits de l'Homme et les entreprises ", France Stratégie, La Documentation française, décembre 2016, 86 p., disponible sous https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/174000024.pdf.
(6) Le Plan national d'action pour la mise en œuvre des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux droits de l'Homme et aux entreprises de la France a confié à la Commission "[la mission d'assurer] le suivi et l'évaluation du Plan national d'action […] et des résultats des actions engagées ", 26 avril 2017, p. 6, disponible sous https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/3_-_pnadh_fr_version_finale_bandeau_cle0be656.pdf; Conseil des droits de l'Homme, Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme : mise en œuvre du cadre de référence "protéger, respecter et réparer " des Nations Unies, 21 mars 2011, A/HRC/17/31, disponible sous : https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Business/A.HRC.17.31_fr.pdf.
(7) Open-ended intergovernmental Working Group on transnational Corporations and other business Enterprises with respect to Human Rights, 4e session, 16 juillet 2018, disponible sous https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGTransCorp/Session3/DraftLBI.pdf.
(8) Op. cit., note 4.
(9) Parmi lesquels : OIT, Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT, 5e édition, mars 2017, disponible sous https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/---emp_ent/documents/publication/wcms_124923.pdf ; OCDE, Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, 2011, Editions OCDE, disponible sous http://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/2011102-fr.pdf.
(10) En ce sens : CNCDH, Déclaration sur l'adoption d'un instrument international contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, 2 octobre 2018, 10 op. cit, note 4 ; voir également la 10 Déclaration d'ENNHRI sur les négociations sur l'instrument juridiquement contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, 12 octobre 2018, disponible sous http://www.ennhri.org/IMG/pdf/ennhri_statement_on_zero_draft.pdf.
(11) La CNCDH a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur l'absence de concurrence entre les deux démarches : op. cit., note 4.
(12) Op. cit., note 4.
(13) La Commission note que certaines références sont sélectives, telles que celles aux neuf principaux instruments relatifs aux droits de l'Homme adoptés par les Nations Unies, qui semble exclure les traités n'ayant pas prévu d'organe conventionnel pour leur suivi.
(14) Op. cit., note 6.
(15) Cf. article 3 du projet d'instrument sur le champ d'application. Cet élargissement est également indiqué dès son intitulé, qui vise les entreprises transnationales ainsi que les autres entreprises commerciales.
(16) Au stade actuel, l'article 5§6 du projet révisé d'instrument prévoit que les Etats parties peuvent prendre des mesures pour faciliter le respect des exigences prévues par cet article par les PME pour éviter de créer des charges supplémentaires excessives. Il fait ainsi écho aux principes 14 et 17 des Principes directeurs des Nations Unies, op. cit., note 6. Le principe 14 énonce que "[l]a portée et la complexité des moyens par lesquels les entreprises s'acquittent [de leur responsabilité de respecter les droits de l'Homme] peuvent varier selon [leur taille, secteur, cadre de fonctionnement régime de propriété ou leur structure] et la gravité des incidences négatives sur les droits de l'[H]omme ". De même, le principe 17 reconnaît que la diligence raisonnable en matière de droits de l'Homme sera "plus ou moins complexe suivant la taille de l'entreprise commerciale ", ainsi que "le risque qu'elle présente de graves incidences sur les droits de l'homme, et la nature et le cadre de ses activités " (b).
(17) La définition des activités commerciales ne fait plus référence aux activités économiques à but lucratif ("for-profit economic activity ", article 4§2 de la version dite "zéro ", op. cit., note 7), mais couvre toute activité économique des sociétés transnationales et autres entreprises, toute activité productive ou commerciale entreprise par une personne physique ou morale (article 1§3 du projet révisé de l'instrument). Cette formulation est davantage conforme au principe 4 des Principes Ruggie, op. cit., note 6.
(18) Les Principes de l'OCDE emploient la notion de "relation d'affaires " ; les Principes Ruggie (principe 17) et la Déclaration tripartite de l'OIT celle de "relations commerciales " - notions traduites en anglais par "business relationship ", op. cit., notes 6 et 9. Pour de plus amples explications, voir notamment OCDE, Guide OCDE sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises, 2018, disponible sous http://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/Guide-OCDE-sur-le-devoir-de-diligence-pour-une-conduite-responsable-des-entreprises.pdf.
(19) Audition d'Olivier De Schutter, 16 septembre 2019.
(20) Articles 5§3 e) et 14§3 du projet révisé d'instrument. Ces précisions s'inscrivent dans le droit fil des Principes Ruggie (principe 7), op. cit, note 6. La CNCDH avait ainsi recommandé à la France de prévoir un encadrement légal renforcé des activités des entreprises françaises concernant certaines zones, secteurs ou produits à risques : CNCDH, Avis sur les enjeux de l'application par la France des Principes directeurs des Nations Unies, 2013, op. cit., note 5, §§42 - 43.
(21) Voir notamment les nombreux instruments internationaux des droits de l'Homme cités dans le Préambule (malgré la sélectivité des références, susmentionnée note 13).
(22) Article 3§3 ; à savoir en particulier ceux qui découlent de la Charte internationale des droits de l'Homme.
(23) Tel que développés notamment par la CNCDH dans son Avis sur le développement, l'environnement et les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 16 avril 2015, JORF n° 119 du 24 mai 2015, texte n° 50, disponible sous https://www.cncdh.fr/sites/default/files/15.04.16_avis_developpement_environnement_et_dh_0.pdf et par le rapporteur spécial John H. Knox dans son Rapport du Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l'Homme se rapportant aux moyens de bénéficier d'un environnement sûr, propre, sain et durable, A/73/188, 19 juillet 2018, disponible sous : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N18/231/05/pdf/N1823105.pdf?OpenElement.
(24) CNCDH, Avis pour une'approche fondée sur les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 3 juillet 2018, JORF n° 161 du 14 juillet 2018, texte n° 104, disponible sous : https://www.cncdh.fr/sites/default/files/180703_avis_approche_fondee_sur_les_droits_de_lhomme_vdef.pdf. Voir également l'Avis CETA, op. cit., note 5.
(25) Tel est par exemple le cas dans la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, 20 décembre, disponible sous https://treaties.un.org/doc/source/docs/A_RES_61_177-F.pdf.
(26) Ce rôle est évoqué uniquement dans le Préambule, alinéa 14.
(27) Si les Principes Ruggie traduisent la notion de due diligence par celle de diligence raisonnable, la terminologie de devoir de vigilance retenue par la norme ISO 26 000 (article 2.4) paraît juridiquement plus appropriée (Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale, novembre 2010, disponible sous http://www.convergence-lr.fr/userfiles/files/ISO%2026000%20V2010.pdf).
(28) CNCDH, Déclaration sur l'adoption d'un instrument international contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, 2 octobre 2018, op. cit., note 4.
(29) Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, qui a ajouté les articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 au Code de commerce.
(30) Voir notamment les principes 17 et 15 des Principes Ruggie, op. cit., note 6.
(31) Op. cit., note 9.
(32) Ibidem.
(33) CNCDH, Avis sur les enjeux de l'application par la France des Principes directeurs des Nations Unies, Assemblée plénière du 24 octobre 2013, op. cit., note 5.
(34) L'obligation de protéger qui incombe à l'Etat lorsque des tiers, y compris des entreprises, portent atteinte aux droits de l'Homme (pilier I), la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l'Homme (pilier II) et la nécessité d'un accès plus effectif à des mesures de réparation, tant judiciaires que non judiciaires (pilier III), Principes directeurs, op. cit., note 6. La CNCDH a déjà eu l'occasion de souligner que toute réglementation relative au principe de "diligence raisonnable " doit être pensée de manière à offrir des voies de recours effectives aux victimes (CNCDH, Déclaration "Garantir un travail décent - un enjeu de l'économie mondiale ", Assemblée plénière du 26 mai 2016, JORF n° 131 du 7 juin 2016, texte n° 47).
(35) Audition d'Olivier De Schutter, 16 septembre 2019. En ce sens, le principe 15 des Principes Ruggie prévoit que les entreprises doivent rendre compte notamment de la manière dont elles remédient aux incidences de leurs activités sur les droits de l'Homme. De même, selon le principe 22, "[l]orsque les entreprises déterminent qu'elles ont eu des incidences négatives, ou y ont contribué, elles devraient prévoir des mesures de réparation ou collaborer à leur mise en œuvre suivant des procédures légitimes ". Voir également les deux principes sur les mécanismes de réparation ne relevant pas de l'Etat (principes 28 et 29, op. cit., note 6).
(36) Voir par exemple l'actuel article L. 225-102-5 du code de commerce, introduit par la loi sur le devoir de vigilance précitée, note 27 : "[d]ans les conditions prévues aux articles 1240 et 1241 du code civil, le manquement aux obligations définies à l'article L. 225-102-4 du présent code engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice que l'exécution de ces obligations aurait permis d'éviter ".
(37) Le projet révisé d'instrument prévoit également que les Etats peuvent imposer aux personnes physiques ou morales exerçant des activités d'entreprise d'établir et de maintenir des garanties financières pour couvrir d'éventuelles demandes d'indemnisation (article 6§5).
(38) Voir notamment le principe 27 des Principes directeurs, op. cit., note 6.
(39) Op. cit., note 6.
(40) Elle vise ainsi à répondre à la prolifération des procédures dites "procédures baillons ".
(41) En ce sens : Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR), Observation générale n° 24 sur les obligations des Etats en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises, 10 août 2017, E/C.12/GC/24, §44 : "Lorsqu'elles cherchent à dissuader des individus ou des groupes d'exercer des recours, les entreprises ne devraient pas engager des procédures judiciaires − par exemple, pour atteinte présumée à leur réputation − de manière abusive, au point de décourager l'exercice légitime de ces recours ".
(42) Dans la "version zéro " du projet d'instrument, l'emplacement de cette disposition laissait penser qu'un renversement de la charge de la preuve était possible en matière civile mais également en matière pénale. L'ancien article 10§4 se situait en effet en chapeau des développements sur la responsabilité civile et la responsabilité pénale (op. cit., note 7). Ce point avait suscité des blocages de la part de plusieurs Etats.
(43) Voir également CESCR, Observation générale n° 24 précitée, note 41, §45 : "Il pourra être justifié de déplacer la charge de la preuve lorsque les faits et les événements à prendre en considération pour donner suite à une plainte relèvent, complètement ou en partie, de la connaissance exclusive de l'entreprise défenderesse ".
(44) Audition d'Olivier De Schutter, 16 septembre 2019.
(45) Convention des Nations Unies contre la corruption, 2004, disponible sous https://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/Convention/08-50027_F.pdf.
(46) Les disparitions forcées sont définies par l'article 2 de cette Convention, op. cit., note 25.
(47) Cette obligation pour l'Etat où résident les victimes d'ouvrir des voies de recours est particulièrement saluée, en ce qu'elle participe de la lutte contre l'impunité pour les violations des droits de l'Homme commises par les entreprises enregistrées dans un Etat mais ayant des capitaux dans un Etat tiers (audition d'Olivier De Schutter, 16 septembre 2019).
(48) Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (refonte), article 63 c), disponible sous : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R1215&from=FR.
(49) Comité des droits de l'enfant, Observation générale n° 16 sur les obligations des Etats concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l'enfant du Comité des droits de l'enfant, CRC/C/GC/16, 17 avril 2013, disponible sous https://www.right-to-education.org/sites/right-to-education.org/files/resource-attachments/CRC_Observation_Generale_16_2013_FR.pdf.
(50) Op. cit., p. 7. Le CESCR fait référence à cette observation du Comité des droits de l'enfant dans son observation générale n° 24 et, s'agissant des obligations extraterritoriales, estime que : "[d]es obligations extraterritoriales naissent lorsqu'un Etat partie est susceptible d'exercer une influence sur des événements qui se déroulent en dehors de son territoire, dans les limites imposées par le droit international, en contrôlant les activités des entreprises domiciliées sur son territoire et/ou relevant de sa juridiction, et, de ce fait, peut contribuer au plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels en dehors de son territoire national " (CESCR, Observation générale n° 24, op. cit, note 41, §28).
(51) En ce sens : CESCR, Observation générale n° 24 précitée, note 41, §43. Le risque de déni de justice a été souligné par la CNCDH dans son avis de 2013 dans lequel elle a formulé des recommandations au gouvernement français : CNCDH, Avis sur les enjeux de l'application par la France des Principes directeurs des Nations unies, 24 octobre 2013, JORF n° 266 du 16 novembre 2013, texte n° 56, disponible sous https://www.cncdh.fr/fr/publications/entreprises-et-droits-de-lhomme.
(52) Toutefois, la formulation de cette disposition mériterait de préciser si la notion renvoie uniquement aux crimes prévus par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (adopté le 17 juillet 1998, A/CONF.183/9, disponible sous http://legal.un.org/icc/statute/french/rome_statute(f).pdf), ou également aux violations flagrantes et systématiques des droits de l'Homme.
(53) Op. cit., note 7.
(54) La CNCDH s'est préoccupée de cette articulation en particulier dans l'Avis CETA, op. cit., note 5 ; voir également la déclaration du 2 octobre 2018, op. cit., note 4. Cette articulation est en particulier abordée dans les principes 9 et 10 des Principes Ruggie, op. cit., note 6.
(55) Voir notamment l'article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, adoptée le 23 mai 1969, disponible sous https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19690099/201502240000/0.111.pdf.
(56) Dans sa contribution d'avril 2019, en se manifestant sur l'ancienne version de l'article 13, la CNCDH estimait que le risque de la subordination de l'application du traité au droit interne annihilait la portée contraignante des obligations qu'il contient, op. cit., note 4.
(57) La CNCDH se félicitait déjà en octobre 2018 de l'accent mis sur la coopération mutuelle entre les Etats, Déclaration précitée, note 4.
(58) Voir par exemple l'article 10§10 du projet révisé d'instrument.
(59) Déclaration du 2 octobre 2018 sur la "version zéro ", précitée, note 4. Dans cette déclaration, la CNCDH s'inquiétait en effet de l'articulation entre les deux textes, le protocole traitant à la fois des mécanismes de contrôle national et international.
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