- Ces évolutions heurtées reflètent en premier lieu celles du salaire par tête (- 5,7 % en 2020, puis + 7,3 % en 2021). En effet le dispositif d'activité partielle a permis de maintenir en emploi de nombreux salariés en 2020, mais une partie de leur rémunération a été prise en charge par l'Etat et l'Unédic si bien que le salaire moyen versé par les entreprises en a été nettement réduit. Après neutralisation de cet effet, la prévision du Gouvernement suppose une croissance proche de 1 ½ % par an du salaire moyen par tête, un peu inférieure à celle des années antérieures (1,8 % en moyenne).
- Ce ralentissement des salaires semble modéré face à l'ampleur de la dégradation du marché du travail, même s'il peut se justifier en partie par l'affaiblissement du lien entre le chômage et les salaires constaté ces dernières années.
- L'emploi salarié des branches marchandes non agricoles reculerait de 2,3 % en 2020 en moyenne sur l'année, puis de 0,8 % en 2021. Ces évolutions en moyenne recouvrent des évolutions infra-annuelles sensiblement différentes : en glissement annuel, l'emploi reculerait plus fortement en 2020 (- 4,3 %, soit - 750 000 emplois), avant de rebondir en 2021 (+ 1,9 %, soit + 320 000 emplois).
- Le Haut Conseil relève que les méthodes usuelles de prévisions sont fragilisées par la crise sanitaire et la mise en place de nouvelles mesures de soutien à l'emploi, qui ont altéré le lien antérieur entre emploi et activité et appellent en conséquence de nouvelles méthodes d'analyse (cf. encadré ci-dessous). Compte tenu notamment de l'impact que pourrait avoir la dégradation en cours de la situation sanitaire sur des secteurs intensifs en main-d'œuvre, la prévision d'emploi du Gouvernement pour 2020 paraît élevée.
- En 2021, le scénario du Gouvernement suppose une nouvelle baisse de l'emploi salarié marchand en moyenne annuelle (- 0,8 %), se traduisant par le retour de la productivité par tête à son niveau de 2019. La productivité pourrait toutefois être plus basse et donc, avec le scénario de croissance du Gouvernement, l'emploi un peu plus élevé. La productivité devrait en effet pâtir des mesures sanitaires prises par les entreprises pour protéger leurs salariés. Elle devrait aussi être affectée par l'activité partielle de longue durée.
Une méthode classique de prévision d'emploi fragilisée par la situation exceptionnelle
L'emploi des branches marchandes constitue un déterminant important de la trajectoire de finances publiques, notamment en raison de son impact sur les prélèvements sociaux et l'impôt sur le revenu. Il fait ainsi l'objet d'une attention particulière du Haut Conseil dans son appréciation des projets de loi dont il est saisi par le Gouvernement.
L'expertise de la prévision du Gouvernement sur cette variable importante est néanmoins rendue plus difficile par la crise sanitaire de 2020. Au-delà des incertitudes qui portent sur l'activité elle-même, les outils mobilisés habituellement par les économistes pour prévoir l'emploi sont rendus inadaptés par plusieurs facteurs : l'ampleur inégalée de la chute de l'activité au premier semestre comme du rebond qui lui succède ; l'impact des mesures sanitaires sur la productivité des entreprises ; la très forte hétérogénéité des évolutions sectorielles qui interdit d'ignorer la composition de l'activité, alors que celle-ci joue un rôle beaucoup plus faible dans des périodes normales ; la mise en œuvre de mesures d'accompagnement des entreprises et de soutien à l'activité financées par le secteur public (9).
39. Le Haut Conseil considère que la prévision d'emploi et de masse salariale pour 2020 et 2021 est plausible.
III - Observations sur les prévisions de finances publiques pour 2020 et 2021
- Le Haut Conseil apprécie les risques portant sur le solde public puis examine la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances avec les orientations pluriannuelles de solde structurel (10).
- Le scénario du Gouvernement
Selon la saisine du Gouvernement, « Les projets de lois de finances pour 2021 (PLF 2021) et de financement de la Sécurité sociale pour 2021 (PLFSS 2021) prévoient un solde nominal de - 10,2 % du PIB en 2020 et de - 6,7 % du PIB en 2021. […]
Le solde structurel se redresserait en 2020 (niveau de - 1,2 pt de PIB, après - 2,2 pts en 2019), avant de se dégrader en 2021 (niveau de - 3,6 pts). […]
Le taux de prélèvements obligatoires, après s'être établi à 44,1 % du PIB en 2019, augmenterait à 44,8 % en 2020 puis diminuerait fortement à 43,8 % en 2021. Ces évolutions heurtées sont à mettre en relation directe avec les effets de la crise qui conduisent certes à une baisse marquée des prélèvements obligatoires en 2020, mais dans des proportions moindres que l'activité, conduisant à une augmentation du ratio ; le rebond de l'activité en 2021 se traduisant symétriquement par un rebond moindre des recettes et donc une diminution du ratio. […]
Le ratio de dépense publique augmenterait fortement en 2020 soutenu par les mesures adoptées face à l'épidémie et en raison de l'effet dénominateur lié à la baisse du PIB. Il s'établirait à 62,8 % du PIB, hors crédits d'impôt. La dépense publique croîtrait ainsi de 6,5 % en valeur en 2020, après 2,2% en 2019 (retraité de l'intégration de France Compétences en mesure de périmètre). En 2021, cette croissance se réduirait fortement avec le retrait des mesures d'urgence, compensé en partie par celles du plan de relance : la progression de la dépense publique serait ramenée à 1,0 % en valeur. Conjugué au rebond du PIB, ce freinage conduirait à une forte baisse du ratio de dépense publique, à 58,5 %, après le point haut de 2020. Ce niveau serait supérieur à celui de 2019 (54,0 % du PIB). » - Appréciation des risques sur le solde public
- Le scénario du Gouvernement prévoit que le solde effectif passe de - 10,2 points de PIB en 2020 (contre - 11,4 points dans le 3e PLFR) à - 6,7 points de PIB en 2021.
- Le PLF pour 2021 revoit la prévision de solde public de 2020 pour prendre en compte la révision des hypothèses macroéconomiques et les nouvelles mesures de soutien de l'activité décidées dans le cadre des plans d'urgence et de relance. Le Haut Conseil s'est attaché à identifier les principaux risques qui affectent les prévisions de recettes et de dépenses pour 2020 et 2021 sur la base des informations dont il dispose.
a) Les recettes - En 2020, les prélèvements obligatoires se replieraient de 6,8 % par rapport à 2019, soit une chute de 73 Md€. Le PLF pour 2021 prévoit ainsi un moindre recul des prélèvements obligatoires par rapport à l'estimation du troisième projet de loi de finances rectificative (- 9,5 %, soit un recul de près de 102 Md€).
- La révision de plus de 28 Md€ pour 2020 est essentiellement imputable à un recul moins marqué que prévu par le 3e PLFR du rendement de l'impôt sur les sociétés (+ 14 Md€), de la TVA (+ 8 Md€), de l'impôt sur le revenu (+ 3 Md€) et des droits de mutation à titre onéreux (+ 3 Md€).
- Cette révision résulte de la prise en compte de données de recettes fiscales meilleures que prévu dans le troisième PLFR. La chute de l'activité au printemps a en effet été un peu moins forte qu'estimé lors de ce troisième PLFR. L'évolution spontanée des prélèvements obligatoires (c'est-à-dire mesurée à législation constante) a en outre été moins forte que celle de l'activité, si bien que l'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance (11) est désormais prévue à 0,8 en 2020, contre 1,0 selon le troisième PLFR. Cette révision est cohérente avec les dernières informations disponibles sur les encaissements de prélèvements obligatoires des huit premiers mois de l'année.
- Pour 2021, les prélèvements obligatoires rebondiraient, dans le scénario du Gouvernement, de 5,8 % par rapport à 2020, à un rythme inférieur à celui de l'activité économique (+ 8,3 % de hausse du PIB en valeur).
- Les mesures nouvelles représenteraient - 7,4 Md€ et traduisent essentiellement la réduction des impôts de production (- 10 Md€ en 2021 (12)) et la poursuite de la suppression de la taxe d'habitation (- 2,4 Md€) et de la baisse de l'impôt sur les sociétés (- 3,7 Md€). Ces baisses seraient partiellement compensées par le contrecoup en 2021 des exonérations temporaires de cotisations pour les entreprises des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire (5,2 Md€ en 2020) (13). Le scénario du Gouvernement fait l'hypothèse que ces exonérations ne seront pas prolongées en 2021.
- En cohérence avec le scénario retenu pour 2020, le scénario du Gouvernement suppose que l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires serait en 2021 également plus faible que celle du PIB (élasticité de 0,8). Ainsi, sur l'ensemble des deux années 2020 et 2021, la croissance spontanée des prélèvements obligatoires serait équivalente à celle du PIB et donc, au-delà des forts à-coups en 2020 et 2021 entraînés par le profil de l'activité, proche du comportement de longue période. Toutefois, le montant exact des financements européens, supposés améliorer le déficit public de 17,3 Md€ en 2021 dans la prévision du Gouvernement, reste incertain.
- Pour 2020 et 2021, le Haut Conseil considère que les prévisions des prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu.
b) Les dépenses - En 2020 et à champ constant, l'augmentation globale des dépenses hors crédits d'impôts présentée dans le PLF pour 2021 est de 6,5 % en valeur, soit 4,7 % en volume (déflaté par les prix du PIB).
- Par rapport au 3e PLFR, le PLF pour 2021 prévoit pour 2020 une augmentation nette des dépenses de l'ordre de 2 Md€, qui résulte de surcroîts de dépenses dans le cadre du plan d'urgence et de soutien (+ 7 Md€) en partie compensés par de moindres dépenses locales.
- Tandis que le 3e PLFR prévoyait des dépenses de santé dépassant de 8 Md€ l'objectif national d'assurance maladie (Ondam) fixé pour 2020 par la loi de finances initiale, le dépassement est révisé à la hausse par le PLFSS pour 2021 pour s'élever à 10,1 Md€. Cette dernière évaluation demeure entourée de fortes incertitudes, qui portent notamment sur le coût final des campagnes de tests et l'ampleur du rebond des soins de ville après la forte baisse enregistrée pendant le confinement. Compte tenu de l'évolution de la situation sanitaire début septembre 2020, une nouvelle révision à la hausse des dépenses sur le champ de l'Ondam est possible.
- A l'inverse, la prévision du PLF pour 2021 prévoit une diminution de l'investissement public local en 2020 (- 4,9 Md€ en 2020 par rapport à 2019) plus marquée que dans le 3e PLFR (- 2,4 Md€).
- Enfin, au vu de leur consommation pendant l'été, les dépenses associées au plan d'urgence et de soutien, comme celles liées à l'activité partielle (14), pourraient se révéler un peu inférieures à leur budgétisation à condition que la situation sanitaire demeure maîtrisée.
Croissance de la dépense publique en PLF 2021
(hors crédits d'impôts, champ constant (15))
| En % |2019|2020| 2021 | |----------------------------------------------------|----|----|------| |Dépenses publiques en valeur (hors crédits d'impôts)|2,7 |6,5 | 1,0 | | Dont contribution du plan d'urgence et de soutien |0,0 |4,6 |- 4,2| | Dont contribution du plan de relance |0,0 |0,2 | 1,8 | | Dont autres dépenses |2,7 |1,8 | 3,3 | | Déflateur du PIB |1,2 |1,8 | 0,3 | | Dépenses publiques en volume (déflateur du PIB) |1,5 |4,7 | 0,7 |
Source : HCFP à partir de données du ministère des finances
Les dépenses de la LFR3 incluses dans le plan de relance sont incluses dans la ligne « plan d'urgence et de
Soutien » mais pas dans la ligne « plan de relance »
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