JORF n°0237 du 29 septembre 2020

Synthèse

En raison de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de covid-19, les incertitudes demeurent exceptionnellement élevées. Elles fragilisent les exercices de prévisions macroéconomiques et de finances publiques et rendent délicate l'appréciation par le Haut Conseil des finances publiques du scénario du projet de loi de finances pour 2021.
Dans ce contexte, le Haut Conseil considère que le niveau d'activité qui serait atteint en 2021 dans le scénario du Gouvernement (- 2,7 % par rapport à 2019), très dépendant de l'évolution de la situation sanitaire, est plausible. Il estime que la prévision d'activité pour 2020 est prudente et, à l'inverse, que l'ampleur du rebond prévu pour 2021 est volontariste.
Le Haut Conseil estime que la prévision d'inflation du Gouvernement est plausible, mais un peu basse. Celles d'emploi et de masse salariale pour 2020 et 2021 sont elles aussi plausibles.
Pour 2020 et 2021, le Haut Conseil considère que les prévisions des prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu et que les prévisions de dépenses publiques sont vraisemblables. Le solde public nominal prévu pour 2020 et 2021 (respectivement - 10,2 et - 6,7 points de PIB) est atteignable mais cette prévision est affectée par les très fortes incertitudes qui entourent les conditions sanitaires et les évolutions macroéconomiques.

Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel retenue dans le PLF pour 2021 avec celle de la loi de programmation en vigueur, celle du 22 janvier 2018 pour les années 2018 à 2022.
Le Haut Conseil constate ainsi que le solde structurel présenté par le Gouvernement se dégraderait de 1,2 point entre 2019 et 2021 et s'établirait à - 3,6 points de PIB en 2021. Le solde structurel prévu en 2021 serait ainsi inférieur de 2,4 points à celui inscrit dans cette loi de programmation, soit un écart important au sens de la loi organique de décembre 2012.
Toutefois, le Haut Conseil relève que la loi de programmation de janvier 2018 constitue désormais une référence dépassée, qu'il s'agisse du scénario macroéconomique ou de celui de finances publiques. En particulier, la crise sanitaire a affecté le potentiel productif de l'économie française. Le Gouvernement présente d'ailleurs à titre informatif dans le PLF une estimation du PIB potentiel révisée fortement en baisse par rapport à la loi de programmation. La prise en compte de cette nouvelle estimation conduirait à dégrader de plus d'un point le solde structurel en 2021.
En conséquence, le Haut Conseil estime nécessaire l'adoption dès le printemps 2021 d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques fixant une nouvelle trajectoire d'évolution du PIB et du PIB potentiel ainsi que de finances publiques.

Enfin, le Haut Conseil constate que le ratio de dette publique s'établirait, en 2021, 18 points de PIB au-dessus de son niveau d'avant-crise et 22 points au-dessus de celui prévu par la loi de programmation. Cette augmentation massive, résultant d'un choc aussi violent qu'inédit sur l'activité et de la réponse budgétaire apportée, intervient après une décennie quasi ininterrompue de hausse de la dette.
Dans un contexte de croissance potentielle affaiblie rendant plus difficile la réduction du déficit, la soutenabilité à moyen terme de la dette publique constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance.

  1. Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 17 septembre 2020, en application de l'article 14 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, des prévisions macroéconomiques et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2021. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 21 septembre 2020, le présent avis.

Observations liminaires

  1. Sur le périmètre du présent avis
  2. Aux termes de l'article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis sur :

- les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ;
- la cohérence de l'article liminaire du PLF au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques (pour le présent avis celle du 22 janvier 2018).

  1. Sur les informations transmises
  2. Le 17 septembre 2020, le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement du cadrage macroéconomique et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les PLF et PLFSS pour 2021. Cette saisine a été accompagnée par des réponses aux questionnaires adressés par le Haut Conseil aux administrations compétentes.
  3. Sur la méthode utilisée
  4. Pour apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques et des éléments de finances publiques associés aux PLF et PLFSS pour 2021, le Haut Conseil a examiné les hypothèses retenues ainsi que les enchaînements économiques attendus jusqu'à l'horizon de la prévision. Il s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations qui lui ont été communiquées par les administrations compétentes, concernant notamment les mesures de politique économique décidées par le Gouvernement.
  5. Le Haut Conseil s'est aussi appuyé sur les dernières prévisions produites par un ensemble d'organismes comprenant des institutions internationales et nationales, et notamment l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la Banque Centrale Européenne (BCE), l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la Banque de France et des instituts de conjoncture tels que Rexecode et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
  6. Comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, il a auditionné les représentants de la direction générale du Trésor, de la direction du budget et de la direction de la sécurité sociale. Il a procédé aux auditions de représentants de la Banque de France, du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), de Rexecode et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
  7. Après une présentation de l'environnement économique mondial et européen (I), le Haut Conseil formule son appréciation sur les prévisions macro-économiques associées aux PLF et PLFSS pour 2021 (II), puis sur le scénario de finances publiques (III).

I. - Un choc économique de grande ampleur au premier semestre 2020 lié à la crise sanitaire

  1. Une chute massive de l'activité mondiale au 2e trimestre
  2. La mise en place de mesures de restrictions sanitaires visant à freiner l'épidémie de covid-19 a limité l'activité de nombreux secteurs économiques et conduit à une récession de l'économie mondiale d'une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.

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  1. Le PIB s'est ainsi replié dans la plupart des économies mondiales dès le 1er trimestre. Le recul du PIB a été encore plus prononcé au 2e trimestre, en raison des mesures de confinement des populations qui ont provoqué un double choc, d'offre et de demande, avec notamment la fermeture des activités non essentielles et l'impossibilité d'effectuer certaines dépenses de consommation.
  2. La chute du PIB présente une hétérogénéité marquée entre les pays en fonction de la durée et de la sévérité des mesures de restrictions sanitaires et de la composition sectorielle de leur activité. Les pays de la zone euro les plus touchés par l'épidémie et qui ont imposé des mesures de restrictions sanitaires les plus strictes, dont la France, l'Espagne et l'Italie, présentent un niveau de PIB au 2e trimestre de 2020 par rapport à celui du 4e trimestre de 2019 nettement inférieur à la plupart des autres pays de la zone euro et de l'OCDE (1). A l'inverse, la Chine, qui a fait face à la crise sanitaire dès le début du 1er trimestre, a vu son PIB rebondir dès le 2e trimestre.

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  1. De la même manière, le commerce mondial a très largement chuté, mais de manière proportionnellement moins forte par rapport à l'activité que lors des dernières crises, notamment parce que les restrictions sanitaires ont davantage touché des secteurs d'activité faisant peu l'objet d'échanges internationaux.
  2. A la mi-2020, un rebond vigoureux mais partiel de l'économie mondiale
  3. La levée progressive des mesures sanitaires au cours du deuxième trimestre a permis un rebond mécanique de l'activité, qui s'est accompagné d'une reprise du commerce mondial observable dès le mois de juin.

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  1. Néanmoins, les dernières données disponibles laissent apparaître un rebond seulement partiel de l'économie mondiale. Les indices de production industrielle dans les principaux pays de l'OCDE restent nettement en deçà de leur niveau d'avant-crise et signalent en juillet un ralentissement du rattrapage économique. Certains secteurs des services (transport aérien, hôtellerie, restauration, etc.) continuent d'avoir un recul d'activité plus marqué.
  2. Si la consommation en biens des ménages était dynamique au début de l'été, avec des ventes au détail revenues à leur niveau d'avant-crise, voire un peu au-delà comme en Allemagne, des restrictions continuent de peser sur certaines consommations de services (transport aérien, hébergement-restauration). L'épargne globalement accumulée pendant les mois de confinement n'aurait pas commencé à être libérée dans un contexte d'incertitudes persistantes sur l'évolution de la pandémie et de la situation de l'emploi.

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  1. Les enquêtes de conjoncture et les indicateurs de climat des affaires au mois d'août signalent également un redressement inachevé de l'activité, qui n'est pas revenu à son niveau d'avant-crise.
  2. En s'appuyant sur des remontées d'information directes sur l'activité, l'Insee estime ainsi que l'activité française serait encore, en août, inférieure de l'ordre de 5 % à son niveau de la fin 2019, cette perte d'activité par rapport à l'année dernière présentant des disparités sectorielles importantes.
  3. Des risques importants pesant sur l'activité mondiale et française
  4. Les perspectives de croissance de l'économie mondiale restent en premier lieu soumises aux incertitudes entourant l'évolution des conditions sanitaires. A court terme, le risque existe qu'une recrudescence des cas de Covid-19, notamment en Europe, entraîne de nouvelles baisses de la mobilité des personnes, qu'elles résultent de décisions prises par les pouvoirs publics (2) ou qu'elles soient le fait des agents eux-mêmes. Un renforcement de ces restrictions sanitaires perturberait certaines activités et pourrait provoquer un arrêt de la reprise économique en cours, voire une rechute. A moyen terme, toutes les incertitudes sur la possibilité de développement d'un vaccin sûr et efficace et la rapidité de son éventuelle dispensation aux populations, dont dépendent l'ampleur et la rapidité du retour à la normale de l'activité et de la demande des ménages, n'ont pas été levées.
  5. A ces incertitudes s'ajoutent les risques plus habituels, mais de moindre ampleur, que suscitent la recrudescence des tensions commerciales, les conditions du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (Brexit), l'orientation de la politique budgétaire américaine ou encore l'accentuation des difficultés économiques et financières de plusieurs pays émergents (notamment en Argentine, en Turquie et en Inde). Une poursuite de la hausse de l'euro, qui s'est déjà apprécié de près de 10 % par rapport au dollar depuis le début de l'année 2020, pourrait par ailleurs fragiliser la reprise de la zone euro.

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  1. En sens inverse, les plans de relance budgétaires des partenaires commerciaux de la France contribueront à la reprise de l'activité par le biais d'une hausse de la demande extérieure. A titre d'exemples, l'Allemagne a annoncé en juin un plan de relance de 130 Md€ visant notamment à soutenir la consommation, tandis que l'Italie a présenté en septembre un ensemble de mesures de relance pour 209 Md€.
  2. Ces dispositifs nationaux s'articulent avec les mesures annoncées au cours de l'été par l'Union européenne. En particulier, le programme Next Generation EU (3), mobilisant un total de 750 Md€ devant notamment être attribués aux pays membres sous forme d'aides et de prêts, devrait soutenir l'activité européenne et française. La Banque centrale européenne, dont la politique monétaire était déjà très accommodante avant la crise, met en œuvre depuis le mois de mars un ensemble de mesures visant à apporter un soutien monétaire accru (programmes d'achat d'actifs, apports de liquidités aux banques par des opérations de refinancement de long terme ciblées, etc.).

II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2020 et 2021

  1. Le scénario du Gouvernement
    Selon la saisine du Gouvernement (4), « Le PIB reculerait de −10 % en 2020 puis rebondirait de +8 % en 2021. L'activité s'établirait ainsi en 2021 environ − 3 % en dessous de son niveau de 2019. […] Un rebond assez rapide de l'activité en 2021, […] mettrait l'économie sur une trajectoire de retour dès 2022 de l'activité à son niveau de 2019.
    Ce scénario tient compte d'une résurgence de l'épidémie à l'automne 2020, qui serait accompagnée de la poursuite des mesures de restriction sanitaires prises depuis août et de comportements de prudence de la part des consommateurs. Après un été relativement calme sur le front épidémique, qui a permis une reprise rapide de l'activité, le retour des inquiétudes sanitaires à l'automne affecterait la consommation, qui reviendrait à un niveau proche de celui du début d'été 2020 et entraînerait un 4e trimestre plus dégradé que le 3e. Ces freins sur l'activité s'estomperaient progressivement au début de l'année 2021. Sur l'ensemble de l'année 2021, en l'absence de vaccin ou de traitement, les comportements des consommateurs resteraient prudents et l'activité dans certains secteurs liés aux loisirs resterait ainsi pénalisée.
    La consommation des ménages serait en fort recul sur l'ensemble de l'année 2020 (− 8 %) mais resterait soutenue par un revenu agrégé relativement préservé des effets de la crise. En 2021, par rapport à l'année 2020 qui a été grevée de 8 semaines de confinement, et grâce à un pouvoir d'achat préservé, la consommation rebondirait vigoureusement à +6,2 %. […]
    Après avoir déjà diminué en 2019 (+1,1 % après +1,8 % en 2018), l'inflation totale diminuerait en 2020, à +0,5 %, en lien notamment avec la baisse passée des prix du pétrole. L'inflation totale augmenterait en 2021 mais resterait contenue à +0,7 %, sous hypothèse de stabilité des prix du pétrole en prévision.
    En zone euro, où l'épidémie a été particulièrement sévère, l'activité reculerait en 2020 dans une ampleur inédite. En 2021, en dépit de mesures budgétaires et monétaires importantes, l'activité s'établirait sensiblement en deçà de son niveau de 2019. A l'exception de la Chine dont le rebond serait rapide, les perspectives des autres grands pays émergents demeurent dégradées. Dans ce contexte, la demande mondiale adressée à la France reculerait très fortement en 2020, à −11,0 % (après 1,1 % en 2019), puis ne rebondirait que partiellement en 2021, à +6,5 %. »
  2. Appréciation du Haut Conseil
  3. Le Haut Conseil apprécie successivement les hypothèses de croissance de l'activité, d'inflation, d'emploi et de masse salariale du secteur privé.
    a) La croissance de l'activité
  4. Pour 2020, le Gouvernement prévoit un recul du PIB en volume de 10 %, contre une baisse de 11 % prévue dans le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, prévision que le Haut Conseil jugeait prudente dans son avis sur ce PLFR (5). Pour 2021, le Gouvernement prévoit un rebond de l'activité de 8 %. En moyenne sur 2021, le PIB se situerait encore 2,7 % en dessous de son niveau de 2019.
  5. Sur l'ensemble des deux années, les prévisions du Gouvernement sont proches des autres prévisions disponibles mais avec une croissance un peu plus faible en 2020 et une croissance un peu plus marquée en 2021.
  6. Le Gouvernement, comme les principaux organismes de prévisions, élaborent leurs scénarios macroéconomiques sous l'hypothèse forte d'une amélioration de la situation sanitaire, en France comme dans le reste de la zone euro (cf. encadré). Par ailleurs, le PLF pour 2021 suppose également que la montée en charge du plan de relance (1,5 point de PIB) a un effet important sur la croissance en 2021 (1,1 point de PIB selon le Gouvernement).

Les prévisions de croissance du PIB pour 2020-2021

| |France | |Zone euro| | | | |----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|-------|----|---------|------|----|---------| | | 2020 |2021|2021/2019| 2020 |2021|2021/2019| | OCDE (septembre 2020) |- 9,6 |6,8 | - 3,5 |- 7,9|6,1 | - 2,3 | | Banque de France / BCE (septembre 2019) |- 8,7 |7,4 | - 1,9 |- 8,0|5,0 | - 3,4 | | Rexecode (septembre 2019) |- 9,0 |7,1 | - 2,5 |- 7,5|5,4 | - 2,5 | | Consensus Forecasts (septembre 2019) |- 9,6 |7,2 | - 3,3 |- 7,9|5,7 | - 2,6 | | Gouvernement (PLF 2020 - septembre 2019) |- 10,0|8,0 | - 2,7 |- 7,9|6,3 | - 2,1 | |Source : HCFP à partir des prévisions d'organisations internationales et d'instituts de conjoncture
Les colonnes ‘2021/2019'présentent pour chaque prévision le niveau du PIB atteint en 2021 par rapport à celui observé en 2019.| | | | | | |

Un rebond de l'activité au profil similaire dans les pays de la zone euro

La chute de l'activité du fait de l'impact des mesures de restrictions sanitaires présente le même profil dans la plupart des économies de la zone euro : le PIB s'est ainsi inscrit en net repli au 1er semestre 2020 et l'activité se situait dans le zone dans son ensemble près de 15 % en dessous de son niveau d'avant-crise à l'issue du 2e trimestre.
Le rebond prévu de l'activité présente également un profil similaire entre les pays de la zone euro. D'après les prévisions trimestrielles du Consensus Forecasts, la croissance serait vigoureuse au cours du second semestre 2020. Au début de l'année 2021, l'activité reviendrait ainsi dans la zone euro moins de 5 % en dessous de son niveau d'avant-crise. La reprise se poursuivrait ensuite à un rythme moins soutenu dans les différents pays.
Dans ces prévisions, l'ampleur du rattrapage présente toutefois une certaine hétérogénéité entre les pays de la zone euro. Alors que l'Allemagne retrouverait son niveau d'activité d'avant-crise au début de l'année 2022, d'autres pays dont la France se situerait encore en dessous à cet horizon.

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  1. Le Gouvernement fait l'hypothèse que les ménages continueraient à se constituer une épargne de précaution au détriment de la consommation, en lien avec la persistance d'incertitudes sur la situation sanitaire et l'évolution du marché du travail. Leur taux d'épargne resterait ainsi en 2021 au-dessus du niveau observé au cours des dernières années. Cette épargne supplémentaire viendrait donc s'ajouter à l'épargne contrainte de plus de 60 Md€ accumulée au premier semestre (6). Le Haut Conseil note que cette hypothèse est prudente.
  2. En revanche, la contribution des échanges extérieurs à la croissance pourrait être légèrement inférieure à ce que prévoit le Gouvernement en 2021. Le PLF pour 2021 suppose effectivement un rattrapage substantiel, quoique partiel, des exportations sur certains secteurs directement affectés par la crise sanitaire (matériel de transport et tourisme). La persistance des incertitudes sur l'évolution de la situation sanitaire chez les partenaires commerciaux de la France et de potentiels changements durables de comportement pourraient limiter ce rattrapage.
  3. Par ailleurs, le scénario fait l'hypothèse que l'investissement des entreprises reviendrait pratiquement en 2021 à son niveau d'avant-crise, sous l'effet du rebond de l'activité, d'un retour du taux de marge à un niveau légèrement supérieur à celui observé en moyenne entre 2015 et 2018 grâce aux mesures décidées dans le cadre du plan de relance, dont en particulier à la baisse des impôts de production et des plans de soutien sectoriels à la reconversion et à l'innovation. Plusieurs facteurs pourraient freiner la reprise de l'investissement productif : la structure de bilan des entreprises est, avec la hausse de l'endettement, fragilisée et les perspectives de débouchés pourraient être peu porteuses dans certains secteurs durablement affectés par la crise. Le Haut Conseil estime donc que la prévision d'investissement est un peu trop élevée.
  4. Enfin, le scénario suppose un fort rebond de l'investissement public, qui reflète notamment celui de l'investissement public local, qui a pâti en 2020 de l'arrêt de nombreux chantiers pendant le confinement, mais bénéficierait aussi d'un soutien important du plan de relance. Compte tenu des délais inhérents à l'instruction des dossiers d'investissement et du niveau élevé d'utilisation des capacités de production du secteur du bâtiment, l'effet du plan de relance sur l'investissement public (6,6 Md€ prévus en 2020) risque d'être un peu moins fort en 2021 que prévu par le Gouvernement.
  5. Dans ce contexte, le Haut Conseil considère que le niveau d'activité atteint en 2021 (- 2,7 % par rapport à 2019), très dépendant de l'évolution de la situation sanitaire, est plausible. Il estime que la prévision d'activité pour 2020 est prudente et, à l'inverse, que l'ampleur du rebond prévu pour 2021 est volontariste.
    b) La hausse des prix à la consommation
  6. Selon le Gouvernement, la hausse de l'indice des prix à la consommation serait de 0,5 % en moyenne annuelle en 2020, après 1,1 % en 2019, puis de 0,7 % et en 2021. L'inflation « sous-jacente » (7) baisserait en 2020 pour se stabiliser en 2021.

Indice des prix à la consommation (IPC)

| Variations en % |Prévisions du Gouvernement (en moyenne annuelle)| | | |----------------------|------------------------------------------------|----|---| | 2019 | 2020 |2021| | | Indice d'ensemble | 1,1 |0,5 |0,7| |Indice « sous-jacent »| 0,8 |0,5 |0,5|

Source : prévisions du Gouvernement


Historique des versions

Version 1

Synthèse

En raison de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de covid-19, les incertitudes demeurent exceptionnellement élevées. Elles fragilisent les exercices de prévisions macroéconomiques et de finances publiques et rendent délicate l'appréciation par le Haut Conseil des finances publiques du scénario du projet de loi de finances pour 2021.

Dans ce contexte, le Haut Conseil considère que le niveau d'activité qui serait atteint en 2021 dans le scénario du Gouvernement (- 2,7 % par rapport à 2019), très dépendant de l'évolution de la situation sanitaire, est plausible. Il estime que la prévision d'activité pour 2020 est prudente et, à l'inverse, que l'ampleur du rebond prévu pour 2021 est volontariste.

Le Haut Conseil estime que la prévision d'inflation du Gouvernement est plausible, mais un peu basse. Celles d'emploi et de masse salariale pour 2020 et 2021 sont elles aussi plausibles.

Pour 2020 et 2021, le Haut Conseil considère que les prévisions des prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu et que les prévisions de dépenses publiques sont vraisemblables. Le solde public nominal prévu pour 2020 et 2021 (respectivement - 10,2 et - 6,7 points de PIB) est atteignable mais cette prévision est affectée par les très fortes incertitudes qui entourent les conditions sanitaires et les évolutions macroéconomiques.

Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel retenue dans le PLF pour 2021 avec celle de la loi de programmation en vigueur, celle du 22 janvier 2018 pour les années 2018 à 2022.

Le Haut Conseil constate ainsi que le solde structurel présenté par le Gouvernement se dégraderait de 1,2 point entre 2019 et 2021 et s'établirait à - 3,6 points de PIB en 2021. Le solde structurel prévu en 2021 serait ainsi inférieur de 2,4 points à celui inscrit dans cette loi de programmation, soit un écart important au sens de la loi organique de décembre 2012.

Toutefois, le Haut Conseil relève que la loi de programmation de janvier 2018 constitue désormais une référence dépassée, qu'il s'agisse du scénario macroéconomique ou de celui de finances publiques. En particulier, la crise sanitaire a affecté le potentiel productif de l'économie française. Le Gouvernement présente d'ailleurs à titre informatif dans le PLF une estimation du PIB potentiel révisée fortement en baisse par rapport à la loi de programmation. La prise en compte de cette nouvelle estimation conduirait à dégrader de plus d'un point le solde structurel en 2021.

En conséquence, le Haut Conseil estime nécessaire l'adoption dès le printemps 2021 d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques fixant une nouvelle trajectoire d'évolution du PIB et du PIB potentiel ainsi que de finances publiques.

Enfin, le Haut Conseil constate que le ratio de dette publique s'établirait, en 2021, 18 points de PIB au-dessus de son niveau d'avant-crise et 22 points au-dessus de celui prévu par la loi de programmation. Cette augmentation massive, résultant d'un choc aussi violent qu'inédit sur l'activité et de la réponse budgétaire apportée, intervient après une décennie quasi ininterrompue de hausse de la dette.

Dans un contexte de croissance potentielle affaiblie rendant plus difficile la réduction du déficit, la soutenabilité à moyen terme de la dette publique constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance.

1. Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 17 septembre 2020, en application de l'article 14 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, des prévisions macroéconomiques et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2021. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 21 septembre 2020, le présent avis.

Observations liminaires

1. Sur le périmètre du présent avis

2. Aux termes de l'article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis sur :

- les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ;

- la cohérence de l'article liminaire du PLF au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques (pour le présent avis celle du 22 janvier 2018).

2. Sur les informations transmises

3. Le 17 septembre 2020, le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement du cadrage macroéconomique et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les PLF et PLFSS pour 2021. Cette saisine a été accompagnée par des réponses aux questionnaires adressés par le Haut Conseil aux administrations compétentes.

3. Sur la méthode utilisée

4. Pour apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques et des éléments de finances publiques associés aux PLF et PLFSS pour 2021, le Haut Conseil a examiné les hypothèses retenues ainsi que les enchaînements économiques attendus jusqu'à l'horizon de la prévision. Il s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations qui lui ont été communiquées par les administrations compétentes, concernant notamment les mesures de politique économique décidées par le Gouvernement.

5. Le Haut Conseil s'est aussi appuyé sur les dernières prévisions produites par un ensemble d'organismes comprenant des institutions internationales et nationales, et notamment l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la Banque Centrale Européenne (BCE), l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la Banque de France et des instituts de conjoncture tels que Rexecode et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

6. Comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, il a auditionné les représentants de la direction générale du Trésor, de la direction du budget et de la direction de la sécurité sociale. Il a procédé aux auditions de représentants de la Banque de France, du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), de Rexecode et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

7. Après une présentation de l'environnement économique mondial et européen (I), le Haut Conseil formule son appréciation sur les prévisions macro-économiques associées aux PLF et PLFSS pour 2021 (II), puis sur le scénario de finances publiques (III).

I. - Un choc économique de grande ampleur au premier semestre 2020 lié à la crise sanitaire

1. Une chute massive de l'activité mondiale au 2e trimestre

8. La mise en place de mesures de restrictions sanitaires visant à freiner l'épidémie de covid-19 a limité l'activité de nombreux secteurs économiques et conduit à une récession de l'économie mondiale d'une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

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9. Le PIB s'est ainsi replié dans la plupart des économies mondiales dès le 1er trimestre. Le recul du PIB a été encore plus prononcé au 2e trimestre, en raison des mesures de confinement des populations qui ont provoqué un double choc, d'offre et de demande, avec notamment la fermeture des activités non essentielles et l'impossibilité d'effectuer certaines dépenses de consommation.

10. La chute du PIB présente une hétérogénéité marquée entre les pays en fonction de la durée et de la sévérité des mesures de restrictions sanitaires et de la composition sectorielle de leur activité. Les pays de la zone euro les plus touchés par l'épidémie et qui ont imposé des mesures de restrictions sanitaires les plus strictes, dont la France, l'Espagne et l'Italie, présentent un niveau de PIB au 2e trimestre de 2020 par rapport à celui du 4e trimestre de 2019 nettement inférieur à la plupart des autres pays de la zone euro et de l'OCDE (1). A l'inverse, la Chine, qui a fait face à la crise sanitaire dès le début du 1er trimestre, a vu son PIB rebondir dès le 2e trimestre.

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11. De la même manière, le commerce mondial a très largement chuté, mais de manière proportionnellement moins forte par rapport à l'activité que lors des dernières crises, notamment parce que les restrictions sanitaires ont davantage touché des secteurs d'activité faisant peu l'objet d'échanges internationaux.

2. A la mi-2020, un rebond vigoureux mais partiel de l'économie mondiale

12. La levée progressive des mesures sanitaires au cours du deuxième trimestre a permis un rebond mécanique de l'activité, qui s'est accompagné d'une reprise du commerce mondial observable dès le mois de juin.

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13. Néanmoins, les dernières données disponibles laissent apparaître un rebond seulement partiel de l'économie mondiale. Les indices de production industrielle dans les principaux pays de l'OCDE restent nettement en deçà de leur niveau d'avant-crise et signalent en juillet un ralentissement du rattrapage économique. Certains secteurs des services (transport aérien, hôtellerie, restauration, etc.) continuent d'avoir un recul d'activité plus marqué.

14. Si la consommation en biens des ménages était dynamique au début de l'été, avec des ventes au détail revenues à leur niveau d'avant-crise, voire un peu au-delà comme en Allemagne, des restrictions continuent de peser sur certaines consommations de services (transport aérien, hébergement-restauration). L'épargne globalement accumulée pendant les mois de confinement n'aurait pas commencé à être libérée dans un contexte d'incertitudes persistantes sur l'évolution de la pandémie et de la situation de l'emploi.

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15. Les enquêtes de conjoncture et les indicateurs de climat des affaires au mois d'août signalent également un redressement inachevé de l'activité, qui n'est pas revenu à son niveau d'avant-crise.

16. En s'appuyant sur des remontées d'information directes sur l'activité, l'Insee estime ainsi que l'activité française serait encore, en août, inférieure de l'ordre de 5 % à son niveau de la fin 2019, cette perte d'activité par rapport à l'année dernière présentant des disparités sectorielles importantes.

3. Des risques importants pesant sur l'activité mondiale et française

17. Les perspectives de croissance de l'économie mondiale restent en premier lieu soumises aux incertitudes entourant l'évolution des conditions sanitaires. A court terme, le risque existe qu'une recrudescence des cas de Covid-19, notamment en Europe, entraîne de nouvelles baisses de la mobilité des personnes, qu'elles résultent de décisions prises par les pouvoirs publics (2) ou qu'elles soient le fait des agents eux-mêmes. Un renforcement de ces restrictions sanitaires perturberait certaines activités et pourrait provoquer un arrêt de la reprise économique en cours, voire une rechute. A moyen terme, toutes les incertitudes sur la possibilité de développement d'un vaccin sûr et efficace et la rapidité de son éventuelle dispensation aux populations, dont dépendent l'ampleur et la rapidité du retour à la normale de l'activité et de la demande des ménages, n'ont pas été levées.

18. A ces incertitudes s'ajoutent les risques plus habituels, mais de moindre ampleur, que suscitent la recrudescence des tensions commerciales, les conditions du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (Brexit), l'orientation de la politique budgétaire américaine ou encore l'accentuation des difficultés économiques et financières de plusieurs pays émergents (notamment en Argentine, en Turquie et en Inde). Une poursuite de la hausse de l'euro, qui s'est déjà apprécié de près de 10 % par rapport au dollar depuis le début de l'année 2020, pourrait par ailleurs fragiliser la reprise de la zone euro.

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19. En sens inverse, les plans de relance budgétaires des partenaires commerciaux de la France contribueront à la reprise de l'activité par le biais d'une hausse de la demande extérieure. A titre d'exemples, l'Allemagne a annoncé en juin un plan de relance de 130 Md€ visant notamment à soutenir la consommation, tandis que l'Italie a présenté en septembre un ensemble de mesures de relance pour 209 Md€.

20. Ces dispositifs nationaux s'articulent avec les mesures annoncées au cours de l'été par l'Union européenne. En particulier, le programme Next Generation EU (3), mobilisant un total de 750 Md€ devant notamment être attribués aux pays membres sous forme d'aides et de prêts, devrait soutenir l'activité européenne et française. La Banque centrale européenne, dont la politique monétaire était déjà très accommodante avant la crise, met en œuvre depuis le mois de mars un ensemble de mesures visant à apporter un soutien monétaire accru (programmes d'achat d'actifs, apports de liquidités aux banques par des opérations de refinancement de long terme ciblées, etc.).

II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2020 et 2021

1. Le scénario du Gouvernement

Selon la saisine du Gouvernement (4), « Le PIB reculerait de −10 % en 2020 puis rebondirait de +8 % en 2021. L'activité s'établirait ainsi en 2021 environ − 3 % en dessous de son niveau de 2019. […] Un rebond assez rapide de l'activité en 2021, […] mettrait l'économie sur une trajectoire de retour dès 2022 de l'activité à son niveau de 2019.

Ce scénario tient compte d'une résurgence de l'épidémie à l'automne 2020, qui serait accompagnée de la poursuite des mesures de restriction sanitaires prises depuis août et de comportements de prudence de la part des consommateurs. Après un été relativement calme sur le front épidémique, qui a permis une reprise rapide de l'activité, le retour des inquiétudes sanitaires à l'automne affecterait la consommation, qui reviendrait à un niveau proche de celui du début d'été 2020 et entraînerait un 4e trimestre plus dégradé que le 3e. Ces freins sur l'activité s'estomperaient progressivement au début de l'année 2021. Sur l'ensemble de l'année 2021, en l'absence de vaccin ou de traitement, les comportements des consommateurs resteraient prudents et l'activité dans certains secteurs liés aux loisirs resterait ainsi pénalisée.

La consommation des ménages serait en fort recul sur l'ensemble de l'année 2020 (− 8 %) mais resterait soutenue par un revenu agrégé relativement préservé des effets de la crise. En 2021, par rapport à l'année 2020 qui a été grevée de 8 semaines de confinement, et grâce à un pouvoir d'achat préservé, la consommation rebondirait vigoureusement à +6,2 %. […]

Après avoir déjà diminué en 2019 (+1,1 % après +1,8 % en 2018), l'inflation totale diminuerait en 2020, à +0,5 %, en lien notamment avec la baisse passée des prix du pétrole. L'inflation totale augmenterait en 2021 mais resterait contenue à +0,7 %, sous hypothèse de stabilité des prix du pétrole en prévision.

En zone euro, où l'épidémie a été particulièrement sévère, l'activité reculerait en 2020 dans une ampleur inédite. En 2021, en dépit de mesures budgétaires et monétaires importantes, l'activité s'établirait sensiblement en deçà de son niveau de 2019. A l'exception de la Chine dont le rebond serait rapide, les perspectives des autres grands pays émergents demeurent dégradées. Dans ce contexte, la demande mondiale adressée à la France reculerait très fortement en 2020, à −11,0 % (après 1,1 % en 2019), puis ne rebondirait que partiellement en 2021, à +6,5 %. »

2. Appréciation du Haut Conseil

21. Le Haut Conseil apprécie successivement les hypothèses de croissance de l'activité, d'inflation, d'emploi et de masse salariale du secteur privé.

a) La croissance de l'activité

22. Pour 2020, le Gouvernement prévoit un recul du PIB en volume de 10 %, contre une baisse de 11 % prévue dans le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, prévision que le Haut Conseil jugeait prudente dans son avis sur ce PLFR (5). Pour 2021, le Gouvernement prévoit un rebond de l'activité de 8 %. En moyenne sur 2021, le PIB se situerait encore 2,7 % en dessous de son niveau de 2019.

23. Sur l'ensemble des deux années, les prévisions du Gouvernement sont proches des autres prévisions disponibles mais avec une croissance un peu plus faible en 2020 et une croissance un peu plus marquée en 2021.

24. Le Gouvernement, comme les principaux organismes de prévisions, élaborent leurs scénarios macroéconomiques sous l'hypothèse forte d'une amélioration de la situation sanitaire, en France comme dans le reste de la zone euro (cf. encadré). Par ailleurs, le PLF pour 2021 suppose également que la montée en charge du plan de relance (1,5 point de PIB) a un effet important sur la croissance en 2021 (1,1 point de PIB selon le Gouvernement).

Les prévisions de croissance du PIB pour 2020-2021

France

Zone euro

2020

2021

2021/2019

2020

2021

2021/2019

OCDE (septembre 2020)

- 9,6

6,8

- 3,5

- 7,9

6,1

- 2,3

Banque de France / BCE (septembre 2019)

- 8,7

7,4

- 1,9

- 8,0

5,0

- 3,4

Rexecode (septembre 2019)

- 9,0

7,1

- 2,5

- 7,5

5,4

- 2,5

Consensus Forecasts (septembre 2019)

- 9,6

7,2

- 3,3

- 7,9

5,7

- 2,6

Gouvernement (PLF 2020 - septembre 2019)

- 10,0

8,0

- 2,7

- 7,9

6,3

- 2,1

Source : HCFP à partir des prévisions d'organisations internationales et d'instituts de conjoncture

Les colonnes ‘2021/2019'présentent pour chaque prévision le niveau du PIB atteint en 2021 par rapport à celui observé en 2019.

Un rebond de l'activité au profil similaire dans les pays de la zone euro

La chute de l'activité du fait de l'impact des mesures de restrictions sanitaires présente le même profil dans la plupart des économies de la zone euro : le PIB s'est ainsi inscrit en net repli au 1er semestre 2020 et l'activité se situait dans le zone dans son ensemble près de 15 % en dessous de son niveau d'avant-crise à l'issue du 2e trimestre.

Le rebond prévu de l'activité présente également un profil similaire entre les pays de la zone euro. D'après les prévisions trimestrielles du Consensus Forecasts, la croissance serait vigoureuse au cours du second semestre 2020. Au début de l'année 2021, l'activité reviendrait ainsi dans la zone euro moins de 5 % en dessous de son niveau d'avant-crise. La reprise se poursuivrait ensuite à un rythme moins soutenu dans les différents pays.

Dans ces prévisions, l'ampleur du rattrapage présente toutefois une certaine hétérogénéité entre les pays de la zone euro. Alors que l'Allemagne retrouverait son niveau d'activité d'avant-crise au début de l'année 2022, d'autres pays dont la France se situerait encore en dessous à cet horizon.

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25. Le Gouvernement fait l'hypothèse que les ménages continueraient à se constituer une épargne de précaution au détriment de la consommation, en lien avec la persistance d'incertitudes sur la situation sanitaire et l'évolution du marché du travail. Leur taux d'épargne resterait ainsi en 2021 au-dessus du niveau observé au cours des dernières années. Cette épargne supplémentaire viendrait donc s'ajouter à l'épargne contrainte de plus de 60 Md€ accumulée au premier semestre (6). Le Haut Conseil note que cette hypothèse est prudente.

26. En revanche, la contribution des échanges extérieurs à la croissance pourrait être légèrement inférieure à ce que prévoit le Gouvernement en 2021. Le PLF pour 2021 suppose effectivement un rattrapage substantiel, quoique partiel, des exportations sur certains secteurs directement affectés par la crise sanitaire (matériel de transport et tourisme). La persistance des incertitudes sur l'évolution de la situation sanitaire chez les partenaires commerciaux de la France et de potentiels changements durables de comportement pourraient limiter ce rattrapage.

27. Par ailleurs, le scénario fait l'hypothèse que l'investissement des entreprises reviendrait pratiquement en 2021 à son niveau d'avant-crise, sous l'effet du rebond de l'activité, d'un retour du taux de marge à un niveau légèrement supérieur à celui observé en moyenne entre 2015 et 2018 grâce aux mesures décidées dans le cadre du plan de relance, dont en particulier à la baisse des impôts de production et des plans de soutien sectoriels à la reconversion et à l'innovation. Plusieurs facteurs pourraient freiner la reprise de l'investissement productif : la structure de bilan des entreprises est, avec la hausse de l'endettement, fragilisée et les perspectives de débouchés pourraient être peu porteuses dans certains secteurs durablement affectés par la crise. Le Haut Conseil estime donc que la prévision d'investissement est un peu trop élevée.

28. Enfin, le scénario suppose un fort rebond de l'investissement public, qui reflète notamment celui de l'investissement public local, qui a pâti en 2020 de l'arrêt de nombreux chantiers pendant le confinement, mais bénéficierait aussi d'un soutien important du plan de relance. Compte tenu des délais inhérents à l'instruction des dossiers d'investissement et du niveau élevé d'utilisation des capacités de production du secteur du bâtiment, l'effet du plan de relance sur l'investissement public (6,6 Md€ prévus en 2020) risque d'être un peu moins fort en 2021 que prévu par le Gouvernement.

29. Dans ce contexte, le Haut Conseil considère que le niveau d'activité atteint en 2021 (- 2,7 % par rapport à 2019), très dépendant de l'évolution de la situation sanitaire, est plausible. Il estime que la prévision d'activité pour 2020 est prudente et, à l'inverse, que l'ampleur du rebond prévu pour 2021 est volontariste.

b) La hausse des prix à la consommation

30. Selon le Gouvernement, la hausse de l'indice des prix à la consommation serait de 0,5 % en moyenne annuelle en 2020, après 1,1 % en 2019, puis de 0,7 % et en 2021. L'inflation « sous-jacente » (7) baisserait en 2020 pour se stabiliser en 2021.

Indice des prix à la consommation (IPC)

Variations en %

Prévisions du Gouvernement (en moyenne annuelle)

2019

2020

2021

Indice d'ensemble

1,1

0,5

0,7

Indice « sous-jacent »

0,8

0,5

0,5

Source : prévisions du Gouvernement