JORF n°0098 du 22 avril 2020

c) Sur l'ampleur du rebond de l'activité à l'issue du confinement
30. Le scénario du Gouvernement suppose, à l'issue des huit semaines de confinement, un retour assez rapide à la normale. Après une baisse de l'activité au 1er trimestre qui s'amplifierait au 2e trimestre, l'économie connaîtrait ainsi une reprise marquée en seconde partie d'année. Du côté de la demande, la consommation rebondirait, les ménages mobilisant au second semestre une part de l'épargne accumulée au cours de la période de confinement.

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  1. Le Haut Conseil relève que le scénario du Gouvernement repose sur l'hypothèse que les pertes d'activité ne seraient que temporaires. L'appareil productif serait ainsi capable de redémarrer sans délai malgré une interruption brutale et massive de son fonctionnement dans certains secteurs, dont témoigne la chute du taux d'utilisation des capacités de production dans l'industrie (voir graphique ci-dessus). Après s'être situé très en deçà de la trajectoire qu'il suivait avant la crise, le niveau du PIB la rejoindrait rapidement. Autrement dit, les pertes de croissance au cours de la crise seraient intégralement compensées par un surcroît de croissance les trimestres suivants. La trajectoire de croissance retenue dans ce PLFR correspond donc à un scénario de « rattrapage » dans lequel le niveau du PIB n'est pas affecté durablement par le choc induit par la crise sanitaire liée au covid-19 (cf. encadré).

| Les profils théoriques de sortie de crise économique | |:-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:| |La crise sanitaire liée au covid-19 induit un choc macroéconomique de grande ampleur et potentiellement durable sur l'économie mondiale. L'ampleur et la durée des effets d'un tel choc sont très difficiles à prévoir. La trajectoire économique pour les années à venir dépend du rebond de la demande des ménages et des entreprises. Elle dépend aussi et surtout de la manière dont le choc va affecter les capacités de production disponibles pour répondre à cette demande et leur croissance, via celle des facteurs de production, qui tient notamment à la dynamique des investissements, et de leur productivité.
A terme, la crise peut avoir un impact plus ou moins marqué sur le niveau du stock de capital, la participation au marché du travail, le taux de chômage « structurel » et la productivité globale des facteurs. Au regard des crises passées, trois familles de scénarios de sortie de crise peuvent être envisagés (cf. graphiques ci-dessous) (8) :
- un scénario de « rattrapage » : après être descendu en dessous de la trajectoire qu'il suivait avant la crise, le PIB finit par y revenir ; dans ce scénario le fonctionnement de l'économie n'est que temporairement altéré et les capacités de production sortent intactes de la crise ; les pertes de croissance sont intégralement compensées par un surcroît de croissance dans la période qui suit ;
- un scénario « intermédiaire » : le PIB retrouve un rythme de croissance identique à celui d'avant-crise mais sans rattrapage des pertes enregistrées pendant la crise ; notamment, les faillites d'entreprises résultant de la crise et le report de certains projets d'investissement amputent les capacités de production de l'économie ; le niveau du PIB est alors durablement inférieur à celui qui aurait prévalu en l'absence de crise ; les investissements, notamment en R&D, retrouvent toutefois leur croissance d'avant-crise et le potentiel de croissance de l'économie n'en est pas affecté ;
- un scénario « bas » : le taux de croissance du PIB diminue de manière durable par rapport à celui observé avant la crise ; les investissements, notamment en R&D, sont cette fois affectés durablement, du fait de contraintes de financement comme de la nécessaire réallocation des moyens pour traiter les problèmes structurels révélés par la crise ; le potentiel de croissance de l'économie en est réduit. Dans un tel scénario, le PIB en niveau s'écarte progressivement de la trajectoire qui aurait prévalu en l'absence de crise ;| | | | | | | | | | | | | | |

  1. L'ampleur du rebond effectif de l'activité dépend de trois facteurs principaux : le processus de déconfinement, l'efficacité des mesures prises pour soutenir la reprise de l'activité économique, ainsi que le dynamisme de la consommation intérieure et de la demande extérieure adressée à la France.
    (i) Le scénario économique retenu par le Gouvernement suppose, au-delà de la période de strict confinement, un retour assez rapide de l'activité économique à la normale. Une mise en œuvre très progressive du processus de sortie des restrictions sanitaires, dont le principe a été posé le 13 avril par le Président de la République, est susceptible de limiter l'ampleur et la vitesse du rebond économique.
    (ii) La reprise de l'activité économique est également conditionnée à l'efficacité des mesures de soutien qui ont été prises dans le cadre des deux PLFR pour 2020. En supposant un retour rapide à la normale, le scénario du Gouvernement est en effet construit sur la double hypothèse que le dispositif de chômage partiel mis en œuvre permettrait de prévenir durablement les licenciements et qu'il n'y aurait pas de surcroît significatif de défaillances d'entreprises pendant et en sortie de crise, si bien que ces dernières pourraient maintenir leur masse salariale au niveau d'avant-crise, ce qui n'est pas acquis.
    (iii) De surcroît, l'ampleur de la reprise de la consommation des ménages, différée en raison du confinement, est entourée de fortes incertitudes liées à la possible persistance de comportements prudents ou attentistes, tandis qu'une partie des projets d'investissement que les entreprises ont reportés au cours du confinement pourrait être annulée, notamment en raison de la dégradation de leurs résultats et de la montée des incertitudes sur les perspectives de croissance. Le Gouvernement suppose que la sortie des restrictions d'activité serait synchronisée dans l'ensemble des pays, ce qui permettrait le rebond des exportations françaises au second semestre. En cas de désynchronisation, le dynamisme des exportations françaises pourrait être plus limité que prévu par le Gouvernement.
  2. S'agissant du PIB potentiel, le PLFR et le programme de stabilité sont bâtis sur l'hypothèse qu'il ne sera pas affecté d'ici la fin d'année 2020 par le choc. Pourtant, même si la crise économique liée au covid-19 revêt certaines caractéristiques particulières (choc sans lien avec le fonctionnement des économies, nature temporaire des mesures de confinement), l'ampleur des pertes d'activité et leur durée, incertaines à ce stade, pourraient laisser des séquelles plus durables et affecter le potentiel de production de l'économie française dès cette année
  3. L'incertitude exceptionnellement élevée résultant de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de covid-19 affecte toutes les prévisions macroéconomiques et oblige à les réviser fréquemment.
  4. Le Haut Conseil note que l'hypothèse de l'impact sur le PIB des mesures de restriction des déplacements et de l'activité (- 3 points de PIB par mois) retenue par le Gouvernement est cohérente avec les estimations récentes portant sur le premier mois de confinement et que le scénario présenté est construit sur une durée de confinement de huit semaines.
  5. Le Haut Conseil constate que ce scénario économique repose sur l'hypothèse forte d'un retour assez rapide à la normale de l'activité, au-delà du 11 mai. Il suppose en particulier que les mesures de politique économique prises pour faire face à la crise permettront de préserver l'appareil productif et que la demande, tant intérieure qu'étrangère, ne portera pas de séquelles durables de la crise.
  6. Au total, le Haut Conseil relève que, si cette hypothèse forte ne se réalisait pas, la chute d'activité pourrait se révéler supérieure encore à celle de - 8 % en 2020 prévue par le Gouvernement.

III. - Observations relatives aux finances publiques

  1. Les prévisions du Gouvernement

  2. Selon le scénario du Gouvernement, « La prévision de solde public pour 2020 est revue en nette baisse, à -9 % du PIB, contre -2,2 % prévu dans la LFI pour 2020, et -3,9 % dans la LFR n° I adoptée le 23 mars. Le solde structurel s'élèverait à -2,0 % du PIB comme en 2019 et l'ajustement structurel à 0,0 point de PIB, comme en LFI 2020 ainsi que dans la LFR n° I. […] la dégradation des perspectives de croissance et la hausse attendue de la durée du confinement ont déjà conduit à revoir à la hausse le coût de ces mesures, qui est passé de 0,5 point de PIB à 1,9 point de PIB […].

  3. La dégradation du solde par rapport à la LFI 2020 s'explique par le solde conjoncturel et l'effet des mesures exceptionnelles et temporaires […]. Le taux de croissance spontané des prélèvements obligatoires s'établirait à -7,1 %, à comparer à celui du PIB nominal de -6,7 %, soit une élasticité de 1,1. […] Le ratio de dépense publique serait révisé en très forte hausse, soutenu par les mesures adoptées face à l'épidémie et en raison de l'effet dénominateur lié à la baisse du PIB. Il s'établirait à 60,9 % du PIB. La dépense publique croîtrait ainsi de 5,1 % en valeur en 2020, après 2,3 % en 2019. […] Le ratio de dette publique au sens de Maastricht progresserait très fortement, pour atteindre près de 115 points de PIB, porté par le creusement du déficit ainsi que par la contraction du PIB. »

  4. Appréciation du Haut Conseil

  5. Le 2e PLFR pour 2020 se limite pour l'essentiel à la prise en compte de l'impact de la crise sanitaire sur les recettes de l'Etat et à l'ouverture de crédits de grande ampleur à caractère urgent portant principalement sur des missions nouvelles de l'Etat. Il ne tire pas les conséquences de la crise sur l'ensemble des missions budgétaires de l'Etat ainsi que sur l'ensemble des dépenses des administrations publiques, ce qui est compréhensible dans le contexte d'incertitude actuel. Les informations transmises par le Gouvernement dans le cadre de cette saisine ne comprennent par ailleurs aucune donnée par catégorie d'administrations publiques que ce soit sur les dépenses, les recettes ou le solde.

  6. Les recettes font l'objet d'une révision de grande ampleur, essentiellement liées aux effets de la révision du scénario macroéconomique. Les prévisions de prélèvements obligatoires génèreraient des recettes sensiblement réduites du fait de la chute de l'activité (9).

  7. Le PLFR prévoit que l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires sera légèrement plus négative que l'activité en 2020 (avec une « élasticité » (10) des prélèvements obligatoires égale à 1,1). Cette hypothèse du maintien d'une élasticité proche de l'unité, cohérente avec les données observées lors de la récession de 2009, reste entourée d'une incertitude significative compte tenu de la brutalité du choc et de son caractère inédit.

  8. Surtout, au regard de la fragilité prévisible des entreprises au sortir de la crise, une partie des reports de quelques mois d'échéances fiscales et sociales devrait donner lieu à des abandons de créances, qui ne sont pas inscrits dans le 2e PLFR et accroîtraient d'autant le déficit public.

  9. La prévision de progression en valeur des dépenses publiques serait de 5,3 % contre 1,7 % (11) en loi de finances initiale, essentiellement du fait des mesures prises pour répondre à la crise (42 Md€, soit 1,9 point de PIB, en incluant les mesures de la 1re LFR). Ce deuxième projet de loi de finances rectificative révise significativement le volume de dépenses exceptionnelles, prévues à 11,5 Md€ dans la première loi de finances rectificative.

  10. Ces 42 Md€ de dépenses budgétaires supplémentaires constituent une composante du plan d'ensemble de 110 Md€ annoncé par le Gouvernement le 14 avril, qui inclut notamment les reports d'échéances fiscales et sociales et le remboursement anticipé de crédits d'impôt et de créances fiscales bénéficiant aux entreprises, a priori sans effet sur les soldes publics.

  11. Ce PLFR ouvre des crédits sur un nombre limité de dispositifs concernant l'Etat. En particulier, les dépenses liées à l'activité partielle, prévues à 8,5 Md€ pour l'ensemble des administrations publiques dans la première loi de finances rectificative, ont été portées à 24 Md€ au total (12). Elles seraient financées aux deux tiers environ par l'Etat, la part restante étant à la charge de l'Unédic. Compte tenu du nombre de salariés pour lesquels le dispositif de chômage partiel a déjà été sollicité (8 millions de salariés) et de l'extension à huit semaines de la durée de confinement, le coût du dispositif pourrait excéder significativement le montant de 24 Md€ inscrit dans le 2e PLFR pour 2020.

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  1. Concernant les administrations de sécurité sociale (ASSO), le PLFR prévoit que les dépenses de l'Unédic seraient accrues par le financement du chômage partiel et le décalage de la réforme des allocations qui devait entrer en vigueur au 1er avril. Pour leur part, les dépenses supplémentaires de santé directement liées à la crise sanitaire conduiraient à une hausse de 8 Md€ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) portant essentiellement sur des dépenses de matériel, des primes au personnel de santé et les indemnités journalières (maladie et garde d'enfant) (13). Le 2e PLFR pour 2020 n'intègre pas les mesures de soutien aux artisans et commerçants qui ont été annoncées récemment par leurs caisses de retraites complémentaires.
  2. Au total, le solde public prévu atteindrait 9 points de PIB, soit une dégradation de 6,8 points de PIB par rapport à la loi de finances initiale. Du fait du déclenchement de la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance (cf. encadré ci-dessous), cet accroissement massif du déficit n'enfreint toutefois pas les règles européennes en 2020.

| Le déclenchement de la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance | |:-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:| |Dans le contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19 et sur proposition de la Commission, le Conseil de l'Union européenne a annoncé le 23 mars 2020 le déclenchement de la « clause dérogatoire générale ». Introduite en 2011 dans le cadre de la réforme du Pacte de stabilité et de croissance, cette clause peut être activée dans le cas « d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'Etat membre concerné ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou en période de grave récession économique affectant la zone euro ou l'ensemble de l'Union » (14).
Cette clause ne suspend pas les procédures du Pacte de stabilité et de croissance. Néanmoins, elle permet aux Etats membres et à l'Union européenne de prendre et de coordonner des mesures budgétaires nécessaires pour faire face à la « circonstance inhabituelle » en s'écartant des exigences budgétaires normalement applicables. Dans le cas du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance, les Etats sont ainsi « autorisés, à s'écarter temporairement de la trajectoire d'ajustement en vue de la réalisation de l'objectif budgétaire à moyen terme […] à condition de ne pas mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme (15) ». Par ailleurs, dans le cadre du volet correctif du Pacte (16), la clause permet notamment au Conseil de l'Union européenne de réviser une recommandation adressée à un Etat membre et de « prolonger, en principe d'un an, le délai prévu pour la correction du déficit excessif ».| | | | | | | | | | | | | | | | |

  1. Par ailleurs, le 2e PLFR ouvre 20 Md€ de crédits destinés à des apports en capitaux pour des entreprises en difficulté à partir du compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat. L'hypothèse conventionnelle est faite que chacune de ces prises de participation répondrait aux exigences (agir en « investisseur avisé ») qui sont posées pour que ces apports en capitaux ne soient pas enregistrés comme des dépenses publiques en comptabilité nationale.
  2. Compte tenu des risques importants qui pèsent tant sur les recettes que les dépenses des administrations publiques, le déficit public, bien que revu significativement à la hausse lors de la saisine rectificative du 14 avril, pourrait être plus dégradé que prévu par le PLFR.
  3. Le Gouvernement estime que le déficit en 2020 s'élèverait à 9 points de PIB, en dégradation de 6 points par rapport à 2019, liée pour l'essentiel à l'impact de la conjoncture (5,3 points). Les mesures temporaires et exceptionnelles pour l'essentiel, selon le Gouvernement, l'ensemble des dépenses publiques décidées pour faire face à la crise s'élèveraient à 1,7 point.
  4. En conséquence, le PLFR ne prévoit pas de dégradation du solde structurel (17) en 2020, qui resterait à son niveau de 2019 (à -2,0 points de PIB), comme en loi de finances initiale. Le solde structurel s'écarterait de 0,4 point de PIB de celui inscrit dans la loi de programmation de janvier 2018. Cela suppose que l'ensemble des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire par rapport aux prévisions de loi de finances initiale ne seront pas pérennisées et pourront donc être considérées comme des mesures ponctuelles et temporaires.

Décomposition du solde public présenté par le Gouvernement

| En points de PIB |PLFR n° 2 pour 2020 (avril 2020)|LPFP (janvier 2018)| | | | | |----------------------------------|--------------------------------|-------------------|-----|-----|-----|-----| | | 2018 | 2019 |2020 |2018 |2019 |2020 | | Solde public | -2,3 | -3,0 |-9,0|-2,8|-2,9|-1,5| | Composante conjoncturelle | 0,0 | 0,0 |-5,3|-0,4|-0,1| 0,1 | |Mesures ponctuelles et temporaires| -0,1 | -1,0 |-1,7|-0,2|-0,9| 0,0 | | Solde structurel | -2,2 | -2,0 |-2,0|-2,1|-1,9|-1,6| | Écart avec la LPFP | -0,0 | -0,1 |-0,4| | | |

Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations. Les données de finances publiques de ce PLFR sont modifiées par rapport au projet de loi de finances pour 2020 et par rapport au précédent PLFR du fait de la prise en compte des données publiées par l'Insee fin mars. Ces révisions ont conduit à réviser la chronique de déficit pour les années 2017 à 2019 et de fait de déficit structurel.
Source : Projet de loi de finances rectificative pour 2020, loi de programmation de janvier 2018.


Historique des versions

Version 1

c) Sur l'ampleur du rebond de l'activité à l'issue du confinement

30. Le scénario du Gouvernement suppose, à l'issue des huit semaines de confinement, un retour assez rapide à la normale. Après une baisse de l'activité au 1er trimestre qui s'amplifierait au 2e trimestre, l'économie connaîtrait ainsi une reprise marquée en seconde partie d'année. Du côté de la demande, la consommation rebondirait, les ménages mobilisant au second semestre une part de l'épargne accumulée au cours de la période de confinement.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

31. Le Haut Conseil relève que le scénario du Gouvernement repose sur l'hypothèse que les pertes d'activité ne seraient que temporaires. L'appareil productif serait ainsi capable de redémarrer sans délai malgré une interruption brutale et massive de son fonctionnement dans certains secteurs, dont témoigne la chute du taux d'utilisation des capacités de production dans l'industrie (voir graphique ci-dessus). Après s'être situé très en deçà de la trajectoire qu'il suivait avant la crise, le niveau du PIB la rejoindrait rapidement. Autrement dit, les pertes de croissance au cours de la crise seraient intégralement compensées par un surcroît de croissance les trimestres suivants. La trajectoire de croissance retenue dans ce PLFR correspond donc à un scénario de « rattrapage » dans lequel le niveau du PIB n'est pas affecté durablement par le choc induit par la crise sanitaire liée au covid-19 (cf. encadré).

Les profils théoriques de sortie de crise économique

La crise sanitaire liée au covid-19 induit un choc macroéconomique de grande ampleur et potentiellement durable sur l'économie mondiale. L'ampleur et la durée des effets d'un tel choc sont très difficiles à prévoir. La trajectoire économique pour les années à venir dépend du rebond de la demande des ménages et des entreprises. Elle dépend aussi et surtout de la manière dont le choc va affecter les capacités de production disponibles pour répondre à cette demande et leur croissance, via celle des facteurs de production, qui tient notamment à la dynamique des investissements, et de leur productivité.

A terme, la crise peut avoir un impact plus ou moins marqué sur le niveau du stock de capital, la participation au marché du travail, le taux de chômage « structurel » et la productivité globale des facteurs. Au regard des crises passées, trois familles de scénarios de sortie de crise peuvent être envisagés (cf. graphiques ci-dessous) (8) :

- un scénario de « rattrapage » : après être descendu en dessous de la trajectoire qu'il suivait avant la crise, le PIB finit par y revenir ; dans ce scénario le fonctionnement de l'économie n'est que temporairement altéré et les capacités de production sortent intactes de la crise ; les pertes de croissance sont intégralement compensées par un surcroît de croissance dans la période qui suit ;

- un scénario « intermédiaire » : le PIB retrouve un rythme de croissance identique à celui d'avant-crise mais sans rattrapage des pertes enregistrées pendant la crise ; notamment, les faillites d'entreprises résultant de la crise et le report de certains projets d'investissement amputent les capacités de production de l'économie ; le niveau du PIB est alors durablement inférieur à celui qui aurait prévalu en l'absence de crise ; les investissements, notamment en R&D, retrouvent toutefois leur croissance d'avant-crise et le potentiel de croissance de l'économie n'en est pas affecté ;

- un scénario « bas » : le taux de croissance du PIB diminue de manière durable par rapport à celui observé avant la crise ; les investissements, notamment en R&D, sont cette fois affectés durablement, du fait de contraintes de financement comme de la nécessaire réallocation des moyens pour traiter les problèmes structurels révélés par la crise ; le potentiel de croissance de l'économie en est réduit. Dans un tel scénario, le PIB en niveau s'écarte progressivement de la trajectoire qui aurait prévalu en l'absence de crise ;

32. L'ampleur du rebond effectif de l'activité dépend de trois facteurs principaux : le processus de déconfinement, l'efficacité des mesures prises pour soutenir la reprise de l'activité économique, ainsi que le dynamisme de la consommation intérieure et de la demande extérieure adressée à la France.

(i) Le scénario économique retenu par le Gouvernement suppose, au-delà de la période de strict confinement, un retour assez rapide de l'activité économique à la normale. Une mise en œuvre très progressive du processus de sortie des restrictions sanitaires, dont le principe a été posé le 13 avril par le Président de la République, est susceptible de limiter l'ampleur et la vitesse du rebond économique.

(ii) La reprise de l'activité économique est également conditionnée à l'efficacité des mesures de soutien qui ont été prises dans le cadre des deux PLFR pour 2020. En supposant un retour rapide à la normale, le scénario du Gouvernement est en effet construit sur la double hypothèse que le dispositif de chômage partiel mis en œuvre permettrait de prévenir durablement les licenciements et qu'il n'y aurait pas de surcroît significatif de défaillances d'entreprises pendant et en sortie de crise, si bien que ces dernières pourraient maintenir leur masse salariale au niveau d'avant-crise, ce qui n'est pas acquis.

(iii) De surcroît, l'ampleur de la reprise de la consommation des ménages, différée en raison du confinement, est entourée de fortes incertitudes liées à la possible persistance de comportements prudents ou attentistes, tandis qu'une partie des projets d'investissement que les entreprises ont reportés au cours du confinement pourrait être annulée, notamment en raison de la dégradation de leurs résultats et de la montée des incertitudes sur les perspectives de croissance. Le Gouvernement suppose que la sortie des restrictions d'activité serait synchronisée dans l'ensemble des pays, ce qui permettrait le rebond des exportations françaises au second semestre. En cas de désynchronisation, le dynamisme des exportations françaises pourrait être plus limité que prévu par le Gouvernement.

33. S'agissant du PIB potentiel, le PLFR et le programme de stabilité sont bâtis sur l'hypothèse qu'il ne sera pas affecté d'ici la fin d'année 2020 par le choc. Pourtant, même si la crise économique liée au covid-19 revêt certaines caractéristiques particulières (choc sans lien avec le fonctionnement des économies, nature temporaire des mesures de confinement), l'ampleur des pertes d'activité et leur durée, incertaines à ce stade, pourraient laisser des séquelles plus durables et affecter le potentiel de production de l'économie française dès cette année

34. L'incertitude exceptionnellement élevée résultant de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de covid-19 affecte toutes les prévisions macroéconomiques et oblige à les réviser fréquemment.

35. Le Haut Conseil note que l'hypothèse de l'impact sur le PIB des mesures de restriction des déplacements et de l'activité (- 3 points de PIB par mois) retenue par le Gouvernement est cohérente avec les estimations récentes portant sur le premier mois de confinement et que le scénario présenté est construit sur une durée de confinement de huit semaines.

36. Le Haut Conseil constate que ce scénario économique repose sur l'hypothèse forte d'un retour assez rapide à la normale de l'activité, au-delà du 11 mai. Il suppose en particulier que les mesures de politique économique prises pour faire face à la crise permettront de préserver l'appareil productif et que la demande, tant intérieure qu'étrangère, ne portera pas de séquelles durables de la crise.

37. Au total, le Haut Conseil relève que, si cette hypothèse forte ne se réalisait pas, la chute d'activité pourrait se révéler supérieure encore à celle de - 8 % en 2020 prévue par le Gouvernement.

III. - Observations relatives aux finances publiques

1. Les prévisions du Gouvernement

38. Selon le scénario du Gouvernement, « La prévision de solde public pour 2020 est revue en nette baisse, à -9 % du PIB, contre -2,2 % prévu dans la LFI pour 2020, et -3,9 % dans la LFR n° I adoptée le 23 mars. Le solde structurel s'élèverait à -2,0 % du PIB comme en 2019 et l'ajustement structurel à 0,0 point de PIB, comme en LFI 2020 ainsi que dans la LFR n° I. […] la dégradation des perspectives de croissance et la hausse attendue de la durée du confinement ont déjà conduit à revoir à la hausse le coût de ces mesures, qui est passé de 0,5 point de PIB à 1,9 point de PIB […].

39. La dégradation du solde par rapport à la LFI 2020 s'explique par le solde conjoncturel et l'effet des mesures exceptionnelles et temporaires […]. Le taux de croissance spontané des prélèvements obligatoires s'établirait à -7,1 %, à comparer à celui du PIB nominal de -6,7 %, soit une élasticité de 1,1. […] Le ratio de dépense publique serait révisé en très forte hausse, soutenu par les mesures adoptées face à l'épidémie et en raison de l'effet dénominateur lié à la baisse du PIB. Il s'établirait à 60,9 % du PIB. La dépense publique croîtrait ainsi de 5,1 % en valeur en 2020, après 2,3 % en 2019. […] Le ratio de dette publique au sens de Maastricht progresserait très fortement, pour atteindre près de 115 points de PIB, porté par le creusement du déficit ainsi que par la contraction du PIB. »

2. Appréciation du Haut Conseil

40. Le 2e PLFR pour 2020 se limite pour l'essentiel à la prise en compte de l'impact de la crise sanitaire sur les recettes de l'Etat et à l'ouverture de crédits de grande ampleur à caractère urgent portant principalement sur des missions nouvelles de l'Etat. Il ne tire pas les conséquences de la crise sur l'ensemble des missions budgétaires de l'Etat ainsi que sur l'ensemble des dépenses des administrations publiques, ce qui est compréhensible dans le contexte d'incertitude actuel. Les informations transmises par le Gouvernement dans le cadre de cette saisine ne comprennent par ailleurs aucune donnée par catégorie d'administrations publiques que ce soit sur les dépenses, les recettes ou le solde.

41. Les recettes font l'objet d'une révision de grande ampleur, essentiellement liées aux effets de la révision du scénario macroéconomique. Les prévisions de prélèvements obligatoires génèreraient des recettes sensiblement réduites du fait de la chute de l'activité (9).

42. Le PLFR prévoit que l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires sera légèrement plus négative que l'activité en 2020 (avec une « élasticité » (10) des prélèvements obligatoires égale à 1,1). Cette hypothèse du maintien d'une élasticité proche de l'unité, cohérente avec les données observées lors de la récession de 2009, reste entourée d'une incertitude significative compte tenu de la brutalité du choc et de son caractère inédit.

43. Surtout, au regard de la fragilité prévisible des entreprises au sortir de la crise, une partie des reports de quelques mois d'échéances fiscales et sociales devrait donner lieu à des abandons de créances, qui ne sont pas inscrits dans le 2e PLFR et accroîtraient d'autant le déficit public.

44. La prévision de progression en valeur des dépenses publiques serait de 5,3 % contre 1,7 % (11) en loi de finances initiale, essentiellement du fait des mesures prises pour répondre à la crise (42 Md€, soit 1,9 point de PIB, en incluant les mesures de la 1re LFR). Ce deuxième projet de loi de finances rectificative révise significativement le volume de dépenses exceptionnelles, prévues à 11,5 Md€ dans la première loi de finances rectificative.

45. Ces 42 Md€ de dépenses budgétaires supplémentaires constituent une composante du plan d'ensemble de 110 Md€ annoncé par le Gouvernement le 14 avril, qui inclut notamment les reports d'échéances fiscales et sociales et le remboursement anticipé de crédits d'impôt et de créances fiscales bénéficiant aux entreprises, a priori sans effet sur les soldes publics.

46. Ce PLFR ouvre des crédits sur un nombre limité de dispositifs concernant l'Etat. En particulier, les dépenses liées à l'activité partielle, prévues à 8,5 Md€ pour l'ensemble des administrations publiques dans la première loi de finances rectificative, ont été portées à 24 Md€ au total (12). Elles seraient financées aux deux tiers environ par l'Etat, la part restante étant à la charge de l'Unédic. Compte tenu du nombre de salariés pour lesquels le dispositif de chômage partiel a déjà été sollicité (8 millions de salariés) et de l'extension à huit semaines de la durée de confinement, le coût du dispositif pourrait excéder significativement le montant de 24 Md€ inscrit dans le 2e PLFR pour 2020.

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47. Concernant les administrations de sécurité sociale (ASSO), le PLFR prévoit que les dépenses de l'Unédic seraient accrues par le financement du chômage partiel et le décalage de la réforme des allocations qui devait entrer en vigueur au 1er avril. Pour leur part, les dépenses supplémentaires de santé directement liées à la crise sanitaire conduiraient à une hausse de 8 Md€ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) portant essentiellement sur des dépenses de matériel, des primes au personnel de santé et les indemnités journalières (maladie et garde d'enfant) (13). Le 2e PLFR pour 2020 n'intègre pas les mesures de soutien aux artisans et commerçants qui ont été annoncées récemment par leurs caisses de retraites complémentaires.

48. Au total, le solde public prévu atteindrait 9 points de PIB, soit une dégradation de 6,8 points de PIB par rapport à la loi de finances initiale. Du fait du déclenchement de la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance (cf. encadré ci-dessous), cet accroissement massif du déficit n'enfreint toutefois pas les règles européennes en 2020.

Le déclenchement de la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance

Dans le contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19 et sur proposition de la Commission, le Conseil de l'Union européenne a annoncé le 23 mars 2020 le déclenchement de la « clause dérogatoire générale ». Introduite en 2011 dans le cadre de la réforme du Pacte de stabilité et de croissance, cette clause peut être activée dans le cas « d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'Etat membre concerné ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou en période de grave récession économique affectant la zone euro ou l'ensemble de l'Union » (14).

Cette clause ne suspend pas les procédures du Pacte de stabilité et de croissance. Néanmoins, elle permet aux Etats membres et à l'Union européenne de prendre et de coordonner des mesures budgétaires nécessaires pour faire face à la « circonstance inhabituelle » en s'écartant des exigences budgétaires normalement applicables. Dans le cas du volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance, les Etats sont ainsi « autorisés, à s'écarter temporairement de la trajectoire d'ajustement en vue de la réalisation de l'objectif budgétaire à moyen terme […] à condition de ne pas mettre en péril la viabilité budgétaire à moyen terme (15) ». Par ailleurs, dans le cadre du volet correctif du Pacte (16), la clause permet notamment au Conseil de l'Union européenne de réviser une recommandation adressée à un Etat membre et de « prolonger, en principe d'un an, le délai prévu pour la correction du déficit excessif ».

49. Par ailleurs, le 2e PLFR ouvre 20 Md€ de crédits destinés à des apports en capitaux pour des entreprises en difficulté à partir du compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat. L'hypothèse conventionnelle est faite que chacune de ces prises de participation répondrait aux exigences (agir en « investisseur avisé ») qui sont posées pour que ces apports en capitaux ne soient pas enregistrés comme des dépenses publiques en comptabilité nationale.

50. Compte tenu des risques importants qui pèsent tant sur les recettes que les dépenses des administrations publiques, le déficit public, bien que revu significativement à la hausse lors de la saisine rectificative du 14 avril, pourrait être plus dégradé que prévu par le PLFR.

51. Le Gouvernement estime que le déficit en 2020 s'élèverait à 9 points de PIB, en dégradation de 6 points par rapport à 2019, liée pour l'essentiel à l'impact de la conjoncture (5,3 points). Les mesures temporaires et exceptionnelles pour l'essentiel, selon le Gouvernement, l'ensemble des dépenses publiques décidées pour faire face à la crise s'élèveraient à 1,7 point.

52. En conséquence, le PLFR ne prévoit pas de dégradation du solde structurel (17) en 2020, qui resterait à son niveau de 2019 (à -2,0 points de PIB), comme en loi de finances initiale. Le solde structurel s'écarterait de 0,4 point de PIB de celui inscrit dans la loi de programmation de janvier 2018. Cela suppose que l'ensemble des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire par rapport aux prévisions de loi de finances initiale ne seront pas pérennisées et pourront donc être considérées comme des mesures ponctuelles et temporaires.

Décomposition du solde public présenté par le Gouvernement

En points de PIB

PLFR n° 2 pour 2020 (avril 2020)

LPFP (janvier 2018)

2018

2019

2020

2018

2019

2020

Solde public

-2,3

-3,0

-9,0

-2,8

-2,9

-1,5

Composante conjoncturelle

0,0

0,0

-5,3

-0,4

-0,1

0,1

Mesures ponctuelles et temporaires

-0,1

-1,0

-1,7

-0,2

-0,9

0,0

Solde structurel

-2,2

-2,0

-2,0

-2,1

-1,9

-1,6

Écart avec la LPFP

-0,0

-0,1

-0,4

Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations. Les données de finances publiques de ce PLFR sont modifiées par rapport au projet de loi de finances pour 2020 et par rapport au précédent PLFR du fait de la prise en compte des données publiées par l'Insee fin mars. Ces révisions ont conduit à réviser la chronique de déficit pour les années 2017 à 2019 et de fait de déficit structurel.

Source : Projet de loi de finances rectificative pour 2020, loi de programmation de janvier 2018.