JORF n°0221 du 25 septembre 2018

Synthèse

Le Haut Conseil des finances publiques considère qu'une croissance de l'ordre de 1,6 % - 1,7 % en 2018 est vraisemblable et que la prévision du Gouvernement à 1,7 % est donc crédible. Il estime par ailleurs que la prévision de croissance de 1,7 % pour 2019 est plausible. Il relève toutefois qu'elle s'inscrit dans un contexte international marqué par des incertitudes particulièrement élevées.
Le Haut Conseil considère que les prévisions d'emploi et de masse salariale pour 2018 sont cohérentes avec les informations aujourd'hui disponibles et que les prévisions pour 2019 sont plausibles. Il estime que les prévisions d'inflation retenues pour 2018 et 2019 sont raisonnables.
Pour 2018 et 2019, le Haut Conseil considère que les prévisions des prélèvements obligatoires sont réalistes au regard du scénario macroéconomique retenu. Il estime que la prévision d'évolution des dépenses publiques, qui implique des efforts de maîtrise de la part de l'ensemble des administrations publiques, est atteignable.
Au total, il considère que la prévision de déficit public nominal pour 2018 et 2019 (respectivement 2,6 et 2,8 points de PIB), est plausible.
Le Haut Conseil constate que les prévisions de solde structurel associées au projet de loi de finances pour 2019 ne font pas apparaître d'écart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022.
Il souligne néanmoins que les ajustements structurels prévus pour 2018 (0,1 point de PIB) et 2019 (0,3 point de PIB), qui seront soumis à l'appréciation de la Commission, ne sont pas conformes aux règles du « bras préventif » du Pacte de stabilité. Dans son avis relatif à la loi de programmation de janvier 2018, le Haut Conseil avait déjà relevé que la trajectoire de finances publiques s'écartait des engagements européens de la France.
En outre, le Haut Conseil note que l'ajustement structurel affiché pour l'année 2019 bénéficie de la non-prise en compte en opération ponctuelle et temporaire de la mesure relative à l'augmentation, limitée à l'exercice 2019, du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés. Ce choix, discutable, améliore l'ajustement structurel présenté par le Gouvernement de près de 0,1 point de PIB en 2019.
Le déficit nominal resterait proche de 3 points de PIB à l'horizon 2019. Une fois neutralisé l'impact de la transformation du CICE en baisse de cotisations (0,9 point), le déficit se réduirait sensiblement entre 2017 et 2019. Sa réduction serait toutefois, pour plus de la moitié, de nature conjoncturelle en raison d'une croissance prévue supérieure à la croissance potentielle sur cette période.
Le déficit structurel de la France reste à un niveau élevé. Il ne se réduirait que lentement au regard des règles européennes et la France n'aurait pas encore amorcé, à l'horizon de 2019, le mouvement de réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens.
Le Haut Conseil souligne que cette situation persistante est de nature à limiter significativement les marges de manœuvre de la politique budgétaire en cas de fort ralentissement de l'activité économique.
Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 12 septembre 2018, en application de l'article 14 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, des prévisions macroéconomiques et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 19 septembre 2018, le présent avis.

OBSERVATIONS LIMINAIRES

  1. Sur le périmètre de l'avis

Aux termes de l'article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis sur :

- les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ;
- la cohérence de l'article liminaire du PLF au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

  1. Sur les informations transmises

Le 12 septembre 2018, le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement du cadrage macroéconomique et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les PLF et PLFSS pour 2019. Cette saisine a été accompagnée, puis complétée, par des réponses aux questionnaires adressés au préalable aux administrations compétentes par le Haut Conseil.
Le Haut Conseil relève qu'il n'a pas disposé des principaux projets d'articles du PLF et du PLFSS pour 2019. Ces éléments auraient pourtant été utiles à son appréciation.

  1. Sur la méthode utilisée

Pour apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques et des éléments de finances publiques associés aux PLF et PLFSS pour 2019, le Haut Conseil a examiné les hypothèses retenues ainsi que les enchaînements économiques attendus jusqu'à l'horizon de la prévision. Il s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations qui lui ont été communiquées par les administrations compétentes concernant les mesures de politique économique décidées par le Gouvernement.
Le Haut Conseil a par ailleurs pris connaissance de l'ensemble des prévisions et analyses disponibles.
Comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, il a auditionné les représentants de la direction générale du Trésor, de la direction du budget et de la direction de la sécurité sociale. Il a procédé aux auditions de représentants de la Banque de France, du Conseil d'analyse économique (CAE), du CEPII, de Rexecode et de l'OFCE.
Il a également reçu le Commissaire européen pour les affaires économiques et financières, la fiscalité et les douanes.
Après une présentation de l'environnement économique mondial et européen (I), le Haut Conseil formule son appréciation sur les prévisions macro-économiques associées aux PLF et PLFSS pour 2019 (II), puis sur le scénario de finances publiques (III).

I. - Un environnement économique mondial et européen moins favorable qu'en 2017

  1. Une croissance de l'économie mondiale toujours soutenue début 2018

La croissance mondiale s'est infléchie sur la période récente. Sa composition par zone géographique s'est un peu modifiée : la croissance s'est affermie aux Etats-Unis, elle a fléchi légèrement en Europe et au Japon, plus fortement pour certains pays émergents.
La croissance de la zone euro est passée d'un rythme trimestriel de 0,7 % en 2017 à 0,4 % au 1er semestre 2018. Ce freinage reflète un environnement international devenu moins favorable depuis l'été 2017, avec la hausse des prix du pétrole, l'appréciation de l'euro et l'accroissement des incertitudes commerciales et politiques.
Le climat des affaires tiré des enquêtes de conjoncture européennes s'est replié au cours du 1er semestre après avoir atteint des niveaux très élevés en décembre - janvier. À l'été 2018, il reste toutefois supérieur à sa moyenne de longue période. La croissance européenne est soutenue par l'orientation toujours favorable de la politique monétaire ainsi que par des politiques budgétaires légèrement expansionnistes.
En France, le ralentissement a été plus prononcé que pour la moyenne de la zone euro avec une croissance limitée à 0,2 % pour chacun des deux premiers trimestres 2018. Cet écart porte essentiellement sur les dépenses des ménages, en particulier la consommation qui a stagné en France au cours du 1er semestre (+ 0,1 %) alors qu'elle continuait d'augmenter à un rythme proche de 1,5 % l'an dans la zone euro. Ceci pourrait s'expliquer notamment par les effets de la mise en œuvre de mesures fiscales qui ont pesé sur le pouvoir d'achat des ménages (augmentation de la CSG non totalement compensée sur la période par la baisse des cotisations salariales, hausse des taxes sur le tabac et les produits pétroliers). Plusieurs facteurs temporaires, dont les grèves dans les transports, y ont également contribué.

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JOnº 0221 du 25/09/2018, texte nº 109|Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
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  1. La perspective mondiale : une croissance modérée, des risques accrus

a) Une inflexion de la croissance
La plupart des prévisions disponibles décrivent une croissance mondiale encore soutenue par le dynamisme de l'activité américaine, tandis que la croissance de la zone euro se stabiliserait après le ralentissement enregistré au 1er semestre 2018.
Ces prévisions supposent notamment que la longue phase d'expansion de l'économie américaine se poursuive en 2019, grâce notamment à une politique budgétaire toujours très expansionniste et au caractère progressif du resserrement de la politique monétaire. La croissance de la zone euro se stabiliserait à partir du second semestre 2018 à un rythme annuel proche de 2 %, cohérent avec les indications fournies par les enquêtes de conjoncture.
Ce contexte traduisant une utilisation accrue des capacités de production installées, l'inflation sous-jacente continuerait de remonter lentement dans les pays développés.
b) La montée de plusieurs risques
Les perspectives pour 2019 sont entourées d'incertitudes accrues qui conduisent à des risques économiques importants : montée des tensions commerciales, résultats des négociations sur le Brexit, situation de l'Italie, déséquilibres financiers en Chine, fragilité de plusieurs pays émergents (Turquie, Argentine, Afrique du Sud, Brésil…).
Par ailleurs, le poids élevé de l'endettement public et privé dans de nombreux pays fait peser un risque supplémentaire, dans un contexte de resserrement graduel des politiques monétaires. Ces risques pourraient être amplifiés si la politique budgétaire américaine très expansive et les hausses de tarifs douaniers induisaient une augmentation plus marquée que prévu de l'inflation provoquant un resserrement plus rapide de la politique monétaire que celui actuellement anticipé par les agents économiques.

II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2018 et 2019

  1. Le scénario du Gouvernement

Selon la saisine du Gouvernement, « la reprise à l'œuvre depuis l'automne 2016 se confirmerait en 2018 et 2019 mais s'infléchirait légèrement par rapport à 2017, reflet d'un environnement international un peu moins porteur. […] Après avoir atteint 2,3 % en 2017, la croissance se replierait à 1,7 % en 2018 et resterait stable à ce même niveau en 2019. Après s'être redressée à 1,0 % en 2017, l'inflation atteindrait 1,8 % en 2018 puis baisserait à 1,4 % en 2019 ».
Le scénario du Gouvernement s'inscrit dans un environnement de ralentissement progressif du commerce mondial (5,2 % en 2018 puis 4,6 % en 2019 après 5,5 % en 2017).
Pour la France, il suppose un rebond de l'activité à partir du 3e trimestre 2018 après la faible croissance constatée dans la première moitié de l'année. Il repose notamment sur une reprise de la consommation, favorisée par les gains de pouvoir d'achat découlant de la baisse des prélèvements obligatoires (seconde étape de la substitution de CSG à des cotisations, baisse de la taxe d'habitation) et du reflux de l'inflation.
Pour l'année 2019, le scénario repose sur l'hypothèse d'une croissance trimestrielle de l'ordre de 0,4 % prolongeant le rebond attendu au second semestre 2018. L'activité serait encore soutenue par la croissance du commerce international et, sur le plan intérieur, par une hausse de la consommation des ménages et une nouvelle progression de l'investissement des entreprises. Le pouvoir d'achat des ménages bénéficierait des baisses de prélèvements (effet plein des réductions de cotisations, taxe d'habitation…) et de la baisse prévue de l'inflation. Le taux d'épargne se stabiliserait après avoir augmenté en 2018.

  1. Appréciation du Haut Conseil

a) La croissance de l'activité :
Après une croissance en 2017 supérieure à ce qui était anticipé (2,3 % contre 1,7 % dans le PLF 2018 et 1,8 % dans le Programme de stabilité), le Gouvernement prévoit une croissance du PIB en volume de 1,7 % en 2018 comme en 2019 (cf. annexe 4) (1). Ces hypothèses de croissance sont identiques à celles retenues il y a un an dans le projet de loi de programmation 2018 - 2022. Elles sont toutefois inférieures à celles du Programme de stabilité d'avril dernier (respectivement 2,0 % en 2018 et 1,9 % en 2019).
Compte tenu de l'acquis de croissance au 2e trimestre, estimé aujourd'hui à 1,3 %, la réalisation d'une croissance de 1,7 % en moyenne annuelle en 2018 suppose une nette accélération de l'activité dans la seconde moitié de l'année à un rythme d'au moins 0,5 % par trimestre.
Les informations disponibles sur le début de l'été (production industrielle de juillet, enquêtes de conjoncture jusqu'au mois d'août) permettent d'anticiper une remontée du taux de croissance au 3e trimestre dont l'ampleur ne peut encore être estimée avec précision.
La prévision de croissance du Gouvernement pour 2018 est en ligne avec celles des organisations internationales et des instituts de conjoncture, qui se situent pour la plupart entre 1,6 et 1,7 %.
Le Haut Conseil des finances publiques considère qu'une croissance de l'ordre de 1,6 % - 1,7 % en 2018 est vraisemblable et que la prévision du Gouvernement à 1,7 % est donc crédible.
Pour l'année 2019, le Haut Conseil considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement sur la demande des ménages (augmentation de la consommation au même rythme que le pouvoir d'achat, stabilisation de l'investissement en logement) et des entreprises (investissement encore dynamique mais en ralentissement) sont plausibles.
La prévision de croissance du Gouvernement pour 2019 est, comme celle pour 2018, en ligne avec la moyenne des prévisions disponibles. La plupart présentent une progression de l'activité en 2019 proche de celle de 2018.

Les prévisions de croissance du PIB pour 2018-2019

| |France|Zone euro| | | |----------------------------------------|------|---------|----|----| | | 2018 | 2019 |2018|2019| | Commission européenne (juillet 2018) | 1,7 | 1,7 |2,1 |2,0 | | FMI (juillet 2018) | 1,8 | 1,7 |2,2 |1,9 | | OCDE (septembre 2018) | 1,6 | 1,8 |2,0 |1,9 | |Banque de France / BCE (septembre 2018) | 1,6 | 1,6 |2,0 |1,8 | | OFCE (septembre 2018) | 1,7 | 1,8 | - | - | | Rexecode (septembre 2018) | 1,6 | 1,3 |2,0 |1,6 | | Consensus (septembre 2018) | 1,7 | 1,7 |2,1 |1,8 | |Gouvernement (PLF 2019 ; septembre 2018)| 1,7 | 1,7 |2,1 |2,1 |

Source : HCFP à partir des prévisions des différents instituts
Le Haut Conseil note toutefois que cette prévision est affectée d'un degré d'incertitude plus fort que les années précédentes. Comme évoqué précédemment, les risques portent essentiellement sur l'environnement international (montée des tensions commerciales, résultats des négociations sur le Brexit, situation de l'Italie, déséquilibres financiers en Chine, fragilité de plusieurs pays émergents…).
Le Haut Conseil considère que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2019 est plausible. Il relève toutefois qu'elle s'inscrit dans un contexte international marqué par des incertitudes particulièrement élevées.
b) L'emploi et la masse salariale privée :
Dans la prévision du Gouvernement, la masse salariale des branches marchandes non agricoles augmenterait en valeur de 3,5 % en 2018 et en 2019, après 3,5 % en 2017. La croissance de l'emploi s'affaiblirait progressivement de 2017 à 2019.
La croissance plus faible des effectifs salariés marchands traduit l'impact progressif du ralentissement de l'activité en 2018 et du moindre soutien des politiques de l'emploi que les années précédentes (fin de la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité, arrêt de la prime à l'embauche).

Masse salariale du secteur marchand (évolutions en %)

| |2017|2018|2019| |----------------------------|----|----|----| |Effectifs salariés marchands|1,8 |1,5 |1,0 | | Salaire moyen |1,7 |2,0 |2,5 | | Masse salariale |3,5 |3,5 |3,5 |

Source : prévisions du Gouvernement
L'emploi non marchand, quant à lui, ralentirait nettement sous l'effet de la réduction du nombre de contrats aidés à partir du 2e semestre 2017.
La prévision de masse salariale pour 2018 est revue à la baisse par rapport au Programme de stabilité (3,9 % à l'époque) pour prendre en compte les données du 1er semestre. La dernière évolution connue, en glissement annuel au 2e trimestre 2018, est une progression de la masse salariale de 3,6 % dont 1,5 % pour les effectifs salariés et 2,1 % pour le salaire moyen.
Le Haut Conseil estime que les prévisions d'emploi et de masse salariale pour 2018 sont cohérentes avec les informations disponibles jusqu'à l'été et que les prévisions pour 2019 sont plausibles.
c) La hausse de l'indice des prix à la consommation :
La hausse de l'indice des prix à la consommation en 2018 serait de 1,8 % en moyenne annuelle selon le Gouvernement (1,6 % hors tabac). Elle serait sensiblement plus élevée que prévu il y a un an dans le PLF pour 2018 (1,1 %), la différence portant pour l'essentiel sur les prix de l'énergie (une contribution à la hausse d'ensemble de 0,7 point, fiscalité comprise, contre 0,1 point prévu dans le PLF 2018). Cette hausse de l'inflation, non anticipée, a limité la progression du pouvoir d'achat des ménages en 2018.
L'inflation sous-jacente (hors prix volatils) se redresse progressivement. Elle serait de 0,9 % en 2018 (après 0,4 % en 2017), soutenue notamment par une remontée des prix des services liés à celle des salaires.
Cette prévision est cohérente avec les indices constatés jusqu'en août (une inflation sous-jacente de 0,9 % en glissement annuel) et l'hypothèse d'une stabilisation du prix du pétrole à 73 $ / 63 € le baril de Brent.
Pour 2019, sous cette hypothèse de prix du pétrole, la prévision est de 1,4 % en moyenne annuelle (1,3 % hors tabac). La baisse de l'inflation par rapport à 2018 s'expliquerait par une moindre contribution des prix de l'énergie (0,3 point) et des tarifs administrés (0,2 point contre 0,4 point) alors que l'inflation sous-jacente continuerait de remonter (1,1 %), sans refléter totalement l'accélération des salaires.
Ces prévisions pour 2018 et 2019 sont un peu inférieures aux moyennes du « Consensus Forecasts » de septembre (1,9 % et 1,6 % respectivement).
Le Haut Conseil considère que les prévisions d'inflation retenues pour 2018 et 2019 sont raisonnables.

III. - Observations sur les prévisions de finances publiques pour 2018 et 2019

La lecture de l'évolution des finances publiques pour les années récentes et en prévision est compliquée par les révisions des comptes des administrations publiques par l'Insee d'une part, et par les montants importants des remboursements de la taxe sur les dividendes à 3 % et de la bascule du CICE en baisse de cotisations d'autre part (1). Le Haut Conseil a vérifié la cohérence du projet de loi de finances avec les orientations pluriannuelles de solde structurel (2). Il a ensuite examiné les risques pesant sur les recettes et les dépenses publiques (3).

  1. Une lecture de la trajectoire des finances publiques compliquée par la révision des comptes de l'Insee, le remboursement de la taxe sur les dividendes à 3 % et la transformation du CICE en baisse de charges

Les PLF et PLFSS pour 2019 prévoient un déficit des administrations publiques (APU) de 2,6 points de PIB en 2018 et de 2,8 points de PIB en 2019, après 2,7 points de PIB en 2017. Ils intègrent la révision des comptes des APU par l'Insee pour les années 2016 et 2017, le remboursement de la taxe sur les dividendes à 3 % et la bascule du CICE en baisse de charges.
a) La révision des comptes des administrations publiques par l'Insee en septembre 2018 :
L'Insee a publié le 6 septembre 2018 des estimations révisées des comptes des APU pour les années 2016 et 2017. Elles tiennent compte de modifications méthodologiques concernant le reclassement de SNCF Réseau au sein des APU et le traitement comptable de la recapitalisation d'Orano (ex Areva) par l'Etat ainsi que d'une actualisation des « données sources » par rapport à la notification de mars 2018.
L'Insee a décidé de reclasser SNCF Réseau en APU à compter de l'année 2016. Ce reclassement a pour effet d'augmenter le déficit public de 3,2 Md€ en 2016 et de 2,2 Md€ en 2017. À la suite de ce reclassement, la dette publique est augmentée de 39,4 Md€ en 2017 (soit 1,7 point de PIB).
Après échange avec Eurostat, l'Insee a comptabilisé la recapitalisation d'Orano de 2017 pour un montant de 2,5 Md€ en une dépense publique qui pèse sur le déficit uniquement en 2017.
Enfin, pour l'année 2017, la prise en compte de données plus complètes sur les organismes de sécurité sociale (ASSO) améliore leur solde de 1,3 Md€ et une nouvelle évaluation des charges du compte d'affectation spéciale (CAS) Transition énergétique réduit le déficit de l'Etat de 1,5 Md€.

Révision du solde public entre les notifications de mars et de septembre 2018 de l'Insee

| | 2015 | 2016 | 2017 | |--------------------------------------------------------------------|------|------|------| | Solde notifié en mars 2018 (en Md€) |-79,7|-75,9|-59,5| | Révisions des données sources (en Md€) | | |+2,8 | | Impact du reclassement de SNCF Réseau (en Md€) | |-3,2 |-2,2 | |Impact du nouveau traitement de la recapitalisation d'Orano (en Md€)| | |-2,5 | | Solde notifié en septembre 2018 (en Md€) |-79,7|-79,1|-61,4| | Solde notifié en septembre 2018 (en points de PIB) |-3,6 |-3,5 |-2,7 |

Source : Insee
Au total, le déficit public nominal et le déficit structurel sont dégradés de 3,2 Md€ (soit 0,2 point de PIB) en 2016 et de 1,9 Md€ (soit 0,1 point de PIB) en 2017. Les déficits de 2018 et 2019 ne sont affectés que de manière marginale, l'impact du reclassement de SNCF Réseau étant quasiment compensé par les améliorations relatives aux ASSO et au CAS Transition énergétique.
b) L'impact de l'invalidation de la taxe 3 % sur les dividendes et de la bascule CICE en baisse de charges :
Les trois années 2017 à 2019 sont marquées par deux opérations temporaires de grande ampleur : le remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes en 2017 et 2018 à la suite de son invalidation par le Conseil constitutionnel et sa compensation en 2017 par une surtaxe exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés (IS) d'une part ; la transformation du CICE en baisse de cotisations au 1er janvier 2019 d'autre part.
Le remboursement de la taxe sur les dividendes (9,3 Md€ en dépenses) est réparti entre les années 2017 et 2018. Il a été compensé pour la seule année 2017 par une surtaxe exceptionnelle sur l'IS dont le rendement est estimé à 5,1 Md€. Le reliquat de ce remboursement pèse sur le déficit 2018 à hauteur de 4,2 Md€ soit 0,2 point de PIB. La transformation du CICE en baisse de cotisations a un coût net légèrement supérieur à 20 Md€ en 2019, soit 0,9 point de PIB (après prise en compte des recettes supplémentaires d'IS liées à la baisse des cotisations).
Si on neutralise ces deux opérations, qui n'influenceront pas durablement les comptes publics, le scénario du Gouvernement correspond à une réduction du déficit public d'environ 0,3 point en 2018 et d'environ 0,5 point en 2019.
D'autres opérations ponctuelles et temporaires complètent ces deux mesures de grande ampleur (voir infra).

  1. La cohérence avec les orientations pluriannuelles de solde structurel

Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel retenue dans le PLF pour 2019 avec celle de la dernière loi de programmation, en l'occurrence celle du 22 janvier 2018 pour les années 2018 à 2022. Le Haut Conseil doit notamment identifier les éventuels écarts importants entre la cible de déficit structurel définie par la loi de programmation et le déficit structurel observé. Un tel écart est considéré comme important dès lors qu'il dépasse 0,5 point de PIB sur une année donnée ou 0,25 point en moyenne sur deux années.
a) Un déficit structurel proche de la trajectoire de la loi de programmation :
Le solde structurel (2) est calculé avec les mêmes hypothèses de PIB potentiel que dans la loi de programmation. Dans son avis de septembre 2017 sur cette loi de programmation, le Haut Conseil a considéré que les estimations de croissance potentielle présentées par le Gouvernement (1,25 % en 2018 et 2019) « constituaient une base raisonnable pour asseoir la programmation des finances publiques à moyen terme ».
Les niveaux de solde structurel associés au PLF pour 2019 diffèrent légèrement (0,1 point de PIB) de la trajectoire définie dans la loi de programmation pour chacune des deux années 2018 et 2019.
Le Haut Conseil relève que le Gouvernement n'a pas comptabilisé en opération ponctuelle et temporaire la mesure d'augmentation en 2019 du 5e acompte d'impôt sur les sociétés dont l'effet sera pourtant temporaire. Cette mesure, dont le rendement est estimé à 1,5 Md€, est donc considérée comme contribuant à l'amélioration du solde structurel. Le Haut Conseil estime qu'il serait logique de la classer en opération ponctuelle et temporaire, son impact étant limité au seul exercice 2019. Le déficit structurel serait alors modifié en conséquence : il s'élèverait à 2,1 points de PIB en 2019 et non 2,0 points de PIB comme dans la présentation du Gouvernement.

Décomposition du solde public présenté par le Gouvernement

| En points de PIB |PLF pour 2019 (sept. 2018)|LPFP (janvier 2018)| | | | | |----------------------------------|--------------------------|-------------------|-----|-----|-----|-----| | | 2017 | 2018 |2019 |2017 |2018 |2019 | | Solde public | -2,7 | -2,6 |-2,8|-2,9|-2,8|-2,9| | Composante conjoncturelle | -0,3 | -0,1 | 0,1 |-0,6|-0,4|-0,1| |Mesures ponctuelles et temporaires| -0,1 | -0,2 |-0,9|-0,1|-0,2|-0,9| | Solde structurel | -2,3 | -2,2 |-2,0|-2,2|-2,1|-1,9|

Source : Projet de loi de finances pour 2019, loi de programmation de janvier 2018.
Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Même ainsi revu à la hausse, l'écart entre le déficit structurel présenté dans le cadre de ce PLF et la trajectoire de déficit structurel définie par la loi de programmation ne serait pas important au sens de l'article 23 de la loi organique.
b) L'ajustement structurel et l'effort structurel en 2018 et 2019 :

Ajustement structurel et effort structurel présentés par le Gouvernement

| En points de PIB potentiel |PLF pour 2019 (sept. 2018)|LPFP (janvier 2018)| | | | | |---------------------------------------------|--------------------------|-------------------|-------|-----|-----|-----| | | 2017 | 2018 | 2019 |2017 |2018 |2019 | | Ajustement structurel | 0,3 | 0,1 | 0,3 | 0,2 | 0,1 | 0,3 | | Effort structurel | -0,2 | 0,0 | 0,3 | 0,0 | 0,1 | 0,3 | |dont effort en dépense (hors crédits d'impôt)| -0,1 | 0,2 | 0,4* | 0,1 | 0,4 | 0,4 | | dont mesures nouvelles en recettes | -0,1 | -0,2 |-0,2*|-0,1|-0,3|-0,1| | Composante non discrétionnaire | 0,4 | 0,1 | 0,0 | 0,2 |-0,1| 0,0 | | Clé en crédits d'impôt** | 0,1 | 0,0 | 0,1 | 0,1 | 0,0 | 0,0 |

Source : Projet de loi de finances pour 2019, loi de programmation de janvier 2018.
Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
* Ces données neutralisent l'effet de la création de France Compétences au 1er janvier 2019 (voir annexe 6), qui correspond à la prise en charge par les administrations publiques de missions assurées auparavant par d'autres acteurs. À champ courant, l'effort en dépense serait de 0,2 point de PIB tandis que les mesures nouvelles en recettes représenteraient 0,0 point.
** En comptabilité nationale, les crédits d'impôt sont comptabilisés en fonction des demandes déposées et non des remboursements imputés sur le solde budgétaire. L'écart entre les créances de crédits d'impôt déposées et les crédits d'impôt remboursés, appelé « clé en crédits d'impôt », affecte la mesure de l'ajustement structurel.
L'ajustement structurel : (c'est-à-dire la variation du solde structurel) serait limité en 2018 et 2019 (respectivement 0,1 point et 0,3 point). En 2017, l'amélioration du solde structurel s'expliquait intégralement par une dynamique des prélèvements obligatoires nettement supérieure à la croissance du PIB alors que l'effort structurel était négatif. En 2018, l'ajustement structurel bénéficierait encore d'un effet d'élasticité, mais d'une ampleur bien moindre qu'en 2017. En 2019, il reposerait uniquement sur l'effort structurel.
L'ajustement structurel en 2018 et 2019 est pratiquement identique à celui fixé dans la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018.
L'effort structurel : (0,0 point de PIB en 2018 puis 0,3 point en 2019) représente la partie de l'ajustement structurel directement liée à un effort en dépense ou à des mesures nouvelles de prélèvements obligatoires. Il serait nul en 2018, l'effort réalisé sur la dépense étant compensé par l'impact des baisses de prélèvements. En 2019, l'effort structurel est estimé à 0,3 point. L'effort en dépense (0,4 point de PIB à champ constant) l'emporterait sur les baisses de prélèvements obligatoires (- 0,2 point de PIB, hors opérations ponctuelles, et - 0,1 point en comptabilité nationale après prise en compte de la « clé en crédits d'impôts » (voir tableau)) (3).
Si l'augmentation limitée à 2019 du 5e acompte d'impôt sur les sociétés du PLF pour 2019 était comptabilisée comme une mesure temporaire, l'effort structurel comme l'ajustement structurel seraient minorés de l'ordre de 0,1 point de PIB par rapport à la présentation du Gouvernement.
Le Haut Conseil constate que les prévisions de solde structurel associées au projet de loi de finances pour 2019 ne font pas apparaître d'écart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022.
Il souligne néanmoins que les ajustements structurels prévus pour 2018 (0,1 point de PIB) et 2019 (0,3 point de PIB), qui seront soumis à l'appréciation de la Commission, ne sont pas conformes aux règles du « bras préventif » du Pacte de stabilité. Dans son avis relatif à la loi de programmation de janvier 2018, le Haut Conseil avait déjà relevé que la trajectoire de finances publiques définie par cette loi s'écartait des engagements européens de la France.
En outre, le Haut Conseil note que l'ajustement structurel affiché pour l'année 2019 bénéficie de la non-prise en compte en opération ponctuelle et temporaire de la mesure relative à l'augmentation pour l'exercice 2019 du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés. Ce choix, discutable, améliore l'ajustement structurel présenté par le Gouvernement de près de 0,1 point de PIB pour 2019.

Le niveau du solde structurel et l'évolution du ratio de dette sur PIB de la France par rapport aux autres pays de la zone euro

En ramenant son déficit au-dessous de 3 points de PIB, la France est sortie de la procédure de déficit excessif en juin 2018, passant ainsi dans le volet préventif du Pacte de Stabilité et de croissance. Avec un solde structurel estimé au printemps 2018 par la Commission européenne à - 2,1 points en PIB pour l'année 2017, la France est l'un des pays qui se situent le plus loin de son objectif de moyen terme (- 0,4 point de PIB). En 2017, d'après les évaluations de la Commission européenne du printemps 2018, 8 pays ont un solde structurel qui a atteint ou dépassé leur objectif de moyen terme (OMT), 5 pays ont un solde structurel inférieur de moins de 1 point à leur OMT et 5 pays, qui connaissent les déficits structurels les plus élevés, ont un écart négatif de plus de 1 point par rapport à leur OMT (cf. graphique) (4).
Dans le « bras préventif », les pays membres doivent s'assurer de la convergence vers leur OMT défini en termes structurels. Les OMT sont établis de manière à permettre une convergence vers un ratio de dette publique de 60 points de PIB, dans les cas où celui-ci serait initialement supérieur à ce seuil.

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Note : MT = Malte ; LU = Luxembourg ; DE = Allemagne ; CY = Chypre ; NL = Pays-Bas ;
LT = Lituanie ; FI = Finlande ; IE = Irlande ; AT = Autriche ; LV = Lettonie ; SK = Slovaquie ;
EE = Estonie ; Sl = Slovénie ; BE = Belgique ; PT = Portugal ; FR = France ; IT = Italie ;
ES = Espagne
Les pays qui ne sont pas à leur OMT doivent s'assurer qu'ils convergent vers celui-ci à un rythme suffisamment rapide, en tenant compte de la position de l'économie dans le cycle, du niveau de dette publique et des risques de soutenabilité à moyen terme. En l'absence d'éléments particuliers, un ajustement structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an jusqu'à l'atteinte de l'OMT est requis.

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Sur les 8 pays qui ont atteint ou dépassé leur OMT, 5 ont vu leur ratio de dette sur PIB baisser de plus de 10 points entre 2014 et 2017 (cf. graphique). Une baisse de ce ratio est également observée pour les pays qui ont un écart de moins de 1 point par rapport à leur OMT mais dans des proportions moindres (- 3,5 points sur la période 2014-2017 en moyenne) ; les pays connaissant les déficits les plus importants, avec un écart de plus de 1 point par rapport à leur OMT en 2017, ont enregistré une baisse de seulement 1,7 point de ce ratio sur cette période. La France se distingue avec une hausse de sa dette publique de l'ordre de 2,2 points rapportée au PIB (3,6 points en intégrant SNCF Réseau).

  1. Les risques sur les recettes et les dépenses

a) Le scénario du Gouvernement :
Selon la saisine du Gouvernement, « Le taux de prélèvements obligatoires, après 45,3 % en 2017, diminuerait à 45,0 % en 2018 puis à 44,0 % en 2019 à champ constant (5) (44,2 % en intégrant les prélèvements obligatoires de France compétences), sous l'effet de la baisse de 10 Md€ des prélèvements obligatoires en 2018 puis de 20 Md€ en 2019 avec le double impact sur les finances publiques de la bascule du CICE en baisse de cotisations cette année-là.
Ces baisses de prélèvements sont possibles grâce à une maîtrise de la dépense publique. En 2018, malgré une augmentation de l'inflation (indice des prix hors tabac) à 1,6 % (après 1,0 % en 2017) (6), la progression de la dépense publique hors crédits d'impôt resterait contenue (progression de 1,6 % en valeur) ce qui permettrait d'avoir une dépense stable en volume, soit une évolution en net ralentissement par rapport à 2017 (1,4 % en volume).
En 2019, la dépense publique hors crédits d'impôts progresserait de 0,3 % en volume à champ constant et serait de 0,6 % en volume (7) en intégrant l'impact du reclassement anticipé du nouvel établissement public France compétences, créé par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dans les administrations publiques. Cette progression resterait mesurée grâce aux mesures prises par le gouvernement avec notamment une progression maîtrisée de certaines prestations sociales qui seront revalorisées à 0,3 % et le contrecoup des remboursements du contentieux 3% dividende. »
b) Appréciation du Haut Conseil :
Le Haut Conseil s'est attaché à identifier les risques qui affectent les prévisions de recettes et de dépenses pour 2018 et 2019 sur la base des informations dont il dispose.
i) Les recettes
En 2018, les prévisions de recettes associées au PLF pour 2019 ont été révisées pour prendre en compte les informations disponibles sur l'exécution en cours d'année. Le montant des mesures nouvelles (mesures des PLF/PLFSS 2019 ou mesures antérieures ayant affecté l'année 2018) est de - 9,9 Md€.
La croissance spontanée des prélèvements obligatoires serait légèrement plus rapide que celle du PIB en valeur : le ratio de ces deux évolutions, appelé élasticité des prélèvements obligatoires au PIB, s'établirait selon le Gouvernement à 1,1. Cette élasticité supérieure à l'unité serait essentiellement due à l'évolution plus dynamique que le PIB de la masse salariale, sur laquelle sont assises les cotisations sociales et une grande part des prélèvements sociaux. Par ailleurs, l'IS et l'IR resteraient plus dynamiques que l'activité.
Les prévisions de recettes du Gouvernement sont en ligne avec les informations disponibles. En particulier, la prévision sur les recettes fiscales nettes de l'Etat est cohérente avec les encaissements de recettes fiscales observés à ce stade de l'année.
Pour 2019, le Gouvernement prévoit une évolution spontanée des recettes, c'est-à-dire hors mesures nouvelles, à un rythme proche de celui de l'activité (correspondant à une élasticité égale à 1 des prélèvements obligatoires à la croissance). Cette hypothèse paraît raisonnable compte tenu de la position de l'économie dans le cycle.
Dans le cadre du PLF pour 2019, les mesures nouvelles représentent - 19,4 Md€ (- 4,1 Md€ hors bascule du CICE en baisse de cotisations) de baisses nettes des prélèvements obligatoires. Ces mesures correspondent notamment à l'effet en année pleine de la bascule de cotisations en CSG (- 4,2 Md€), à la poursuite des baisses de taxe d'habitation (- 3,8 Md€), et d'impôt sur les sociétés (- 2,4 Md€), déjà engagées en 2018. Dans le sens contraire, les prélèvements obligatoires sont accrus avec la hausse de la fiscalité énergétique (3 Md€), la poursuite de la hausse de la fiscalité du tabac (1,3 Md€), l'augmentation temporaire en 2019 du 5e acompte d'impôt sur les sociétés (1,5 Md€), le relèvement des cotisations Arrco-Agirc (1,9 Md€), la suppression du taux réduit de TICPE pour le gazole non routier (0,9 Md€). La mise en place de France Compétences accroît de 4,8 Md€ les recettes incluses dans le périmètre des recettes publiques (8), sans incidence sur le solde.
Au total, pour 2018 et 2019, le Haut Conseil considère que les prévisions des prélèvements obligatoires sont réalistes au regard du scénario macroéconomique retenu.
ii) Les dépenses
En 2018, l'augmentation globale des dépenses hors crédits d'impôts présentée dans le PLF pour 2019 est de 1,6 % en valeur et de 0,0 % en volume en retenant pour déflateur, comme le fait usuellement le Gouvernement, l'indice des prix à la consommation hors tabac. Corrigée du prix du PIB, l'augmentation de la dépense en volume est de 0,7 %. Cette présentation correspond à celle retenue pour la mesure de l'effort structurel.
En 2019, l'objectif d'évolution des dépenses des administrations publiques hors crédits d'impôts est de 1,5 % en valeur et de 0,2 à 0,3 % en volume (hors France compétences), déflaté par les prix à la consommation ou par le prix du PIB - les évolutions des deux indices de prix étant très proches en prévision. Il convient toutefois de relever que la base 2018 est affectée d'une dépense exceptionnelle correspondant au remboursement de la taxe sur les dividendes de 3 % (pour un montant estimé à 4,2 Md€ en 2018). En neutralisant cette dépense, la croissance de la dépense publique en 2019 serait majorée de 0,4 % et atteindrait 1,9 % en valeur hors France compétences (soit 0,6 % en volume).

Evolution de la dépense publique (hors crédits d'impôt) en valeur et en volume

| En % | 2018 | 2019 | | | |----------------------------|-----------------------|---------------------------------------------------------------|-----|-----| |Y compris France compétences|Hors France compétences|Hors France compétences et hors remboursement de la taxe de 3 %| | | | En valeur | 1,6 % | 1,9 % |1,5 %|1,9 %| | En volume (IPC HT) | 0,0 % | 0,7 % |0,3 %|0,7 %| | En volume (prix du PIB) | 0,7 % | 0,6 % |0,2 %|0,6 %|

Source : HCFP à partir des données du Gouvernement
L'objectif de dépenses de l'Etat intègre pour 2019 un accroissement des crédits des ministères de 2 Md€ et l'augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne de 1,6 Md€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cet accroissement des crédits de l'Etat comprend notamment une augmentation de 1,5 % des dépenses de personnel (soit 1,4 Md€).
Les économies prévues en 2019 sur le budget de l'Etat sont, pour une part importante, dans le prolongement des économies identifiées dès la LFI 2018 et portent en particulier sur les aides au logement (mission Cohésion des territoires, - 1,2 Md€ entre la LFI 2018 et le PLF 2019), sur la prime à l'embauche dans les PME et sur les contrats aidés (mission Travail et emploi, - 2,1 Md€ entre la LFI 2018 et le PLF 2019). Ces dispositions permettraient de compenser partiellement les accroissements de crédits sur d'autres missions de l'Etat.
Le Haut Conseil relève que des efforts visant une budgétisation plus réaliste des dépenses de l'Etat ont été effectués depuis le PLF pour 2018, notamment sur les opérations extérieures et missions intérieures (dont les crédits augmentent, conformément à la loi de programmation militaire, d'un peu plus de 250 M€ par rapport à la LFI 2018 (9)). Des risques de tensions dans l'exécution de l'année 2019 demeurent toutefois. Dans le contexte d'un maintien en PLF 2019 du taux de mise en réserve à 3 %, hors dépenses de personnel, ces risques nécessitent une exécution rigoureuse de l'ensemble des dépenses pilotables de l'Etat.
En sens inverse, la charge d'intérêts (10) et le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne pourraient être moins élevés que dans la prévision, comme au cours des dernières années.
Les dépenses des administrations de sécurité sociale seraient en légère décélération en 2019 par rapport à 2018 (1,8 % après 2,0 % en valeur en comptabilité nationale).
L'ONDAM augmenterait en 2019 de 2,5 % après 2,3 % en 2018 (et 2,1 % en 2017). L'évolution tendancielle des dépenses dans le champ de l'ONDAM devrait rester en 2019 aussi dynamique qu'en 2018, autour de 4,5 %, contre 4,3 % en 2017 : effet des conventions récentes avec les professionnels de santé, poursuite de la mise en œuvre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) dans les établissements publics de santé et arrivée de plusieurs médicaments innovants. La réalisation de l'objectif suppose un quantum d'économies du même ordre que sur les dernières années (3,8 Md€, contre 4,2 Md€ en 2018, 4,05 Md€ en 2017 et 3,4 Md€ en 2016) (11).
Les dépenses de retraites et de certaines prestations sociales (12) (hors minima sociaux) seraient modérées par une revalorisation (0,3 %) moindre que l'inflation. Aucune modulation de cette désindexation en fonction des revenus ou du patrimoine n'est intégrée à ce stade dans les prévisions du Gouvernement.
Les dépenses des administrations publiques locales (APUL), composées pour l'essentiel des collectivités locales, augmenteraient de 2,3 % en 2018 et 2019 (après 2,5 % en 2017). De ce fait, la capacité de financement des administrations publiques locales continuerait à progresser. Le Gouvernement fait l'hypothèse du respect en 2018 comme en 2019 de l'objectif d'évolution de la dépense locale de fonctionnement pour partie décliné dans un cadre contractuel. Les informations disponibles à ce jour indiquent une évolution modérée de la dépense locale de fonctionnement en 2018 à un rythme proche de celui attendu par le Gouvernement (13). Une incertitude demeure concernant la vigueur de l'investissement local en 2018 et 2019 (respectivement 5,8 % et 4,9 % attendus par le Gouvernement (14)) dans cette phase du cycle électoral, compte tenu des marges de manœuvre ainsi dégagées (15).

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En 2018 comme en 2019, le Haut Conseil estime que la prévision d'évolution des dépenses publiques, qui implique des efforts de maîtrise de la part de l'ensemble des administrations publiques, est atteignable.
Le Haut Conseil estime que la prévision de déficit public est plausible pour l'année 2019 compte tenu du scénario macroéconomique retenu, des baisses de prélèvements décidées pour 2019, et sous réserve de la stricte tenue de la trajectoire de dépense.

Le déficit nominal resterait proche de 3 points de PIB à l'horizon 2019. Une fois neutralisé l'impact de la transformation du CICE en baisse de cotisations (0,9 point), le déficit se réduirait sensiblement entre 2017 et 2019. Sa réduction serait toutefois, pour plus de la moitié, de nature conjoncturelle en raison d'une croissance prévue supérieure à la croissance potentielle sur cette période.
Le déficit structurel de la France reste à un niveau élevé. Il ne se réduirait que lentement au regard des règles européennes et la France n'aurait pas encore amorcé, à l'horizon de 2019, la réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens.
Le Haut Conseil souligne que cette situation persistante est de nature à limiter significativement les marges de manœuvre de la politique budgétaire en cas de fort ralentissement de l'activité économique.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de finances pour 2019 lors de son dépôt à l'Assemblée nationale.


Historique des versions

Version 1

Synthèse

Le Haut Conseil des finances publiques considère qu'une croissance de l'ordre de 1,6 % - 1,7 % en 2018 est vraisemblable et que la prévision du Gouvernement à 1,7 % est donc crédible. Il estime par ailleurs que la prévision de croissance de 1,7 % pour 2019 est plausible. Il relève toutefois qu'elle s'inscrit dans un contexte international marqué par des incertitudes particulièrement élevées.

Le Haut Conseil considère que les prévisions d'emploi et de masse salariale pour 2018 sont cohérentes avec les informations aujourd'hui disponibles et que les prévisions pour 2019 sont plausibles. Il estime que les prévisions d'inflation retenues pour 2018 et 2019 sont raisonnables.

Pour 2018 et 2019, le Haut Conseil considère que les prévisions des prélèvements obligatoires sont réalistes au regard du scénario macroéconomique retenu. Il estime que la prévision d'évolution des dépenses publiques, qui implique des efforts de maîtrise de la part de l'ensemble des administrations publiques, est atteignable.

Au total, il considère que la prévision de déficit public nominal pour 2018 et 2019 (respectivement 2,6 et 2,8 points de PIB), est plausible.

Le Haut Conseil constate que les prévisions de solde structurel associées au projet de loi de finances pour 2019 ne font pas apparaître d'écart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022.

Il souligne néanmoins que les ajustements structurels prévus pour 2018 (0,1 point de PIB) et 2019 (0,3 point de PIB), qui seront soumis à l'appréciation de la Commission, ne sont pas conformes aux règles du « bras préventif » du Pacte de stabilité. Dans son avis relatif à la loi de programmation de janvier 2018, le Haut Conseil avait déjà relevé que la trajectoire de finances publiques s'écartait des engagements européens de la France.

En outre, le Haut Conseil note que l'ajustement structurel affiché pour l'année 2019 bénéficie de la non-prise en compte en opération ponctuelle et temporaire de la mesure relative à l'augmentation, limitée à l'exercice 2019, du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés. Ce choix, discutable, améliore l'ajustement structurel présenté par le Gouvernement de près de 0,1 point de PIB en 2019.

Le déficit nominal resterait proche de 3 points de PIB à l'horizon 2019. Une fois neutralisé l'impact de la transformation du CICE en baisse de cotisations (0,9 point), le déficit se réduirait sensiblement entre 2017 et 2019. Sa réduction serait toutefois, pour plus de la moitié, de nature conjoncturelle en raison d'une croissance prévue supérieure à la croissance potentielle sur cette période.

Le déficit structurel de la France reste à un niveau élevé. Il ne se réduirait que lentement au regard des règles européennes et la France n'aurait pas encore amorcé, à l'horizon de 2019, le mouvement de réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens.

Le Haut Conseil souligne que cette situation persistante est de nature à limiter significativement les marges de manœuvre de la politique budgétaire en cas de fort ralentissement de l'activité économique.

Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 12 septembre 2018, en application de l'article 14 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, des prévisions macroéconomiques et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 19 septembre 2018, le présent avis.

OBSERVATIONS LIMINAIRES

1. Sur le périmètre de l'avis

Aux termes de l'article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis sur :

- les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ;

- la cohérence de l'article liminaire du PLF au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

2. Sur les informations transmises

Le 12 septembre 2018, le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement du cadrage macroéconomique et d'éléments d'information relatifs aux finances publiques sur lesquels reposent les PLF et PLFSS pour 2019. Cette saisine a été accompagnée, puis complétée, par des réponses aux questionnaires adressés au préalable aux administrations compétentes par le Haut Conseil.

Le Haut Conseil relève qu'il n'a pas disposé des principaux projets d'articles du PLF et du PLFSS pour 2019. Ces éléments auraient pourtant été utiles à son appréciation.

3. Sur la méthode utilisée

Pour apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques et des éléments de finances publiques associés aux PLF et PLFSS pour 2019, le Haut Conseil a examiné les hypothèses retenues ainsi que les enchaînements économiques attendus jusqu'à l'horizon de la prévision. Il s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations qui lui ont été communiquées par les administrations compétentes concernant les mesures de politique économique décidées par le Gouvernement.

Le Haut Conseil a par ailleurs pris connaissance de l'ensemble des prévisions et analyses disponibles.

Comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, il a auditionné les représentants de la direction générale du Trésor, de la direction du budget et de la direction de la sécurité sociale. Il a procédé aux auditions de représentants de la Banque de France, du Conseil d'analyse économique (CAE), du CEPII, de Rexecode et de l'OFCE.

Il a également reçu le Commissaire européen pour les affaires économiques et financières, la fiscalité et les douanes.

Après une présentation de l'environnement économique mondial et européen (I), le Haut Conseil formule son appréciation sur les prévisions macro-économiques associées aux PLF et PLFSS pour 2019 (II), puis sur le scénario de finances publiques (III).

I. - Un environnement économique mondial et européen moins favorable qu'en 2017

1. Une croissance de l'économie mondiale toujours soutenue début 2018

La croissance mondiale s'est infléchie sur la période récente. Sa composition par zone géographique s'est un peu modifiée : la croissance s'est affermie aux Etats-Unis, elle a fléchi légèrement en Europe et au Japon, plus fortement pour certains pays émergents.

La croissance de la zone euro est passée d'un rythme trimestriel de 0,7 % en 2017 à 0,4 % au 1er semestre 2018. Ce freinage reflète un environnement international devenu moins favorable depuis l'été 2017, avec la hausse des prix du pétrole, l'appréciation de l'euro et l'accroissement des incertitudes commerciales et politiques.

Le climat des affaires tiré des enquêtes de conjoncture européennes s'est replié au cours du 1er semestre après avoir atteint des niveaux très élevés en décembre - janvier. À l'été 2018, il reste toutefois supérieur à sa moyenne de longue période. La croissance européenne est soutenue par l'orientation toujours favorable de la politique monétaire ainsi que par des politiques budgétaires légèrement expansionnistes.

En France, le ralentissement a été plus prononcé que pour la moyenne de la zone euro avec une croissance limitée à 0,2 % pour chacun des deux premiers trimestres 2018. Cet écart porte essentiellement sur les dépenses des ménages, en particulier la consommation qui a stagné en France au cours du 1er semestre (+ 0,1 %) alors qu'elle continuait d'augmenter à un rythme proche de 1,5 % l'an dans la zone euro. Ceci pourrait s'expliquer notamment par les effets de la mise en œuvre de mesures fiscales qui ont pesé sur le pouvoir d'achat des ménages (augmentation de la CSG non totalement compensée sur la période par la baisse des cotisations salariales, hausse des taxes sur le tabac et les produits pétroliers). Plusieurs facteurs temporaires, dont les grèves dans les transports, y ont également contribué.

Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du

JOnº 0221 du 25/09/2018, texte nº 109

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JOnº 0221 du 25/09/2018, texte nº 109

2. La perspective mondiale : une croissance modérée, des risques accrus

a) Une inflexion de la croissance

La plupart des prévisions disponibles décrivent une croissance mondiale encore soutenue par le dynamisme de l'activité américaine, tandis que la croissance de la zone euro se stabiliserait après le ralentissement enregistré au 1er semestre 2018.

Ces prévisions supposent notamment que la longue phase d'expansion de l'économie américaine se poursuive en 2019, grâce notamment à une politique budgétaire toujours très expansionniste et au caractère progressif du resserrement de la politique monétaire. La croissance de la zone euro se stabiliserait à partir du second semestre 2018 à un rythme annuel proche de 2 %, cohérent avec les indications fournies par les enquêtes de conjoncture.

Ce contexte traduisant une utilisation accrue des capacités de production installées, l'inflation sous-jacente continuerait de remonter lentement dans les pays développés.

b) La montée de plusieurs risques

Les perspectives pour 2019 sont entourées d'incertitudes accrues qui conduisent à des risques économiques importants : montée des tensions commerciales, résultats des négociations sur le Brexit, situation de l'Italie, déséquilibres financiers en Chine, fragilité de plusieurs pays émergents (Turquie, Argentine, Afrique du Sud, Brésil…).

Par ailleurs, le poids élevé de l'endettement public et privé dans de nombreux pays fait peser un risque supplémentaire, dans un contexte de resserrement graduel des politiques monétaires. Ces risques pourraient être amplifiés si la politique budgétaire américaine très expansive et les hausses de tarifs douaniers induisaient une augmentation plus marquée que prévu de l'inflation provoquant un resserrement plus rapide de la politique monétaire que celui actuellement anticipé par les agents économiques.

II. - Observations sur les prévisions macroéconomiques pour 2018 et 2019

1. Le scénario du Gouvernement

Selon la saisine du Gouvernement, « la reprise à l'œuvre depuis l'automne 2016 se confirmerait en 2018 et 2019 mais s'infléchirait légèrement par rapport à 2017, reflet d'un environnement international un peu moins porteur. […] Après avoir atteint 2,3 % en 2017, la croissance se replierait à 1,7 % en 2018 et resterait stable à ce même niveau en 2019. Après s'être redressée à 1,0 % en 2017, l'inflation atteindrait 1,8 % en 2018 puis baisserait à 1,4 % en 2019 ».

Le scénario du Gouvernement s'inscrit dans un environnement de ralentissement progressif du commerce mondial (5,2 % en 2018 puis 4,6 % en 2019 après 5,5 % en 2017).

Pour la France, il suppose un rebond de l'activité à partir du 3e trimestre 2018 après la faible croissance constatée dans la première moitié de l'année. Il repose notamment sur une reprise de la consommation, favorisée par les gains de pouvoir d'achat découlant de la baisse des prélèvements obligatoires (seconde étape de la substitution de CSG à des cotisations, baisse de la taxe d'habitation) et du reflux de l'inflation.

Pour l'année 2019, le scénario repose sur l'hypothèse d'une croissance trimestrielle de l'ordre de 0,4 % prolongeant le rebond attendu au second semestre 2018. L'activité serait encore soutenue par la croissance du commerce international et, sur le plan intérieur, par une hausse de la consommation des ménages et une nouvelle progression de l'investissement des entreprises. Le pouvoir d'achat des ménages bénéficierait des baisses de prélèvements (effet plein des réductions de cotisations, taxe d'habitation…) et de la baisse prévue de l'inflation. Le taux d'épargne se stabiliserait après avoir augmenté en 2018.

2. Appréciation du Haut Conseil

a) La croissance de l'activité :

Après une croissance en 2017 supérieure à ce qui était anticipé (2,3 % contre 1,7 % dans le PLF 2018 et 1,8 % dans le Programme de stabilité), le Gouvernement prévoit une croissance du PIB en volume de 1,7 % en 2018 comme en 2019 (cf. annexe 4) (1). Ces hypothèses de croissance sont identiques à celles retenues il y a un an dans le projet de loi de programmation 2018 - 2022. Elles sont toutefois inférieures à celles du Programme de stabilité d'avril dernier (respectivement 2,0 % en 2018 et 1,9 % en 2019).

Compte tenu de l'acquis de croissance au 2e trimestre, estimé aujourd'hui à 1,3 %, la réalisation d'une croissance de 1,7 % en moyenne annuelle en 2018 suppose une nette accélération de l'activité dans la seconde moitié de l'année à un rythme d'au moins 0,5 % par trimestre.

Les informations disponibles sur le début de l'été (production industrielle de juillet, enquêtes de conjoncture jusqu'au mois d'août) permettent d'anticiper une remontée du taux de croissance au 3e trimestre dont l'ampleur ne peut encore être estimée avec précision.

La prévision de croissance du Gouvernement pour 2018 est en ligne avec celles des organisations internationales et des instituts de conjoncture, qui se situent pour la plupart entre 1,6 et 1,7 %.

Le Haut Conseil des finances publiques considère qu'une croissance de l'ordre de 1,6 % - 1,7 % en 2018 est vraisemblable et que la prévision du Gouvernement à 1,7 % est donc crédible.

Pour l'année 2019, le Haut Conseil considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement sur la demande des ménages (augmentation de la consommation au même rythme que le pouvoir d'achat, stabilisation de l'investissement en logement) et des entreprises (investissement encore dynamique mais en ralentissement) sont plausibles.

La prévision de croissance du Gouvernement pour 2019 est, comme celle pour 2018, en ligne avec la moyenne des prévisions disponibles. La plupart présentent une progression de l'activité en 2019 proche de celle de 2018.

Les prévisions de croissance du PIB pour 2018-2019

France

Zone euro

2018

2019

2018

2019

Commission européenne (juillet 2018)

1,7

1,7

2,1

2,0

FMI (juillet 2018)

1,8

1,7

2,2

1,9

OCDE (septembre 2018)

1,6

1,8

2,0

1,9

Banque de France / BCE (septembre 2018)

1,6

1,6

2,0

1,8

OFCE (septembre 2018)

1,7

1,8

-

-

Rexecode (septembre 2018)

1,6

1,3

2,0

1,6

Consensus (septembre 2018)

1,7

1,7

2,1

1,8

Gouvernement (PLF 2019 ; septembre 2018)

1,7

1,7

2,1

2,1

Source : HCFP à partir des prévisions des différents instituts

Le Haut Conseil note toutefois que cette prévision est affectée d'un degré d'incertitude plus fort que les années précédentes. Comme évoqué précédemment, les risques portent essentiellement sur l'environnement international (montée des tensions commerciales, résultats des négociations sur le Brexit, situation de l'Italie, déséquilibres financiers en Chine, fragilité de plusieurs pays émergents…).

Le Haut Conseil considère que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2019 est plausible. Il relève toutefois qu'elle s'inscrit dans un contexte international marqué par des incertitudes particulièrement élevées.

b) L'emploi et la masse salariale privée :

Dans la prévision du Gouvernement, la masse salariale des branches marchandes non agricoles augmenterait en valeur de 3,5 % en 2018 et en 2019, après 3,5 % en 2017. La croissance de l'emploi s'affaiblirait progressivement de 2017 à 2019.

La croissance plus faible des effectifs salariés marchands traduit l'impact progressif du ralentissement de l'activité en 2018 et du moindre soutien des politiques de l'emploi que les années précédentes (fin de la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité, arrêt de la prime à l'embauche).

Masse salariale du secteur marchand (évolutions en %)

2017

2018

2019

Effectifs salariés marchands

1,8

1,5

1,0

Salaire moyen

1,7

2,0

2,5

Masse salariale

3,5

3,5

3,5

Source : prévisions du Gouvernement

L'emploi non marchand, quant à lui, ralentirait nettement sous l'effet de la réduction du nombre de contrats aidés à partir du 2e semestre 2017.

La prévision de masse salariale pour 2018 est revue à la baisse par rapport au Programme de stabilité (3,9 % à l'époque) pour prendre en compte les données du 1er semestre. La dernière évolution connue, en glissement annuel au 2e trimestre 2018, est une progression de la masse salariale de 3,6 % dont 1,5 % pour les effectifs salariés et 2,1 % pour le salaire moyen.

Le Haut Conseil estime que les prévisions d'emploi et de masse salariale pour 2018 sont cohérentes avec les informations disponibles jusqu'à l'été et que les prévisions pour 2019 sont plausibles.

c) La hausse de l'indice des prix à la consommation :

La hausse de l'indice des prix à la consommation en 2018 serait de 1,8 % en moyenne annuelle selon le Gouvernement (1,6 % hors tabac). Elle serait sensiblement plus élevée que prévu il y a un an dans le PLF pour 2018 (1,1 %), la différence portant pour l'essentiel sur les prix de l'énergie (une contribution à la hausse d'ensemble de 0,7 point, fiscalité comprise, contre 0,1 point prévu dans le PLF 2018). Cette hausse de l'inflation, non anticipée, a limité la progression du pouvoir d'achat des ménages en 2018.

L'inflation sous-jacente (hors prix volatils) se redresse progressivement. Elle serait de 0,9 % en 2018 (après 0,4 % en 2017), soutenue notamment par une remontée des prix des services liés à celle des salaires.

Cette prévision est cohérente avec les indices constatés jusqu'en août (une inflation sous-jacente de 0,9 % en glissement annuel) et l'hypothèse d'une stabilisation du prix du pétrole à 73 $ / 63 € le baril de Brent.

Pour 2019, sous cette hypothèse de prix du pétrole, la prévision est de 1,4 % en moyenne annuelle (1,3 % hors tabac). La baisse de l'inflation par rapport à 2018 s'expliquerait par une moindre contribution des prix de l'énergie (0,3 point) et des tarifs administrés (0,2 point contre 0,4 point) alors que l'inflation sous-jacente continuerait de remonter (1,1 %), sans refléter totalement l'accélération des salaires.

Ces prévisions pour 2018 et 2019 sont un peu inférieures aux moyennes du « Consensus Forecasts » de septembre (1,9 % et 1,6 % respectivement).

Le Haut Conseil considère que les prévisions d'inflation retenues pour 2018 et 2019 sont raisonnables.

III. - Observations sur les prévisions de finances publiques pour 2018 et 2019

La lecture de l'évolution des finances publiques pour les années récentes et en prévision est compliquée par les révisions des comptes des administrations publiques par l'Insee d'une part, et par les montants importants des remboursements de la taxe sur les dividendes à 3 % et de la bascule du CICE en baisse de cotisations d'autre part (1). Le Haut Conseil a vérifié la cohérence du projet de loi de finances avec les orientations pluriannuelles de solde structurel (2). Il a ensuite examiné les risques pesant sur les recettes et les dépenses publiques (3).

1. Une lecture de la trajectoire des finances publiques compliquée par la révision des comptes de l'Insee, le remboursement de la taxe sur les dividendes à 3 % et la transformation du CICE en baisse de charges

Les PLF et PLFSS pour 2019 prévoient un déficit des administrations publiques (APU) de 2,6 points de PIB en 2018 et de 2,8 points de PIB en 2019, après 2,7 points de PIB en 2017. Ils intègrent la révision des comptes des APU par l'Insee pour les années 2016 et 2017, le remboursement de la taxe sur les dividendes à 3 % et la bascule du CICE en baisse de charges.

a) La révision des comptes des administrations publiques par l'Insee en septembre 2018 :

L'Insee a publié le 6 septembre 2018 des estimations révisées des comptes des APU pour les années 2016 et 2017. Elles tiennent compte de modifications méthodologiques concernant le reclassement de SNCF Réseau au sein des APU et le traitement comptable de la recapitalisation d'Orano (ex Areva) par l'Etat ainsi que d'une actualisation des « données sources » par rapport à la notification de mars 2018.

L'Insee a décidé de reclasser SNCF Réseau en APU à compter de l'année 2016. Ce reclassement a pour effet d'augmenter le déficit public de 3,2 Md€ en 2016 et de 2,2 Md€ en 2017. À la suite de ce reclassement, la dette publique est augmentée de 39,4 Md€ en 2017 (soit 1,7 point de PIB).

Après échange avec Eurostat, l'Insee a comptabilisé la recapitalisation d'Orano de 2017 pour un montant de 2,5 Md€ en une dépense publique qui pèse sur le déficit uniquement en 2017.

Enfin, pour l'année 2017, la prise en compte de données plus complètes sur les organismes de sécurité sociale (ASSO) améliore leur solde de 1,3 Md€ et une nouvelle évaluation des charges du compte d'affectation spéciale (CAS) Transition énergétique réduit le déficit de l'Etat de 1,5 Md€.

Révision du solde public entre les notifications de mars et de septembre 2018 de l'Insee

2015

2016

2017

Solde notifié en mars 2018 (en Md€)

-79,7

-75,9

-59,5

Révisions des données sources (en Md€)

+2,8

Impact du reclassement de SNCF Réseau (en Md€)

-3,2

-2,2

Impact du nouveau traitement de la recapitalisation d'Orano (en Md€)

-2,5

Solde notifié en septembre 2018 (en Md€)

-79,7

-79,1

-61,4

Solde notifié en septembre 2018 (en points de PIB)

-3,6

-3,5

-2,7

Source : Insee

Au total, le déficit public nominal et le déficit structurel sont dégradés de 3,2 Md€ (soit 0,2 point de PIB) en 2016 et de 1,9 Md€ (soit 0,1 point de PIB) en 2017. Les déficits de 2018 et 2019 ne sont affectés que de manière marginale, l'impact du reclassement de SNCF Réseau étant quasiment compensé par les améliorations relatives aux ASSO et au CAS Transition énergétique.

b) L'impact de l'invalidation de la taxe 3 % sur les dividendes et de la bascule CICE en baisse de charges :

Les trois années 2017 à 2019 sont marquées par deux opérations temporaires de grande ampleur : le remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes en 2017 et 2018 à la suite de son invalidation par le Conseil constitutionnel et sa compensation en 2017 par une surtaxe exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés (IS) d'une part ; la transformation du CICE en baisse de cotisations au 1er janvier 2019 d'autre part.

Le remboursement de la taxe sur les dividendes (9,3 Md€ en dépenses) est réparti entre les années 2017 et 2018. Il a été compensé pour la seule année 2017 par une surtaxe exceptionnelle sur l'IS dont le rendement est estimé à 5,1 Md€. Le reliquat de ce remboursement pèse sur le déficit 2018 à hauteur de 4,2 Md€ soit 0,2 point de PIB. La transformation du CICE en baisse de cotisations a un coût net légèrement supérieur à 20 Md€ en 2019, soit 0,9 point de PIB (après prise en compte des recettes supplémentaires d'IS liées à la baisse des cotisations).

Si on neutralise ces deux opérations, qui n'influenceront pas durablement les comptes publics, le scénario du Gouvernement correspond à une réduction du déficit public d'environ 0,3 point en 2018 et d'environ 0,5 point en 2019.

D'autres opérations ponctuelles et temporaires complètent ces deux mesures de grande ampleur (voir infra).

2. La cohérence avec les orientations pluriannuelles de solde structurel

Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel retenue dans le PLF pour 2019 avec celle de la dernière loi de programmation, en l'occurrence celle du 22 janvier 2018 pour les années 2018 à 2022. Le Haut Conseil doit notamment identifier les éventuels écarts importants entre la cible de déficit structurel définie par la loi de programmation et le déficit structurel observé. Un tel écart est considéré comme important dès lors qu'il dépasse 0,5 point de PIB sur une année donnée ou 0,25 point en moyenne sur deux années.

a) Un déficit structurel proche de la trajectoire de la loi de programmation :

Le solde structurel (2) est calculé avec les mêmes hypothèses de PIB potentiel que dans la loi de programmation. Dans son avis de septembre 2017 sur cette loi de programmation, le Haut Conseil a considéré que les estimations de croissance potentielle présentées par le Gouvernement (1,25 % en 2018 et 2019) « constituaient une base raisonnable pour asseoir la programmation des finances publiques à moyen terme ».

Les niveaux de solde structurel associés au PLF pour 2019 diffèrent légèrement (0,1 point de PIB) de la trajectoire définie dans la loi de programmation pour chacune des deux années 2018 et 2019.

Le Haut Conseil relève que le Gouvernement n'a pas comptabilisé en opération ponctuelle et temporaire la mesure d'augmentation en 2019 du 5e acompte d'impôt sur les sociétés dont l'effet sera pourtant temporaire. Cette mesure, dont le rendement est estimé à 1,5 Md€, est donc considérée comme contribuant à l'amélioration du solde structurel. Le Haut Conseil estime qu'il serait logique de la classer en opération ponctuelle et temporaire, son impact étant limité au seul exercice 2019. Le déficit structurel serait alors modifié en conséquence : il s'élèverait à 2,1 points de PIB en 2019 et non 2,0 points de PIB comme dans la présentation du Gouvernement.

Décomposition du solde public présenté par le Gouvernement

En points de PIB

PLF pour 2019 (sept. 2018)

LPFP (janvier 2018)

2017

2018

2019

2017

2018

2019

Solde public

-2,7

-2,6

-2,8

-2,9

-2,8

-2,9

Composante conjoncturelle

-0,3

-0,1

0,1

-0,6

-0,4

-0,1

Mesures ponctuelles et temporaires

-0,1

-0,2

-0,9

-0,1

-0,2

-0,9

Solde structurel

-2,3

-2,2

-2,0

-2,2

-2,1

-1,9

Source : Projet de loi de finances pour 2019, loi de programmation de janvier 2018.

Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.

Même ainsi revu à la hausse, l'écart entre le déficit structurel présenté dans le cadre de ce PLF et la trajectoire de déficit structurel définie par la loi de programmation ne serait pas important au sens de l'article 23 de la loi organique.

b) L'ajustement structurel et l'effort structurel en 2018 et 2019 :

Ajustement structurel et effort structurel présentés par le Gouvernement

En points de PIB potentiel

PLF pour 2019 (sept. 2018)

LPFP (janvier 2018)

2017

2018

2019

2017

2018

2019

Ajustement structurel

0,3

0,1

0,3

0,2

0,1

0,3

Effort structurel

-0,2

0,0

0,3

0,0

0,1

0,3

dont effort en dépense (hors crédits d'impôt)

-0,1

0,2

0,4*

0,1

0,4

0,4

dont mesures nouvelles en recettes

-0,1

-0,2

-0,2*

-0,1

-0,3

-0,1

Composante non discrétionnaire

0,4

0,1

0,0

0,2

-0,1

0,0

Clé en crédits d'impôt**

0,1

0,0

0,1

0,1

0,0

0,0

Source : Projet de loi de finances pour 2019, loi de programmation de janvier 2018.

Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.

* Ces données neutralisent l'effet de la création de France Compétences au 1er janvier 2019 (voir annexe 6), qui correspond à la prise en charge par les administrations publiques de missions assurées auparavant par d'autres acteurs. À champ courant, l'effort en dépense serait de 0,2 point de PIB tandis que les mesures nouvelles en recettes représenteraient 0,0 point.

** En comptabilité nationale, les crédits d'impôt sont comptabilisés en fonction des demandes déposées et non des remboursements imputés sur le solde budgétaire. L'écart entre les créances de crédits d'impôt déposées et les crédits d'impôt remboursés, appelé « clé en crédits d'impôt », affecte la mesure de l'ajustement structurel.

L'ajustement structurel : (c'est-à-dire la variation du solde structurel) serait limité en 2018 et 2019 (respectivement 0,1 point et 0,3 point). En 2017, l'amélioration du solde structurel s'expliquait intégralement par une dynamique des prélèvements obligatoires nettement supérieure à la croissance du PIB alors que l'effort structurel était négatif. En 2018, l'ajustement structurel bénéficierait encore d'un effet d'élasticité, mais d'une ampleur bien moindre qu'en 2017. En 2019, il reposerait uniquement sur l'effort structurel.

L'ajustement structurel en 2018 et 2019 est pratiquement identique à celui fixé dans la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018.

L'effort structurel : (0,0 point de PIB en 2018 puis 0,3 point en 2019) représente la partie de l'ajustement structurel directement liée à un effort en dépense ou à des mesures nouvelles de prélèvements obligatoires. Il serait nul en 2018, l'effort réalisé sur la dépense étant compensé par l'impact des baisses de prélèvements. En 2019, l'effort structurel est estimé à 0,3 point. L'effort en dépense (0,4 point de PIB à champ constant) l'emporterait sur les baisses de prélèvements obligatoires (- 0,2 point de PIB, hors opérations ponctuelles, et - 0,1 point en comptabilité nationale après prise en compte de la « clé en crédits d'impôts » (voir tableau)) (3).

Si l'augmentation limitée à 2019 du 5e acompte d'impôt sur les sociétés du PLF pour 2019 était comptabilisée comme une mesure temporaire, l'effort structurel comme l'ajustement structurel seraient minorés de l'ordre de 0,1 point de PIB par rapport à la présentation du Gouvernement.

Le Haut Conseil constate que les prévisions de solde structurel associées au projet de loi de finances pour 2019 ne font pas apparaître d'écart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022.

Il souligne néanmoins que les ajustements structurels prévus pour 2018 (0,1 point de PIB) et 2019 (0,3 point de PIB), qui seront soumis à l'appréciation de la Commission, ne sont pas conformes aux règles du « bras préventif » du Pacte de stabilité. Dans son avis relatif à la loi de programmation de janvier 2018, le Haut Conseil avait déjà relevé que la trajectoire de finances publiques définie par cette loi s'écartait des engagements européens de la France.

En outre, le Haut Conseil note que l'ajustement structurel affiché pour l'année 2019 bénéficie de la non-prise en compte en opération ponctuelle et temporaire de la mesure relative à l'augmentation pour l'exercice 2019 du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés. Ce choix, discutable, améliore l'ajustement structurel présenté par le Gouvernement de près de 0,1 point de PIB pour 2019.

Le niveau du solde structurel et l'évolution du ratio de dette sur PIB de la France par rapport aux autres pays de la zone euro

En ramenant son déficit au-dessous de 3 points de PIB, la France est sortie de la procédure de déficit excessif en juin 2018, passant ainsi dans le volet préventif du Pacte de Stabilité et de croissance. Avec un solde structurel estimé au printemps 2018 par la Commission européenne à - 2,1 points en PIB pour l'année 2017, la France est l'un des pays qui se situent le plus loin de son objectif de moyen terme (- 0,4 point de PIB). En 2017, d'après les évaluations de la Commission européenne du printemps 2018, 8 pays ont un solde structurel qui a atteint ou dépassé leur objectif de moyen terme (OMT), 5 pays ont un solde structurel inférieur de moins de 1 point à leur OMT et 5 pays, qui connaissent les déficits structurels les plus élevés, ont un écart négatif de plus de 1 point par rapport à leur OMT (cf. graphique) (4).

Dans le « bras préventif », les pays membres doivent s'assurer de la convergence vers leur OMT défini en termes structurels. Les OMT sont établis de manière à permettre une convergence vers un ratio de dette publique de 60 points de PIB, dans les cas où celui-ci serait initialement supérieur à ce seuil.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Note : MT = Malte ; LU = Luxembourg ; DE = Allemagne ; CY = Chypre ; NL = Pays-Bas ;

LT = Lituanie ; FI = Finlande ; IE = Irlande ; AT = Autriche ; LV = Lettonie ; SK = Slovaquie ;

EE = Estonie ; Sl = Slovénie ; BE = Belgique ; PT = Portugal ; FR = France ; IT = Italie ;

ES = Espagne

Les pays qui ne sont pas à leur OMT doivent s'assurer qu'ils convergent vers celui-ci à un rythme suffisamment rapide, en tenant compte de la position de l'économie dans le cycle, du niveau de dette publique et des risques de soutenabilité à moyen terme. En l'absence d'éléments particuliers, un ajustement structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an jusqu'à l'atteinte de l'OMT est requis.

Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page

Sur les 8 pays qui ont atteint ou dépassé leur OMT, 5 ont vu leur ratio de dette sur PIB baisser de plus de 10 points entre 2014 et 2017 (cf. graphique). Une baisse de ce ratio est également observée pour les pays qui ont un écart de moins de 1 point par rapport à leur OMT mais dans des proportions moindres (- 3,5 points sur la période 2014-2017 en moyenne) ; les pays connaissant les déficits les plus importants, avec un écart de plus de 1 point par rapport à leur OMT en 2017, ont enregistré une baisse de seulement 1,7 point de ce ratio sur cette période. La France se distingue avec une hausse de sa dette publique de l'ordre de 2,2 points rapportée au PIB (3,6 points en intégrant SNCF Réseau).

3. Les risques sur les recettes et les dépenses

a) Le scénario du Gouvernement :

Selon la saisine du Gouvernement, « Le taux de prélèvements obligatoires, après 45,3 % en 2017, diminuerait à 45,0 % en 2018 puis à 44,0 % en 2019 à champ constant (5) (44,2 % en intégrant les prélèvements obligatoires de France compétences), sous l'effet de la baisse de 10 Md€ des prélèvements obligatoires en 2018 puis de 20 Md€ en 2019 avec le double impact sur les finances publiques de la bascule du CICE en baisse de cotisations cette année-là.

Ces baisses de prélèvements sont possibles grâce à une maîtrise de la dépense publique. En 2018, malgré une augmentation de l'inflation (indice des prix hors tabac) à 1,6 % (après 1,0 % en 2017) (6), la progression de la dépense publique hors crédits d'impôt resterait contenue (progression de 1,6 % en valeur) ce qui permettrait d'avoir une dépense stable en volume, soit une évolution en net ralentissement par rapport à 2017 (1,4 % en volume).

En 2019, la dépense publique hors crédits d'impôts progresserait de 0,3 % en volume à champ constant et serait de 0,6 % en volume (7) en intégrant l'impact du reclassement anticipé du nouvel établissement public France compétences, créé par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dans les administrations publiques. Cette progression resterait mesurée grâce aux mesures prises par le gouvernement avec notamment une progression maîtrisée de certaines prestations sociales qui seront revalorisées à 0,3 % et le contrecoup des remboursements du contentieux 3% dividende. »

b) Appréciation du Haut Conseil :

Le Haut Conseil s'est attaché à identifier les risques qui affectent les prévisions de recettes et de dépenses pour 2018 et 2019 sur la base des informations dont il dispose.

i) Les recettes

En 2018, les prévisions de recettes associées au PLF pour 2019 ont été révisées pour prendre en compte les informations disponibles sur l'exécution en cours d'année. Le montant des mesures nouvelles (mesures des PLF/PLFSS 2019 ou mesures antérieures ayant affecté l'année 2018) est de - 9,9 Md€.

La croissance spontanée des prélèvements obligatoires serait légèrement plus rapide que celle du PIB en valeur : le ratio de ces deux évolutions, appelé élasticité des prélèvements obligatoires au PIB, s'établirait selon le Gouvernement à 1,1. Cette élasticité supérieure à l'unité serait essentiellement due à l'évolution plus dynamique que le PIB de la masse salariale, sur laquelle sont assises les cotisations sociales et une grande part des prélèvements sociaux. Par ailleurs, l'IS et l'IR resteraient plus dynamiques que l'activité.

Les prévisions de recettes du Gouvernement sont en ligne avec les informations disponibles. En particulier, la prévision sur les recettes fiscales nettes de l'Etat est cohérente avec les encaissements de recettes fiscales observés à ce stade de l'année.

Pour 2019, le Gouvernement prévoit une évolution spontanée des recettes, c'est-à-dire hors mesures nouvelles, à un rythme proche de celui de l'activité (correspondant à une élasticité égale à 1 des prélèvements obligatoires à la croissance). Cette hypothèse paraît raisonnable compte tenu de la position de l'économie dans le cycle.

Dans le cadre du PLF pour 2019, les mesures nouvelles représentent - 19,4 Md€ (- 4,1 Md€ hors bascule du CICE en baisse de cotisations) de baisses nettes des prélèvements obligatoires. Ces mesures correspondent notamment à l'effet en année pleine de la bascule de cotisations en CSG (- 4,2 Md€), à la poursuite des baisses de taxe d'habitation (- 3,8 Md€), et d'impôt sur les sociétés (- 2,4 Md€), déjà engagées en 2018. Dans le sens contraire, les prélèvements obligatoires sont accrus avec la hausse de la fiscalité énergétique (3 Md€), la poursuite de la hausse de la fiscalité du tabac (1,3 Md€), l'augmentation temporaire en 2019 du 5e acompte d'impôt sur les sociétés (1,5 Md€), le relèvement des cotisations Arrco-Agirc (1,9 Md€), la suppression du taux réduit de TICPE pour le gazole non routier (0,9 Md€). La mise en place de France Compétences accroît de 4,8 Md€ les recettes incluses dans le périmètre des recettes publiques (8), sans incidence sur le solde.

Au total, pour 2018 et 2019, le Haut Conseil considère que les prévisions des prélèvements obligatoires sont réalistes au regard du scénario macroéconomique retenu.

ii) Les dépenses

En 2018, l'augmentation globale des dépenses hors crédits d'impôts présentée dans le PLF pour 2019 est de 1,6 % en valeur et de 0,0 % en volume en retenant pour déflateur, comme le fait usuellement le Gouvernement, l'indice des prix à la consommation hors tabac. Corrigée du prix du PIB, l'augmentation de la dépense en volume est de 0,7 %. Cette présentation correspond à celle retenue pour la mesure de l'effort structurel.

En 2019, l'objectif d'évolution des dépenses des administrations publiques hors crédits d'impôts est de 1,5 % en valeur et de 0,2 à 0,3 % en volume (hors France compétences), déflaté par les prix à la consommation ou par le prix du PIB - les évolutions des deux indices de prix étant très proches en prévision. Il convient toutefois de relever que la base 2018 est affectée d'une dépense exceptionnelle correspondant au remboursement de la taxe sur les dividendes de 3 % (pour un montant estimé à 4,2 Md€ en 2018). En neutralisant cette dépense, la croissance de la dépense publique en 2019 serait majorée de 0,4 % et atteindrait 1,9 % en valeur hors France compétences (soit 0,6 % en volume).

Evolution de la dépense publique (hors crédits d'impôt) en valeur et en volume

En %

2018

2019

Y compris France compétences

Hors France compétences

Hors France compétences et hors remboursement de la taxe de 3 %

En valeur

1,6 %

1,9 %

1,5 %

1,9 %

En volume (IPC HT)

0,0 %

0,7 %

0,3 %

0,7 %

En volume (prix du PIB)

0,7 %

0,6 %

0,2 %

0,6 %

Source : HCFP à partir des données du Gouvernement

L'objectif de dépenses de l'Etat intègre pour 2019 un accroissement des crédits des ministères de 2 Md€ et l'augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne de 1,6 Md€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cet accroissement des crédits de l'Etat comprend notamment une augmentation de 1,5 % des dépenses de personnel (soit 1,4 Md€).

Les économies prévues en 2019 sur le budget de l'Etat sont, pour une part importante, dans le prolongement des économies identifiées dès la LFI 2018 et portent en particulier sur les aides au logement (mission Cohésion des territoires, - 1,2 Md€ entre la LFI 2018 et le PLF 2019), sur la prime à l'embauche dans les PME et sur les contrats aidés (mission Travail et emploi, - 2,1 Md€ entre la LFI 2018 et le PLF 2019). Ces dispositions permettraient de compenser partiellement les accroissements de crédits sur d'autres missions de l'Etat.

Le Haut Conseil relève que des efforts visant une budgétisation plus réaliste des dépenses de l'Etat ont été effectués depuis le PLF pour 2018, notamment sur les opérations extérieures et missions intérieures (dont les crédits augmentent, conformément à la loi de programmation militaire, d'un peu plus de 250 M€ par rapport à la LFI 2018 (9)). Des risques de tensions dans l'exécution de l'année 2019 demeurent toutefois. Dans le contexte d'un maintien en PLF 2019 du taux de mise en réserve à 3 %, hors dépenses de personnel, ces risques nécessitent une exécution rigoureuse de l'ensemble des dépenses pilotables de l'Etat.

En sens inverse, la charge d'intérêts (10) et le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne pourraient être moins élevés que dans la prévision, comme au cours des dernières années.

Les dépenses des administrations de sécurité sociale seraient en légère décélération en 2019 par rapport à 2018 (1,8 % après 2,0 % en valeur en comptabilité nationale).

L'ONDAM augmenterait en 2019 de 2,5 % après 2,3 % en 2018 (et 2,1 % en 2017). L'évolution tendancielle des dépenses dans le champ de l'ONDAM devrait rester en 2019 aussi dynamique qu'en 2018, autour de 4,5 %, contre 4,3 % en 2017 : effet des conventions récentes avec les professionnels de santé, poursuite de la mise en œuvre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) dans les établissements publics de santé et arrivée de plusieurs médicaments innovants. La réalisation de l'objectif suppose un quantum d'économies du même ordre que sur les dernières années (3,8 Md€, contre 4,2 Md€ en 2018, 4,05 Md€ en 2017 et 3,4 Md€ en 2016) (11).

Les dépenses de retraites et de certaines prestations sociales (12) (hors minima sociaux) seraient modérées par une revalorisation (0,3 %) moindre que l'inflation. Aucune modulation de cette désindexation en fonction des revenus ou du patrimoine n'est intégrée à ce stade dans les prévisions du Gouvernement.

Les dépenses des administrations publiques locales (APUL), composées pour l'essentiel des collectivités locales, augmenteraient de 2,3 % en 2018 et 2019 (après 2,5 % en 2017). De ce fait, la capacité de financement des administrations publiques locales continuerait à progresser. Le Gouvernement fait l'hypothèse du respect en 2018 comme en 2019 de l'objectif d'évolution de la dépense locale de fonctionnement pour partie décliné dans un cadre contractuel. Les informations disponibles à ce jour indiquent une évolution modérée de la dépense locale de fonctionnement en 2018 à un rythme proche de celui attendu par le Gouvernement (13). Une incertitude demeure concernant la vigueur de l'investissement local en 2018 et 2019 (respectivement 5,8 % et 4,9 % attendus par le Gouvernement (14)) dans cette phase du cycle électoral, compte tenu des marges de manœuvre ainsi dégagées (15).

En 2018 comme en 2019, le Haut Conseil estime que la prévision d'évolution des dépenses publiques, qui implique des efforts de maîtrise de la part de l'ensemble des administrations publiques, est atteignable.

Le Haut Conseil estime que la prévision de déficit public est plausible pour l'année 2019 compte tenu du scénario macroéconomique retenu, des baisses de prélèvements décidées pour 2019, et sous réserve de la stricte tenue de la trajectoire de dépense.

Le déficit nominal resterait proche de 3 points de PIB à l'horizon 2019. Une fois neutralisé l'impact de la transformation du CICE en baisse de cotisations (0,9 point), le déficit se réduirait sensiblement entre 2017 et 2019. Sa réduction serait toutefois, pour plus de la moitié, de nature conjoncturelle en raison d'une croissance prévue supérieure à la croissance potentielle sur cette période.

Le déficit structurel de la France reste à un niveau élevé. Il ne se réduirait que lentement au regard des règles européennes et la France n'aurait pas encore amorcé, à l'horizon de 2019, la réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens.

Le Haut Conseil souligne que cette situation persistante est de nature à limiter significativement les marges de manœuvre de la politique budgétaire en cas de fort ralentissement de l'activité économique.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de finances pour 2019 lors de son dépôt à l'Assemblée nationale.