Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 16 mai 2018, en application de l'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, afin de se prononcer sur le respect, en 2017, des objectifs pluriannuels de solde structurel. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 18 mai 2018, le présent avis.
Synthèse
Le déficit public nominal s'est établi à 2,6 points de PIB en 2017 contre 2,9 points de PIB dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 et après 3,4 points de PIB en 2016. L'écart de 0,3 point par rapport à la loi de programmation porte intégralement sur la composante conjoncturelle du déficit. Il s'explique par la révision à la hausse de la croissance du PIB en 2017 (2,2 % dans le projet de loi de règlement contre 1,7 % dans la loi de programmation).
Le Haut Conseil constate que le déficit structurel estimé pour 2017 est identique à celui figurant dans la loi de programmation de janvier 2018. Il relève cependant que l'écart entre ce solde structurel et celui affiché, pour le même exercice, dans la nouvelle loi de programmation préparée et votée quelques mois seulement auparavant, ne pouvait être que réduit.
Sur la base de la croissance potentielle retenue par la LPFP 2018-2022, le déficit structurel se réduit de 0,3 point de PIB en 2017. L'effort structurel, qui vise à mesurer la part de cette amélioration résultant de l'action des pouvoirs publics, est quant à lui légèrement négatif. La réduction du déficit structurel provient d'une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB particulièrement élevée.
Le Haut Conseil relève ainsi que le passage du déficit public sous le seuil de 3 points de PIB, qui doit permettre à la France de sortir de la procédure de déficit excessif, a été obtenu sans aucun effort budgétaire discrétionnaire en 2017.
Le Haut Conseil souligne que le non-respect de la trajectoire en dépense ne pourra pas toujours être compensé par de bonnes surprises en matière de recettes, qu'elles soient liées directement à la conjoncture ou à une forte élasticité des recettes au PIB. En conséquence, le respect de la trajectoire de finances publiques nécessitera la mise en œuvre des efforts annoncés dans la loi de programmation, en particulier sur les dépenses publiques.
I. - Introduction
- Sur l'objet du présent avis
L'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 dispose que « le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants […] que fait apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques ». Un écart est considéré comme important lorsqu'il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives. L'identification d'un tel écart par le Haut Conseil déclenche le « mécanisme de correction » au sens du chapitre IV de la loi organique. La loi organique précise en outre que le solde structurel doit être calculé avec la trajectoire de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation.
Pour les trois années précédentes, 2014, 2015 et 2016, les écarts étaient appréciés par rapport aux soldes structurels prévus par la loi n° 2014-1653 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 promulguée fin 2014. Cette loi a été abrogée en janvier 2018 par la nouvelle loi n° 2018-32 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (LPFP). Celle-ci présente de nouvelles estimations du solde structurel à partir de 2016 dans le rapport qui lui est annexé.
Cette succession de textes implique un choix sur la référence à retenir. Se référer à la LPFP pour les années 2014 à 2019 permettrait au Haut Conseil de comparer une prévision et une exécution, mais se heurte au fait que cette LPFP a été abrogée. Le Haut Conseil avait par ailleurs considéré, dans son avis de juin 2017 sur le projet de loi de règlement pour 2016, que la loi de programmation de 2014 « ne fournissait plus un cadre pertinent pour une juste appréciation de la trajectoire des finances publiques », en raison « d'hypothèses de PIB potentiel devenues peu vraisemblables ».
Aussi, le Haut Conseil se réfère dans cet avis à la loi de programmation en vigueur pour les années 2018 à 2022. Déjà confronté à cette situation en mai 2015, il avait également retenu la LPFP la plus récente, dans son avis n° HCFP-2015-02 relatif au projet de loi de règlement de 2014. Le Haut Conseil relève toutefois la limite que comporte l'exercice lorsqu'il s'agit de la première année concernée par une nouvelle loi de programmation des finances publiques. L'écart entre le solde structurel présenté en loi de règlement pour 2017 et celui affiché, pour le même exercice, dans la nouvelle loi de programmation préparée et votée quelques mois seulement auparavant, ne peut être que réduit.
- Sur les informations transmises et les délais
Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 16 mai 2018. Cette saisine comporte l'article liminaire du projet de loi de règlement pour 2017 et notamment son tableau de synthèse qui retrace le solde nominal et le solde structurel de l'ensemble des administrations publiques pour l'année 2017 (annexe 1). Cette saisine était accompagnée des réponses à un questionnaire qui avait été transmis aux administrations compétentes le 26 avril 2018.
Le Haut Conseil a procédé à l'audition conjointe de la direction générale du Trésor et de la direction du budget le 16 mai 2018, conformément à la faculté offerte par l'article 18 de la loi organique précitée.
II. - Observations relatives aux écarts à la loi de programmation
Le Haut Conseil constate que la méthode de calcul du solde structurel figurant dans l'article liminaire du projet de loi de règlement pour 2017 et la trajectoire de PIB potentiel sont toutes deux conformes à celles de la LPFP de janvier 2018 (1). Le solde structurel des années 2016 et 2017 est estimé à partir de l'écart de production présenté dans la nouvelle loi de programmation que le Haut Conseil avait jugé « réaliste » dans son avis de septembre 2017 (2). Les étapes de l'estimation du solde structurel sont présentées en annexe 2.
Le Haut Conseil note qu'à la suite du changement de base effectué par l'Insee en mai 2018, le Gouvernement n'a pas procédé à une nouvelle estimation de la croissance potentielle et de l'écart de production avant 2017. Au regard des faibles révisions observées sur la dernière décennie pour la croissance du PIB, ce choix est raisonnable (annexe 3).
Le déficit public s'établit selon l'Insee à 59 Md€ en 2017, soit 2,6 points de PIB, après 3,4 points en 2016. Le déficit constaté en 2017 est inférieur de 0,8 point à celui de 2016, et de 0,3 point à celui prévu pour 2017 dans la loi de programmation de janvier 2018 (2,9 points de PIB).
Selon les estimations du Gouvernement, cet écart positif de 0,3 point de PIB par rapport à la LPFP sur le solde de 2017 porte exclusivement sur la composante conjoncturelle du déficit. Celle-ci est estimée à - 0,3 point en 2017 contre - 0,6 point dans la LPFP.
Les mesures ponctuelles et temporaires pèsent sur le solde public à hauteur de - 0,1 point de PIB, comme estimé dans la LPFP. Cette estimation intègre en dépenses les remboursements de taxe à 3 % sur les dividendes (4,7 Md€) et, en recettes, la surtaxe exceptionnelle d'impôt sur les sociétés (IS) en lien avec ce contentieux (4,9 Md€). Ces mesures exceptionnelles et temporaires comprennent également des remboursements de créances fiscales liées à des contentieux de moindre ampleur (OPCVM pour 0,6 Md€, Stéria pour 0,4 Md€, CVAE pour 0,3 Md€, De Ruyter pour 0,1 Md€), ainsi que les intérêts moratoires (0,7 Md€) associés à l'ensemble des contentieux. Le Haut Conseil note que la prise en compte de ces mesures comme mesures ponctuelles et temporaires est conforme aux principes définis par le Gouvernement dans le rapport annexé à la LPFP.
Le déficit structurel, qui correspond à la différence entre d'une part le déficit effectif et d'autre part la somme de sa composante conjoncturelle et des mesures ponctuelles et temporaires, est ainsi estimé à 2,2 points de PIB en 2017, soit un niveau identique à celui prévu dans la LPFP de janvier 2018.
Tableau 1 : Ecarts par rapport à la loi de programmation 2018-2022
(% du PIB)
| | 2016 | 2017 | | | | |
|:-------------------------------------|:----------------------------------------:|:----:|----------------|------------------------------------------|------|---|
| LPFP
(Jan. 2018) |Projet de loi de règlement 2017 (Mai 2018)|Ecart |LPFP (Jan. 2018)|Projet de loi de règlement 2017 (Mai 2018)|Ecart | |
| Solde effectif (1) | - 3,4 |- 3,4| 0,0 | - 2,9 |- 2,6|0,3|
| Composante conjoncturelle (2) | - 0,8 |- 0,8| 0,0 | - 0,6 |- 0,3|0,3|
|Mesures ponctuelles et temporaires (3)| - 0,1 |- 0,1| 0,0 | - 0,1 |- 0,1|0,0|
| Solde structurel (1) - (2) - (3) | - 2,5 |- 2,5| 0,0 | - 2,2 |- 2,2| 0 |
Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Source : loi n° 2018-32 de programmation des finances publiques de janvier 2018 et projet de loi de règlement pour 2017.
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