- l'équilibre des ressources de l'audiovisuel public demeure un enjeu (objectifs 3 et 4) :
Le résultat d'exploitation de Radio France est redevenu négatif en 2022, malgré la trajectoire équilibrée prévue par le COM, situation en partie imputable à l'inflation. Si France Télévisions affiche un résultat d'exploitation " avant évènements non récurrents " équilibré, son résultat d'exploitation comptable (1), qui tient compte des pertes dues à Salto, est négatif (- 24 M€), tout comme son résultat net (- 48 M€) (2). Le résultat de France Médias Monde demeure en revanche équilibré.
L'Autorité a rappelé à plusieurs reprises ces dernières années la nécessité pour les entreprises de l'audiovisuel public de disposer de prévisibilité à moyen terme sur le financement de ce dernier. Elle rappelle qu'il est important de sécuriser la nature du financement de l'audiovisuel public au-delà de 2024, en adoptant par exemple le dispositif préconisé par la Mission sur l'avenir de l'audiovisuel public (3).
A cet égard, elle note avec satisfaction que le projet de loi de finances pour 2024 détermine une trajectoire de ressources publiques pluriannuelle " de base " jusqu'en 2028 pour chacune des sociétés de l'audiovisuel public. Les dotations augmentent assez sensiblement en 2024, en particulier pour amortir les effets de l'inflation, cette progression se ralentissant nettement les années suivantes.
Compte tenu de ces enjeux, le prochain COM devra comporter tous les indicateurs permettant d'assurer un suivi étroit de l'évolution des ressources de l'audiovisuel public.
En raison de l'équilibre financier toujours fragile décrit plus haut, la question de l'évolution de la part des ressources propres sera probablement abordée par le prochain COM. Dans un contexte de conjoncture difficile des radios privées indépendantes, une éventuelle suppression du plafond publicitaire de 42 M€ de Radio France devrait être étudiée avec une grande prudence.
- les stratégies numériques affichent des résultats réels mais encore inégaux (objectif 1.2 et objectifs spécifiques) :
Les offres en ligne du service public sont abondantes (imposant catalogue d'archives et de podcasts de Radio France, télévision de rattrapage de France Télévisions couvrant le cinéma, etc.), diversifiées (identification d'une offre destinée au jeune public, par exemple), et souvent plébiscitées par le public.
Les orientations numériques des trois groupes ont connu en 2022 des évolutions contrastées : si Radio France poursuit sa stratégie visant à renforcer la visibilité de sa plateforme et la souveraineté de ses droits tout en optimisant sa présence sur les plateformes tierces, la plateforme de vidéos à la demande Salto, destinée selon le plan stratégique de France Télévisions à " fédérer les acteurs français ", a été abandonnée. Quant à France Médias Monde, son offre numérique, encore cloisonnée et peu étoffée, accusait en 2022 un certain retard, en comparaison de celle de ses partenaires ou grands concurrents.
L'aptitude des trois entreprises à répondre de façon concertée aux enjeux numériques, notamment la stratégie de distribution de leurs offres, a été questionnée par la représentation parlementaire (4). Elle devra compter au nombre des chantiers prioritaires à examiner dans le cadre des prochains COM. De même, une clarification et peut-être une simplification des marques du service public présentes sur le numérique semble indispensable.
- de fortes attentes s'expriment à l'égard de l'information de service public (objectifs spécifiques) :
Les médias publics ont rempli en 2022, année d'élections présidentielle et législatives, leur mission d'animation de la vie politique, en s'efforçant d'innover afin d'attirer un public plus large et plus jeune (initiative Ma France 2022 de Radio France, etc.). Leurs antennes ont respecté les règles d'équilibre des temps de parole édictées par l'ARCOM, notamment en période de campagne électorale, des déséquilibres ponctuels ayant certes été observés sur certaines antennes et pour certaines périodes, mais en général corrigés.
L'audiovisuel public a couvert l'élection présidentielle de 2022 dans un contexte de confiance limitée des Français dans leurs médias (5) même si cette confiance connaît un léger regain en 2023. Les médias publics n'ont pas été épargnés par ce phénomène et ont été eux-mêmes l'un des sujets de débat au cours de la campagne.
Si les COM comportent des indicateurs de confiance dans l'information, ceux-ci, extraits d'enquêtes d'opinion commandées par chaque entreprise, sont encore parcellaires et peu harmonisés. L'intensification des enjeux liés à la confiance dans l'information nécessite probablement la mise en place d'indicateurs plus accessibles et communs aux trois entreprises dans le cadre du nouveau COM.
L'information régionale concentre aussi des attentes fortes. Dans le cas de France Télévisions, après l'allongement de la durée du journal télévisé régional en 2021, l'annonce du projet Tempo marque une nouvelle étape (mutation du journal de France 3 en édition 100 % régionale, structure davantage décentralisée, etc.). Au-delà, le développement d'une offre unifiée entre France Télévisions et Radio France doit constituer un axe majeur du prochain COM (voir ci-dessus).
- des entreprises de service public citoyennes (objectif 5) :
Les entreprises de l'audiovisuel public affichent de très bons résultats s'agissant des indicateurs de responsabilité sociale et environnementale (égalité, diversité, environnement, etc.), totalement ou en majorité atteints.
Néanmoins, ces indicateurs ne peuvent à eux seuls refléter la réalité sociale des entreprises, même s'il est indéniable qu'un dialogue constructif est entretenu en leur sein. On peut citer par exemple les épisodes de difficultés sociales et managériales observées sur certaines antennes ou certaines chaînes, ou les questions récurrentes autour des conditions d'embauche de certains collaborateurs.
Comme elle l'avait fait dans son avis sur les projets de COM 2020-2023, l'ARCOM suggère que des baromètres sociaux soient de nouveaux mis en place, afin de mieux appréhender cette réalité. Le suivi de l'effort de formation doit également être renforcé, compte-tenu de la numérisation rapide des métiers.
Par ailleurs, un enrichissement des indicateurs et des engagements en matière environnementale (portant actuellement sur la réduction de l'empreinte carbone) semble nécessaire, au regard en particulier des exigences posées par la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique (loi REEN), notamment en termes d'information des utilisateurs et de mise en place d'une méthodologie commune de calcul de l'impact environnemental des usages audiovisuels.
De même, les outils de dialogue avec le public (médiateurs, réseaux sociaux) n'ont peut-être pas pris toute l'ampleur attendue, notamment pour défendre l'image de l'audiovisuel extérieur. Enfin, un suivi de la mise en œuvre de la " charte alimentaire " (6) signée sous l'égide de l'ARCOM pourrait se révéler utile dans la perspective de l'échéance de cette charte en 2025.
Enfin, au-delà des avancées importantes déjà réalisées par France Télévisions, une plus grande ambition doit être donnée au suivi du Pacte de Visibilité des outre-mer, depuis peu élargi à l'ensemble de l'audiovisuel public, afin notamment de proposer davantage de sujets portant sur l'actualité et les problématiques ultramarines, aux côtés des documentaires de voyage et des fictions, et de rehausser ainsi le taux de visibilité des populations ultramarines.
- l'ouverture sur l'Europe :
Parce qu'il ambitionne de toucher le jeune public, le service public se doit de parler du monde d'aujourd'hui. Bien que l'Europe constitue l'une des priorités du COM, elle reste trop peu présente sur les antennes, comme l'ARCOM l'a fait observer en 2022. Les grilles de programmes ont encore peu changé sur ce point. Il importe que le prochain COM fixe des objectifs quantifiés dans ce domaine, a fortiori dans la perspective des élections au Parlement européen en 2024.
France Médias Monde traite de l'actualité européenne mais doit sans doute accorder une plus grande attention à la question de la couverture de l'Europe dans toutes ses composantes et redéfinir ses priorités géographiques pour les années à venir.
- le rayonnement culturel des territoires est à favoriser :
Enfin, le soutien à la création audiovisuelle et musicale, au cœur des missions de France Télévisions et Radio France, pourrait se traduire par une plus grande présence du service public en régions pour couvrir et rediffuser, y compris sur les antennes nationales, les événements locaux (festivals, concerts, etc.), en mobilisant et en combinant les nombreux moyens dont il dispose (réseaux de Radio France et de France Télévisions, formations musicales, Culturebox, etc.). L'exemple de la BBC, qui dispose d'un engagement à décentraliser 50 % de sa production, peut être évoqué à cet égard.
(1) Seul indicateur pris en compte par le compte de résultat dans le rapport annuel 2021.
(2) Celui-ci intègre en 2022 le coût prévisionnel de la liquidation de Salto.
(3) En rendant permanent le prélèvement d'une partie de la TVA.
(4) Présentation de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (dite " Lafon ") au Sénat - 2 mai 2023 : https://www.senat.fr/salle-de-presse/dernieres-conferences-de-presse/page-de-detail/proposition-de-loi-relative-a-la-reforme-de-laudiovisuel-public-et-a-la-souverainete-audiovisuelle-685.html.
(5) Baromètres 2022 et 2023 Kantar/La Croix de confiance des Français dans les médias, enquête Viavoice - Les Assises du journalisme, etc.
(6) Charte visant à promouvoir une alimentation et des comportements favorables à la santé dans les programmes audiovisuels et les publicités (2020-2024).
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