JORF n°0166 du 20 juillet 2011

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 modifiée concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service ;
Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et des télécommunications, modifiée par la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales et par la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à La Poste et aux activités postales, notamment son article 6 ;
Vu la loi n° 95-115 du 4 février 1995 modifiée d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
Vu la communication de la Commission européenne relative à « l'encadrement des aides d'Etat sous forme de compensations de service public » n° 2005/C297/04, publiée au JOCE du 29 novembre 2005 ;
Vu la demande d'avis du ministre délégué à l'industrie en date du 15 juillet 2010 ;
Après en avoir délibéré le 22 juillet 2010,
Aux termes du I de l'article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée, « La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire national [...] ».
Le IV de l'article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, telle que modifiée par la loi n° 2010-123 du 9 février 2010, prévoit que « l'ARCEP est chargée d'évaluer chaque année le coût net du maillage complémentaire permettant d'assurer la mission d'aménagement du territoire confiée à La Poste ». Il ressort de l'article 6 que cette évaluation annuelle sert ensuite de base à la fixation par le Parlement de l'allégement de fiscalité locale accordé à La Poste en contrepartie de la charge que peut représenter ce maillage territorial complémentaire. Le rôle de l'Autorité est donc d'évaluer le coût net d'une mission de service public, en vue de fixer la compensation liée à cette mission.
L'Autorité est saisie pour avis du projet de décret prévu par l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée et appelé à préciser « la méthode d'évaluation mise en œuvre ».
a) Le projet de décret satisfait dans une large mesure aux principes qui encadrent l'évaluation du coût d'une mission de service public.
Ces principes figurent notamment dans la communication de la Commission européenne relative à « l'encadrement des aides d'Etat sous forme de compensations de service public » n° 2005/C297/04 publiée au JOCE le 29 novembre 2005. En 2008 ces principes ont été appliqués dans le secteur postal lors de la modification de la directive 97/67/CE. Ils apparaissent notamment dans l'annexe I relative à l'évaluation des coûts du service universel.
Au regard de ces principes :
― les obligations de l'opérateur susceptibles de donner lieu à compensation doivent être précisément définies ; à cet égard, l'article 1er du projet de décret explicite clairement l'obligation correspondant à la mission d'aménagement du territoire ― dont le calcul du coût est l'objet du présent projet de décret ― comme correspondant au maillage complémentaire à celui résultant de la seule obligation d'accessibilité du service universel, qui conduit à un maillage moins étendu ;
― les articles 2 et 3 du projet de décret font référence à la méthode des « coûts nets évités », méthode consacrée au plan économique et à laquelle les dispositifs juridiques (notamment la directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et la directive 97/67/CE modifiée pour l'évaluation de la charge qui incombe à un opérateur de service universel) font désormais référence dès lors qu'il s'agit d'évaluer le coût d'une obligation d'intérêt général.
Selon cette méthode, le coût de la mission correspond à la différence de profit entre une situation où l'opérateur assure la mission et celle (hypothétique) où il en est dispensé, ce qui fait l'objet des quatrième et cinquième alinéas de l'article 3 du projet de décret.
b) Le projet de décret assure une bonne articulation avec la comptabilité de La Poste sans pour autant se restreindre à un exercice comptable.
L'article 3 du projet de décret prévoit que les évaluations sont menées à partir des coûts et des revenus issus de la comptabilité de La Poste. Cette disposition (par opposition à la référence à un « opérateur efficace ») limite la prise en compte d'un facteur d'efficience dans le calcul du coût de l'obligation mais permet à l'Autorité de s'appuyer, dans son évaluation, sur des éléments objectifs et mesurables.
Le « coût net » n'est pas un solde tiré de la seule comptabilité de l'opérateur mais le résultat d'une analyse économique qui compare le bénéfice (ou la perte) de cet opérateur dans la situation actuelle avec le bénéfice qu'il pourrait dégager en l'absence de cette obligation. Lors du calcul de cette différence, il est tenu compte des effets sur les coûts de l'obligation en cause (au cas d'espèce, un maillage de points de contact plus étendu que celui qui serait déployé en l'absence de la mission d'aménagement du territoire) mais aussi du surcroît de recettes que peut induire ce maillage complémentaire.
Ainsi, le calcul d'un coût net se fonde sur des données comptables, notamment pour la description de la situation actuelle, mais ne saurait se limiter à un strict exercice comptable : des éléments de modélisation sont en effet nécessaires pour caractériser correctement la situation hypothétique correspondant à l'absence de mission de service public.
c) Les modalités d'application de l'article 3 appellent des observations.
La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 3 du projet de décret dispose : « A défaut de facteur de répartition directe ou indirecte de ces coûts communs, ceux-ci sont imputés proportionnellement aux coûts directs et indirects des activités du réseau des points de contact. »
Cette formulation soumet l'imputation des coûts communs non attribuables à une règle de proportionnalité aux coûts directs et indirects.
Or, les coûts communs réputés non attribuables dans la comptabilité de La Poste représentent, à ce jour, une part supérieure à 40 % de ceux qui sont attribués. Cette part est très importante comparée à celles observées généralement. Ainsi, dans le secteur des communications électroniques, elle est de l'ordre de 5 % dans le cas de France Télécom pour ses activités fixes et du même ordre pour les opérateurs de téléphonie mobile.
En pratique, pour procéder à son évaluation :
― l'Autorité sollicitera de La Poste les éléments nécessaires pour identifier les facteurs de répartition ;
― l'Autorité développera bien sûr une analyse en propre et complémentaire pour déterminer ces facteurs de répartition ;
― dans le cas où cette analyse n'aura pas permis d'identifier ces facteurs, la répartition se fera alors proportionnellement aux coûts déjà attribués, même s'il convient de souligner que la communication n° 2005/C297/04 de la Communauté européenne renvoit au principe d'une « contribution adéquate aux coûts fixes communs [...] », donc sans se limiter à la seule règle de proportionnalité.
Au bénéfice de ces observations, l'Autorité rend un avis favorable sur le projet de décret.
Le présent avis sera transmis au ministre chargé de l'industrie et publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 22 juillet 2010.


Historique des versions

Version 1

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 modifiée concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service ;

Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et des télécommunications, modifiée par la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales et par la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à La Poste et aux activités postales, notamment son article 6 ;

Vu la loi n° 95-115 du 4 février 1995 modifiée d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;

Vu la communication de la Commission européenne relative à « l'encadrement des aides d'Etat sous forme de compensations de service public » n° 2005/C297/04, publiée au JOCE du 29 novembre 2005 ;

Vu la demande d'avis du ministre délégué à l'industrie en date du 15 juillet 2010 ;

Après en avoir délibéré le 22 juillet 2010,

Aux termes du I de l'article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée, « La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire national [...] ».

Le IV de l'article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, telle que modifiée par la loi n° 2010-123 du 9 février 2010, prévoit que « l'ARCEP est chargée d'évaluer chaque année le coût net du maillage complémentaire permettant d'assurer la mission d'aménagement du territoire confiée à La Poste ». Il ressort de l'article 6 que cette évaluation annuelle sert ensuite de base à la fixation par le Parlement de l'allégement de fiscalité locale accordé à La Poste en contrepartie de la charge que peut représenter ce maillage territorial complémentaire. Le rôle de l'Autorité est donc d'évaluer le coût net d'une mission de service public, en vue de fixer la compensation liée à cette mission.

L'Autorité est saisie pour avis du projet de décret prévu par l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée et appelé à préciser « la méthode d'évaluation mise en œuvre ».

a) Le projet de décret satisfait dans une large mesure aux principes qui encadrent l'évaluation du coût d'une mission de service public.

Ces principes figurent notamment dans la communication de la Commission européenne relative à « l'encadrement des aides d'Etat sous forme de compensations de service public » n° 2005/C297/04 publiée au JOCE le 29 novembre 2005. En 2008 ces principes ont été appliqués dans le secteur postal lors de la modification de la directive 97/67/CE. Ils apparaissent notamment dans l'annexe I relative à l'évaluation des coûts du service universel.

Au regard de ces principes :

― les obligations de l'opérateur susceptibles de donner lieu à compensation doivent être précisément définies ; à cet égard, l'article 1er du projet de décret explicite clairement l'obligation correspondant à la mission d'aménagement du territoire ― dont le calcul du coût est l'objet du présent projet de décret ― comme correspondant au maillage complémentaire à celui résultant de la seule obligation d'accessibilité du service universel, qui conduit à un maillage moins étendu ;

― les articles 2 et 3 du projet de décret font référence à la méthode des « coûts nets évités », méthode consacrée au plan économique et à laquelle les dispositifs juridiques (notamment la directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et la directive 97/67/CE modifiée pour l'évaluation de la charge qui incombe à un opérateur de service universel) font désormais référence dès lors qu'il s'agit d'évaluer le coût d'une obligation d'intérêt général.

Selon cette méthode, le coût de la mission correspond à la différence de profit entre une situation où l'opérateur assure la mission et celle (hypothétique) où il en est dispensé, ce qui fait l'objet des quatrième et cinquième alinéas de l'article 3 du projet de décret.

b) Le projet de décret assure une bonne articulation avec la comptabilité de La Poste sans pour autant se restreindre à un exercice comptable.

L'article 3 du projet de décret prévoit que les évaluations sont menées à partir des coûts et des revenus issus de la comptabilité de La Poste. Cette disposition (par opposition à la référence à un « opérateur efficace ») limite la prise en compte d'un facteur d'efficience dans le calcul du coût de l'obligation mais permet à l'Autorité de s'appuyer, dans son évaluation, sur des éléments objectifs et mesurables.

Le « coût net » n'est pas un solde tiré de la seule comptabilité de l'opérateur mais le résultat d'une analyse économique qui compare le bénéfice (ou la perte) de cet opérateur dans la situation actuelle avec le bénéfice qu'il pourrait dégager en l'absence de cette obligation. Lors du calcul de cette différence, il est tenu compte des effets sur les coûts de l'obligation en cause (au cas d'espèce, un maillage de points de contact plus étendu que celui qui serait déployé en l'absence de la mission d'aménagement du territoire) mais aussi du surcroît de recettes que peut induire ce maillage complémentaire.

Ainsi, le calcul d'un coût net se fonde sur des données comptables, notamment pour la description de la situation actuelle, mais ne saurait se limiter à un strict exercice comptable : des éléments de modélisation sont en effet nécessaires pour caractériser correctement la situation hypothétique correspondant à l'absence de mission de service public.

c) Les modalités d'application de l'article 3 appellent des observations.

La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 3 du projet de décret dispose : « A défaut de facteur de répartition directe ou indirecte de ces coûts communs, ceux-ci sont imputés proportionnellement aux coûts directs et indirects des activités du réseau des points de contact. »

Cette formulation soumet l'imputation des coûts communs non attribuables à une règle de proportionnalité aux coûts directs et indirects.

Or, les coûts communs réputés non attribuables dans la comptabilité de La Poste représentent, à ce jour, une part supérieure à 40 % de ceux qui sont attribués. Cette part est très importante comparée à celles observées généralement. Ainsi, dans le secteur des communications électroniques, elle est de l'ordre de 5 % dans le cas de France Télécom pour ses activités fixes et du même ordre pour les opérateurs de téléphonie mobile.

En pratique, pour procéder à son évaluation :

― l'Autorité sollicitera de La Poste les éléments nécessaires pour identifier les facteurs de répartition ;

― l'Autorité développera bien sûr une analyse en propre et complémentaire pour déterminer ces facteurs de répartition ;

― dans le cas où cette analyse n'aura pas permis d'identifier ces facteurs, la répartition se fera alors proportionnellement aux coûts déjà attribués, même s'il convient de souligner que la communication n° 2005/C297/04 de la Communauté européenne renvoit au principe d'une « contribution adéquate aux coûts fixes communs [...] », donc sans se limiter à la seule règle de proportionnalité.

Au bénéfice de ces observations, l'Autorité rend un avis favorable sur le projet de décret.

Le présent avis sera transmis au ministre chargé de l'industrie et publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 22 juillet 2010.