JORF n°0261 du 9 novembre 2016

Annexe

ANNEXECOMMISSION DES PARTICIPATIONS ET DES TRANSFERTSAvis n° 2016-A-2 du 19 juillet 2016 relatif à l'évaluation de la société Aéroports de Lyon

La commission,
Vu la lettre du 3 mars 2016 par laquelle le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 26-II de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014, de la procédure envisagée pour la cession hors marché de la participation majoritaire de 60 % détenue par l'Etat au capital des sociétés Aéroports de la Côte d'Azur et Aéroports de Lyon ;
Vu le code des transports, notamment les articles L. 6325-1 et L. 6325-2 ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports ;
Vu la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, en particulier son article 191 ;
Vu l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique et le décret n° 2014-949 du 20 août 2014 portant application de ladite ordonnance ;
Vu le décret n° 2007-244 du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes ;
Vu le décret n° 2016-276 du 7 mars 2016 autorisant le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société anonyme Aéroports Lyon ;
Vu les avis de la Commission des participations et des transferts n° 2016-AC-3 du 9 mars 2016, n° 2016-AC-6 du 23 mai 2016 et n° 2016-AC-10 du 7 juillet 2016 relatifs à la cession de la participation majoritaire détenue par l'Etat au capital de la société Aéroports de Lyon ;
Vu l'avis relatif au transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroports de Lyon publié au Journal officiel du 10 mars 2016, et le cahier des charges rendu public par ledit avis ;
Vu la documentation communiquée aux candidats recevables conformément à l'article 3.1 du cahier des charges de la cession et la synthèse des questions et réponses prévues à l'article 4.4 ;
Vu le rapport d'activité 2015 de la société Aéroports de Lyon ;
Vu le rapport de valorisation établi par HSBC, banque conseil de l'Etat, transmis à la commission le 9 juin 2016 et les mises à jour et compléments d'information transmis les 28 juin et 19 juillet 2016 ;
Vu les notes de l'Agence des participations de l'Etat transmises à la commission les 29 juin et 18 juillet 2016 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu :
Le 13 avril 2016 :
Le ministre chargé de l'économie représenté par Mme Solenne LEPAGE, directrice de participations à l'Agence des participations de l'Etat (APE), MM. Bruno VINCENT, Antoine GUTHMANN et Frédéric DELACOUR, assisté de sa banque conseil, HSBC, représentée par MM. Hubert BOUXIN, managing director, Olivier RAVEL, Stephan TINNEFELD et Guillaume WENDEN ;
Le 1er juin 2016 :
La société Aéroports de Lyon représentée par MM. Philippe BERNAND, président du directoire, et Didier LE BLAN ;
Le 13 juin 2016 :
Le ministre chargé de l'économie représenté par Mme Solenne LEPAGE, directrice de participations à l'Agence des participations de l'Etat, MM. Bruno VINCENT et Antoine GUTHMANN, assisté de sa banque conseil, HSBC, représentée par MM. Hubert BOUXIN, managing director, Olivier RAVEL, Charles Antoine de CHATILLON et Guillaume WENDEN ;
Le 19 juillet 2016 :
Le ministre chargé de l'économie représenté par Mme Solenne LEPAGE, directrice de participations à l'Agence des participations de l'Etat, MM. Bruno VINCENT, Antoine GUTHMANN et Frédéric DELACOUR, assisté de sa banque conseil, HSBC, représentée par MM. Hubert BOUXIN, managing director, Olivier RAVEL et Guillaume WENDEN,
Emet l'avis suivant :
I. - Par lettre du 3 mars 2016, le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 26-II de l'ordonnance du 20 août 2014 susvisée, des projets de cession par l'Etat des participations majoritaires de 60 % du capital qu'il détient dans les sociétés Aéroports de la Côte d'Azur et Aéroports de Lyon, les actionnaires publics locaux (chambres de commerce et d'industrie ainsi que collectivités territoriales) étant susceptibles de céder leurs titres aux côtés de l'Etat et dans les mêmes conditions. Aucun actionnaire public local n'a fait connaître son intention de céder des titres de la société Aéroports de Lyon.
Le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Lyon a été autorisé par l'art. 191-III de la loi du 6 août 2015 susvisée. L'opération a été décidée par le décret du 7 mars 2016 susvisé.
La cession étant réalisée selon une procédure de gré à gré, l'acquéreur doit être sélectionné, sur avis conforme de la commission, par le ministre chargé de l'économie, sur la base d'un cahier des charges, conformément aux dispositions de l'article 191-II de la loi du 6 août 2015 susvisée. La commission a adopté ce cahier des charges par avis du 9 mars 2016 et il a fait l'objet d'un avis publié au Journal officiel du 10 mars 2016.
Le présent avis a pour objet de déterminer la valeur de la société.
II. - La société Aéroports de Lyon est titulaire de la concession des deux aéroports lyonnais : Lyon-Bron et Lyon-Saint-Exupéry.
Lyon-Bron est le premier aérodrome de Lyon et il trouve son origine dans des meetings aériens dès avant la Première Guerre mondiale. Après une utilisation militaire pendant la guerre, l'aéroport connaît un développement important au cours de l'entre-deux-guerres avec l'instauration de lignes régulières. Après la Seconde Guerre mondiale, cette expansion se poursuit, avec notamment un trafic important vers l'Afrique du Nord et l'ouverture de lignes long-courriers. Le million de passagers est dépassé en 1972. Pour faire face à l'augmentation du trafic, les installations sont étendues à plusieurs reprises. Cependant, du fait de sa localisation en milieu urbain, l'aéroport atteint les limites de ses possibilités d'extension et la décision est prise de construire un nouvel aéroport pour Lyon. L'activité y est transférée en avril 1975 et depuis lors l'aéroport de Lyon-Bron est consacré exclusivement à l'aviation générale (aviation d'affaires), pour laquelle il se classe, avec plus de 6 000 mouvements d'avions, au troisième rang en France après Le Bourget et Cannes-Mandelieu.
Le nouvel aéroport de Lyon, d'abord dénommé Lyon-Satolas puis à partir de 2000 Lyon-Saint-Exupéry, connaît depuis son ouverture une croissance presque continue, les 5 millions de passagers étant dépassés en 1998. Doté à l'origine d'une piste, il reçoit dès 1992 une deuxième piste parallèle et les capacités des terminaux sont accrues. Le plan d'investissement 2013-2018 comprend en particulier le futur terminal 1 qui portera dès 2019 à 14 millions de passagers les capacités d'accueil. L'aéroport présente l'atout d'une très vaste emprise foncière (plus de 2 000 hectares) qui permet encore des développements ultérieurs. Parmi les étapes importantes on relèvera l'ouverture en 1994 de la gare TGV puis en 1997 l'implantation d'un hub d'Air France.
Lyon-Saint-Exupéry est aujourd'hui, avec 8,7 millions de passagers en 2015, le quatrième aéroport français après les deux aéroports parisiens et Nice. Il propose 115 destinations qui sont desservies par 39 compagnies aériennes, les trois plus actives étant Air France KLM, easyJet et Lufthansa. Les destinations sont principalement domestiques (34 %), européennes (49 %, les deux premières destinations étant Barcelone et Francfort) et l'Afrique du Nord (14 %). Lyon-Saint-Exupéry est la porte d'accès à la grande région lyonnaise et aux Alpes où il est toutefois en concurrence avec l'aéroport de Genève. Lyon-Saint-Exupéry a aussi une activité cargo significative en forte croissance opérée principalement par Air France KLM et Emirates.
Depuis 2007, suite à la réforme des aéroports régionaux français, la concession des deux aéroports de Lyon est attribuée jusqu'en 2047 à la société Aéroports de Lyon constituée à cet effet. Les actionnaires de la société sont :
Etat : 60 % ;
Chambre de commerce et d'industrie Lyon Métropole : 25 % ;
Métropole de Lyon : 7 % ;
Région Auvergne-Rhône-Alpes : 5 % ;
Département du Rhône : 3 %.
Aéroports de Lyon, à fin 2015, employait 520 personnes.
III. - Aéroports de Lyon est un des premiers aéroports régionaux à avoir conclu avec l'Etat un contrat pluriannuel au sens de l'article L. 6325-2 du code des transports (dit « CRE » : contrat de régulation économique). Dans une période d'investissement important, le CRE assure à la société une visibilité pour les années qu'il couvre, soit 2015 à 2019.
Ce contrat encadre les évolutions annuelles des redevances aéronautiques. Le principe est que les tarifs des redevances aéronautiques, définies aux articles R. 224-1 et R. 224-2 du code de l'aviation civile, soient fixés de telle sorte que le résultat opérationnel du « périmètre régulé » - tous revenus confondus - assure à l'exploitant « une juste rémunération des capitaux investis, appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur le périmètre [régulé] » (article R. 224-3-1 du code).
Le périmètre de régulation fixé par le CRE pour Lyon est de type « simple caisse » et il inclut à ce titre dans le calcul du retour sur les capitaux employés (ROCE) la totalité des revenus aéronautiques ou non aéronautiques (commerces, parkings, immobilier), excepté les activités des filiales et les activités immobilières de diversification pour lesquelles la société agit en tant qu'investisseur. Le passage au principe de la « caisse aménagée », déjà appliqué pour Aéroports de Paris, est évoqué dans le cadre à venir de la négociation des CRE ultérieurs.
Sur la période du CRE 2015-2019, l'augmentation des tarifs ne pourra dépasser l'inflation majorée de 0 à 0,5 % sous réserve de certains facteurs d'ajustement relatifs à l'évolution du trafic, à la réalisation des investissements budgétés, à la maîtrise des coûts et à la performance en termes de qualité des services.
IV. - Au cours de l'exercice 2015, le chiffre d'affaires a repris la progression des années antérieures, après le léger recul enregistré en 2014 dû aux perturbations ayant affecté Air France KLM. Il s'est élevé à 160,5 millions d'euros (+ 1,5 %).
L'excédent brut d'exploitation (EBITDA) publié par le groupe s'élève à 54,2 millions, en hausse de 1,9 %, poursuivant la progression des années précédentes. Le résultat net est de 13,9 millions (+ 37 %).
Au 31 décembre 2015, la situation nette de la société s'élève à 121,6 millions d'euros (+ 11,5 % par rapport au 31 décembre 2014). La dette nette s'établit à 111,2 millions (en hausse de 36 %).
V. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation d'Aéroports de Lyon en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les conditions de marché, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir. Elle a notamment disposé à cet effet d'un rapport établi par la banque conseil de l'Etat.
Dans ce rapport, la banque a recours à quatre approches :

- le retour cible sur fonds propres (DDM : Dividend Discount Model) : la banque observe que cette approche est largement utilisée dans le secteur des infrastructures en raison de la bonne visibilité des flux de trésorerie futurs. Des hypothèses sont faites sur le taux de rendement interne (TRI) attendu sur fonds propres et sur la structure de financement cible avec un levier d'endettement maximum au niveau de la société et/ou du véhicule d'acquisition. Sont pris en compte les réserves distribuables initiales, les flux de dividendes sur toute la période de la concession (ceux-ci étant limités jusqu'en 2020 du fait des forts investissements) et en fin de concession la valeur nette comptable des actifs (selon les règles de la concession) et le besoin en fonds de roulement. La sensibilité de l'évaluation à la variation du TRI est présentée ;
- l'actualisation des flux de trésorerie (DCF : Discounted Cash-Flows) : les flux sont déterminés sur la base du plan d'affaires établi par l'entreprise sur la durée restante de la concession (2016-2047) et en fin de celle-ci sont pris en compte la valeur nette comptable des actifs (selon les règles de la concession) et le besoin en fonds de roulement. Le coût moyen pondéré du capital (CMPC, estimé à 5,6 % par la banque) est appliqué pour l'actualisation des flux. La sensibilité de l'évaluation à la variation du taux d'actualisation est présentée. La valeur des fonds propres est obtenue après déduction de l'endettement net ajusté ;
- les multiples de transactions comparables : la banque centre son analyse sur les 16 transactions majoritaires intervenues depuis 2008, en distinguant les aéroports en concession et ceux en pleine propriété. Les multiples utilisés sont ceux de valeur d'entreprise sur EBITDA. La valeur des fonds propres est obtenue après déduction de l'endettement net ajusté ;
- les multiples de comparables boursiers : les multiples implicites aux capitalisations des aéroports cotés sont appliqués aux agrégats correspondants d'Aéroports de Lyon. Les multiples retenus sont ceux de valeur d'entreprise sur EBITDA pour les années 2016 et 2017. Sont incluses dans les comparables sept sociétés européennes : Aéroports de Paris, AENA (Espagne), Flughafen Zürich, Fraport (Francfort), Aeroporto di Bologna, Flughafen Wien et SAVE (Venise). La valeur des fonds propres est obtenue après déduction de l'endettement net ajusté.

La commission a demandé à la banque conseil des compléments d'analyse en particulier sur le plan d'affaires, sur les possibilités de dépassement de ce plan (« upsides »), sur la sensibilité de l'évaluation au niveau du trafic et des recettes commerciales et sur les éléments financiers du calcul de valorisation (TRI et CMPC).
VI. - La commission a examiné le rapport et ses éléments complémentaires présentés par la banque conseil. Elle a fait porter son analyse plus particulièrement sur le plan d'affaires d'Aéroports de Lyon, sur les paramètres financiers de l'opération et sur le contexte de marché.
Une des caractéristiques principales de l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry est de disposer d'une capacité de développement importante compte tenu de sa localisation, du foncier dont il dispose et de la rénovation de ses installations qui est en cours (nouveau terminal 1) impliquant un programme important d'investissement. L'aéroport dispose d'un potentiel significatif d'augmentation du trafic compte tenu de la place qu'il devrait occuper dans une grande région particulièrement dynamique et au regard des trafics des aéroports des autres grandes métropoles régionales européennes. Il devrait également bénéficier de la croissance générale attendue du trafic aérien mondial d'après les études des experts du secteur. L'augmentation du trafic à Lyon devrait concerner en premier lieu les liaisons court et moyen-courrier (particulièrement européennes) mais aussi des liaisons long-courrier et elle devrait répondre au potentiel de la demande locale. Elle s'inscrira dans le contexte de la concurrence avec les aéroports de Paris (accessibles de Lyon par le TGV) et de Genève. Un développement de l'activité des compagnies low cost est également à considérer, à l'exemple des autres grands aéroports. Au total, la commission a estimé pouvoir retenir une hypothèse de trafic passager plus ambitieuse que celle du plan d'affaires, à pondérer avec l'incertitude qui s'y attache nécessairement (prime de risque).
Par ailleurs, le développement des recettes commerciales est un facteur important de valorisation : la dépense par passager, encore faible, devrait progresser et sera favorisée par l'ouverture du nouveau terminal 1 et l'ouverture de liaisons long-courrier. Des développements immobiliers sont par ailleurs envisageables, notamment dans la logistique, en liaison avec le développement du fret.
L'impact des éléments qui précèdent dépend bien sûr des hypothèses retenues en matière de régulation des tarifs comme il a été expliqué au point II.
Sur le plan financier, des éléments propres à la société et les facteurs généraux du contexte financier doivent être pris en compte. Aéroports de Lyon dispose d'une marge d'amélioration de sa structure financière permettant une réduction du coût moyen pondéré du capital, dans un contexte où les conditions d'emprunt apparaissent très favorables.
Aéroports de Lyon fait partie des opportunités d'investissement rares et recherchées dans le secteur des infrastructures, dans une période où les investisseurs institutionnels manifestent un intérêt particulier pour celles-ci en raison tant de leur rentabilité régulière attendue que de la faiblesse de rendement des produits de taux d'intérêt, ainsi que des contraintes des réglementations prudentielles. De ce fait, le taux de rendement attendu (TRI) par les investisseurs connaît une baisse continue qui doit être prise en compte.
L'ensemble de ces considérations impacte à la hausse les évaluations intrinsèques, résultant des méthodes de l'actualisation des flux (DCF) et de l'actualisation des dividendes (DDM), qui s'avèrent cohérentes entre elles.
La commission a procédé par ailleurs à l'examen des transactions comparables récentes. Celles-ci révèlent des multiples implicites de valeur d'entreprise sur EBITDA élevés. Les comparables boursiers fournissent une référence moins utilisable en raison de leur nombre limité et du fait qu'elles s'appliquent à des participations minoritaires, hors donc prime de contrôle.
VII. - Sur la base de ces analyses, la commission est d'avis que la valeur de la société Aéroports de Lyon ne saurait être inférieure à 600 millions d'euros (valeur des fonds propres pour 100 % du capital).
Adopté dans la séance du 19 juillet 2016 où siégeaient M. Bertrand SCHNEITER, président, Mme Dominique DEMANGEL, M. Marc-André FEFFER, Mmes Danièle LAJOUMARD, Inès-Claire MERCEREAU et M. Yvon RAAK, membres de la commission.

Le président,
B. Schneiter