JORF n°46 du 23 février 2003

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est une autorité administrative indépendante, dont la mission est de garantir l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle dans les conditions définies par la loi. Cette indépendance, tant à l'égard des pouvoirs politiques que des acteurs économiques, se traduit pour les membres du conseil par une éthique et des obligations particulières. Issues de celles appliquées à tous les agents publics - que sont les membres du conseil pendant la durée de leurs fonctions, quelle que soit leur origine professionnelle -, elles sont adaptées aux missions du CSA et nécessaires à son autorité.

I. - Rappel des principes de déontologie
s'appliquant à tout agent public
I-1. Le respect du secret professionnel

La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état, soit par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est passible d'une sanction pénale (article 226-13 du code pénal). Cette règle est rappelée à l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à l'article 8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : « Les membres et les agents du conseil sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions. »
Il convient de rappeler que la connaissance par d'autres personnes des faits révélés n'est pas de nature à leur enlever leur caractère confidentiel et secret. Au sein du conseil, le secret professionnel porte notamment sur les éléments financiers transmis et le contenu de l'instruction des dossiers, et, de façon générale, sur toute information relevant du secret des affaires.
Il ne peut être dérogé au secret professionnel que dans deux cas :
- lorsqu'un droit d'accès aux informations couvertes par le secret est reconnu à des tiers (loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs), ou qu'un devoir d'information s'impose au conseil sur le respect par les opérateurs de leurs obligations (article 18 de la loi, relatif au rapport annuel du CSA) ;
- lorsqu'une loi interdit qu'il soit opposé, notamment à certaines autorités (Conseil de la concurrence, magistrat ou juridiction, Commission européenne), ou lorsque la loi fait obligation de l'écarter (article 40 du code de procédure pénale, qui fait obligation à tout agent public ayant, dans l'exercice de ses fonctions, connaissance de faits qualifiables pénalement d'informer le procureur de la République).
Tout membre du CSA qui a connaissance, dans l'exercice de ses fonctions, de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale en informe le président, qui fait connaître la suite qu'il donne à cette information. Dans l'hypothèse où le président décide de ne pas transmettre au procureur, le membre du collège reste libre, sous sa propre responsabilité, d'informer le parquet.

I-2. L'obligation de discrétion

L'obligation de discrétion est prévue dans les statuts de la fonction publique (article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). Elle s'impose pour tous les faits, informations ou documents, notamment la teneur du délibéré et le résultat de ce dernier avant sa notification ou sa publication, dont les personnes ont connaissance à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
Cette obligation de discrétion est rappelée et renforcée, pour les membres du CSA, par l'article 5 de la loi du 30 septembre 1986 : « Pendant la durée des fonctions et durant un an à compter de leur cessation, les membres du CSA sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique sur les questions dont le CSA a ou a eu à connaître ou qui sont susceptibles de lui être sousmises dans l'exercice de sa mission. »

I-3. Le devoir de réserve

Cette obligation résulte de la jurisprudence qui impose aux agents publics de ne pas nuire au renom de leur administration ou de celle à laquelle ils ont appartenu.
Chaque membre du conseil évite, dans son expression extérieure, d'exposer des positions contraires à celles du conseil.

I-4. Les cadeaux reçus de tiers dans l'exercice des fonctions

Face aux propositions et offres de cadeaux, l'attitude des membres doit être inspirée par la transparence et la prudence :
- les voyages (transport et hébergement) sont normalement pris en charge par le CSA. Ils peuvent l'être par un organisme extérieur lorsque le membre est l'un des invités officiels de la manifestation à laquelle il se rend. Le conseil en est informé ;
- les cadeaux et invitations peuvent être acceptés s'ils restent d'une valeur raisonnable.

I-5. Le déport

Lorsqu'un membre du conseil estime en conscience que ses activités professionnelles passées ou ses relations actuelles peuvent mettre en doute son impartialité, il ne participe ni au débat ni au vote.

I-6. La responsabilité personnelle

Les membres du CSA ne bénéficient d'aucune immunité particulière. Ils sont responsables pénalement de leurs actes s'ils commettent une infraction.
En cas de poursuites pénales pour des faits liés à l'exercice de leurs fonctions, le membre bénéficie de la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, qui dispose que « la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion des faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ».

I-7. L'interdiction de la prise illégale d'intérêts

Aux termes de l'article 432-12 du code pénal : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende. »
Les membres du CSA, même s'ils prennent leurs décisions collégialement, sont personnellement soumis à l'interdiction posée par l'article 432-12.
Le délit de prise illégale d'intérêts est repris par la loi du 30 septembre 1986 modifiée qui, en son article 5, énonce des interdictions qui vont au-delà de l'article 432-12 et dont les manquements sont explicitement sanctionnés par les peines de l'article 432-12.

II. - Dispositions applicables aux membres
du conseil pendant la durée de leurs fonctions

L'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée assure aux membres du conseil des garanties visant à assurer leur indépendance personnelle. Cette indépendance est traduite notamment par :
- le caractère non renouvelable (sauf pour les membres nommés pour terminer un mandat entamé et dont il reste moins de deux ans à courir) et non révocable du mandat ;
- le fait que la limite d'âge ne peut pas être opposée aux membres au cours de leur mandat.
Pour assurer l'indépendance du CSA vis-à-vis du pouvoir politique comme des secteurs économiques qu'il régule, la loi soumet les membres du conseil, pendant la durée de leur mandat, à des obligations qui se traduisent pour l'essentiel par un régime d'incompatibilités et d'interdictions.

II-1. Incompatibilités

L'article 5 de la loi de 1986 dispose que la fonction de membre du CSA est incompatible avec :
- « Tout mandat électif ». L'incompatibilité concerne non seulement les mandats électifs nationaux mais aussi celui de député européen et les mandats locaux, qu'il s'agisse d'une élection au suffrage direct ou indirect ;
- « Tout emploi public, toute autre activité professionnelle ». Tout membre du conseil peut exercer des activités associatives bénévoles, même importantes, dès lors qu'elles sont dénuées de tout lien avec l'activité et le domaine de compétences du CSA. Dans le cas contraire, il doit demander l'agrément du conseil. Il lui est aussi possible d'assurer un enseignement non rémunéré, dans le respect des principes de déontologie rappelés ci-dessus. Il lui est également possible, comme à tous les agents publics, de percevoir des droits d'auteur au titre d'une activité littéraire, scientifique ou artistique au sens du code de la propriété intellectuelle.

II-2. Interdictions

L'article 5 de la loi de 1986 pose en outre une interdiction particulière d'exercer une activité ou de détenir des intérêts dans certains secteurs économiques proches des missions du CSA. En effet, aux termes du deuxième alinéa de cet article, les membres du CSA « ne peuvent, ni directement ni indirectement, exercer des fonctions, recevoir d'honoraires, sauf pour des services rendus avant leur entrée en fonction, ni détenir d'intérêts dans une entreprise de l'audiovisuel, du cinéma, de l'édition, de la presse, de la publicité ou des télécommunications ».
Le champ d'application de cette interdiction est très large puisqu'elle vise tous les secteurs de la communication, toutes les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées et quelle que soit leur nature (société, association, groupement...), enfin toutes les formes de liens (fonctions rémunérées ou bénévoles, honoraires, détention d'intérêts). L'article 5 de la loi de 1986 pose donc des interdictions beaucoup plus larges que celles de l'article 432-12 du code pénal : les secteurs interdits ne sont pas seulement ceux sur lesquels le CSA exerce sa compétence, et l'interdiction vaut même si le membre n'a pas pris part aux décisions (qu'il ait été absent ou n'ait pas pris part au vote).
Seules les activités scientifiques, littéraires et artistiques (droits d'auteur) sont autorisées.
S'agissant de la détention d'intérêts, l'interprétation suivante peut être donnée :

Qu'est-ce que la détention d'intérêts ?

La détention d'intérêts dans ces entreprises est le plus souvent constituée par la simple possession de valeurs mobilières de ces entreprises. La notion de prise d'intérêts couvre aussi la participation « par travail, conseil ou capitaux » au sens de l'article 432-13 du code pénal et de la jurisprudence sur ce point (ancien 175-1).

Quelles sont les entreprises concernées ?

La loi énumère six secteurs économiques : audiovisuel, cinéma, édition, presse, publicité, télécommunications. Les débats parlementaires montrent la volonté du législateur de poser une interdiction large mais relativement précise : a été écartée la notion d'« entreprise liée aux secteurs de... », qui aurait couvert tous les secteurs économiques et dont les contours auraient été flous. Il y a donc lieu de s'interroger si les intérêts détenus le sont dans une entreprise que l'on peut rattacher à l'un des six secteurs. La succession de ces termes montre la volonté du législateur d'englober l'ensemble des activités relevant, de près ou de loin, des domaines de compétence du CSA. Sont assimilées à ces secteurs les activités de contenus relevant de la communication publique en ligne.
La nécessité d'assurer l'indépendance et l'autorité du CSA conduit à recommander la prudence, c'est-à-dire à éviter toute détention d'intérêts susceptibles d'être inclus dans le champ de l'interdiction, même à sa périphérie. Ses membres ne doivent donc pas détenir de valeurs mobilières de sociétés qui contrôlent, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, celles incluses dans les six secteurs mentionnés à l'article 5 de la loi.

Tous les modes de gestion sont-ils concernés ?

Peu importe que les titres soient gérés directement ou par un organisme financier : c'est la seule détention qui est en cause.

Comment considérer les OPCVM
(SICAV, FCP notamment) et SOFICA ?

Les parts de FCP ou titres de SIVAC n'entrent pas dans le champ de l'interdiction dès lors qu'elles ne sont pas spécialisées dans l'un des secteurs visés à l'article 5. La détention de parts de SOFICAS est analysée par la Cour des comptes comme aboutissant à une détention indirecte d'intérêts dans ces entreprises.

Le cercle de famille est-il concerné ?

Les termes de la loi ne s'appliquent qu'au membre lui-même. Toutefois, les termes : « directement ou indirectement » qui figurent à l'article 5 pourraient conduire à appliquer les interdictions au-delà de la seule personne du membre du CSA.
On rappelle que les conjoints mariés sous le régime de la communauté de biens sont considérés (sauf, dans le cas de la communauté réduite aux acquêts, pour les biens propres) comme copropriétaires de l'ensemble de leurs biens.
Les montages effectués dans le but de contourner l'interdiction posée à l'article 5 de la loi, par exemple, l'acquisition de titres au nom de son conjoint ou d'un enfant, ou la constitution d'une société écran qui détiendrait des titres, sont prohibés, conformément à la jurisprudence relative à l'article 432-12 du code pénal.
Au cas où des titres, visés par l'interdiction de l'article 5 de la loi de 1986 tel qu'interprété ici, viendraient à être détenus par mariage, succession ou par suite d'évolutions stratégiques d'entreprises jusqu'alors absentes du secteur, il est demandé aux membres concernés de procéder à leur cession dans un délai de trois mois, conformément à la déclaration sur l'honneur qu'ils ont signée en début de mandat et doivent, aux termes de l'article 13-1 du règlement intérieur, renouveler à chaque date anniversaire de cette nomination.
Le membre du CSA qui se trouverait dans l'une de ces situations interdites dispose d'un délai de trois mois à compter de sa nomination pour se mettre en conformité avec la loi.
Les manquements à cette obligation peuvent être sanctionnés à un double titre :
- par une sanction administrative : la révocation d'un membre à l'initiative de ses pairs. Le membre du CSA qui a manqué à ces obligations est déclaré démissionnaire d'office par le CSA statuant à la majorité des deux tiers de ses membres ;
- par des sanctions pénales : les peines prévues à l'article 432-12 du code pénal, relatif à la prise illégale d'intérêts (cinq ans d'emprisonnement et 75 000 EUR d'amende).
Sont annexées à ce code de déontologie les règles applicables après la cessation des fonctions.
Délibéré le 4 février 2003.


Historique des versions

Version 1

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est une autorité administrative indépendante, dont la mission est de garantir l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle dans les conditions définies par la loi. Cette indépendance, tant à l'égard des pouvoirs politiques que des acteurs économiques, se traduit pour les membres du conseil par une éthique et des obligations particulières. Issues de celles appliquées à tous les agents publics - que sont les membres du conseil pendant la durée de leurs fonctions, quelle que soit leur origine professionnelle -, elles sont adaptées aux missions du CSA et nécessaires à son autorité.

I. - Rappel des principes de déontologie

s'appliquant à tout agent public

I-1. Le respect du secret professionnel

La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état, soit par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est passible d'une sanction pénale (article 226-13 du code pénal). Cette règle est rappelée à l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à l'article 8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : « Les membres et les agents du conseil sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions. »

Il convient de rappeler que la connaissance par d'autres personnes des faits révélés n'est pas de nature à leur enlever leur caractère confidentiel et secret. Au sein du conseil, le secret professionnel porte notamment sur les éléments financiers transmis et le contenu de l'instruction des dossiers, et, de façon générale, sur toute information relevant du secret des affaires.

Il ne peut être dérogé au secret professionnel que dans deux cas :

- lorsqu'un droit d'accès aux informations couvertes par le secret est reconnu à des tiers (loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs), ou qu'un devoir d'information s'impose au conseil sur le respect par les opérateurs de leurs obligations (article 18 de la loi, relatif au rapport annuel du CSA) ;

- lorsqu'une loi interdit qu'il soit opposé, notamment à certaines autorités (Conseil de la concurrence, magistrat ou juridiction, Commission européenne), ou lorsque la loi fait obligation de l'écarter (article 40 du code de procédure pénale, qui fait obligation à tout agent public ayant, dans l'exercice de ses fonctions, connaissance de faits qualifiables pénalement d'informer le procureur de la République).

Tout membre du CSA qui a connaissance, dans l'exercice de ses fonctions, de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale en informe le président, qui fait connaître la suite qu'il donne à cette information. Dans l'hypothèse où le président décide de ne pas transmettre au procureur, le membre du collège reste libre, sous sa propre responsabilité, d'informer le parquet.

I-2. L'obligation de discrétion

L'obligation de discrétion est prévue dans les statuts de la fonction publique (article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). Elle s'impose pour tous les faits, informations ou documents, notamment la teneur du délibéré et le résultat de ce dernier avant sa notification ou sa publication, dont les personnes ont connaissance à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

Cette obligation de discrétion est rappelée et renforcée, pour les membres du CSA, par l'article 5 de la loi du 30 septembre 1986 : « Pendant la durée des fonctions et durant un an à compter de leur cessation, les membres du CSA sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique sur les questions dont le CSA a ou a eu à connaître ou qui sont susceptibles de lui être sousmises dans l'exercice de sa mission. »

I-3. Le devoir de réserve

Cette obligation résulte de la jurisprudence qui impose aux agents publics de ne pas nuire au renom de leur administration ou de celle à laquelle ils ont appartenu.

Chaque membre du conseil évite, dans son expression extérieure, d'exposer des positions contraires à celles du conseil.

I-4. Les cadeaux reçus de tiers dans l'exercice des fonctions

Face aux propositions et offres de cadeaux, l'attitude des membres doit être inspirée par la transparence et la prudence :

- les voyages (transport et hébergement) sont normalement pris en charge par le CSA. Ils peuvent l'être par un organisme extérieur lorsque le membre est l'un des invités officiels de la manifestation à laquelle il se rend. Le conseil en est informé ;

- les cadeaux et invitations peuvent être acceptés s'ils restent d'une valeur raisonnable.

I-5. Le déport

Lorsqu'un membre du conseil estime en conscience que ses activités professionnelles passées ou ses relations actuelles peuvent mettre en doute son impartialité, il ne participe ni au débat ni au vote.

I-6. La responsabilité personnelle

Les membres du CSA ne bénéficient d'aucune immunité particulière. Ils sont responsables pénalement de leurs actes s'ils commettent une infraction.

En cas de poursuites pénales pour des faits liés à l'exercice de leurs fonctions, le membre bénéficie de la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, qui dispose que « la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion des faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ».

I-7. L'interdiction de la prise illégale d'intérêts

Aux termes de l'article 432-12 du code pénal : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende. »

Les membres du CSA, même s'ils prennent leurs décisions collégialement, sont personnellement soumis à l'interdiction posée par l'article 432-12.

Le délit de prise illégale d'intérêts est repris par la loi du 30 septembre 1986 modifiée qui, en son article 5, énonce des interdictions qui vont au-delà de l'article 432-12 et dont les manquements sont explicitement sanctionnés par les peines de l'article 432-12.

II. - Dispositions applicables aux membres

du conseil pendant la durée de leurs fonctions

L'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée assure aux membres du conseil des garanties visant à assurer leur indépendance personnelle. Cette indépendance est traduite notamment par :

- le caractère non renouvelable (sauf pour les membres nommés pour terminer un mandat entamé et dont il reste moins de deux ans à courir) et non révocable du mandat ;

- le fait que la limite d'âge ne peut pas être opposée aux membres au cours de leur mandat.

Pour assurer l'indépendance du CSA vis-à-vis du pouvoir politique comme des secteurs économiques qu'il régule, la loi soumet les membres du conseil, pendant la durée de leur mandat, à des obligations qui se traduisent pour l'essentiel par un régime d'incompatibilités et d'interdictions.

II-1. Incompatibilités

L'article 5 de la loi de 1986 dispose que la fonction de membre du CSA est incompatible avec :

- « Tout mandat électif ». L'incompatibilité concerne non seulement les mandats électifs nationaux mais aussi celui de député européen et les mandats locaux, qu'il s'agisse d'une élection au suffrage direct ou indirect ;

- « Tout emploi public, toute autre activité professionnelle ». Tout membre du conseil peut exercer des activités associatives bénévoles, même importantes, dès lors qu'elles sont dénuées de tout lien avec l'activité et le domaine de compétences du CSA. Dans le cas contraire, il doit demander l'agrément du conseil. Il lui est aussi possible d'assurer un enseignement non rémunéré, dans le respect des principes de déontologie rappelés ci-dessus. Il lui est également possible, comme à tous les agents publics, de percevoir des droits d'auteur au titre d'une activité littéraire, scientifique ou artistique au sens du code de la propriété intellectuelle.

II-2. Interdictions

L'article 5 de la loi de 1986 pose en outre une interdiction particulière d'exercer une activité ou de détenir des intérêts dans certains secteurs économiques proches des missions du CSA. En effet, aux termes du deuxième alinéa de cet article, les membres du CSA « ne peuvent, ni directement ni indirectement, exercer des fonctions, recevoir d'honoraires, sauf pour des services rendus avant leur entrée en fonction, ni détenir d'intérêts dans une entreprise de l'audiovisuel, du cinéma, de l'édition, de la presse, de la publicité ou des télécommunications ».

Le champ d'application de cette interdiction est très large puisqu'elle vise tous les secteurs de la communication, toutes les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées et quelle que soit leur nature (société, association, groupement...), enfin toutes les formes de liens (fonctions rémunérées ou bénévoles, honoraires, détention d'intérêts). L'article 5 de la loi de 1986 pose donc des interdictions beaucoup plus larges que celles de l'article 432-12 du code pénal : les secteurs interdits ne sont pas seulement ceux sur lesquels le CSA exerce sa compétence, et l'interdiction vaut même si le membre n'a pas pris part aux décisions (qu'il ait été absent ou n'ait pas pris part au vote).

Seules les activités scientifiques, littéraires et artistiques (droits d'auteur) sont autorisées.

S'agissant de la détention d'intérêts, l'interprétation suivante peut être donnée :

Qu'est-ce que la détention d'intérêts ?

La détention d'intérêts dans ces entreprises est le plus souvent constituée par la simple possession de valeurs mobilières de ces entreprises. La notion de prise d'intérêts couvre aussi la participation « par travail, conseil ou capitaux » au sens de l'article 432-13 du code pénal et de la jurisprudence sur ce point (ancien 175-1).

Quelles sont les entreprises concernées ?

La loi énumère six secteurs économiques : audiovisuel, cinéma, édition, presse, publicité, télécommunications. Les débats parlementaires montrent la volonté du législateur de poser une interdiction large mais relativement précise : a été écartée la notion d'« entreprise liée aux secteurs de... », qui aurait couvert tous les secteurs économiques et dont les contours auraient été flous. Il y a donc lieu de s'interroger si les intérêts détenus le sont dans une entreprise que l'on peut rattacher à l'un des six secteurs. La succession de ces termes montre la volonté du législateur d'englober l'ensemble des activités relevant, de près ou de loin, des domaines de compétence du CSA. Sont assimilées à ces secteurs les activités de contenus relevant de la communication publique en ligne.

La nécessité d'assurer l'indépendance et l'autorité du CSA conduit à recommander la prudence, c'est-à-dire à éviter toute détention d'intérêts susceptibles d'être inclus dans le champ de l'interdiction, même à sa périphérie. Ses membres ne doivent donc pas détenir de valeurs mobilières de sociétés qui contrôlent, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, celles incluses dans les six secteurs mentionnés à l'article 5 de la loi.

Tous les modes de gestion sont-ils concernés ?

Peu importe que les titres soient gérés directement ou par un organisme financier : c'est la seule détention qui est en cause.

Comment considérer les OPCVM

(SICAV, FCP notamment) et SOFICA ?

Les parts de FCP ou titres de SIVAC n'entrent pas dans le champ de l'interdiction dès lors qu'elles ne sont pas spécialisées dans l'un des secteurs visés à l'article 5. La détention de parts de SOFICAS est analysée par la Cour des comptes comme aboutissant à une détention indirecte d'intérêts dans ces entreprises.

Le cercle de famille est-il concerné ?

Les termes de la loi ne s'appliquent qu'au membre lui-même. Toutefois, les termes : « directement ou indirectement » qui figurent à l'article 5 pourraient conduire à appliquer les interdictions au-delà de la seule personne du membre du CSA.

On rappelle que les conjoints mariés sous le régime de la communauté de biens sont considérés (sauf, dans le cas de la communauté réduite aux acquêts, pour les biens propres) comme copropriétaires de l'ensemble de leurs biens.

Les montages effectués dans le but de contourner l'interdiction posée à l'article 5 de la loi, par exemple, l'acquisition de titres au nom de son conjoint ou d'un enfant, ou la constitution d'une société écran qui détiendrait des titres, sont prohibés, conformément à la jurisprudence relative à l'article 432-12 du code pénal.

Au cas où des titres, visés par l'interdiction de l'article 5 de la loi de 1986 tel qu'interprété ici, viendraient à être détenus par mariage, succession ou par suite d'évolutions stratégiques d'entreprises jusqu'alors absentes du secteur, il est demandé aux membres concernés de procéder à leur cession dans un délai de trois mois, conformément à la déclaration sur l'honneur qu'ils ont signée en début de mandat et doivent, aux termes de l'article 13-1 du règlement intérieur, renouveler à chaque date anniversaire de cette nomination.

Le membre du CSA qui se trouverait dans l'une de ces situations interdites dispose d'un délai de trois mois à compter de sa nomination pour se mettre en conformité avec la loi.

Les manquements à cette obligation peuvent être sanctionnés à un double titre :

- par une sanction administrative : la révocation d'un membre à l'initiative de ses pairs. Le membre du CSA qui a manqué à ces obligations est déclaré démissionnaire d'office par le CSA statuant à la majorité des deux tiers de ses membres ;

- par des sanctions pénales : les peines prévues à l'article 432-12 du code pénal, relatif à la prise illégale d'intérêts (cinq ans d'emprisonnement et 75 000 EUR d'amende).

Sont annexées à ce code de déontologie les règles applicables après la cessation des fonctions.

Délibéré le 4 février 2003.