JORF n°0181 du 6 août 2023

Délibération n°2023-116 du 29 juin 2023

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Opération de concentration dans le secteur de la production et de la fourniture d'électricité et de gaz naturel

Résumé La CRE a examiné l'impact de la concentration entre Eiffage et Getlink ainsi que la participation d'ADIA sur ElecLink, concluant que ni Eiffage ni ADIA ne contrôlent ElecLink.

Participaient à la séance : Emmanuelle WARGON, présidente, Anthony CELLIER, Ivan FAUCHEUX et Valérie PLAGNOL, commissaires.

  1. Contexte et compétence de la CRE

La procédure de certification vise à s'assurer du respect par les gestionnaires de réseaux et d'infrastructures des règles d'organisation et d'indépendance vis-à-vis des sociétés exerçant une activité de production ou de fourniture au sens du code de l'énergie et de la directive 2019/944 du 5 juin 2019 (1) (ci-après la « Directive »). La séparation effective des activités de gestion des réseaux et infrastructures et des activités de production ou de fourniture a pour principale finalité d'éviter tout risque de discrimination entre utilisateurs de ces réseaux et de ces infrastructures.
Par une délibération du 31 janvier 2019 (2), la Commission de régulation de l'énergie (ci-après « CRE ») a certifié ElecLink Limited (ci-après « ElecLink ») en modèle de séparation patrimoniale (modèle dit « Ownership unbundling » ou « OU »).
La certification d'ElecLink par la CRE a été assortie de certaines conditions visant à garantir le respect par ElecLink des dispositions de l'article 9 de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (3) :
« ElecLink devra être certifié par la CRE en France et par l'Ofgem en Grande-Bretagne avant la mise en service de l'interconnexion.
« Il convient, pour ce faire, qu'ElecLink demande, en application des dispositions nationales transposant les articles 10 ou 11 de la Directive, l'ouverture d'une procédure de certification relative au modèle de séparation patrimoniale défini par l'article 9 de la Directive. ElecLink devra déposer sa demande de certification de façon concomitante auprès des deux régulateurs.
« Conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l'article 10 de la Directive et les législations nationales les transposant, les régulateurs des deux Etats Membres devront évaluer la conformité d'ElecLink avec les modalités et les conditions de ce modèle de séparation patrimoniale.
« A l'occasion de cette évaluation, si les deux régulateurs concluent qu'ElecLink satisfait aux exigences de l'article 9 de la Directive, ElecLink devra alors se conformer aux dispositions de cet article pendant toute la période de dérogation. Dans ce cas, et dès que les deux régulateurs auront conclu qu'ElecLink satisfait aux exigences de l'article 9 de la Directive, ils notifieront à la Commission européenne leurs décisions de certification respectives. Ces décisions seront ensuite adoptées en conformité avec l'article 10 de la Directive, l'article 3 du Règlement et la législation nationale correspondante.
« Si au moins l'un des deux régulateurs conclut qu'ElecLink ne satisfait pas aux exigences de l'article 9 de la Directive, ElecLink devra alors retirer ses demandes de certification relatives à ce modèle de séparation patrimoniale auprès des deux régulateurs. Il devra demander l'ouverture d'une nouvelle procédure de certification relative au respect du “modèle OU amendé”, défini ci-après, au plus tard trois mois à compter de la date à laquelle ElecLink aura reçu notification du fait qu'au moins l'un des deux régulateurs a conclu qu'il ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 9 de la Directive. ElecLink devra déposer sa nouvelle demande de certification de façon concomitante auprès des deux régulateurs. Les décisions de certification relatives au respect du “modèle OU amendé” seront ensuite notifiées par les régulateurs à la Commission européenne puis adoptées en conformité avec l'article 10 de la Directive, l'article 3 du Règlement et la législation nationale correspondante ».
Par courrier du 12 avril 2023, reçu le 14 avril 2023, et après échanges par courriers électroniques, ElecLink a informé la CRE que la société Eiffage SA (ci-après « Eiffage ») avait augmenté sa participation, par l'intermédiaire de sa filiale à 100 % Dervaux Participations 14 SAS, dans la société Getlink SE (ci-après « Getlink »), de 5,08 % en février 2022 à 18,79 % en octobre de la même année (ci-après « l'Opération ») et qu'Eiffage avait acquis près de 75 % du Groupe Sun'R, ce dernier ayant une activité de production d'électricité photovoltaïque et de fourniture d'électricité.
A l'occasion de l'instruction de l'Opération, il est apparu qu'Abu Dhabi Investment Authority (ci-après « ADIA ») détenait 6,65 % du capital de Getlink, correspondant à 5 % des droits de vote.
En réponse à un courriel de demande d'informations adressé par la CRE le 27 avril 2023, ElecLink a adressé à la CRE des éléments de réponse par courriel du 16 mai 2023.
[CONFIDENTIEL] ADIA a procédé à la déclaration relative au franchissement de seuil de 5 % auprès de l'AMF le 11 février 2022 (ci-après ensemble « la Prise de participation »).
Sur la base des éléments communiqués par ElecLink, la présente délibération vise à analyser les conséquences de l'Opération et de la Prise de participation sur la certification de la société ElecLink au regard de ses obligations mentionnées à l'article 43 de la Directive et aux articles L. 111-8 et suivants du code de l'énergie.

  1. Analyse de la CRE
    2.1. Description de la structure actionnariale d'ElecLink
    2.1.1. Liens capitalistiques entre ElecLink et ses actionnaires

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GET Elec Limited (ci-après « GET Elec »), société de droit anglais, est l'unique actionnaire d'ElecLink.
Getlink, anciennement Groupe Eurotunnel SE, société immatriculée en France, est l'unique actionnaire de GET Elec.
Aux termes de sa délibération du 31 janvier 2019 susmentionnée, la CRE avait relevé qu'ElecLink avait déclaré que les sociétés GET Elec et Getlink ne disposaient d'aucune participation, et donc n'exerçaient ni contrôle, ni « quelconque pouvoir » dans une société exerçant des activités de production ou de fourniture.

2.1.2. Actionnaires de Getlink

Getlink est une société cotée à Paris (Euronext Paris).
Les quatre principaux actionnaires de Getlink à la date du 31 décembre 2022 sont les suivants (hors investisseurs individuels, salariés et flottant) :

| Nom | Actions |% (capital)| |------------------------------------------------|-----------|-----------| | Eiffage SA (4) |103 318 964| 18,79 % | |Aéro 1 Global & International S.a.r.l (Aero) (5)|85 170 758 | 15,49 % | | Abu Dhabi Investment
Authority (ADIA) |36 573 738 | 6,65 % | | Blackrock |27 888 729 | 5,07% |

2.2. Résumé de l'Opération et de la Prise de participation

Dans sa délibération du 31 janvier 2019, la CRE avait observé qu'Eiffage détenait, par l'intermédiaire de Dervaux Participations 14 SAS, 5,03 % du capital et 4,33 % des droits de vote de la société Getlink.
Le 26 octobre 2022, la société Eiffage a déclaré à l'AMF avoir franchi à la hausse les seuils de 10 % et 15 % du capital et des droits de vote de Getlink et détenir, par l'intermédiaire de la société Dervaux Participations 14 SAS, elle-même détenue à 100 % par Eiffage, 103 318 964 actions de Getlink, représentant 130 813 464 droits de vote. Ce bloc de 75 383 972 actions a été acquis hors marché auprès de TCI Fund Management Ltd et de CIFF Capital UK LP.
L'Opération a fait ainsi évoluer la participation de Dervaux Participations 14 SAS, société intégralement détenue par Eiffage, à hauteur de 18,79 % du capital et de 17,39 % des droits de vote de la société Getlink.
Concomitamment, Eiffage a acquis, via la société Eiffage Concessions, près de 75 % du Groupe Sun'R, ce dernier ayant une activité de production d'électricité photovoltaïque et de fourniture d'électricité.

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[CONFIDENTIEL]
Le 11 février 2022, ADIA a déclaré à l'AMF avoir franchi à la hausse, le 7 février 2022, le seuil de 5 % des droits de vote de Getlink et détenir 6,65 % du capital de cette société.

2.3. Examen de l'impact de l'Opération et de la Prise de participation sur le maintien de la certification d'ElecLink

Dans sa délibération du 31 janvier 2019 susmentionnée, la CRE avait observé que :

- Getlink, et a fortiori ElecLink, n'étaient contrôlées par aucun des actionnaires de Getlink au sens de l'article L. 111-8-1 du code de l'énergie ;
- les actionnaires de Getlink ne détenaient pas le pouvoir d'exercer directement des droits de vote dans ElecLink, ni le pouvoir de désigner directement des membres des organes représentatifs ;
- aucun des actionnaires de Getlink ne détenait de quelconque pouvoir (6), direct ou indirect, sur ElecLink.

La CRE constate (i) que l'Opération a eu pour effet d'augmenter la participation d'Eiffage dans le capital de Getlink ainsi que les droits de vote attachés à cette participation, (ii) que la Prise de participation a eu pour effet de faire entrer ADIA dans le capital de Getlink, (iii) sans toutefois modifier les règles régissant la gouvernance de Getlink, ni celles de GET Elec ou celles d'Eleclink.

2.3.1. Getlink n'est contrôlée par aucun de ses actionnaires

Aucun des actionnaires de Getlink ne dispose d'une participation majoritaire dans Getlink.
Par ailleurs, la participation d'Eiffage dans Getlink, à hauteur de 18,79 %, lui confère 17,39 % des droits de vote en assemblée générale. La participation d'ADIA dans le capital de Getlink, à hauteur de 6,65 %, lui confère 5 % des droits de vote en assemblée générale. Les décisions étant prises à la majorité simple en cas d'assemblée générale ordinaire (7), la participation étant selon les déclarations d'ElecLink significative, ni Eiffage ni ADIA ne disposent d'une majorité (de droit ou de fait) dans le cadre des assemblées générales ordinaires de Getlink.
Enfin, parmi les actionnaires de Getlink, seules Atlantia et Eiffage nomment des représentants au conseil d'administration de Getlink (au nombre de deux chacune), sur un total de quinze membres. En effet, Eiffage a, à l'occasion de l'assemblée générale annuelle du 27 avril 2023, désigné deux membres du conseil d'administration de Getlink. Toutefois, les décisions du conseil d'administration étant prises à la majorité simple, Eiffage ne pourra pas disposer d'une majorité de membres dans la mesure où Eiffage ne dispose que de deux administrateurs sur les quinze membres composant le conseil d'administration et qu'au moins 50 % des membres du conseil d'administration de Getlink doivent être indépendants.
ADIA ne dispose d'aucun administrateur au conseil d'administration de Getlink.
La CRE considère donc qu'aucun des actionnaires de Getlink ne détient de droit de nature à lui conférer une influence déterminante ou un contrôle sur ElecLink, puisqu'ils ne peuvent faire obstacle à l'adoption d'une décision stratégique et ne peuvent seuls atteindre le seuil requis pour l'adoption d'une telle décision.
Il résulte de ce qui précède que Getlink, et a fortiori ElecLink, ne sont contrôlées par aucun des actionnaires de Getlink au sens des dispositions de l'article L. 111-8-1 du code de l'énergie.

2.3.2. Eiffage et ADIA ne détiennent pas de « quelconque pouvoir » direct sur ElecLink

Les actionnaires de Getlink ne détiennent pas le pouvoir d'exercer directement des droits de vote dans ElecLink.
Il ressort des pièces du dossier qu'ElecLink est régi par un conseil d'administration qui détermine les objectifs commerciaux de la société, supervise l'équipe de direction de la société, peut examiner toute question affectant le bon fonctionnement de la société et prendre des décisions à cet égard. Il s'assure que les objectifs de long terme et un processus de planification stratégique sont mis en place. Il approuve le plan stratégique annuel ainsi que le budget et les dépenses en capital de la société. Il surveille les résultats financiers et d'exploitation.
En application des stipulations de l'article 2.3 du règlement intérieur du conseil d'administration d'ElecLink (« Corporate Governance Policy »), ses membres sont nommés par une résolution ordinaire des actionnaires (en l'espèce GET Elec) ou par une décision des administrateurs d'ElecLink sur instruction des actionnaires (en l'espèce GET Elec).
Il ressort de ces éléments que les actionnaires de Getlink, dont Eiffage et ADIA, ne détiennent pas le pouvoir de désigner directement des membres des organes représentatifs d'ElecLink.
Par conséquent, Eiffage et ADIA ne détiennent aucun quelconque pouvoir direct sur Eleclink.

2.3.3. Eiffage et ADIA ne détiennent pas de « quelconque pouvoir » indirect sur ElecLink

- Droits des actionnaires de Getlink sur ElecLink

Il ressort des pièces du dossier que l'analyse menée par la CRE aux termes de sa délibération du 31 janvier 2019 demeure inchangée. Les statuts de Getlink n'accordent aucune compétence à l'assemblée générale des actionnaires de Getlink s'agissant de décisions relatives à ElecLink. L'assemblée générale des actionnaires de Getlink est seulement compétente pour prendre des décisions relatives à Getlink, à l'exclusion de ses filiales.
La CRE considère donc que les actionnaires de Getlink ne sont pas en mesure d'exercer un « quelconque pouvoir » indirect sur ElecLink.

- Droits du conseil d'administration de Getlink sur ElecLink

ADIA ne dispose d'aucun administrateur au sein du conseil d'administration de Getlink.
Eiffage a, à l'occasion de l'assemblée générale annuelle de Getlink du 27 avril 2023, désigné deux administrateurs.
Toutefois, l'article 2.5.2 du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink prévoit que « les membres représentants Atlantia au conseil d'administration de Getlink SE ainsi que tout membre représentant ou disposant d'une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité ne pourront, ni prendre de décision, ni participer au vote sur toute orientation stratégique applicable à ElecLink, tant qu'Atlantia détiendra des intérêts dans une société de production ou de fourniture d'électricité ou que le membre en question représentera ou disposera d'une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité ».
La CRE demande que l'article 2.5.2 du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink soit précisé comme suit :
« tout membre (i) exerçant une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité ou (ii) représentant une société détenant des intérêts ou des participations dans une société de production ou de fourniture d'électricité ne pourra, ni prendre de décision, ni participer au vote sur toute orientation stratégique applicable à ElecLink, tant qu'il (i) exercera une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité ou (ii) représentera une société détenant des intérêts ou des participations dans une société de production ou de fourniture d'électricité. »
Ainsi, Eiffage sera liée par les stipulations de cette clause, dans sa version modifiée, de sorte qu'Eiffage ne détiendra aucun quelconque pouvoir indirect sur ElecLink.
De la même façon, si la participation d'ADIA venait à croître permettant à ADIA la désignation d'un membre au sein du conseil d'administration de Getlink, ADIA serait liée par les stipulations de la clause, dans sa version modifiée, de sorte qu'ADIA ne pourrait détenir aucun quelconque pouvoir indirect sur ElecLink.
Dans le prolongement de l'avis de la Commission Européenne du 11 décembre 2018, « la Commission est d'avis que l'éventuel conflit d'intérêts qui pourrait résulter de toute participation majoritaire dans la production et la distribution détenue par des actionnaires de GET [Getlink] devrait être suffisamment évalué dans les projets de décisions soumis par la CRE et l'Ofgem. Par conséquent, la Commission invite la CRE et l'Ofgem à évaluer, dans leurs décisions finales, si les participations majoritaires dans la production et la fourniture détenues par Atlantia et par tout autre actionnaire de GET pourraient entraîner un conflit d'intérêts en ce qui concerne l'exploitation d'ElecLink, compte tenu notamment du fait que l'énergie excédentaire produite est fournie à d'autres consommateurs. »
Dans ces conditions, la CRE a évalué le risque de conflit d'intérêts sur l'exploitation de l'interconnexion Eleclink résultant de la prise de participation majoritaire d'Eiffage à hauteur de près de 75 % dans le groupe Sun'R.
Il s'avère que les capacités commerciales d'échanges sur l'interconnexion Eleclink sont commercialisées par Eleclink, dans le cadre d'enchères ouvertes dont les caractéristiques sont publiques et conformes aux pratiques habituelles pour des produits équivalents à la frontière britannique et aux autres frontières européennes. Les allocations ont lieu sur la plateforme JAO (« Joint Allocation Office ») comme pour l'ensemble des capacités de long terme offertes aux frontières européennes. De plus, l'interconnexion Eleclink est en concurrence avec les interconnexions IFA et IFA2, la réputation commerciale étant un élément très important de la compétitivité d'Eleclink par rapport aux interconnexions régulées.
La CRE considère que la prise de participation majoritaire d'Eiffage sur le groupe Sun'R n'est pas susceptible de créer un risque de conflit d'intérêts au regard de l'exploitation de l'interconnexion développée par Eleclink.
Au surplus, l'article 2.2.2 du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink prévoit que « les administrateurs ou candidats aux postes d'administrateurs remplissent les critères d'indépendance. » L'article 2.5.5 du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink ajoute qu'« un administrateur ne peut utiliser, en tout ou partie, des informations [recueillies pendant ou en dehors des séances du conseil d'administration] ou en faire bénéficier une personne tierce pour quelque raison que ce soit », de même que « les administrateurs s'engagent à ne pas s'exprimer individuellement en dehors des délibérations internes au Conseil sur les questions évoquées en Conseil et sur le sens des opinions exprimées par chaque membre du Conseil ».
Par conséquent, sous réserve de la modification du règlement intérieur de Getlink, la CRE considère qu'Eiffage et ADIA ne détiennent aucun quelconque pouvoir indirect sur Eleclink et que l'Opération et la Prise de participation ne remettent pas en cause son analyse développée aux termes de sa délibération du 31 janvier 2019 à cet égard.
Par là-même, la CRE considère que les membres du conseil d'administration de Getlink respectent les règles de dissociation définies à l'article L. 111-8-3 du code de l'énergie (transposant l'article 43 de la Directive).
Il ressort de ces éléments qu'aucun des actionnaires de Getlink, dont Eiffage et ADIA, ne détient de quelconque pouvoir indirect sur ElecLink.

Décision de la CRE

Par une délibération du 31 janvier 2019 portant décision de certification de la société ElecLink, la Commission de régulation de l'énergie (ci-après « CRE ») a certifié la société Eleclink Limited (ci-après « Eleclink »), qui est intégralement détenue par la société GET Elec Ltd (ci-après « Get Elec »), elle-même contrôlée à 100 % par la société Getlink SE (ci-après « Getlink »), en modèle de séparation patrimoniale (modèle dit « Ownership unbundling » ou « OU »).
Par courrier du 12 avril 2023 reçu le 14 avril 2023, et après échanges par courriers électroniques, Eleclink a informé la CRE que la société Eiffage SA (ci-après « Eiffage ») avait augmenté sa participation dans Getlink, par l'intermédiaire de la société Dervaux Participations 14 SAS, qu'elle détient à 100 % (ci-après « l'Opération »). Concomitamment, Eiffage a acquis, via la société Eiffage Concessions, 75 % du Groupe Sun'R, ce dernier ayant une activité de production d'électricité photovoltaïque et de fourniture d'électricité.
A l'occasion de l'instruction de l'Opération, il est apparu qu'Abu Dhabi Investment Authority (ci-après « ADIA ») détenait 6,65 % du capital de Getlink, correspondant à 5 % des droits de vote.
[CONFIDENTIEL] ADIA a procédé à la déclaration relative au franchissement de seuil de 5 % auprès de l'AMF le 11 février 2022 (ci-après ensemble « la Prise de participation »).
En réponse à un courriel de demande d'informations adressé par la CRE le 27 avril 2023, ElecLink a adressé à la CRE des éléments de réponse par courriel du 16 mai 2023.
La CRE constate (i) que l'Opération a eu pour effet d'augmenter la participation d'Eiffage dans le capital de Getlink ainsi que les droits de vote attachés à cette participation, (ii) que la Prise de participation a eu pour effet de faire entrer ADIA dans le capital de Getlink, (iii) sans toutefois modifier les règles régissant la gouvernance de Getlink, ni celles de GET Elec ou celles d'Eleclink.
La CRE demande que l'article 2.5.2 du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink soit précisé comme suit :
« tout membre (i) exerçant une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité ou (ii) représentant une société détenant des intérêts ou des participations dans une société de production ou de fourniture d'électricité ne pourra, ni prendre de décision, ni participer au vote sur toute orientation stratégique applicable à ElecLink, tant qu'il (i) exercera une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité ou (ii) représentera une société détenant des intérêts ou des participations dans une société de production ou de fourniture d'électricité. »
Dans ces conditions, la CRE considère que l'Opération et la Prise de participation ne remettent pas en cause l'analyse de la CRE aux termes de sa délibération du 31 janvier 2019 dès lors qu'il demeure qu'Eiffage et ADIA ne contrôlent pas Getlink, ni ne détiennent de quelconque pouvoir, direct ou indirect, sur Eleclink.
La CRE considère que l'Opération et la Prise de participation n'ont pas d'effet au regard de la certification d'ElecLink.
La CRE rappelle qu'ElecLink est tenue de notifier à la CRE tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa certification.
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française et sur le site internet de la CRE. Elle sera transmise à ElecLink et à Getlink ainsi qu'à la ministre de la transition énergétique et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à Paris, le 29 juin 2023.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

La présidente,

E. Wargon

(1) Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, remplaçant la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE.

(2) Délibération de la CRE du 31 janvier 2019 portant décision de certification de la société ElecLink.

(3) Correspondant à l'article 43 de la Directive.

(4) Source : https://www.eiffage.com/medias/actualites/eiffage-devient-le-premier-actionnaire-de-getlink-societe-concessionnaire-du-tunnel-sous-la-manche-1.

(5) Aéro 1 Global & International SARL est détenue à 100 % par Atlantia S.p.A.

(6) Article L. 111-8-1, 2°, du code de l'énergie : « 2° La notion de “quelconque pouvoir” correspond, en particulier :

« - au pouvoir d'exercer des droits de vote ;

« - au pouvoir de désigner les membres du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou des organes représentant légalement l'entreprise ;

« - à la détention d'une part majoritaire dans le capital de l'entreprise. »

(7) Selon les stipulations de l'article 29 des statuts de Getlink, les décisions sont prises à la majorité des deux tiers des voix exprimées des actionnaires en assemblée générale extraordinaire.