JORF n°0178 du 2 août 2019

Délibération n°2019-187 du 24 juillet 2019

Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE et Jean-Laurent LASTELLE, commissaires.

Contexte
1.1. Cadre juridique

Les articles L. 271-1 à L. 271-3 et R. 271-1 à R. 271-9 du code de l'énergie définissent le cadre législatif et réglementaire dans lequel s'inscrivent les effacements de consommation d'électricité.
L'article L. 271-1, alinéa 1er, du code de l'énergie définit la notion d'effacement de consommation d'électricité comme « l'action visant à baisser temporairement, sur sollicitation ponctuelle envoyée à un ou plusieurs consommateurs finals par un opérateur d'effacement ou un fournisseur d'électricité, le niveau de soutirage effectif d'électricité sur les réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité d'un ou de plusieurs sites de consommation, par rapport à un programme prévisionnel de consommation ou à une consommation estimée ».
L'article R. 271-3 du code de l'énergie dispose que les règles relatives à la mise en œuvre d'effacements de consommation sur les marchés de l'énergie « sont soumises à l'approbation de la Commission de régulation de l'énergie ».
L'article L. 134-1 du code de l'énergie permet à la Commission de régulation de l'énergie de préciser les règles concernant « la valorisation des effacements de consommation », par décision publiée au Journal officiel de la république française.

1.2. Saisine de la CRE

En application des dispositions des articles L. 271-2, L. 321-14, L. 321-15-1 et R. 271-3 du code de l'énergie, RTE a soumis à la CRE, par courrier reçu le 26 février 2019, une première proposition, puis, par courrier reçu le 20 juin 2019, une proposition d'évolution rectificative des règles pour la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie (ci-après « règles NEBEF 3.2 »). La CRE a également été saisie de règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre (ci-après les « Règles MA-RE 9 ») qui font l'objet de la délibération de la CRE en date du 24 juillet 2019 portant approbation des règles relatives à la Programmation, au Mécanisme d'Ajustement et au dispositif de Responsable d'Equilibre.
Les évolutions proposées par RTE dans les règles NEBEF 3.2 visent notamment à modifier les modalités d'agrément en remplaçant les tests initiaux par un suivi continu des effacements, et à faire évoluer à la marge certaines modalités opérationnelles des règles, dans le but de les mettre en cohérence avec les règles MA-RE 9, de répondre à des demandes des acteurs ou de supprimer certaines dispositions devenues obsolètes.
Une consultation publique sur la première proposition des règles NEBEF 3.2 s'est tenue du 14 septembre au 19 octobre 2018. RTE a organisé le 7 juin 2019 un groupe de travail avec les acteurs de marchés afin de recueillir leurs opinions sur les modifications proposées.

Evolutions proposées par RTE
1.3. Modification des modalités d'obtention de l'agrément technique
1.3.1. Contexte

L'article L. 271-2 du code de l'énergie impose l'obtention d'un agrément technique pour pouvoir participer à la mise en œuvre d'effacements de consommation sur les marchés de l'énergie : « Un opérateur d'effacement qui dispose d'un agrément technique peut procéder à des effacements de consommation indépendamment de l'accord du fournisseur d'électricité des sites concernés. »
L'article R. 271-2 du code de l'énergie prévoit que l'agrément technique « a pour objet de vérifier la capacité de l'opérateur d'effacement à mettre techniquement en œuvre des effacements de consommation, sans préjuger des procédés techniques auquel ce dernier peut avoir recours pour réaliser des effacements de consommation conformément à l'article R. 271-1. Il est délivré selon des critères transparents, objectifs et non discriminatoires ».
L'article R. 271-4 du code de l'énergie précise en outre que cet agrément technique « est limité dans le temps et renouvelable. L'obtention et le renouvellement de cet agrément technique sont conditionnés au respect d'un cahier des charges portant notamment sur les moyens techniques mis en œuvre par l'opérateur d'effacement et les résultats de tests d'activation permettant de contrôler la réalité des effacements ».
Afin de pouvoir participer au mécanisme « NEBEF » de valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie, un opérateur d'effacement doit être titulaire d'un agrément technique qui est délivré par RTE.
Actuellement, l'agrément technique est délivré après la réussite de trois tests organisés par RTE. Il est valable deux ans, et est renouvelé automatiquement si certaines conditions de fiabilité sont remplies pour les activations ayant eu lieu pendant l'année précédente. Dans le cas contraire, l'opérateur d'effacement doit repasser avec succès une série de tests pour conserver son agrément.

1.3.2. Proposition de RTE

RTE propose de modifier cette logique, en donnant a priori l'agrément. RTE renforcerait le suivi ex-post des échanges de blocs d'effacement sur les premiers mois qui suivent l'octroi de l'agrément. L'agrément serait ensuite retiré si la fiabilité des effacements n'est pas satisfaisante.

- dans le modèle proposé, RTE n'organise donc plus les tests d'activation initiaux mais demande à l'acteur d'effacement de lui fournir les éléments justificatifs montrant qu'il a lui-même testé par trois fois la chaine de commande. RTE délivre alors l'agrément technique à l'acteur ;
- en contrepartie, au cours des trois mois suivant la délivrance de son agrément technique, l'acteur doit réaliser, avec succès, des échanges de blocs d'effacement sur trois jours distincts ou être activé, avec succès, trois fois sur le mécanisme d'ajustement. Ces échanges ou activations doivent satisfaire à des critères de réussite en terme de respect des engagements. En cas d'échec, l'agrément technique est retiré et l'acteur ne peut pas soumettre de nouvelle demande d'agrément avant la fin d'un délai de carence de trois mois.

RTE propose que ce délai de carence s'applique également lors du renouvellement de l'agrément technique, si les entités d'effacement ne respectent pas les critères de fiabilité ou qu'aucune NEBEF ni activation sur le mécanisme d'ajustement n'a été réalisée.
Cette proposition n'a pas fait l'objet de remarques de la part des acteurs.

1.3.3. Analyse de la CRE

La CRE est favorable à la suppression des tests initiaux encadrés par RTE pour l'obtention par un acteur de l'agrément technique au profit d'un contrôle renforcé sur les premiers mois. Cette disposition est cohérente avec le processus d'homologation des entités, et permet d'accélérer l'obtention de l'agrément pour les acteurs. Outre la simplification du processus d'agrément, cette disposition peut avoir des effets bénéfiques sur la fiabilité globale du mécanisme du fait de l'effet dissuasif du délai de carence de 3 mois.
En revanche, la CRE considère que :

- lors de l'octroi de l'agrément, la durée de trois mois pendant laquelle l'acteur doit effectuer, avec succès, au moins trois échanges de bloc d'effacement sur le marché, ou être activé, avec succès, au moins trois fois sur le mécanisme d'ajustement, est trop courte. Afin d'éviter les cas où, de manière saisonnière, il n'est pas pertinent économiquement que les acteurs soient activés sur le mécanisme d'ajustement ou réalisent des échanges sur le dispositif NEBEF, la CRE considère que la durée de suivi renforcé devrait être portée à douze mois ;
- le délai de carence pour demander un agrément technique doit viser à pénaliser les acteurs dont les entités auraient été défaillantes lors de l'année qui précède le renouvellement. La CRE estime en outre qu'en l'absence de défaillance constatée, c'est-à-dire si moins de trois échanges de bloc d'effacement et moins de trois activations sur le mécanisme d'ajustement ont eu lieu, le délai de carence n'est pas justifié.

L'article 4.3 des règles NEBEF 3.2 est donc modifié afin de prendre en compte les modifications suivantes :

- la période de suivi initial doit être de douze mois consécutifs ;
- le délai de carence ne s'appliquera pas pour un acteur qui aurait effectué moins de trois échanges de bloc d'effacement, et aurait été activé moins de trois fois sur le mécanisme d'ajustement, au cours des douze mois qui précédent le renouvellement de l'agrément.

La CRE demande également à RTE de faire un retour d'expérience sur cette nouvelle procédure d'agrément d'ici le 1er juillet 2021.

1.4. Utilisation du modèle de versement dit « contractuel »
1.4.1. Contexte

L'article L. 271-3 du code de l'énergie prévoit que « dans le cas où les effacements de consommation sont valorisés sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement, un régime de versement vers les fournisseurs d'électricité des sites effacés est défini sur la base d'un prix de référence et des volumes d'effacement comptabilisés comme des soutirages dans le périmètre des responsables d'équilibre des fournisseurs des sites effacés. Le prix de référence reflète la part "énergie" du prix de fourniture des sites de consommation dont la consommation est en tout ou partie effacée ».
L'article L. 271-3 du code de l'énergie précise également que « le versement est assuré par le consommateur final pour le compte de l'opérateur d'effacement ou, à défaut, par l'opérateur d'effacement lui-même ».
L'article R. 271-8 complète ces dispositions :
« Dans le cas où les effacements de consommation sont valorisés sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement, le montant du versement dû par le consommateur final pour le compte de l'opérateur d'effacement ou, à défaut, par l'opérateur d'effacement lui-même, au fournisseur de chacun des sites effacés est fixé selon les modalités suivantes :
1° Le fournisseur du consommateur final lui facture, selon les modalités contractuelles en vigueur entre eux et sur la base de la part énergie du prix de fourniture, l'énergie qu'il aurait consommée en l'absence d'effacement, telle qu'elle est déterminée par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité dans le cadre de la certification des volumes d'effacements prévue à l'article R. 271-5. Pour ces sites, aux fins de l'acquittement de la taxe mentionnée à l'article 266 quinquies C du code des douanes, les gestionnaires de réseaux publics d'électricité transmettent au fournisseur les données relatives au volume de la consommation annuelle d'électricité du site, selon des modalités précisées dans les règles prévues à l'article R. 271-3 ;
2° Par dérogation, en lieu et place de la facturation au consommateur de la part énergie par le fournisseur, le versement peut être assuré directement par l'opérateur d'effacement, selon des modalités précisées dans les règles prévues à l'article R. 271-3, en application de barèmes définis pour des catégories de consommateurs précisées dans ces règles, établis en fonction des caractéristiques des sites de consommation concernés. La méthodologie, les coûts de référence et la périodicité de révision de ces barèmes sont définis dans ces règles. Ces barèmes reflètent la part "énergie" du prix de fourniture des sites de consommation relevant de ces catégories, dont la consommation est en tout ou partie effacée. Ces barèmes peuvent notamment être détaillés en fonction des profils affectés aux consommateurs. Ils font l'objet d'une publication sur le site du gestionnaire de réseau de transport d'électricité ;
3° Les règles prévues à l'article R. 271-3 prévoient également que les modalités de versement peuvent être fixées par contrat entre l'opérateur d'effacement, le fournisseur et, le cas échéant, le consommateur final du site. L'opérateur d'effacement et le fournisseur du site informent le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité de la conclusion d'un tel contrat. »
Trois modèles de versement sont ainsi possibles :

- Un versement par l'intermédiaire du consommateur effacé dont le montant est établi sur la base des données de RTE (« modèle corrigé ») ;
- Un versement par l'intermédiaire de RTE (« modèle régulé ») dont le montant est établi sur la base de barèmes publiés ;
- Un versement défini par contrat entre l'opérateur d'effacement, le fournisseur et, le cas échéant, le consommateur (« modèle contractuel »).

1.4.2. Proposition de RTE

RTE propose d'inscrire que seuls les sites éligibles au modèle régulé le sont également au modèle contractuel.

1.4.3. Analyse de la CRE

La proposition de RTE conduit à limiter les cas d'utilisation du modèle contractuel.
La CRE considère que cette proposition peut avoir un impact significatif pour les acteurs de marché, et, qu'en conséquence, elle doit faire l'objet d'une consultation plus approfondie.
La CRE demande dès lors à RTE de conserver la version actuelle du paragraphe 9.1.2 des règles NEBEF et d'instruire le sujet lors de la concertation de la prochaine version des règles de marché.
L'article 9.1.2 des règles NEBEF 3.2 est donc modifié de manière à conserver le paragraphe des règles dans sa version actuelle.

1.5. Autres évolutions proposées par RTE
1.5.1. Proposition de RTE

RTE propose également plusieurs évolutions, notamment :

- l'extension de la possibilité de soumettre des offres sur le mécanisme d'ajustement sur des plages horaires sur lesquelles des échanges de blocs d'effacement sont déjà programmées. RTE propose d'autoriser la simultanéité pour des entités d'ajustement et des entités d'effacement qui sont « presque identiques », c'est à dire qui ont plus de 90 % de sites en commun. La simultanéité pour des entités « presque complétement différentes », c'est-à-dire ayant moins de 10 % de sites en commun, nécessite encore des développements informatiques de la part de RTE, et ne sera possible qu'à une date que RTE précisera ultérieurement ;
- la prolongation des modalités transitoires (1) pour les sites homologués à la méthode par prévision de consommation et l'extension de ces modalités aux sites homologués à la méthode par historique de consommation. Ces modalités transitoires sont prolongées jusqu'à une date qui sera notifiée aux acteurs au minimum six mois avant l'échéance ;
- la prolongation des modalités transitoires relatives à la transmission des courbes de consommation des sites de soutirage raccordés au réseau public de distribution. RTE propose d'inscrire que ces modalités transitoires prendront fin à une date qui sera notifiée en amont aux acteurs de marché ;
- la résiliation de l'accord de participation en cas d'inactivité. RTE propose de se laisser la possibilité de clore l'accord de participation d'un acteur dans le cas où ce dernier n'aurait réalisé aucun échange de blocs d'effacement au cours des deux dernières années, et s'il ne s'oppose pas à cette clôture ;
- l'ajout de la possibilité pour l'acteur de changer la méthode de certification de son entité d'effacement d'un mois sur l'autre ;
- la précision des modalités en cas de perte, pour un site, de son homologation à la méthode par prévision ou historique de consommation. RTE propose que, par défaut, le site soit retiré de l'entité, afin que le reste de l'entité ne perde pas son homologation par la méthode en question.

1.5.2. Analyse de la CRE

La CRE est favorable aux modifications proposées par RTE. La plupart des évolutions correspondent à des mises à jour ou des précisions de modalités existantes ou à de nouvelles possibilités pour les acteurs.
L'extension de la simultanéité des offres sur le mécanisme d'ajustement et des échanges de blocs d'effacement aux entités « presque identiques » permet à un plus grand nombre d'entités d'être actives sur les deux mécanismes sur les mêmes plages horaires, tout en s'assurant qu'une même puissance ne soit pas vendue deux fois.
Comme la CRE l'a mentionné dans sa délibération n° 2018-268, les modalités transitoires pour l'homologation ont vocation à être pérennisées dans une prochaine version des règles et permettent aux acteurs de disposer d'une homologation a priori de leurs sites, afin de faciliter leur participation aux mécanismes capacitaires de valorisation des effacements.
La CRE est également favorable à laisser la possibilité à RTE de clôturer un accord de participation en cas d'inactivité de l'acteur, si, comme RTE le propose, l'acteur à la possibilité de refuser.
La CRE considère que l'ajout de la possibilité pour l'acteur de modifier mensuellement sa méthode d'homologation est une nouvelle flexibilité laissée à l'acteur dans la gestion de son portefeuille, et accueille donc favorablement cette proposition.
Enfin, la CRE est favorable à la précision apportée par RTE sur la perte de l'homologation d'un site au sein d'une entité. Le fait de retirer le site de l'entité permet de ne pas pénaliser les autres sites. De plus, l'acteur garde la possibilité de demander à RTE de réintégrer le site dans l'entité, en demandant un changement de méthode de certification.

Décision de la CRE

RTE a soumis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE), par courrier reçu le 26 février 2019, une première proposition, puis, par courrier reçu le 20 juin 2019, une proposition d'évolution rectificative des règles pour la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie (ci-après « règles NEBEF 3.2 »).
Les évolutions proposées par RTE dans les règles NEBEF 3.2 visent notamment à modifier les modalités d'agrément en remplaçant les tests initiaux par un suivi continu des effacements, et à faire évoluer à la marge certaines modalités opérationnelles des règles, dans le but de répondre à des demandes des acteurs, de simplifier certaines dispositions ou d'en supprimer d'autres devenues obsolètes.
En application des dispositions des articles L. 134-1 L. 271-2, L. 321-14, L. 321-15-1 et R. 271-3 du code de l'énergie, la CRE approuve les règles NEBEF 3.2, qui lui ont été soumises par RTE par courrier reçu le 20 juin 2019, ainsi modifiées :

- la période de suivi initiale lors de la délivrance de l'agrément technique est de douze mois ;
- le délai de carence pour demander un agrément ne s'applique pas dans le cas où l'opérateur d'effacement aurait déclaré moins de trois programmes d'effacement et aurait été activé moins de trois fois sur le mécanisme d'ajustement au cours des douze mois précédents ;
- la mention qui limite l'utilisation du modèle de versement contractuel aux entités qui sont non éligibles au modèle de versement corrigé est retirée.

La CRE demande à RTE d'instruire la question des limites d'utilisation du modèle contractuel lors de la concertation de la prochaine version des règles de marché.
La CRE demande à RTE de faire un retour d'expérience sur la nouvelle procédure d'agrément. Ce retour d'expérience sera présenté d'ici le 1er juillet 2021.
Les Règles NEBEF 3.2 ainsi modifiées entreront en vigueur le 1er septembre 2019. Elles seront publiées sur le site de RTE.
La présente délibération est publiée sur le site de la CRE et au Journal officiel de la République française. Elle est notifiée à RTE.

Délibéré à Paris, le 24 juillet 2019.

Pour la commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J.-F. Carenco

(1) Pour plus de détails, se référer à la délibération de la CRE n° 2018-268 : https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Approbation/Regles-de-valorisation-des-effacements-de-consommation-sur-les-marches-de-l-energie.