JORF n°0230 du 2 octobre 2016

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Hélène GASSIN, Yann PADOVA et Jean-Pierre SOTURA, commissaires.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie le 2 septembre 2016, par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, et par le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique d'un projet d'arrêté modifiant rétroactivement les tarifs réglementés de vente d'électricité pour la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015, à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté du 30 octobre 2014 (1), en ce qu'il ne fixait pas à un niveau plus élevé les barèmes des tarifs réglementés de vente (TRV) « bleus résidentiels » et « verts ».

  1. Contexte et contenu du projet d'arrêté
    1.1. Contexte juridique encadrant la fixation des tarifs réglementés de vente d'électricité à la suite de la mise en œuvre de la « tarification par empilement » à partir du 1er novembre 2014 et jusqu'à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte entrée en vigueur le 19 août 2015

Du 1er novembre 2014 au 18 août 2015,

- l'article L. 337-5 du code de l'énergie disposait que « les tarifs réglementés de vente de l'électricité sont définis en fonction des catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures ».
- l'article L. 337-6 du code de l'énergie disposait que « dans un délai s'achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente d'électricité sont progressivement établis en tenant compte de l'addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément à la fourniture d'électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale ».

Le décret du 28 octobre 2014 modifiant le décret n° 2009-975 du 12 août 2009 a mis fin à la période transitoire mentionnée à l'article L. 337-6, et mis en œuvre la tarification dite « par empilement », prévue par les dispositions de cet article.
Le Conseil d'Etat a jugé, dans sa décision n° 386078 du 15 juin 2016, qu'il ressort des dispositions combinées des articles L. 337-5 et L. 337-6 alors en vigueur, « qu'en prévoyant la prise en compte des coûts de l'activité de fourniture de l'électricité aux tarifs réglementés par les fournisseurs historiques, le législateur a, dans le but à la fois de ne pas fausser la concurrence sur le marché de détail de l'électricité et de ne pas imposer aux fournisseurs historiques une vente à un tarif inférieur à leur coût de revient, exclu que les tarifs réglementés soient fixés à un niveau artificiellement bas, inférieur aux coûts comptables complets de la fourniture de l'électricité à ces tarifs, incluant les frais financiers ; qu'il n'a pas entendu, en revanche, garantir un niveau de rémunération des capitaux propres engagés ».
En conséquence, les tarifs réglementés de vente d'électricité doivent notamment couvrir, entre novembre 2014 et août 2015, le maximum entre :

- l'empilement des coûts tel qu'il est défini à l'article L. 337-6 du code de l'énergie et par le décret n° 2009-975 du 12 août 2009 modifié par le décret du 28 octobre 2014 ;
- le coût comptable complet de la fourniture de l'électricité à ces tarifs, incluant les frais financiers, mais n'incluant pas de rémunération des capitaux propres engagés.

1.2. Arrêté du 30 octobre 2014

L'arrêté du 30 octobre 2014 a fait évoluer les tarifs réglementés de vente de + 2,5 % pour les tarifs bleus résidentiels, - 0,7 % pour les tarifs bleus professionnels, + 2,5 % pour les tarifs jaunes et + 3,7 % pour les tarifs verts. La CRE indique dans sa délibération du 30 octobre 2014 portant avis sur le projet d'arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité que « la hausse complémentaire envisagée sur les tarifs bleus résidentiels au titre du rattrapage tarifaire, de 0,9 %, ne permet de réaliser qu'un rattrapage très partiel des écarts entre les recettes et les coûts constatés des années 2012 et 2013, à hauteur d'environ 15 % du montant total pour l'ensemble des tarifs bleus (941 M€) ».

1.3. Annulation de l'arrêté du 30 octobre 2014 par le Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat, dans sa décision n° 386078 du 15 juin 2016, a annulé l'arrêté du 30 octobre 2014 en tant qu'il n'a pas fixé à un niveau plus élevé l'augmentation des tarifs bleus résidentiels et verts de l'électricité.
Ces tarifs, qui se sont appliqués du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015, respectent le double critère de couverture des coûts présenté au paragraphe 1.1, à savoir (i) la couverture du coût comptable complet de production y compris les frais financiers, hors rémunération et (ii) l'empilement des coûts. En revanche, ils ne respectent pas les principes relatifs à la prise en compte des rattrapages tarifaires issus de la période antérieure au 1er novembre 2014.
En effet, comme le rappelle le Conseil d'Etat, jusqu'au 1er novembre 2014, « il appartenait aux ministres compétents, pour chaque tarif, premièrement, de permettre au moins la couverture des coûts moyens complets des opérateurs afférents à la fourniture de l'électricité à ce tarif, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur la période tarifaire à venir et, enfin, d'ajuster le tarif par une modulation dite de « rattrapage » s'ils constataient qu'un écart significatif s'était produit entre les tarifs et les coûts constatés, du fait d'une surévaluation ou d'une sous-évaluation du tarif, au moins au cours de la période tarifaire écoulée ».
Par ailleurs, même si ces principes ne s'appliquent plus à partir du 1er novembre 2014, il était nécessaire que les barèmes tarifaires de l'arrêté du 30 octobre 2014 intègrent le rattrapage des écarts au moins au titre de la période tarifaire écoulée, ainsi que l'indique le Conseil d'Etat dans cette même décision : « alors même que l'arrêté attaqué est intervenu sur le fondement de textes qui ne prévoient plus, pour l'avenir, le principe de la couverture, par les tarifs réglementés, des coûts complets constatés des fournisseurs historiques dans les conditions antérieurement prévues, il incombait à ses auteurs de procéder aux rattrapages tarifaires rendus nécessaires par les écarts observés, au moins au cours de la période tarifaire écoulée depuis le précédent arrêté du 26 juillet 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité, entre les tarifs et les coûts complets de ces fournisseurs, calculés selon la méthode appliquée antérieurement à l'entrée en vigueur de la tarification dite « par empilement ». À cet égard, le Conseil d'Etat précise les modalités de prise en compte de ce rattrapage, qui « ne peut être lissé sur plusieurs exercices tarifaires dès lors qu'il a pour objectif le respect de l'obligation de couverture des coûts lors de chaque exercice tarifaire et qu'il porte seulement, à titre obligatoire, sur les coûts de la période tarifaire écoulée ».
Les tarifs bleus résidentiels fixés par l'arrêté du 30 octobre 2014 ne respectent pas ces principes, en ce qu'ils ne permettent de procéder qu'à un rattrapage partiel des écarts constatés au titre de la période tarifaire précédente. Les tarifs verts fixés par l'arrêté du 30 octobre 2014 ne respectent pas non plus ces principes, en ce qu'ils ne permettent pas de procéder à un rattrapage des écarts constatés au titre de la période tarifaire précédente.
Le Conseil d'Etat enjoint aux ministres de prendre dans un délai de trois mois suivant sa décision « un nouvel arrêté fixant une augmentation rétroactive sur cette période des tarifs réglementés « bleus résidentiels » et « verts » de l'électricité conforme aux principes énoncés par la présente décision ; qu'il appartiendra aux ministres de tenir compte, dans cet arrêté rétroactif, d'une part, des hausses tarifaires décidées par les arrêtés tarifaires ultérieurs au titre du rattrapage qui aurait dû être intégralement porté par l'arrêté attaqué et, d'autre part, des hausses tarifaires prévues, au titre de la période du 1er août au 31 octobre 2014, par l'arrêté rétroactif que les ministres chargés de l'économie et de l'énergie auront pris en exécution de l'article 2 de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n° 383722, de ce jour ».
L'arrêté tarifaire rétroactif portant sur la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015 doit donc permettre la couverture des écarts constatés au cours de la période tarifaire écoulée, tout en tenant compte :

- d'une part des rattrapages déjà effectués depuis le 1er novembre 2014 ;
- d'autre part, de l'arrêté rétroactif portant sur la période du 1er août au 31 octobre 2014 suite à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2014 conformément à la décision du Conseil d'Etat n° 383722.

1.4. Contenu du projet d'arrêté

Le projet d'arrêté objet du présent avis fixe les nouveaux barèmes des TRV bleus résidentiels et verts sur la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015, permettant de rattraper les déficits de couverture de ces tarifs constatés sur 2013 et du 1er janvier au 1er novembre 2014, en tenant compte :

- des recettes complémentaires générées par les dispositions de l'arrêté rétroactif au titre de la période du 1er août au 31 octobre 2014 ;
- des rattrapages déjà effectués sur la période du 1er novembre 2014 au 31 décembre 2015 (i) pour les tarifs verts, qui disparaissent à cette échéance et (ii) pour les tarifs bleus jusqu'au 31 juillet 2016.

  1. Analyse de la CRE

Le Conseil d'Etat enjoint de rattraper les écarts entre recettes et coûts des tarifs bleus et verts observés au moins au cours de la période tarifaire précédant le 1er novembre 2014 en tenant compte des rattrapages tarifaires effectués postérieurement à la période tarifaire dont les barèmes sont modifiés.
Le projet d'arrêté permet de solder les écarts entre recettes et coûts pour les années 2013, 2014 et 2015.
Au vu des éléments dont elle disposait sur les projets de rattrapage envisagés par les ministres, la CRE n'a pas inclus de rattrapage au titre de ces exercices dans sa proposition de tarifs réglementés de vente d'électricité du 13 juillet 2016 qui a donné lieu au tarif en vigueur depuis le 1er août 2016 (2). En revanche, pour le bon fonctionnement des marchés, la CRE a intégré dans sa proposition de tarifs réglementés de vente bleus résidentiels, la moitié du montant des écarts entre coûts et tarifs relatifs à la fourniture aux tarifs bleus au titre de l'exercice 2012 (3).
S'agissant de la couverture du coût comptable complet incluant les frais financiers hors rémunération.
Affecter une part des frais financiers d'EDF au périmètre production et commercialisation France (coûts qui sont ensuite affectés aux différents tarifs et offres de marché) nécessite de définir leurs clefs d'affectation.
Les éléments demandés par la CRE à EDF à la suite de la définition par le Conseil d'Etat dans sa décision du 15 juin 2016 d'une nouvelle référence de coûts comptables incluant les frais financiers mais hors rémunération, font apparaitre que les différents tarifs qui se sont appliqués ont couvert cette référence de coûts pour l'exercice tarifaire du 1er novembre 2014 au 1er août 2015. Sans préjuger de la pertinence de cette référence de coûts au regard des dispositions introduites par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les tarifs ont également couvert cette référence de coûts pour l'exercice du 1er août 2015 au 31 juillet 2016 (4).
En conséquence, les rattrapages effectués depuis le 1er novembre 2014 correspondent à la différence entre le niveau des tarifs en vigueur et le niveau de l'empilement.
S'agissant des tarifs réglementés de vente bleus résidentiels
Le rattrapage à réaliser sur l'ensemble des tarifs bleus résidentiels et professionnels est évalué de la façon suivante :

| | En M€ |Tarifs bleus| |---|--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|------------| | | Rattrapage au titre de l'année 2013 | 518 | |+ | Rattrapage au titre de 2014 (1er janvier au 31 octobre 2014) avant application de l'arrêté rétroactif sur la période d'août à octobre 2014 | 742 | |- | Montants rattrapés par l'arrêté rétroactif applicable du 1er août 2014 au 31 octobre 2014 | 290 | |- | Montants rattrapés par les tarifs qui se sont appliqués entre le 1er novembre 2014 et le 31 juillet 2016 | 446 | |= |Montants restant à rattraper, à prendre en compte dans les tarifs applicables rétroactivement sur la période du 1er novembre 2014 au 1er août 2015| 524 |

Les tarifs réglementés de vente bleus résidentiels envisagés pour application rétroactive par le projet d'arrêté, seuls concernés par la décision du Conseil d'état, réalisent l'intégralité du rattrapage susmentionné. Cet arrêté rétroactif applicable du 1er novembre 2014 au 1er août 2015 représente une hausse de facture d'en moyenne 19,3 € HT par site au tarif réglementé de vente bleu résidentiel sur cette période.
S'agissant des tarifs réglementés de vente verts
Le rattrapage à réaliser sur le tarif vert est évalué de la façon suivante :

| | EN M€ |Tarifs verts| |---|--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|------------| | | Rattrapage au titre de 2013 | 119 | |+ | Rattrapage au titre de 2014 (1er janvier au 31 octobre 2014) | 121 | |- | Montants rattrapés par les tarifs qui se sont appliqués entre le 1er novembre 2014 et le 31 décembre 2015 | 56 | |= |Montants restant à rattraper, à prendre en compte dans les tarifs applicables rétroactivement sur la période du 1er novembre 2014 au 1er août 2015| 184 |

Les tarifs réglementés de vente verts envisagés par le projet d'arrêté permettent d'effectuer la totalité du rattrapage susmentionné.

  1. Avis de la CRE

Compte-tenu de l'analyse précédemment exposée, la CRE rend un avis favorable sur le projet d'arrêté rétroactif qui lui est soumis.


Historique des versions

Version 1

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Hélène GASSIN, Yann PADOVA et Jean-Pierre SOTURA, commissaires.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie le 2 septembre 2016, par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, et par le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique d'un projet d'arrêté modifiant rétroactivement les tarifs réglementés de vente d'électricité pour la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015, à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté du 30 octobre 2014 (1), en ce qu'il ne fixait pas à un niveau plus élevé les barèmes des tarifs réglementés de vente (TRV) « bleus résidentiels » et « verts ».

1. Contexte et contenu du projet d'arrêté

1.1. Contexte juridique encadrant la fixation des tarifs réglementés de vente d'électricité à la suite de la mise en œuvre de la « tarification par empilement » à partir du 1er novembre 2014 et jusqu'à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte entrée en vigueur le 19 août 2015

Du 1er novembre 2014 au 18 août 2015,

- l'article L. 337-5 du code de l'énergie disposait que « les tarifs réglementés de vente de l'électricité sont définis en fonction des catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures ».

- l'article L. 337-6 du code de l'énergie disposait que « dans un délai s'achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente d'électricité sont progressivement établis en tenant compte de l'addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément à la fourniture d'électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale ».

Le décret du 28 octobre 2014 modifiant le décret n° 2009-975 du 12 août 2009 a mis fin à la période transitoire mentionnée à l'article L. 337-6, et mis en œuvre la tarification dite « par empilement », prévue par les dispositions de cet article.

Le Conseil d'Etat a jugé, dans sa décision n° 386078 du 15 juin 2016, qu'il ressort des dispositions combinées des articles L. 337-5 et L. 337-6 alors en vigueur, « qu'en prévoyant la prise en compte des coûts de l'activité de fourniture de l'électricité aux tarifs réglementés par les fournisseurs historiques, le législateur a, dans le but à la fois de ne pas fausser la concurrence sur le marché de détail de l'électricité et de ne pas imposer aux fournisseurs historiques une vente à un tarif inférieur à leur coût de revient, exclu que les tarifs réglementés soient fixés à un niveau artificiellement bas, inférieur aux coûts comptables complets de la fourniture de l'électricité à ces tarifs, incluant les frais financiers ; qu'il n'a pas entendu, en revanche, garantir un niveau de rémunération des capitaux propres engagés ».

En conséquence, les tarifs réglementés de vente d'électricité doivent notamment couvrir, entre novembre 2014 et août 2015, le maximum entre :

- l'empilement des coûts tel qu'il est défini à l'article L. 337-6 du code de l'énergie et par le décret n° 2009-975 du 12 août 2009 modifié par le décret du 28 octobre 2014 ;

- le coût comptable complet de la fourniture de l'électricité à ces tarifs, incluant les frais financiers, mais n'incluant pas de rémunération des capitaux propres engagés.

1.2. Arrêté du 30 octobre 2014

L'arrêté du 30 octobre 2014 a fait évoluer les tarifs réglementés de vente de + 2,5 % pour les tarifs bleus résidentiels, - 0,7 % pour les tarifs bleus professionnels, + 2,5 % pour les tarifs jaunes et + 3,7 % pour les tarifs verts. La CRE indique dans sa délibération du 30 octobre 2014 portant avis sur le projet d'arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité que « la hausse complémentaire envisagée sur les tarifs bleus résidentiels au titre du rattrapage tarifaire, de 0,9 %, ne permet de réaliser qu'un rattrapage très partiel des écarts entre les recettes et les coûts constatés des années 2012 et 2013, à hauteur d'environ 15 % du montant total pour l'ensemble des tarifs bleus (941 M€) ».

1.3. Annulation de l'arrêté du 30 octobre 2014 par le Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat, dans sa décision n° 386078 du 15 juin 2016, a annulé l'arrêté du 30 octobre 2014 en tant qu'il n'a pas fixé à un niveau plus élevé l'augmentation des tarifs bleus résidentiels et verts de l'électricité.

Ces tarifs, qui se sont appliqués du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015, respectent le double critère de couverture des coûts présenté au paragraphe 1.1, à savoir (i) la couverture du coût comptable complet de production y compris les frais financiers, hors rémunération et (ii) l'empilement des coûts. En revanche, ils ne respectent pas les principes relatifs à la prise en compte des rattrapages tarifaires issus de la période antérieure au 1er novembre 2014.

En effet, comme le rappelle le Conseil d'Etat, jusqu'au 1er novembre 2014, « il appartenait aux ministres compétents, pour chaque tarif, premièrement, de permettre au moins la couverture des coûts moyens complets des opérateurs afférents à la fourniture de l'électricité à ce tarif, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur la période tarifaire à venir et, enfin, d'ajuster le tarif par une modulation dite de « rattrapage » s'ils constataient qu'un écart significatif s'était produit entre les tarifs et les coûts constatés, du fait d'une surévaluation ou d'une sous-évaluation du tarif, au moins au cours de la période tarifaire écoulée ».

Par ailleurs, même si ces principes ne s'appliquent plus à partir du 1er novembre 2014, il était nécessaire que les barèmes tarifaires de l'arrêté du 30 octobre 2014 intègrent le rattrapage des écarts au moins au titre de la période tarifaire écoulée, ainsi que l'indique le Conseil d'Etat dans cette même décision : « alors même que l'arrêté attaqué est intervenu sur le fondement de textes qui ne prévoient plus, pour l'avenir, le principe de la couverture, par les tarifs réglementés, des coûts complets constatés des fournisseurs historiques dans les conditions antérieurement prévues, il incombait à ses auteurs de procéder aux rattrapages tarifaires rendus nécessaires par les écarts observés, au moins au cours de la période tarifaire écoulée depuis le précédent arrêté du 26 juillet 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité, entre les tarifs et les coûts complets de ces fournisseurs, calculés selon la méthode appliquée antérieurement à l'entrée en vigueur de la tarification dite « par empilement ». À cet égard, le Conseil d'Etat précise les modalités de prise en compte de ce rattrapage, qui « ne peut être lissé sur plusieurs exercices tarifaires dès lors qu'il a pour objectif le respect de l'obligation de couverture des coûts lors de chaque exercice tarifaire et qu'il porte seulement, à titre obligatoire, sur les coûts de la période tarifaire écoulée ».

Les tarifs bleus résidentiels fixés par l'arrêté du 30 octobre 2014 ne respectent pas ces principes, en ce qu'ils ne permettent de procéder qu'à un rattrapage partiel des écarts constatés au titre de la période tarifaire précédente. Les tarifs verts fixés par l'arrêté du 30 octobre 2014 ne respectent pas non plus ces principes, en ce qu'ils ne permettent pas de procéder à un rattrapage des écarts constatés au titre de la période tarifaire précédente.

Le Conseil d'Etat enjoint aux ministres de prendre dans un délai de trois mois suivant sa décision « un nouvel arrêté fixant une augmentation rétroactive sur cette période des tarifs réglementés « bleus résidentiels » et « verts » de l'électricité conforme aux principes énoncés par la présente décision ; qu'il appartiendra aux ministres de tenir compte, dans cet arrêté rétroactif, d'une part, des hausses tarifaires décidées par les arrêtés tarifaires ultérieurs au titre du rattrapage qui aurait dû être intégralement porté par l'arrêté attaqué et, d'autre part, des hausses tarifaires prévues, au titre de la période du 1er août au 31 octobre 2014, par l'arrêté rétroactif que les ministres chargés de l'économie et de l'énergie auront pris en exécution de l'article 2 de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n° 383722, de ce jour ».

L'arrêté tarifaire rétroactif portant sur la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015 doit donc permettre la couverture des écarts constatés au cours de la période tarifaire écoulée, tout en tenant compte :

- d'une part des rattrapages déjà effectués depuis le 1er novembre 2014 ;

- d'autre part, de l'arrêté rétroactif portant sur la période du 1er août au 31 octobre 2014 suite à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2014 conformément à la décision du Conseil d'Etat n° 383722.

1.4. Contenu du projet d'arrêté

Le projet d'arrêté objet du présent avis fixe les nouveaux barèmes des TRV bleus résidentiels et verts sur la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015, permettant de rattraper les déficits de couverture de ces tarifs constatés sur 2013 et du 1er janvier au 1er novembre 2014, en tenant compte :

- des recettes complémentaires générées par les dispositions de l'arrêté rétroactif au titre de la période du 1er août au 31 octobre 2014 ;

- des rattrapages déjà effectués sur la période du 1er novembre 2014 au 31 décembre 2015 (i) pour les tarifs verts, qui disparaissent à cette échéance et (ii) pour les tarifs bleus jusqu'au 31 juillet 2016.

2. Analyse de la CRE

Le Conseil d'Etat enjoint de rattraper les écarts entre recettes et coûts des tarifs bleus et verts observés au moins au cours de la période tarifaire précédant le 1er novembre 2014 en tenant compte des rattrapages tarifaires effectués postérieurement à la période tarifaire dont les barèmes sont modifiés.

Le projet d'arrêté permet de solder les écarts entre recettes et coûts pour les années 2013, 2014 et 2015.

Au vu des éléments dont elle disposait sur les projets de rattrapage envisagés par les ministres, la CRE n'a pas inclus de rattrapage au titre de ces exercices dans sa proposition de tarifs réglementés de vente d'électricité du 13 juillet 2016 qui a donné lieu au tarif en vigueur depuis le 1er août 2016 (2). En revanche, pour le bon fonctionnement des marchés, la CRE a intégré dans sa proposition de tarifs réglementés de vente bleus résidentiels, la moitié du montant des écarts entre coûts et tarifs relatifs à la fourniture aux tarifs bleus au titre de l'exercice 2012 (3).

S'agissant de la couverture du coût comptable complet incluant les frais financiers hors rémunération.

Affecter une part des frais financiers d'EDF au périmètre production et commercialisation France (coûts qui sont ensuite affectés aux différents tarifs et offres de marché) nécessite de définir leurs clefs d'affectation.

Les éléments demandés par la CRE à EDF à la suite de la définition par le Conseil d'Etat dans sa décision du 15 juin 2016 d'une nouvelle référence de coûts comptables incluant les frais financiers mais hors rémunération, font apparaitre que les différents tarifs qui se sont appliqués ont couvert cette référence de coûts pour l'exercice tarifaire du 1er novembre 2014 au 1er août 2015. Sans préjuger de la pertinence de cette référence de coûts au regard des dispositions introduites par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les tarifs ont également couvert cette référence de coûts pour l'exercice du 1er août 2015 au 31 juillet 2016 (4).

En conséquence, les rattrapages effectués depuis le 1er novembre 2014 correspondent à la différence entre le niveau des tarifs en vigueur et le niveau de l'empilement.

S'agissant des tarifs réglementés de vente bleus résidentiels

Le rattrapage à réaliser sur l'ensemble des tarifs bleus résidentiels et professionnels est évalué de la façon suivante :

En M€

Tarifs bleus

Rattrapage au titre de l'année 2013

518

Rattrapage au titre de 2014 (1er janvier au 31 octobre 2014) avant application de l'arrêté rétroactif sur la période d'août à octobre 2014

742

-

Montants rattrapés par l'arrêté rétroactif applicable du 1er août 2014 au 31 octobre 2014

290

-

Montants rattrapés par les tarifs qui se sont appliqués entre le 1er novembre 2014 et le 31 juillet 2016

446

=

Montants restant à rattraper, à prendre en compte dans les tarifs applicables rétroactivement sur la période du 1er novembre 2014 au 1er août 2015

524

Les tarifs réglementés de vente bleus résidentiels envisagés pour application rétroactive par le projet d'arrêté, seuls concernés par la décision du Conseil d'état, réalisent l'intégralité du rattrapage susmentionné. Cet arrêté rétroactif applicable du 1er novembre 2014 au 1er août 2015 représente une hausse de facture d'en moyenne 19,3 € HT par site au tarif réglementé de vente bleu résidentiel sur cette période.

S'agissant des tarifs réglementés de vente verts

Le rattrapage à réaliser sur le tarif vert est évalué de la façon suivante :

EN M€

Tarifs verts

Rattrapage au titre de 2013

119

Rattrapage au titre de 2014 (1er janvier au 31 octobre 2014)

121

-

Montants rattrapés par les tarifs qui se sont appliqués entre le 1er novembre 2014 et le 31 décembre 2015

56

=

Montants restant à rattraper, à prendre en compte dans les tarifs applicables rétroactivement sur la période du 1er novembre 2014 au 1er août 2015

184

Les tarifs réglementés de vente verts envisagés par le projet d'arrêté permettent d'effectuer la totalité du rattrapage susmentionné.

3. Avis de la CRE

Compte-tenu de l'analyse précédemment exposée, la CRE rend un avis favorable sur le projet d'arrêté rétroactif qui lui est soumis.