Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Olivier CHALLAN BELVAL et Michel THIOLLIÈRE, commissaires.
Contexte
Au terme de plus de trois années de procédure, le Conseil d'Etat a annulé le 28 novembre 2012 la décision tacite d'approbation du 5 mai 2009 et la décision du 5 juin 2009 relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en tant qu'elles fixent les tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution ainsi que les décisions implicites des ministres chargés de l'énergie et de l'économie rejetant les recours gracieux dirigés contre ces décisions.
Le Conseil d'Etat a estimé que la méthodologie retenue par la CRE pour déterminer la rémunération du capital d'ERDF était erronée en droit car elle ne tenait pas compte des caractéristiques spécifiques de la comptabilité des concessions de distribution d'électricité (1). Cette annulation a pour effet de faire disparaître ces tarifs de l'ordonnancement juridique, avec un effet rétroactif à la date d'entrée en vigueur de ces tarifs, soit le 1er août 2009.
Toutefois, le Conseil d'Etat, considérant que l'application des deuxièmes tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE 2) à la période tarifaire considérée ne serait pas de nature à satisfaire l'exigence de couverture des coûts complets supportés par le gestionnaire de réseau, a précisé qu'il appartenait à la CRE de proposer aux ministres compétents d'approuver de nouveaux tarifs de distribution, calculés en tenant compte des motifs de sa décision, pour la période courant à compter du 1er août 2009.
Le Conseil d'Etat a en conséquence différé la date d'effet de l'annulation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution au 1er juin 2013 afin de permettre l'adoption de ces nouveaux tarifs avant cette date.
Procédure
Il appartient donc à la CRE de proposer aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie d'approuver une nouvelle version des troisièmes tarifs d'utilisation d'un réseau public d'électricité dans le domaine de tension HTA ou BT (TURPE 3 HTA/BT) selon la procédure applicable à la date des tarifs annulés, avant l'entrée en vigueur du code de l'énergie, qui a donné pleine compétence à la CRE en la matière. Ces nouveaux tarifs s'appliqueront rétroactivement à la période considérée et se substitueront aux tarifs annulés.
La décision du Conseil d'Etat impose que ces nouveaux tarifs soient adoptés et entrent en vigueur avant le 1er juin 2013, à défaut de quoi, en l'absence à cette date de nouveaux tarifs, l'annulation du TURPE 3 en tant qu'il concerne la distribution aurait pour effet d'appliquer le TURPE 2 à la période considérée.
Compte tenu des procédures applicables ― qui imposent la tenue d'une consultation publique sur les tarifs, un délai pour l'approbation de la proposition de la CRE par les ministres, la saisine du Conseil supérieur de l'énergie (CSE) ―, la décision du Conseil d'Etat a imposé en pratique à la CRE d'élaborer les termes de ces nouveaux tarifs dans un délai de deux mois.
La méthodologie la plus communément utilisée en Europe fonde la rémunération des opérateurs sur la valeur des actifs plutôt que sur le passif de ces entreprises. Cette méthodologie présente l'avantage de ne pas être tributaire du niveau de capitaux propres de l'entreprise et de lier de façon directe le niveau de rémunération et le niveau d'investissements réalisés sur les réseaux.
Par ailleurs, les principes de construction tarifaire consistent à établir des tarifs pour les années à venir en permettant à l'opérateur de couvrir ses coûts et donc en prenant en compte les facteurs de risques inhérents à un exercice prospectif tout en veillant à établir un cadre tarifaire propice à l'efficacité opérationnelle du distributeur. En effet, les tarifs sont généralement élaborés sur la base de charges prévisionnelles afin d'inciter l'opérateur à maîtriser ses charges.
Cependant, dans le délai imparti par la décision du Conseil d'Etat, qui impose d'élaborer des nouveaux tarifs qui entreront en vigueur le 1er juin 2013, il est impossible pour la CRE de mener les travaux permettant d'adapter cette approche aux principes développés par le Conseil d'Etat dans sa décision, en se fondant notamment sur une analyse approfondie du bilan d'ERDF et sur un benchmark des approches des autres régulateurs européens.
Aussi, la CRE propose de retenir une approche fondée sur la couverture ex post de la totalité des charges comptables engagées par ERDF, augmentée de la rémunération des capitaux propres. Cette approche est conforme aux conclusions du rapporteur public, qui souligne que la méthode comptable peut être mise en œuvre dans le délai fixé par le Conseil d'Etat en retenant les chiffres réels qui sont, à la date de sa décision, connus pour l'essentiel. Par ailleurs, la CRE estime que, dans le cas d'une application rétroactive, les avantages de l'approche généralement retenue par les régulateurs européens (incitations aux investissements et à la maîtrise des coûts) perdent de leur pertinence.
Par ailleurs, la CRE propose de rétablir rétroactivement les principes de régulation incitative tels qu'ils avaient été définis dans la décision annulée. Ces éléments, n'ayant pas été remis en cause par les motifs de la décision du Conseil d'Etat, conservent toute leur pertinence. Cette reconduction permet en outre de maintenir une certaine stabilité du cadre de régulation dès lors qu'ils ont vocation à être repris dans les prochains tarifs. Néanmoins, du fait de l'approche proposée d'une couverture ex post de la totalité des charges comptables engagées par ERDF, le dispositif de régulation incitative sur les charges d'exploitation et sur le coût d'achat des pertes ne peut pas être repris.
Conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, applicables aux présents tarifs, la CRE propose aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie de nouveaux tarifs d'utilisation d'un réseau public d'électricité dans le domaine de tension HTA ou BT (TURPE 3 HTA/BT) destinés à s'appliquer rétroactivement à compter du 1er août 2009 et jusqu'au 31 juillet 2013. Pour préparer cette proposition, la CRE a procédé, en février 2013, à une consultation publique sur les principes de tarification envisagés.
(1) « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de sa proposition du 26 février 2009, que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a fixé le coût moyen pondéré du capital de la société ERDF au taux de 7,25 %, calculé comme la moyenne du taux de rémunération des fonds propres et de celui de la dette de cette société, chiffrés respectivement à 10,92 % et à 4,80 %, pondérés en fonction de l'importance relative des capitaux propres, d'un montant de 3 milliards d'euros au 31 décembre 2008, et des dettes, d'un montant de 4,1 milliards d'euros à la même date ; qu'ainsi la CRE a évalué le coût moyen pondéré du capital comme si le passif de la société ERDF avait été composé à 40 % de capitaux propres et à 60 % de dettes ; qu'en s'abstenant ainsi, pour déterminer le coût moyen pondéré du capital, de prendre en considération les "comptes spécifiques des concessions”, qui correspondent aux droits des concédants de récupérer gratuitement les biens de la concession en fin de contrat, dont le montant, au passif du bilan de la société ERDF, était de 26,3 milliards d'euros au 31 décembre 2008, ainsi que les "provisions pour renouvellement des immobilisations”, dont le montant était de 10,6 milliards d'euros, la CRE et les ministres ont retenu, ainsi que cela ressort du rapport du consultant du 13 juillet 2012, une méthode erronée en droit et, ainsi, méconnu les dispositions précitées du premier alinéa du II de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et l'article 2 du décret du 26 avril 2001. »
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