Participaient à la séance : Olivier CHALLAN BELVAL, Catherine EDWIGE et Jean-Pierre SOTURA, commissaires.
En application du décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012 relatif à la contribution des fournisseurs à la sécurité d'approvisionnement en électricité et portant création d'un mécanisme d'obligation de capacité dans le secteur de l'électricité (« le décret »), la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie pour avis par le ministre en charge de l'énergie, le 6 mai 2014, du projet de règles du mécanisme d'obligation de capacité.
- Contexte et objet
La loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité a introduit un dispositif de contribution des fournisseurs à la sécurité d'approvisionnement en électricité à la charge des fournisseurs aujourd'hui codifié aux articles L. 335-1 et suivants du code de l'énergie. Ces dispositions ont été modifiées par la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.
Le décret fixe les conditions d'application de ce dispositif. Celui-ci fait reposer sur les fournisseurs l'obligation de prouver leur capacité à alimenter en électricité leurs clients afin d'atteindre l'objectif de sécurité d'approvisionnement. Les exploitants d'unités de production d'électricité et les opérateurs d'effacement doivent, quant à eux, faire certifier leurs capacités. Ces garanties de capacité peuvent être échangées entre ces acteurs.
Le décret prévoit, afin de déterminer l'architecture du mécanisme de capacité, un corpus de textes réglementaires aux schémas d'approbation différents. La majeure partie des modalités de mise en œuvre du dispositif sont regroupées au sein des « règles du mécanisme de capacité », prévues par le décret et faisant l'objet d'une approbation par le ministre chargé de l'énergie, sur proposition du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité (RTE), après avis de la CRE.
Les règles du mécanisme de capacité comprennent :
- les dispositions déterminant les années de livraison et les périodes de pointe PP1 et PP2 ;
- l'ensemble des dispositions relatives à l'obligation de capacité, notamment au mode de calcul de la puissance de référence et à la détermination de l'obligation des fournisseurs, à la puissance unitaire de la garantie de capacité et au recouvrement des garanties de capacité ;
- l'ensemble des dispositions relatives à la certification de capacité, notamment les méthodes de certification et les conditions du contrôle des capacités certifiées, les modalités d'adaptation prévues par l'article L. 321-16 du code de l'énergie pour la certification des capacités dont la participation à la sécurité d'approvisionnement est réduite, le rééquilibrage des exploitants de capacités et le règlement financier relatif à ce rééquilibrage.
RTE a mené au cours de l'année 2013 une concertation avec l'ensemble des acteurs, y compris les services de la CRE, concernant l'élaboration des règles. Déclinée en trois questionnaires, seize groupes de travail et trois commissions d'accès au marché spécifiques, cette concertation a permis d'aboutir le 11 juillet 2013 à un premier projet de règles, soumis en consultation aux acteurs. Le texte dont la CRE a été saisi pour avis par le ministre en charge de l'énergie est donc le résultat d'un processus de concertation et consultation de près d'un an.
La CRE a procédé le 17 avril 2014 à l'audition, dans le cadre d'une table ronde, des principaux acteurs ayant participé à la concertation organisée par RTE : EDF, GDF Suez, ANODE, AFIEG, entreprises locales de distribution (ELD) fournisseurs, Energy Pool, Smart GridEnergy, Voltalis, CLEEE, UNIDEN, ERDF, ELD gestionnaires de réseaux et RTE, afin que ceux-ci expriment leurs remarques concernant le projet de texte soumis pour avis à la CRE.
Le présent avis comporte (i) des remarques liminaires générales sur les grands principes et enjeux structurant les orientations retenues par RTE pour les règles du mécanisme de capacité, (ii) des points d'attention que souhaite soulever la CRE au regard des remarques ayant été formulées par les acteurs lors de la table ronde du 17 avril 2014, (iii) les éléments d'analyse qui fondent les propositions d'amendements de la CRE.
- Grands enjeux présidant à l'élaboration des règles
2.1. Trois objectifs structurent l'architecture du mécanisme de capacité
L'architecture du mécanisme de capacité repose sur trois objectifs principaux qui structurent les orientations qui ont été prises par RTE.
Tout d'abord, le dispositif doit assurer la sécurité d'approvisionnement du système électrique français, à hauteur du critère de sécurité d'approvisionnement national fixé par les pouvoirs publics. Comme l'indiquait la CRE dans son avis du 29 mars 2012 sur le décret, le dispositif doit être en mesure d'améliorer la rémunération des moyens de pointe existants, notamment les effacements, et de favoriser les investissements dans les moyens nécessaires à la satisfaction du critère de sécurité d'approvisionnement. Toutefois, la présence d'une capacité installée adéquate n'est pas suffisante pour garantir la sécurité d'approvisionnement. C'est pourquoi le dispositif doit également assurer que les capacités présentes soient disponibles lors des périodes de tension du système, en responsabilisant les acteurs vis-à-vis des engagements qu'ils prennent à réduire le risque de défaillance du système lors de la certification. Le mécanisme de capacité français ayant été instauré pour répondre à la problématique de la pointe nationale, il doit également avoir vocation à inciter à la maîtrise de la consommation à la pointe. Il doit donc, en application des dispositions de l'article L. 335-2 du code de l'énergie, à coût égal, donner la priorité aux capacités d'effacement de consommation sur les capacités de production et être capable de mobiliser les moyens de maîtrise de la pointe économiquement performants.
Enfin, les aspects économiques du mécanisme doivent être maîtrisés. Cet impératif se décline à plusieurs échelons. Tout d'abord, le dispositif doit envoyer aux acteurs des signaux économiques pertinents et stables, propres à inciter aux investissements dans les capacités les plus économiquement efficaces, afin de satisfaire le critère de sécurité d'approvisionnement national, et qui révèlent aux consommateurs finals la véritable valeur de la capacité. De plus, les coûts propres du mécanisme, qui seront supportés par les consommateurs finals, doivent aussi être maîtrisés, afin d'en limiter l'impact sur la facture du consommateur. Enfin, la CRE rappelle l'importance de l'interconnexion pour la sécurité d'approvisionnement, et estime que l'intégration européenne du mécanisme, à travers une coopération accrue avec les autres gestionnaires de réseaux de transport, doit être anticipée dès à présent afin d'assurer la mise en œuvre d'un mécanisme pérenne économiquement efficace et permettant un niveau de concurrence élevé au sein du marché européen de l'énergie.
C'est à l'aune de ces trois objectifs qui conditionnent la réussite du mécanisme de capacité que la CRE a procédé à l'analyse de ces règles.
2.2. Chaque acteur doit porter la responsabilité des risques qu'il fait peser sur le système
En instaurant un mécanisme d'obligation de capacité portant sur les fournisseurs, la loi du 7 décembre 2010 a introduit un dispositif qui impose à chaque fournisseur de « contribuer à la sécurité d'approvisionnement en électricité ». Ceux-ci doivent désormais gérer le risque que fait porter leur portefeuille de clients sur la sécurité d'approvisionnement nationale. A travers la propriété d'additivité du calcul de l'obligation défini par RTE, chaque consommateur porte effectivement la responsabilité - et le coût associé - de sa contribution au risque de défaillance du système.
Cette responsabilisation a été étendue aux exploitants de capacité à travers leurs responsables de périmètre de certification (RPC). Ceux-ci, en certifiant leurs capacités de manière déclarative, s'engagent à rendre leurs capacités disponibles pour le système à la hauteur de ces engagements, chaque capacité étant alors rémunérée à hauteur de sa contribution effective à la réduction du risque de défaillance.
En optant pour un dispositif fondé sur des modalités de calcul additives, établies sur des données constatées et réalisées, et limitant la part des coefficients de bouclage mutualisant les risques sur l'ensemble des acteurs, RTE a élaboré un mécanisme au sein duquel chaque acteur porte effectivement la responsabilité des risques qu'il fait peser sur le système. Ce choix assure que chaque acteur, y compris les consommateurs finals sur lesquels le coût de l'obligation sera répercuté, supporte bien les coûts afférents aux risques qu'il génère, ou réciproquement est bien rémunéré à hauteur de la sécurité qu'il apporte effectivement au système. Par ailleurs, cette approche doit inciter chaque acteur à actionner, le cas échéant, les leviers dont il dispose pour optimiser sa gestion des risques qu'il fait peser sur le système.
Ce principe de responsabilité est un élément essentiel de l'appréciation de l'architecture du mécanisme, notamment au regard des trois objectifs du dispositif rappelés au paragraphe précédent.
2.3. Equilibre entre précision et stabilité du mécanisme
Le mécanisme retenu par RTE repose sur un contrôle par le réalisé, tant pour le volet relatif à l'obligation de capacité que pour le volet relatif à la certification, plutôt que sur une approche normative. Ce choix assure que chaque acteur supporte au final les coûts associés aux risques effectifs qu'il a fait peser au système pour une année de livraison donnée. Il assure au dispositif une grande précision, tant dans les signaux envoyés au marché que dans la redistribution entre les différents acteurs des coûts associés à la satisfaction du critère de sécurité d'approvisionnement.
Toutefois, un tel choix n'a pas été sans soulever des craintes parmi les acteurs lors de la concertation, en raison des risques qu'il pourrait faire peser sur la stabilité du dispositif. En effet, le calcul des paramètres effectifs du dispositif sur des données constatées les rend tributaires de la réalisation, pendant la période de livraison, d'aléas exogènes et variables d'une année sur l'autre. Cette dépendance, si elle était avérée, nuirait à la pertinence des signaux envoyés par le mécanisme, qui se retrouveraient partiellement décorrélés de l'état global du système électrique, et induirait un risque de volatilité de ces signaux, qui irait à l'encontre de l'objectif d'incitation à l'investissement et pourrait engendrer des surcoûts.
Le projet de règles proposé à l'issue du processus de consultation recherche un équilibre entre précision et stabilité du mécanisme, les deux qualités étant nécessaires au succès du dispositif tout en étant parfois difficiles à concilier. Dans son analyse, la CRE a veillé à ce que les modalités retenues par RTE garantissent une stabilité suffisante au dispositif pour offrir aux acteurs une visibilité satisfaisante tout en sacrifiant au minimum les bonnes propriétés de précision associées à l'approche par le réalisé.
- Retour sur les questions structurantes soulevées pendant la table ronde
Lors de la table ronde organisée par la CRE le 17 avril 2014, les acteurs ont fait part de certaines préoccupations structurant l'équilibre du mécanisme. Dans ce paragraphe, la CRE souhaite répondre à ces remarques et analyser dans quelle mesure les règles proposées résolvent, le cas échéant, ces questions de manière efficace et équilibrée.
3.1. Stabilité du dispositif
Des efforts importants ont été réalisés par RTE pour accroître la stabilité des paramètres du dispositif d'une année de livraison à une autre, sans toutefois trop en compromettre la précision.
Certaines dispositions du décret participent à la stabilisation des paramètres, en particulier le recalage de la consommation à une température extrême de référence, qui permet d'internaliser l'aléa thermosensible dans le calcul de l'obligation (la puissance de référence ne dépend pas de la température réalisée pendant les heures de la période PP1). S'agissant de la certification, la possibilité pour les exploitants de capacité de faire foisonner leurs capacités au sein de périmètres de certification permet aussi de réduire leur exposition à certains aléas qui pourraient survenir pendant une année de livraison.
Plusieurs acteurs ont toutefois exprimé la crainte que l'obligation se révèle instable d'une année à l'autre, entraînant un signal prix volatile du fait de la variabilité du dimensionnement de l'obligation France et introduisant un facteur de risque pour les fournisseurs, générateur de surcoûts potentiels pour les clients finals. Cette crainte s'explique principalement par la volumétrie, c'est-à-dire le nombre d'heures, relativement réduite de la période de pointe PP1, qui expose le calcul de l'obligation à l'aléa du placement de la vague de froid au cours de l'hiver (1).
Le choix d'une volumétrie réduite pour PP1 dérive des objectifs définis à la section 2.1 : l'obligation de chaque consommateur doit en effet refléter au mieux sa contribution au risque de défaillance, et permettre de valoriser les mesures de maîtrise de la consommation à la pointe à la hauteur de la réduction du risque de défaillance qu'elles permettent. Sur la base de ces principes, il convient de quantifier dans quelle mesure l'instabilité de l'obligation est avérée, et le cas échéant par quels moyens stabiliser le signal sans remettre en cause la précision du mécanisme.
A cet effet, RTE a introduit un signalement engageant des jours PP1 en J - 1 à 10 h 30. Ce signalement, antérieur au fixing du marché spot, permet aux fournisseurs et aux consommateurs d'anticiper leur obligation effective en amont du réalisé et leur permet donc d'activer d'éventuelles actions de maîtrise de la consommation à la pointe. RTE propose par ailleurs de retirer les périodes de rupture (comme les vacances de Noël par exemple) des jours PP1 potentiels, afin de lisser la variabilité du volume d'obligation en retraitant ces périodes de consommation atypique. Dans son rapport d'accompagnement, RTE analyse que, compte tenu des spécificités de la statistique du placement des jours de plus forte consommation, et en intégrant l'effet du signalement en J - 1 des jours PP1, l'écart type de l'obligation pour une année de livraison donnée se situe entre 400 et 600 MW, soit à un niveau nettement inférieur au seuil de 2 GW retenu comme écart limite pour les règlements financiers.
En contrepartie de l'introduction d'un signalement des jours PP1 en J - 1, les jours sélectionnés ne correspondront pas nécessairement aux jours de plus forte consommation de l'année de livraison, le volume de PP1 étant encadré. Néanmoins, il semble que la solution retenue propose un compromis satisfaisant en offrant la stabilité de l'obligation nécessaire aux acteurs et un signal prix robuste d'une année à l'autre, tout en garantissant la précision de l'obligation révélée par les jours PP1 retenus et en assurant la juste valorisation des actions de maîtrise de la consommation à la pointe. Au regard des analyses présentées dans le rapport de RTE, cette solution semble adaptée aux enjeux et objectifs du mécanisme de capacité, et il ne paraît pas opportun d'introduire dans le calcul de l'obligation des coefficients de bouclage stabilisateurs, qui iraient à l'encontre du principe d'un dispositif individualisant et responsabilisant.
Dans son rapport, RTE envisage en outre l'introduction de jalons dans la période PP1, orientation non retenue dans le projet de règles proposé au ministre. Les analyses présentées par RTE montrent que le gain de stabilité offert par une telle mesure n'est pas significatif. Aussi, la CRE considère qu'il n'est pas pertinent d'introduire cet échelon de complexité supplémentaire dans le dispositif.
De façon symétrique au volet obligation, plusieurs exploitants ont souligné le risque lié au choix d'une période PP2 fondée sur le réalisé et à la volumétrie réduite sur une période ciblée, qui engendre une variabilité du volume de garanties délivrées en fonction du placement des jours PP2. Dans son rapport d'accompagnement, RTE a quantifié l'impact du choix de la période PP2, en comparant l'approche consommation ciblée retenue à une approche non ciblée statistique. Il ressort de cette analyse que les deux approches sont équivalentes en niveau, et que la solution privilégiée par RTE présente de bonnes propriétés de stabilité dans le temps.
Il ressort des études de RTE que cette stabilité est par ailleurs accentuée par le dimensionnement de PP2 un peu plus large que celui de PP1, et par le fait que la variabilité des garanties de capacité délivrées est peu dépendante du nombre de jours PP2 effectivement retenus.
Comme dans le cas de PP1, l'approche retenue par RTE est conforme aux principes présidant à l'architecture du mécanisme : elle assure la cohérence entre le volume de garanties de capacités alloué à une capacité et sa contribution à la réduction du risque défaillance, elle permet une non-discrimination entre effacements certifiés et non certifiés (cf. 4.1) et est responsabilisante pour les exploitants de capacités.
RTE a introduit des dispositions visant à consolider la stabilité du volume de garanties alloué. Les jours PP2 non PP1 seront aussi signalés en J - 1, à 19 heures, sur un critère de tension du système. Le caractère plus tardif du signalement est regrettable mais inévitable, car RTE doit être en mesure de collecter les informations relatives à la prise en compte de la tension, ce qui ne pourra dans la pratique pas être réalisé avant 19 heures. Cela laisse malgré tout aux exploitants un préavis de 12 heures avant la première heure PP2 de la journée signalée. Enfin, afin de limiter la variabilité du niveau de capacité liée au placement des jours PP2, RTE a introduit un jalon, en instaurant une borne supérieure au nombre de jours PP2 non PP1 pouvant être situés en novembre ou mars. Cette dernière disposition est un compromis entre la nécessité de recouvrir toutes les situations de tension potentielle du système dans PP2, et donc d'intégrer ces deux mois dans l'enveloppe de la période, et l'impératif de stabilité du dispositif, perturbé par l'intégration de ces deux mois. Ces deux dernières dispositions permettent donc de stabiliser le signal sans en compromettre l'efficacité et la pertinence.
Une dernière problématique liée à la stabilité du dispositif soulevée par les acteurs concernait les gradients appliqués aux consommateurs profilés. RTE a finalement retenu les modalités proposées par ERDF, qui fixent les gradients ex ante puis les recalent via un coefficient de calage ex post. Si cette disposition permet de donner une bonne visibilité ex ante aux acteurs, elle offre aussi une stabilisation du signal dans le temps car le coefficient de calage est lissé sur les trois dernières années de livraison, et par conséquent variera peu d'une année sur l'autre.
La CRE estime que l'ensemble des paramètres structurants du mécanisme ont été stabilisés dans le temps, et devraient donc permettre d'envoyer des signaux robustes aux acteurs d'une année à l'autre, sans compromettre l'intégrité du mécanisme en regard des objectifs qui le structurent. Le dispositif présenté dans le projet de règles paraît dès lors atteindre le compromis souhaité entre précision et stabilité. Néanmoins, dans le cadre de ses missions de surveillance du marché de capacité et de son rapport de surveillance du marché de gros, la CRE veillera à ce que les signaux transmis par le dispositif aient bien en pratique les propriétés de stabilité souhaitées, et proposera le cas échéant des améliorations.
3.2. Année de livraison
La définition de l'année de livraison a donné lieu à un débat opposant deux schémas : une année de livraison centrée sur l'hiver, ou une année de livraison correspondant à une année civile. Ces deux schémas relèvent de logiques différentes.
Le choix d'une année de livraison centrée sur l'hiver repose sur une vision « physique » du système et permet de centrer le dispositif sur la période durant laquelle le problème de la pointe de consommation est le plus sensible, c'est-à-dire une période hivernale complète. En effet, le mécanisme a pour vocation de traiter ce problème de la pointe de consommation, elle-même principalement due à la thermosensibilité de la consommation nationale. n. Le choix d'une année de livraison correspondant à une année civile repose quant à lui sur une approche « contractuelle » du mécanisme et permet de faire correspondre l'année de livraison au calendrier du marché de l'énergie et d'être en adéquation avec les pratiques contractuelles des fournisseurs et grands clients.
Principalement à la demande de ces derniers, RTE, initialement favorable à une année de livraison centrée sur l'hiver, a finalement privilégié dans le projet de règles une année de livraison calée sur l'année civile.
La CRE s'interroge sur la pertinence du choix, dans le cadre de la construction d'un mécanisme ayant vocation à assurer la sécurité d'approvisionnement nationale, de se départir des contraintes physiques du système électrique français qui sont la raison d'être du mécanisme, au profit d'une orientation centrée sur les pratiques commerciales des acteurs qui, par essence, peuvent s'adapter aux modifications réglementaires.
Il convient en outre de s'assurer que le choix d'une année de livraison correspondant à une année civile ne risque pas de nuire à la qualité des signaux envoyés par le mécanisme, et notamment au dimensionnement de l'obligation totale France.
Le choix d'une année de livraison calendaire, décorrélée des spécificités du système électrique français, risque en effet d'induire une dégradation de la qualité du signal des jours PP1, pour deux raisons. En premier lieu, l'année de livraison inclura dans ces conditions deux périodes hivernales partielles et décorrélées, avec une difficulté accrue de gérer le stock de jours pour faire face aux vagues de froid potentielles pouvant se produire durant ces périodes. En second lieu, la croissance intrinsèque de la consommation française, entre le 1er janvier et le 31 décembre de l'année, fait que la consommation en fin d'année risque d'être surestimée en raison de la tendance naturelle à la hausse de la consommation nationale. Par conséquent, le critère de signalement des jours PP1 risque de manquer certains jours les plus froids au profit d'autres moins critiques mais situés en fin d'année. La qualité du signal PP1 s'en trouverait alors réduite.
Comme le montre RTE dans son rapport d'accompagnement, le choix d'une année civile crée, pour une année donnée, une incertitude sur l'obligation globale supérieure à l'année centrée sur l'hiver. En revanche, il est vrai que l'année de livraison centrée sur l'hiver, à l'échelle des responsables d'équilibre (RE) pris individuellement, une incertitude plus grande sur leur puissance de référence ; cela étant néanmoins à tempérer par l'effet stabilisateur du signalement des jours PP1, et par la prise en compte de la capacité liée à l'ARENH qui viendra réduire cette incertitude.
Dans les deux cas néanmoins, ces incertitudes sur l'obligation, tant globale qu'individuelle, ne sont pas suffisamment importantes pour justifier la mise à l'écart de l'un ou l'autre des choix possibles pour l'année de livraison. Toutefois, il convient bien ici de noter une différence importante : le choix de l'année civile accentue l'incertitude sur le dimensionnement de l'obligation globale, et donc sur les signaux envoyés par le mécanisme et le prix de la capacité qu'il révèlera, tandis que les effets liés à incertitude sur les obligations individuelles des acteurs n'ont qu'un effet redistributif, qui n'a donc qu'un impact à la marge sur les prix et dont le risque associé pourrait le cas échéant être couvert par des produits de couverture.
Si la CRE est plus favorable à l'option d'une année de livraison centrée sur l'hiver, qui semble plus adaptée aux spécificités du mécanisme et du système électrique français, elle estime que le choix d'une année de livraison calée sur l'année civile ne parait toutefois pas, au regard des études présentées par RTE à ce stade, soulever des difficultés majeures pour le fonctionnement du mécanisme. La CRE veillera néanmoins, dans le cadre de ses missions de surveillance du mécanisme, à vérifier que tel sera bien le cas. La CRE est très attachée à l'intégration du mécanisme actuellement mis en œuvre en France dans le cadre européen. La mise en cohérence de la définition de l'année de livraison avec d'autres mécanismes de capacité éventuellement instaurés dans les pays voisins sera nécessaire à l'harmonisation de ces mécanismes, et facilitera les échanges de produits de capacité. A l'heure actuelle, le stade de développement de mécanismes de capacité dans les pays voisins, notamment les pays couplés à la France sur le marché de l'énergie, est trop embryonnaire pour faire émerger une option plutôt qu'une autre. Mais à terme, l'objectif d'harmonisation européenne des dispositifs pourrait conduire à privilégier l'une ou l'autre orientation.
3.3. Certification normative des capacités fatales
Le premier projet de règles mis en consultation en juillet 2013 prévoyait une certification de toutes les capacités sur une base déclarative, avec un contrôle de leur disponibilité fondé sur le réalisé. Lors de la concertation, de nombreux acteurs ont exprimé leur crainte sur les conséquences de ce choix pour les capacités fatales (2), dont la production effective dépend par définition d'aléas exogènes non maîtrisables pour les exploitants. Afin de rendre ces capacités insensibles à ces aléas et de supprimer la volatilité de la disponibilité effective qui en résulterait, il a été proposé de certifier ces capacités sur une base normative, fondée sur l'historique de production ou des normes technologiques, avec un contrôle ex post éventuel de la disponibilité uniquement fondé sur la capacité à produire de l'électricité.
Un tel choix, s'il permet effectivement de rendre le dispositif insensible à des aléas exogènes, pose également des difficultés, en particulier pour la détermination des normes fixant la quantité de garanties de capacité allouées aux différentes filières, qui sont reflétées dans les coefficients de filière. Par ailleurs, la prise en compte des capacités fatales dans une approche fondée sur la mesure de la disponibilité réalisée pourrait permettre à terme au mécanisme, dans un contexte de développement massif des énergies renouvelables, de jouer un rôle intéressant dans la gestion à plus court terme de la sécurité d'approvisionnement, en faisant émerger jusqu'à brève échéance des leviers d'effacements par exemple.
RTE a opté pour une solution de compromis, en proposant, en parallèle du régime général de certification fondé sur le réalisé, un régime dérogatoire pour les seules filières fatales, basé sur une approche normative. Ce régime est optionnel, chaque exploitant de capacité éligible au régime dérogatoire pouvant, pour une année de livraison donnée, opter pour l'un ou l'autre des régimes de certification, ce choix étant bien entendu définitif pour cette année de livraison. S'il choisit le régime dérogatoire, il recevra au titre de ses capacités un montant de garanties basé sur l'historique de production de celles-ci, pondéré d'un coefficient de filière internalisant la contribution de ce type de capacité à la réduction du risque de défaillance. Afin d'éliminer le risque de certifier des capacités « fantômes », un contrôle simple de la disponibilité de ces capacités sera toutefois maintenu : RTE vérifiera que ces capacités sont capables de produire de l'électricité si leur énergie primaire est présente.
La CRE accueille favorablement le choix retenu par RTE pour la certification des capacités fatales. La possibilité d'un régime normatif pour les capacités fatales permet de donner de la visibilité aux exploitants et de limiter leur exposition aux risques associés aux aléas climatiques, notamment pendant les premières années du dispositif, qui constitueront une période d'apprentissage. Le caractère optionnel du régime dérogatoire devrait offrir une flexibilité aux exploitants de capacités fatales selon leur stratégie de gestion des risques, et la présence d'un contrôle de la disponibilité des capacités conserve l'aspect responsabilisant du mécanisme et permet de se prémunir contre l'apparition de capacités « fantômes ». Enfin, le fait de maintenir la possibilité d'une certification déclarative avec contrôle par le réalisé devrait permettre d'accompagner de façon plus douce les éventuelles évolutions du mécanisme dans un contexte de pénétration plus importante des énergies renouvelables dans le système électrique.
3.4. Traitement des effacements de consommation
En cohérence avec les objectifs rappelés en 2.1, il demeure essentiel que l'effacement de consommation puisse trouver toute sa place dans le mécanisme de capacité. De manière générale la CRE estime que le dispositif proposé permet, dans son ensemble, de faciliter la participation et le développement des effacements tout en visant à assurer un traitement équitable vis-à-vis des capacités de production.
D'une part, le projet de règles proposé par RTE introduit un certain nombre de modalités qui permettent de faciliter la participation des effacements.
Les règles proposées par RTE prévoient deux possibilités pour valoriser un effacement : de manière implicite en réduction de l'obligation pesant sur le fournisseur, ou de manière explicite par la certification d'une capacité d'effacement (et la correction de la puissance effacée des capacités certifiées activées). Il semble difficile de construire un mécanisme permettant un traitement parfaitement symétrique d'un effacement de consommation : selon l'option privilégiée les contraintes pesant sur les différents acteurs concernés (notamment les fournisseurs et opérateurs d'effacement) sont de nature différente. La CRE estime néanmoins ce dispositif souple est de nature à favoriser le développement des effacements de consommation et des actions de maîtrise de la demande.
La CRE prend également note de la flexibilité avec laquelle les effacements sont pris en compte dans la définition de certaines modalités relatives à la certification :
- la date limite de certification : toutes les capacités d'effacement peuvent, pour une année de livraison donnée, être certifiées jusqu'à deux mois avant le début de l'année de livraison, alors que les capacités de production existantes en service doivent faire leur demande de certification au plus tard trois ans avant l'année de livraison. Cette spécificité offre aux opérateurs d'effacement une flexibilité plus importante dans la gestion et l'organisation de leurs capacités. De plus, la possibilité pour eux de se certifier plus tard leur permet de s'économiser d'éventuels rééquilibrages, la certification pouvant intervenir à une période où leurs prévisions de disponibilité et de stock sont plus fines qu'avec une anticipation de trois ans ;
- les capacités d'effacement disposent de modalités de collecte de la puissance activable disponible adaptées, qui prennent en compte les dispositions du dispositif NEBEF.
La CRE considère également que dans le cadre de la demande de certification, les conditions de constitution d'une entité de certification de production pourraient imposer un seuil minimal de 10 MW, afin d'alléger le traitement administratif tout en permettant l'agrégation de capacités de puissance inférieure et de même type ; en revanche une souplesse pourrait être accordée aux entités de certification d'effacement en conservant le seuil proposé de 1 MW. Par ailleurs, RTE a introduit dans les paramètres de certification un coefficient de commandabilité C, AL, prenant en compte les caractéristiques de commandabilité des capacités ainsi que diverses contraintes techniques. Initialement fixé à 1, ce coefficient pourrait être révisé dans les années futures pour intégrer par exemple la flexibilité des capacités, dans l'hypothèse où celle-ci aurait un impact non négligeable sur leur contribution à la réduction du risque de défaillance. Dans une telle situation, dont la possibilité est dès maintenant prise en compte dans les règles, les effacements pourraient notamment obtenir une valorisation supplémentaire dans le mécanisme qui reflèterait la flexibilité qu'ils peuvent apporter au système équilibre.
D'autre part, l'article L. 335-2 du code de l'énergie dispose qu'« à coût égal, il [le mécanisme de capacité] donne la priorité aux capacités d'effacement de consommation sur les capacités de production ». La CRE reconnaît que la mise en œuvre d'une telle disposition n'est pas aisée dans le contexte d'un mécanisme décentralisé tel que prévu par le décret, où les transactions de garanties peuvent se faire de gré à gré. Dans le cadre des modalités d'application relevant des règles, la CRE considère néanmoinsque les mesures retenues par RTE et détaillées ci-dessus permettent de répondre aux dispositions de la loi, tout enpréservant l'équilibre économique du dispositif. Par ailleurs, cette exigence de la loi souligne la nécessité de mettre en œuvre un marché liquide permettant un accès à tous les acteurs, notamment ceux disposant de capacités de petite taille. Des mesures additionnelles pourraient être retenues dans l'élaboration d'un marché organisé des certificats, où les dispositionsde l'article L. 335-2 du code de l'énergie pourraient plus facilement être mises en œuvre.
La CRE considère que les mesures proposées par RTE permettent de répondre auxdispositions de la loi, et préservent l'équilibre économique du dispositif.
3.5. Caractère évolutif du mécanisme de capacité
Issu des recommandations du rapport Poignant-Sido sur la maîtrise de la pointe électrique, le mécanisme de capacité a pour objectif de traiter le problème de la pointe électrique en France et d'assurer le système électrique contre les risques que celle-ci fait peser sur la sécurité d'approvisionnement. A ce titre, la plupart des modalités du mécanisme mises en œuvre dans le cadre des règles sont centrées sur les périodes de plus forte consommation nationale.
Toutefois, à moyen terme, il est possible que le paradigme du système électrique français évolue. L'effet des mesures d'efficacité énergétique, le développement des effacements en particulier grâce au mécanisme de capacité et au dispositif NEBEF, et la gestion plus active de la demande liée notamment à la généralisation de compteurs communicants pourraient à terme réduire l'impact de la pointe de demande électrique sur le risque de défaillance du système. En revanche, des phénomènes comme la pénétration plus importante des moyens de production variables ou le déploiement à plus grande échelle de véhicules électriques, par exemple, pourraient venir modifier le paysage de défaillance du système électrique français. La défaillance ne pourrait alors plus être circonscrite à l'hiver et plus précisément aux périodes de grand froid, mais pourrait être plus fortement liée aux chutes brutales des régimes de vent.
Dans une telle situation, la notion de période de plus forte consommation nationale n'est plus totalement adaptée à décrire le risque de défaillance que le mécanisme de capacité cherche à traiter. Il faut alors définir une notion de « tension du système » qui représente ces situations, et autour de laquelle devrait être bâti le dispositif.
Tel n'est pas encore le cas aujourd'hui, et le mécanisme de capacité proposé, construit autour de la notion de pointe nationale, répond bien aux enjeux actuels.
RTE a toutefois introduit des modalités permettant d'anticiper les évolutions du mécanisme qui seront nécessaires pour accompagner celles du système électrique français à plus long terme. Ainsi, par exemple, les jours PP2 hors PP1 sont signalés sur la base d'un critère de tension du système, certes corrélé à la notion de pointe nationale, mais néanmoins distinct et adapté à la prise en compte de paysages de défaillance potentiels supplémentaires. Par ailleurs, comme mentionné au paragraphe 3.4, l'introduction du coefficient C, AL permettra d'intégrer la valorisation de la flexibilité des capacités, dans le cas de figure où celle-ci contribuerait de façon significative à la réduction du risque de défaillance, par exemple pour compenser des chutes brutales et importantes de la production éolienne ou solaire.
La CRE relève le caractère évolutif du mécanisme. Il traite prioritairement la problématique actuelle de la pointe, tout en anticipant la transition vers les futures problématiques du système électrique.
3.6. Intégration des capacités transfrontalières
La question de la participation des capacités étrangères au mécanisme de capacité français est un sujet d'attention majeur, tant pour les acteurs du marché de l'électricité français que dans le cadre du débat européen sur les mécanismes de capacité. En particulier, la CRE rappelle l'importance de l'interconnexion pour la sécurité d'approvisionnement, et estime que l'intégration européenne du mécanisme à travers une coopération accrue avec les autres gestionnaires de réseaux de transport doit être étudiée dès à présent, afin d'assurer la mise en œuvre d'un mécanisme pérenne économiquement efficace et permettant un niveau de concurrence élevé au sein du marché européen de l'énergie.
En France, la majorité des acteurs s'est exprimée en faveur d'une participation explicite des capacités transfrontalières au mécanisme français. Toutefois un consensus s'est dégagé quant aux difficultés techniques posées pour mettre en place cette solution d'ici l'entrée en vigueur du dispositif. Le pouvoir réglementaire a dès lors choisi une prise en compte implicite des bénéfices de l'interconnexion, internalisés dans le coefficient de sécurité.
Si la CRE estime que la méthodologie de l'étude d'équilibre offre demande stochastique utilisée pour déterminer ce coefficient de sécurité, par ailleurs stable pour tout un exercice, est pertinente, elle note que des éléments méthodologiques plus complets mériteraient d'être objectivés dans les règles, ce notamment pour identifier la part relative des différentes composantes qui dimensionnent le coefficient (bénéfice lié aux interconnexions, couverture des aléas résiduels hors thermo sensibilité, etc.). La CRE estime par ailleurs qu'en l'absence de mécanisme similaire ou coordonné entre les Etats membres frontaliers, la méthode de calcul associée à la prise en compte du bénéfice des interconnexions ne doit pas conduire à un coefficient générant une augmentation de l'obligation pesant sur les acteurs obligés (3).
La possibilité d'une prise en compte explicite des capacités étrangères est restée à l'étude comme un modèle cible en vue d'une meilleure intégration européenne. A ce titre, elle a fait l'objet de discussions au sein de la concertation organisée par RTE dans le cadre de l'élaboration des règles, des propositions en ce sens ayant été mises en avant par certains acteurs.
La question de la prise en compte des capacités étrangères dans les mécanismes de capacité a également fait l'objet de l'attention des institutions européennes. La Commission européenne et l'ACER, tout en reconnaissant les difficultés associées à cette approche, se sont toutes deux prononcées en faveur d'une participation explicite des capacités transfrontalières. Elles craignent surtout que les initiatives non coordonnées des Etats mettant en place des mécanismes de capacité ne fragmentent le marché intérieuret n'entravent la concurrence entre acteurs opérant au sein du marché intérieur de l'énergie. La prise en compte explicite de la contribution des capacités étrangères à la sécurité d'approvisionnement des pays voisins apparait dès comme un facteur important d'acceptabilité de ces mécanismes pour les instances européennes.
A cet effet, d'autres entités ont par ailleurs fait des propositions concrètes (4).
Dans ce contexte, si les règles du mécanisme de capacité français sont conformes aux dispositions du décret et mettent par conséquent en œuvre la prise en compte implicite du bénéfice de l'interconnexion dans le dispositif, l'ouverture du débat européen sur le sujet a conduit RTE à revenir dans son rapport d'accompagnement sur l'état des lieux des travaux en cours et à proposer, dans le cadre d'une feuille de route, des pistes pour converger à moyen terme vers une solution adéquate. Cette feuille de route comporte trois étapes :
- la mise en place de la participation implicite du bénéfice de l'interconnexion telle que prévue par le décret, selon les modalités définies dans le projet de règles ;
- une concertation organisée par RTE avec l'ensemble des acteurs après la publication des règles, à l'issue de laquelle un rapport rassemblant des propositions d'évolution du mécanisme sera remis à la CRE et au ministre en charge de l'énergie ;
- une phase de mise en œuvre pratique des propositions retenues qui. pourra soit s'opérer directement vers le modèle cible, identifié, soit s'appuyer en premier lieu sur un modèle intermédiaire requérant des travaux et des évolutions moins complexes.
Afin de fixer le cadre des études à venir, RTE développe dans son rapport les grands principes devant structurer l'architecture des solutions à envisager : préservation du marché intérieur de l'énergie, respect des compétences des Etats membres en matière de sécurité d'approvisionnement, efficacité économique de la participation des capacités transfrontalières, et création d'un cadre de coopération européen pour gérer les situations de pénurie. Ces grands principes permettent d'emblée d'écarter certaines solutions - impliquant par exemple une réservation de la capacité d'interconnexion au détriment des échanges d'énergie - et donnent un cadre dans lequel peuvent s'inscrire les modèles cible et transitoire.
La CRE rappelle son attachement à l'intégration du mécanisme de capacité au sein du cadre européen et au bon fonctionnement du marché intégré de l'énergie. Cette intégration doit passer par un renforcement de la coopération entre Etats membres, gestionnaires de réseau et régulateurs (5) pour, d'une part, élargir le champ d'évaluation de l'adéquation de capacité à l'échelle supranationale, d'autre part, s'assurer du déploiement d'outils compatibles - sinon similaires - et coordonnés. Le mécanisme proposé étant amené à être évalué à l'aune des critères énoncés par la Commission européenne dans sa communication du 9 avril 2014, la CRE souhaite que des travaux soient menés rapidement afin de faire émerger des orientations en accord avec les lignes directrices élaborées par la Commission européenne. Elle appuie donc la feuille de route proposée par RTE et encourage le lancement rapide d'une concertation dès la publication des règles, éventuellement dans le cadre d'un mandat fixé par les pouvoirs publics, qui devra permettre à l'ensemble des entités concernées (notamment acteurs de marché, gestionnaires de réseaux, bourses et régulateur) de s'exprimer dans l'objectif de définir un mécanisme efficace, coordonné et durable. La mise en place d'un groupe de travail dédié au sein du comité des clients utilisateurs du réseau de transport d'électricité de RTE pourrait par exemple être envisagée.
- Principales observations
4.1. Définition et dimensionnement des périodes PP1 et PP2
La volumétrie des périodes PP1 et PP2 est l'un des paramètres les plus structurants du dispositif. En conséquence, la CRE a été particulièrement attentive à la justification apportée aux choix retenus par RTE, à l'aune du principe de responsabilisation rappelé au paragraphe 2.2 : chaque acteur doit être responsable des risques qu'il fait peser à la sécurité d'approvisionnement du système, ni plus, ni moins.
S'agissant de PP1, ce principe se traduit par le fait qu'un consommateur capable de s'effacer un nombre d'heures tel que sa contribution au risque de défaillance est inférieur à un seuil considéré comme négligeable doit porter une obligation nulle. Ce nombre d'heures est un compromis entre un minimum d'heures à prendre en compte pour pouvoir effectivement considérer que l'impact du consommateur sur le risque de défaillance est minimal, et un maximum au-delà duquel la contribution des actions de maitrise de la consommation à la pointe commence à être diluée au point que l'obligation du consommateur n'est plus nulle. C'est ce principe qui a présidé à la définition de la fourchette d'heures retenue par RTE pour le dimensionnement de PP1.
S'agissant de PP2, deux approches ont été envisagées lors de la concertation. D'une part, une approche « temporelle » considérant une période PP2 étendue à tout l'hiver dont les heures sont pondérées mensuellement des probabilités de défaillance du système, et, d'autre part, une approche « consommation » cohérente avec celle retenue pour PP1, avec une période PP2 ciblée sur les heures de plus grande consommation, avec une volumétrie plus faible.
L'approche consommation a finalement été retenue car, toujours selon le principe de cohérence entre le paramétrage du dispositif et le lien avec le risque de défaillance, c'est celle qui assure la meilleure corrélation entre le volume de garanties de capacités alloué à une capacité et la contribution de cette capacité à la réduction du risque de défaillance. PP2 est définie de façon à obliger les exploitants de capacité à être disponibles lors des périodes où le risque de défaillance est élevé. Il est donc légitime que PP2 cible ces heures de tension pour le système, incluant notamment les heures de plus forte consommation, et que le volume de garanties alloué à une capacité soit en lien direct avec sa disponibilité pendant ces heures-ci. En particulier, contrairement à l'approche « temporelle », l'approche « consommation » n'induit pas de dilution des responsabilités des acteurs, qui pourraient être incités à ne pas être disponibles pendant les heures à faible pondération, quand bien même celles-ci pourraient voir se développer une situation de défaillance.
Le choix des modalités de définition et de la volumétrie de PP2 est par ailleurs très lié à celui du dimensionnement de PP1, ainsi qu'à la question des effacements, et notamment celle de la non-discrimination entre effacements certifiés et effacements non certifiés. Tout d'abord, les heures PP1 étant définies comme les heures de plus forte consommation, où le risque de défaillance est le plus élevé, il est nécessaire que durant ces heures les capacités certifiées soient disponibles et puissent être mobilisées pour passer la pointe : c'est l'essence même du mécanisme. Cela induit donc que PP1 doit être inclus dans PP2.
Se pose ensuite la question du dimensionnement propre de PP2, au regard du principe de non-discrimination entre effacements certifiés et non-certifiés énoncé par le décret. Un effacement certifié, pour être pleinement valorisé en garanties de capacité, doit être disponible sur l'ensemble des heures PP2, cette exigence de disponibilité n'impliquant pas d'activation effective. En revanche, pour être pleinement valorisé en termes de réduction du montant de l'obligation du fournisseur, un effacement implicite doit impérativement être activé sur toutes les heures de PP1. Si l'on faisait le choix d'une période PP1 égale à PP2, on introduirait une discrimination en faveur des effacements certifiés qui irait à l'encontre du décret. PP2 doit donc correspondre à une période englobant PP1 mais plus étendue.
En revanche, une volumétrie trop importante de PP2 entrainerait une dilution de la valorisation de la contribution à la réduction du risque de défaillance des effacements, qui serait contraire au principe de responsabilisation des acteurs. De plus, elle pourrait induire un effet d'aubaine pour un effacement qui se ferait certifier, mais se déclarerait indisponible tout en s'activant quand même lors des heures PP1. Il recevrait alors une double rémunération, d'un côté avec la réduction de l'obligation et de l'autre avec la valorisation des garanties de capacité, dont le montant amputé en raison de l'indisponibilité serait dilué du fait de la faible volumétrie de PP1 par rapport à celle de PP2. Une telle manipulation n'est pas possible dans le cadre des orientations choisies par RTE.
Enfin, s'agissant du signalement des jours PP2 hors PP1, fondé sur un critère de « tension du système », du reste non explicité dans les règles (voir à ce sujet le paragraphe 4.6 du présent avis), la CRE rappelle par ailleurs qu'il existe aujourd'hui des dispositifs permettant à RTE de garantir la sécurité opérationnelle du système électrique à l'approche et en temps réel, visant à assurer une puissance disponible pour faire face aux aléas affectant l'équilibre offre-demande. A ce titre, elle sera vigilante à ce que l'introduction d'un critère de tension ne vienne pas faire double emploi avec les dispositifs existants et affecter leur fonctionnement.
La CRE estime que les choix retenus sont globalement conformes aux grands principes structurant l'architecture du mécanisme. La volumétrie des périodes PP1 et PP2 assure la cohérence entre l'impact du mécanisme pour les différents acteurs et leur contribution à l'accroissement ou à la réduction du risque de défaillance, clé de voûte du dispositif. Enfin, ces orientations permettent de satisfaire au principe de non-discrimination entre effacements implicites et certifiés fixé par le décret.
4.2. Traitement des pertes dans le dispositif
Dans le cadre des missions décrites aux articles L. 321-11 et L. 322-9 du code de l'énergie, les gestionnaires de réseaux (respectivement RTE et les gestionnaires de réseaux de distribution) sont responsables de la couverture des pertes liées à l'acheminement de l'électricité sur leurs réseaux. A cette fin, ils contractent avec des fournisseurs dans le cadre de procédures concurrentielles, non discriminatoires et transparentes, telles que des consultations publiques ou le recours à des marchés organisés, conformément aux dispositions des articles du code de l'énergie précités. Les gestionnaires de réseaux peuvent également procéder eux-mêmes à des achats sur le marché, notamment pour affiner la courbe de livraison de l'énergie nécessaire à la compensation des pertes au plus près du temps réel.
L'article L. 335-1 du code de l'énergie dispose que les fournisseurs de pertes, au même titre que les fournisseurs de clients finals, sont acteurs obligés au titre du mécanisme de capacité à hauteur de la consommation en puissance et en énergie associée aux contrats les liant aux gestionnaires de réseaux pour la compensation des pertes. Ces derniers sont quant à eux soumis à une obligation de capacité à hauteur des pertes qu'ils compensent sans l'intermédiaire d'un fournisseur.
Le projet de règles soumis pour avis à la CRE offre la possibilité aux gestionnaires de réseaux et aux fournisseurs de définir contractuellement deux clés de répartition. L'une porte sur l'affectation du retraitement pour tenir compte de la thermosensibilité des pertes, l'autre permet de redéfinir le périmètre d'obligation des deux acteurs obligés à partir de la consommation constatée des pertes dont les modalités de calcul seront définies par la CRE en vertu de l'article 4-III du décret.
La première clé de répartition permet de donner de la souplesse aux gestionnaires de réseaux dans leur stratégie d'achat en leur laissant la faculté de conserver le risque lié à la thermosensibilité des pertes ou de transférer la gestion de ce risque aux fournisseurs.
La seconde clé de répartition induit quant à elle un transfert d'obligation entre les deux acteurs obligés au titre de la compensation des pertes, transfert d'obligation qui n'est pas conforme au cadre juridique actuel. L'article L. 335-1 du code de l'énergie prévoit en effet explicitement qu'il y ait deux types d'acteurs obligés pour les pertes et décrit pour chacun d'eux un périmètre d'obligation distinct, ce dernier étant précisé par les dispositions du III de l'article 4 du décret encadrant la décision de la CRE fixant les modalités de calcul de la consommation constatée pour les pertes.
Enfin, la CRE note que le projet de règles soumis pour avis ne prévoit pas l'ensemble des modalités pratiques permettant aux acteurs obligés au titre de la compensation des pertes de satisfaire leurs obligations respectives. En particulier, il convient que les modalités d'ouverture de compte par les gestionnaires de réseaux dans le registre des garanties de capacité soient définies.
La CRE demande en conséquence à RTE que la clé de répartition de la consommation constatée entre acteurs obligés au titre de la compensation des pertes doit être supprimée des règles régissant le mécanisme de capacité. La CRE demande par ailleurs que les éléments relatifs à la définition des périmètres acteurs obligés au titre de la compensation des pertes soient précisés afin d'apporter la visibilité nécessaire aux différents acteurs impliqués et faciliter la mise en œuvre du mécanisme d'obligation de capacité pour les pertes.
4.3 Traitement des NEB RE/Sites dans le dispositif
Si en application des dispositions de l'article L. 335-5 du code de l'énergie, des transferts des obligations aux garanties de capacités existent, ils sont strictement limités à deux cas : d'une entreprise locale de distribution vers une autre et d'un consommateur obligé vers un fournisseur. Le transfert des obligations aux garanties de capacités d'un fournisseur vers un consommateur obligé n'est pas permis dans le cadre législatif actuel.
En plus de l'hypothèse susmentionnée, les règles introduisent un autre transfert d'obligation prohibé au travers des modalités l'attribution d'une NEB entre un fournisseur et consommateur. En effet, si chaque NEB RE/Site est attribuée par défaut au fournisseur qui l'a émise, celle-ci peut néanmoins être attribuée au calcul de l'obligation du consommateur s'il y a une déclaration de rattachement signée conjointement par le celui-ci et le fournisseur.
La CRE demande en conséquence à RTE de supprimer la possibilité d'affecter une NEB RE/Site à l'obligation d'un consommateur, et de l'attribuer systématiquement au fournisseur qui l'a émise.
4.4. Rôle des GRD
Le jeu de règles proposé par RTE fait également référence au rôle des gestionnaires de réseaux de distribution dans le mécanisme de capacité, notamment concernant :
- le calcul de l'obligation de capacité ;
- le processus de certification des capacités raccordés à leur réseau ;
- les modalités de contrôle des paramètres de certification (notamment par le réalisé ou par les tests d'activation).
Concernant le processus de certification, la CRE est attachée à ce que les règles relatives au mécanisme de capacité soient établies avec la plus grande précision pour assurer une pleine cohérence avec les règles de dispositifs en vigueur - notamment le mécanisme d'ajustement et le dispositif NEBEF - et avec les articles 8 et 9 du décret.
L'Autorité de la concurrence, dans son avis n° 13-A-25 concernant l'effacement de consommation dans le secteur de l'électricité rendu le 20 décembre 2013 et publié le 13 janvier 2014, a considéré que « si les GRD ont vocation à être associés au contrôle de l'activité d'effacement, au titre de la collecte des données de consommation, le transfert d'un pouvoir d'agrément ou de certification à ces entités ne serait envisageable qu'à la condition que celles-ci présentent toutes garanties de neutralité et d'indépendance par rapport à l'ensemble des opérateurs d'effacement. Or cette condition ne semble pas remplie à l'heure actuelle, en raison des rapports existant entre les GRD et certains fournisseurs d'électricité, qui sont des opérateurs d'effacements potentiels ». Un tel raisonnement pourrait également s'appliquer au processus de demande de certification dans le cadre du mécanisme de capacité, afin d'assurer que les règles ne conduisent pas à donner aux gestionnaires de réseaux de distribution un pouvoir de contrôle de l'activité d'effacement ou encore, par la gestion ou la transmission de certaines informations, un accès privilégié à des informations caractérisant l'activité d'effacement.
Concernant les modalités de contrôle des paramètres de certification, le projet de règles prévoit trois possibilités : contrôle par le réalisé, par audit ou par test d'activation. Dans le cadre du contrôle par le réalisé ou par un test d'activation, la CRE note que les règles s'appuient sur le résultat d'une activation sur le mécanisme d'ajustement (et, dans le cas d'une entité d'effacement, ce peut être par le résultat d'une réalisation d'une NEBEF). Dans ce cadre, la possibilité de responsabiliser un GRD sur l'engagement d'un test et d'activer une entité de certification sur notification du GRD ne semble pas fondée. Les dispositifs désignés pour ces tests étant le mécanisme d'ajustement ou le dispositif NEBEF, la CRE estime que seul le gestionnaire de réseau de transport devrait être impliqué dans leur réalisation. Enfin, étant donné que l'ensemble des coûts associés aux tests seront à la charge des titulaires des entités de certification, la CRE estime qu'un encadrement clair de ces tests devrait figurer dans les règles.
La CRE souligne l'importance d'élaborer les modalités de certification et de contrôle en cohérence avec les dispositifs déjà en vigueur. A ce titre, le rôle des GRD dans ces processus ne doit pas conduire àune implication au-delà de ce qui leur est nécessaire pour remplir leurs missions, selon les dispositions du décret et de la loi en matière de gestion de la sécurité de leurs réseaux.
4.5. Puissance de référence négative
La définition de la puissance de référence prévue par le projet de règles peut occasionner des situations où celle-ci devient négative, en raison du retraitement de la thermosensibilité par un gradient additif. Lorsque les températures réalisées pendant les heures de PP1 sont inférieures à la température extrême de référence, le terme de correction de thermosensibilité est alors négatif, et, s'il est par ailleurs supérieur en valeur absolue à la consommation constatée, la puissance de référence est alors négative. Un consommateur pourrait porter, le cas échéant, une obligation négative, notamment dans le cas où il s'effacerait pendant les heures de PP1 lors d'une année très froide. Ce cas de figure est pris en compte dans les règles : la puissance de référence de l'acteur obligé est alors prise égale à zéro. Cette disposition permet de traiter les modalités pratiques du dispositif associées à l'éventualité d'une obligation nulle, au prix d'une légère perturbation de l'équilibre du mécanisme.
Il convient néanmoins de noter que les cas de figure entraînant la possibilité d'une obligation négative auraient une faible probabilité d'occurrence, notamment dans le cas des consommateurs qui foisonnent au sein du portefeuille d'un fournisseur. Selon RTE, une telle éventualité a une probabilité extrêmement faible et l'impact induit par le comportement singulier de certains sites reste minime à la maille du portefeuille d'un fournisseur, et négligeable à l'échelle France. La CRE ne dispose à l'heure actuelle d'aucun élément permettant de penser que ces cas spécifiques mettraient en péril l'équilibre du mécanisme.
Si les règles introduisent un léger biais dans le mécanisme pour traiter de cas marginaux et très improbables où une obligation serait nulle, la CRE considère à ce stade qu'il n'est pas nécessaire de complexifier davantage le texte pour en proposer des solutions alternatives. La CRE s'attachera en revanche, dans le cadre de ses missions de surveillance, à vérifier que l'obligation d'un consommateur reflète bien sa contribution au risque de défaillance, et que le coût de celle-ci lui est répercuté de façon cohérente dans les prix proposés par son fournisseur.
4.6. Valeurs numériques des paramètres du dispositif
Le projet de règles comporte des valeurs numériques pour les différents paramètres et coefficients relatifs au calcul de l'obligation et à la certification. Ces paramètres sont :
- le coefficient de sécurité ;
- la température extrême de référence ;
- la puissance moyenne seuil ;
- les abaques Kj, AL et Kh, AL ;
- le paramètre de commandabilité C, AL ;
- les coefficients de filière C, filière.
Ces paramètres ont été déterminés par RTE sur la base d'études d'équilibre d'offre-demande stochastiques. La CRE ne dispose pas des outils d'analyse permettant d'expertiser les valeurs numériques obtenues, mais approuve le principe de la méthodologie employée pour les déterminer. Elle veillera par ailleurs à ce que les valeurs de ces paramètres n'induisent pas de dysfonctionnement du mécanisme et proposera le cas échéant des modifications.
Un dernier paramètre intervenant dans l'obligation est la puissance moyenne seuil fixant le niveau au-delà duquel un site relié au réseau public de distribution (RPD) est considéré comme non thermosensible, et fixé grâce à des analyses statistiques réalisées par ERDF. La CRE ne possédant pas les historiques de consommation des sites individuels reliés au RPD, elle ne peut à ce stade expertiser la valeur numérique retenue. Elle proposera éventuellement des pistes d'évolution dans le cas où cette valeur se révèlerait entraîner un comportement insatisfaisant du mécanisme.
Enfin, le projet de règles fixe la valeur du coefficient k intervenant dans les règlements financiers. Le paramètre k revêt une importance particulière, car il est déterminé de sorte que les acteurs soient incités à s'équilibrer en garanties de capacité, sur le marché, en amont des règlements financiers. Il conditionne donc le fonctionnement du marché des garanties de capacité et la robustesse du signal prix qu'il révèle.
Le paramètre k a été évalué par RTE à l'issue d'études de sensibilité des réactions du marché et du comportement des acteurs à sa valeur. La valeur qui a été choisie constituerait un optimum entre incitation des acteurs à se couvrir en amont sur le marché, volatilité des prix et mark-up dû au risque induit par le terme de pénalité. La CRE ne dispose pas des outils lui permettant d'expertiser les résultats de RTE mais ne constate à ce stade aucun élément permettant de penser que la valeur retenue met en péril l'équilibre économique du mécanisme. Compte-tenu du caractère extrêmement structurant des modalités de calcul du prix des écarts, la CRE analysera soigneusement l'impact de celle-ci sur le fonctionnement du marché des garanties de capacité et de façon plus générale sur l'ensemble du mécanisme, et fera le cas échéant des propositions de révision.
Au-delà de la question du niveau de la valeur numérique des paramètres du mécanisme, de manière générale, la CRE estime que tout critère et méthodologie utilisés dans la définition du mécanisme de capacité gagneraient à être explicités dans les règles afin de renforcer la transparence du dispositif. Cette volonté de transparence s'étend aux critères et modalités de signalement des jours PP1 et PP2 hors PP2, non explicités dans les règles. En effet, du fait de leur caractère tardif, le présignalement des jours PP1 et PP2 est susceptible d'avoir un impact important sur le comportement des acteurs impliqués dans le mécanisme. Dans ce cadre la CRE estime qu'une description plus transparente des critères de déclenchement pourrait permettre aux acteurs de marché de mieux anticiper la réalisation de ces jours au cours d'une année de livraison et ainsi d'aboutir à un fonctionnement plus efficace du mécanisme de capacité. La problématique de transparence dans le cadre du critère « tension » pour les jours PP2 hors PP1 revêt ici une importance particulière, plusieurs acteurs s'étant plaints lors de la table ronde que l'heure limite de signalement de ces jours fixée par les règles était trop tardive. Comme mentionné au paragraphe 4.1 de cet avis, la CRE rappelle enfin qu'elle sera également attentive à ce que l'introduction de ce critère de tension du système ne vienne pas perturber le fonctionnement des dispositifs existants permettant d'assurer la sécurité du système à l'approche du temps réel.
Si la CRE ne dispose pas à ce jour des moyens d'analyse permettant d'expertiser les valeurs des paramètres retenues par RTE, elle n'a cependant pas identifié d'élément permettant de juger celles-ci susceptibles de nuire à l'équilibre du mécanisme. Toutefois, la CRE souligne l'importance d'une bonne calibration de ces paramètres, et se montrera vigilante sur l'impact des choix retenus dans le cadre de ses missions de surveillance du mécanisme et du marché des garanties. En outre, la CRE rappelle la nécessité vis-à-vis de l'ensemble des acteurs d'une plus grande transparence dans le corps des règles concernant les méthodes et critères gouvernant la détermination des paramètres et signaux du mécanisme.
4.7. Règlements financiers des écarts et bon fonctionnement du marché
Outre l'impact sur l'équilibre du mécanisme du dimensionnement du paramètre k mentionné au paragraphe 4.6, la CRE souhaite souligner l'importance de la définition du prix de référence marché qui sera utilisé pour les règlements financiers pour l'équilibre économique du dispositif et le bon fonctionnement du marché des garanties de capacité.
En particulier, la connaissance des prix des écarts par les acteurs alors même que des échanges sont en cours (notamment à des fins de rééquilibrage), générerait des comportements d'arbitrage entre le prix de marché et les prix des écarts tel que définis par le prix de référence et le coefficient k, et nuirait ainsi au bon fonctionnement du marché durant cette période.
La CRE accueille favorablement le fait que les règles du mécanisme de capacité utilisent pour les règlements financiers un prix de référence marché fixé par la CRE selon les dispositions du décret.
4.8. Modalités de transmission de certaines données
Les règles proposées définissent certaines modalités et délais de transmission des éléments suivants :
- transmission des puissances de références par acteur obligé, par les gestionnaires de réseau à RTE ;
- informations relatives aux conditions de fermeture, aux évolutions de capacité
- dossier de demande de certification
- contrat de certification de capacité.
Or en application du décret, ces éléments relèvent de conventions approuvées par la CRE. Les règles comportent donc des dispositions qui vont au-delà de leur objet, tel que défini par le décret.
La CRE demande que ces éléments soient supprimés des règles du mécanisme de capacité.
- Avis de la CRE
La CRE émet un avis favorable au projet de règles du mécanisme de capacité, sous réserve des modifications suivantes :
- imposition d'un seuil minimal de 10 MW pour une entité de certification, en conservant le seuil de 1 MW pour les capacités d'effacement (paragraphe 3.4) ;
- suppression de la clé de répartition de la consommation constatée entre acteurs obligés pour les pertes (paragraphe 4.2) ;
- explicitation des éléments relatifs à la définition des périmètres acteurs obligés au titre de la compensation des pertes (paragraphe 4.2) ;
- suppression de la possibilité d'attribuer une NEB RE/Site au calcul de l'obligation d'un consommateur (paragraphe 4.3) ;
- en l'absence de justification additionnelle sur le besoin des gestionnaires de réseaux de distribution d'être à l'origine du déclenchement les tests d'activation des capacités, cette compétence devrait demeurer à la main de RTE en ce que les tests sont effectués sur des mécanismes opérés par RTE (mécanisme d'ajustement et NEBEF). Les GRD pourraient néanmoins être notifiés de la réalisation de ces tests (paragraphe 4.4) ;
- précision d'un encadrement clair des coûts des tests d'activation (paragraphe 4.4) ;
- explicitation de la méthodologie de calcul de la valeur des différents paramètres du mécanisme de capacité, tant pour le volet relatif à l'obligation que pour le volet relatif à la certification (paragraphe 4.6) ;
- explicitation du critère de tension du système utilisé pour le signalement des jours PP2 hors PP1 (paragraphe 4.6) ;
- suppression des modalités figurant dans le projet de règles bien que relevant de conventions approuvées par la CRE (paragraphe 4.8).
1 version