JORF n°0077 du 31 mars 2017

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Catherine EDWIGE et Yann PADOVA, commissaires.
Les dispositions des articles L. 271-1 à L. 271-3 du code de l'énergie, telles qu'introduites par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, font évoluer le cadre applicable aux effacements de consommation d'électricité.
Elles prévoient en particulier, pour certaines catégories d'effacement définies par arrêté du ministre chargé de l'énergie, conduisant à des économies d'énergie significatives, que le paiement du versement est réparti entre l'opérateur d'effacement et le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité lorsque l'opérateur d'effacement valorise des effacements sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement.
L'article L. 271-3 du code de l'énergie prévoit un régime de versement vers les fournisseurs d'électricité des sites effacés, assuré par le consommateur final ou « à défaut, par l'opérateur d'effacement […] ». Les dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie permettent qu'une partie du versement ne soit plus prise en charge par l'opérateur d'effacement lui-même mais par le gestionnaire du réseau de transport, les coûts supportés par le gestionnaire du réseau public de transport étant couverts selon les modalités prévues par l'article L. 321-12 du code de l'énergie.
En application des dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie, « les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission de régulation de l'énergie ».
Par courrier du 22 juillet 2016, reçu le 29 juillet 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer chargée des relations internationales sur le climat et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ont saisi la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour avis d'un projet de décret relatif à la valorisation des effacements de consommation conduisant à des économies d'énergie significatives pris en application des dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie. En même temps que ce projet de décret, la CRE a reçu communication du projet d'arrêté pris en application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie définissant les différentes catégories d'effacement de consommation.
Le présent avis comporte une présentation succincte du contenu de ce projet de décret, ainsi que les éléments d'analyse à l'appui desquels la CRE émet des propositions de modifications.

  1. Contenu du projet de décret

Le projet de décret ajoute un article R. 271-10 au titre VII du livre II de la partie réglementaire du code de l'énergie. Cet article :

- précise, parmi les catégories d'effacement définies par l'arrêté pris en application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie, celle conduisant à des économies d'énergie significatives pouvant bénéficier du régime de versement mutualisé ;
- introduit la définition du taux d'économie d'énergie moyen utilisé pour définir la part du versement portée par le gestionnaire du réseau public de transport ;
- précise la part du versement portée par le gestionnaire du réseau public de transport, qui peut être comprise entre 0 % et 50 % au maximum ;
- définit le processus de proposition par l'opérateur d'effacement du taux d'économie d'énergie effectif moyen puis de validation par RTE de ce taux ;
- précise le système de régularisation et le cas échéant de pénalité en cas de divergence entre le taux d'économie d'énergie effectif moyen évalué par l'opérateur d'effacement et celui contrôlé par RTE.

Le projet d'arrêté, pris en application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie, définit trois catégories d'effacement de consommation en fonction de la puissance souscrite.

  1. Analyse de la CRE
    S'agissant du versement mutualisé

Les dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie prévoient que, dans le cas où les effacements sont valorisés sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement, pour les catégories d'effacement mentionnées à l'article L. 271-1 du code de l'énergie qui conduisent à des économies d'énergie significatives, une partie du versement aux fournisseurs des sites effacés n'est plus prise en charge par l'opérateur d'effacement lui-même mais par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité (RTE).
En application des dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie, le versement est défini « sur la base d'un prix de référence et des volumes d'effacement comptabilisés comme des soutirages dans le périmètre des responsables d'équilibre des fournisseurs des sites effacés ».
Le versement constitue la contrepartie, due par l'opérateur d'effacement, au transfert de blocs d'énergie ayant lieu entre le fournisseur des sites de consommation effacés et l'opérateur d'effacement. Il permet de compenser le fournisseur des sites effacés pour le volume d'énergie que l'opérateur d'effacement valorise sur les marchés ou sur le mécanisme d'ajustement, le fournisseur demeurant responsable du maintien de l'injection.
Dans sa délibération du 11 mai 2016 portant avis sur le projet de décret modifiant les dispositions règlementaires du code de l'énergie relatives aux effacements de consommation d'électricité, la CRE a précisé que faire porter au gestionnaire de réseau public de transport, et à la collectivité, une partie du versement, relevait d'un choix de politique énergétique tendant au soutien de la filière des effacements, et que, le cas échéant, il appartiendrait au gouvernement, de notifier ce dispositif à la Commission Européenne en tant qu'aide d'état.

S'agissant des catégories d'effacement pouvant bénéficier du versement mutualisé (article R. 271-10 du code de l'énergie)

Le I de l'article premier du projet de décret précise que la catégorie d'effacement conduisant à des économies d'énergie significatives, et donc au versement mutualisé, est celle pour laquelle les « effacements [sont] réalisé[s] sur un site de consommation souscrivant à une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères », soit la catégorie des effacements « diffus ».
Dans sa délibération portant approbation des règles NEBEF 2.0 du 17 décembre 2014, la CRE a demandé à RTE de poursuivre ses travaux afin de disposer d'une connaissance plus fine des reports de consommation. Dans le rapport correspondant à cette demande, publié en mars 2016 (dit « rapport de RTE »), RTE identifie des économies d'énergie pour les effacements résidentiels sur le chauffage électrique. En revanche, aucune économie d'énergie significative n'a été établie pour les sites industriels et aucune conclusion n'a pu être tirée quant aux sites tertiaires, faute de données disponibles.
La proposition faite dans le cadre du projet de décret s'agissant de la catégorie d'effacement pouvant bénéficier du versement mutualisé est cohérente avec les conclusions du rapport de RTE.
La CRE relève néanmoins qu'il n'est pas exclu que d'autres catégories d'effacements puissent également générer des économies d'énergie significatives (par exemple le chauffage électrique dans les sites tertiaires). Elle souhaite que RTE poursuive ses travaux à ce sujet. La CRE considère que la définition des catégories d'effacement prévues par l'arrêté pris en application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie ainsi que les catégories d'effacement conduisant à des économies d'énergie significatives devraient évoluer en conséquence.
La CRE considère en conséquence que le projet de décret ainsi que le projet d'arrêté, prévus respectivement par l'article L. 271-3 et l'article L. 271-1 du code de l'énergie, devraient inclure dès à présent une clause de révision, en particulier à la suite de la remise par la CRE du rapport prévu par l'article L. 271-3 du code de l'énergie (1).

S'agissant de la définition du taux d'économie d'énergie (article R. 271-10 du code de l'énergie)

Le projet de décret, tel que soumis à l'avis de la CRE, prévoit la mise en œuvre de barèmes liant le taux d'économie d'énergie moyen et la part du versement portée par le gestionnaire du réseau public de transport.
L'article L. 271-1 du code de l'énergie dispose que « l'effacement peut avoir pour effet d'augmenter la consommation du site de consommation effacé avant ou après la période d'effacement. La part de consommation d'électricité effacée qui n'est pas compensée par ces effets et qui n'est pas couverte par de l'autoproduction est une économie d'énergie. »
Dans son rapport, RTE souligne la difficulté liée à la mesure d'un taux d'économie d'énergie, notamment parce que « le taux d'économie d'énergie est très sensible à la définition du report de consommation », ce dernier pouvant être fondé sur les baisses des consommations constatées ou sur les ordres d'effacement.
RTE considère qu'afin de déterminer le taux d'économie d'énergie associé à un effacement, « la convention de calcul fondée sur les consommations constatées […] permet de saisir l'intégralité du phénomène physique « vu du système électrique » en s'affranchissant de toute donnée basée sur les ordres d'effacement ».
La CRE est favorable à l'utilisation d'une méthode de calcul fondée sur les baisses de consommation constatées. Ainsi, l'économie d'énergie associée à un effacement se mesure par rapport à la baisse de consommation effective d'un site, et indépendamment de la stratégie de valorisation de l'effacement sur le marché par l'opérateur d'effacement.
En conséquence, la CRE considère que la définition du taux d'économie d'énergie moyen telle que mentionnée au quatrième alinéa du II de l'article 1er du projet de décret devrait être clarifiée. La CRE propose de modifier la définition proposée dans le projet de décret de la façon suivante : « Le taux d'économie d'énergie moyen […] est assis sur la contribution de l'effacement de consommation à la diminution constatée de la consommation d'un consommateur par rapport à sa consommation de référence, en tenant compte des augmentations de la consommation de ce même consommateur qui précèderaient ou suivraient ces baisses constatées ».

S'agissant du barème relatif à la part de versement versée par le gestionnaire du réseau public de transport (nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie)

Le III du nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie, tel qu'il résulterait du projet soumis à l'avis de la CRE, détermine la part du versement prise en charge par RTE selon le taux d'économie d'énergie moyen.
Le décret prévoit quatre parts de versement porté par le gestionnaire du réseau public de transport, fonction de tranches d'économie d'énergie :

- si le taux d'économie d'énergie moyen est inférieur à 20 %, la part de versement portée par RTE est nulle ;
- si le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur ou égal à 20 % et inférieur à 35 %, la part de versement portée par RTE est de 20 % ;
- si le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur ou égal à 35 % et inférieur à 50 %, la part de versement portée par RTE est de 35 % ;
- si le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur ou égal à 50 %, la part de versement portée par RTE est de 50 %.

La CRE est favorable au principe de barèmes permettant de définir la part de versement portée par RTE, notamment au fait de retenir la valeur minimale de l'intervalle du taux d'économie d'énergie moyen comme valeur de la part de versement portée par RTE. En effet, l'article L. 271-3 du code de l'énergie prévoit que « la part versée par le gestionnaire du réseau public de transport […] ne peut excéder la part d'effacement mentionnée au même article L. 271-1 qui conduit à des économies d'énergie ».
En outre, le rapport de RTE met en évidence une grande variabilité du taux de report de consommation selon la méthode de construction de la courbe de référence de consommation retenue. Cette variabilité est du même ordre de grandeur que l'intervalle des tranches d'économie d'énergie définies dans le projet de décret.
La CRE n'est en conséquence pas favorable à la mise en œuvre de quatre tranches d'économie d'énergie conduisant à des parts de versement versé par RTE différentes. La CRE est favorable à un dispositif fondé sur un barème simplifié ne présentant qu'un seuil unique d'économie d'énergie au-delà duquel le versement mutualisé serait mis en œuvre.
Le rapport de RTE conclut que les taux de report peuvent varier de 45 % à 75 % selon les méthodes proposées, les taux d'économie d'énergie pouvant par conséquent aller de 25 % à 55 %. La CRE recommande un taux d'économie d'énergie moyen unique de 40 %, correspondant au milieu de cet intervalle.
La CRE propose donc de retenir le barème suivant : si le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur ou égal à 40 %, la part de versement portée par RTE sera de 40 %. Dans le cas contraire, la part de versement versée par RTE sera nulle.

S'agissant de la proposition par l'opérateur d'effacement du taux d'économie d'énergie puis de la validation de ce taux par RTE (nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie)

Le projet de décret prévoit que l'opérateur d'effacement souhaitant bénéficier du versement mutualisé « déclare le taux d'économie d'énergie moyen auquel conduisent les effacements pour lesquels il demande à bénéficier du régime dérogatoire de versement » (article R. 271-10, II du code de l'énergie). A la suite de cette déclaration, le versement mutualisé est appliqué immédiatement, la part du versement versée par RTE étant fonction du taux d'économie d'énergie déclaré par l'opérateur. « L'opérateur d'effacement évalue a posteriori le taux d'économie d'énergie effectif moyen auquel ont conduit ses effacements, selon une méthode qu'il propose. La méthodologie est validée et le taux contrôlé par le gestionnaire du réseau public de transport » (article R. 271-10 du code de l'énergie, IV). Ce contrôle ex-post nécessite la mise en place d'un système de régularisation et le cas échéant de pénalités, tel que précisé au troisième alinéa du IV du nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie.
La CRE considère que la mise en place d'un versement mutualisé sur la base d'une déclaration de l'opérateur d'effacement n'est pas appropriée. Ainsi, afin d'éviter tout paiement, non contrôlé par RTE, à l'opérateur d'effacement, la CRE recommande la mise en place d'un contrôle ex-ante :

- l'opérateur d'effacement ayant fait une demande à RTE relative au versement mutualisé ne bénéficie du régime de versement mutualisé qu'une fois le contrôle de la méthode et du taux d'économie d'énergie effectué et validé par RTE ;
- pour une première demande, une mise en œuvre rétroactive du versement mutualisé à la date de la demande pourrait être envisagée.

Un processus de contrôle ex-ante permet par ailleurs d'éviter le recours au processus de régularisation et de pénalité en cas de divergence entre le taux d'économie d'énergie déclaré par l'opérateur d'effacement et le taux contrôlé par RTE.
A cette fin, la CRE propose de modifier le nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie comme suit :

- le troisième alinéa du II (« pour chaque catégorie mentionnée au premier alinéa, l'opérateur d'effacement déclare le taux d'économie d'énergie moyen auquel conduisent les effacements pour lesquels il demande à bénéficier du régime dérogatoire de versement. ») serait supprimé ;
- le terme « a posteriori » de la première phrase du premier alinéa du IV serait supprimé ;
- le paragraphe suivant serait ajouté après le deuxième alinéa du IV : « La mise en place du régime dérogatoire de versement prévu à l'article L. 271-3 du code de l'énergie sera effective dès que le taux d'économie d'énergie évalué par l'opérateur d'effacement aura été validé par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité. Lors d'une première demande de mise en place versement mutualisé, Une mise en œuvre rétroactive du versement mutualisé à la date de la demande peut être envisagée, à la demande de l'opérateur d'effacement » ;
- le dernier alinéa du IV serait supprimé (« La part de versement mutualisé fait l'objet d'une régularisation en fonction du taux d'économie d'énergie effectif moyen évalué par l'opérateur, le cas échéant corrigé après contrôle par le gestionnaire du réseau public de transport. Si le taux moyen corrigé est inférieur au taux moyen déclaré et correspond à une part de versement différente, l'opérateur d'effacement est redevable d'une pénalité financière envers le gestionnaire du réseau public de transport. Le montant de cette pénalité est défini par les règles prévues à l'article R. 271-3. Le montant des pénalités perçues par le gestionnaire du réseau public de transport et déduit des coûts à couvrir mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 271-3. »).

La CRE considère qu'en outre, le projet de décret devrait être plus précis sur les dispositions applicables dans le cas où RTE ne valide pas l'évaluation du taux d'économie d'énergie de l'opérateur d'effacement. Ainsi, le décret devrait préciser que : « Lorsque la méthodologie proposée par l'opérateur d'effacement n'est pas conforme au cadre d'analyse défini dans les règles prévues par l'article L. 271-2 du code de l'énergie, le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité transmet à l'opérateur d'effacement la liste des points sur lesquels portent ces non-conformités, et demande à ce dernier d'apporter les modifications nécessaires à sa méthodologie, dans un délai donné. Si les modifications apportées par l'opérateur d'effacement ne permettent pas au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité de valider la méthodologie, celui-ci peut alors proposer à l'opérateur d'effacement une autre méthodologie, respectant ce cadre d'analyse et adaptée aux effacements réalisés par l'opérateur d'effacement. »

  1. Avis de la CRE

La CRE rend un avis défavorable sur le projet de décret relatif à la valorisation des effacements de consommation conduisant à des économies d'énergie significatives pris en application de l'article L. 271-3 du code de l'énergie, tel qu'il lui a été soumis.
Elle demande que le projet de décret soit modifié afin de :

- inclure une clause de révision des catégories d'effacement pouvant bénéficier du versement mutualisé, notamment à l'issue de la publication du rapport de la CRE mentionné à l'article L. 271-3 du code de l'énergie ;
- préciser la définition du taux d'économie d'énergie ;
- simplifier le barème de versement mutualisé en mettant en place une part unique de versement versée par RTE à hauteur de 40 % pour tous les effacements conduisant à un taux d'économie d'énergie supérieur ou égal à 40 %, la part de versement versée par RTE étant nulle dans les autres cas ;
- mettre en œuvre des modalités de contrôle ex-ante du taux d'économie d'énergie moyen proposé par chaque opérateur d'effacement.


Historique des versions

Version 1

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Catherine EDWIGE et Yann PADOVA, commissaires.

Les dispositions des articles L. 271-1 à L. 271-3 du code de l'énergie, telles qu'introduites par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, font évoluer le cadre applicable aux effacements de consommation d'électricité.

Elles prévoient en particulier, pour certaines catégories d'effacement définies par arrêté du ministre chargé de l'énergie, conduisant à des économies d'énergie significatives, que le paiement du versement est réparti entre l'opérateur d'effacement et le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité lorsque l'opérateur d'effacement valorise des effacements sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement.

L'article L. 271-3 du code de l'énergie prévoit un régime de versement vers les fournisseurs d'électricité des sites effacés, assuré par le consommateur final ou « à défaut, par l'opérateur d'effacement […] ». Les dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie permettent qu'une partie du versement ne soit plus prise en charge par l'opérateur d'effacement lui-même mais par le gestionnaire du réseau de transport, les coûts supportés par le gestionnaire du réseau public de transport étant couverts selon les modalités prévues par l'article L. 321-12 du code de l'énergie.

En application des dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie, « les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission de régulation de l'énergie ».

Par courrier du 22 juillet 2016, reçu le 29 juillet 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer chargée des relations internationales sur le climat et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ont saisi la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour avis d'un projet de décret relatif à la valorisation des effacements de consommation conduisant à des économies d'énergie significatives pris en application des dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie. En même temps que ce projet de décret, la CRE a reçu communication du projet d'arrêté pris en application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie définissant les différentes catégories d'effacement de consommation.

Le présent avis comporte une présentation succincte du contenu de ce projet de décret, ainsi que les éléments d'analyse à l'appui desquels la CRE émet des propositions de modifications.

1. Contenu du projet de décret

Le projet de décret ajoute un article R. 271-10 au titre VII du livre II de la partie réglementaire du code de l'énergie. Cet article :

- précise, parmi les catégories d'effacement définies par l'arrêté pris en application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie, celle conduisant à des économies d'énergie significatives pouvant bénéficier du régime de versement mutualisé ;

- introduit la définition du taux d'économie d'énergie moyen utilisé pour définir la part du versement portée par le gestionnaire du réseau public de transport ;

- précise la part du versement portée par le gestionnaire du réseau public de transport, qui peut être comprise entre 0 % et 50 % au maximum ;

- définit le processus de proposition par l'opérateur d'effacement du taux d'économie d'énergie effectif moyen puis de validation par RTE de ce taux ;

- précise le système de régularisation et le cas échéant de pénalité en cas de divergence entre le taux d'économie d'énergie effectif moyen évalué par l'opérateur d'effacement et celui contrôlé par RTE.

Le projet d'arrêté, pris en application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie, définit trois catégories d'effacement de consommation en fonction de la puissance souscrite.

2. Analyse de la CRE

S'agissant du versement mutualisé

Les dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie prévoient que, dans le cas où les effacements sont valorisés sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement, pour les catégories d'effacement mentionnées à l'article L. 271-1 du code de l'énergie qui conduisent à des économies d'énergie significatives, une partie du versement aux fournisseurs des sites effacés n'est plus prise en charge par l'opérateur d'effacement lui-même mais par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité (RTE).

En application des dispositions de l'article L. 271-3 du code de l'énergie, le versement est défini « sur la base d'un prix de référence et des volumes d'effacement comptabilisés comme des soutirages dans le périmètre des responsables d'équilibre des fournisseurs des sites effacés ».

Le versement constitue la contrepartie, due par l'opérateur d'effacement, au transfert de blocs d'énergie ayant lieu entre le fournisseur des sites de consommation effacés et l'opérateur d'effacement. Il permet de compenser le fournisseur des sites effacés pour le volume d'énergie que l'opérateur d'effacement valorise sur les marchés ou sur le mécanisme d'ajustement, le fournisseur demeurant responsable du maintien de l'injection.

Dans sa délibération du 11 mai 2016 portant avis sur le projet de décret modifiant les dispositions règlementaires du code de l'énergie relatives aux effacements de consommation d'électricité, la CRE a précisé que faire porter au gestionnaire de réseau public de transport, et à la collectivité, une partie du versement, relevait d'un choix de politique énergétique tendant au soutien de la filière des effacements, et que, le cas échéant, il appartiendrait au gouvernement, de notifier ce dispositif à la Commission Européenne en tant qu'aide d'état.

S'agissant des catégories d'effacement pouvant bénéficier du versement mutualisé (article R. 271-10 du code de l'énergie)

Le I de l'article premier du projet de décret précise que la catégorie d'effacement conduisant à des économies d'énergie significatives, et donc au versement mutualisé, est celle pour laquelle les « effacements [sont] réalisé[s] sur un site de consommation souscrivant à une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères », soit la catégorie des effacements « diffus ».

Dans sa délibération portant approbation des règles NEBEF 2.0 du 17 décembre 2014, la CRE a demandé à RTE de poursuivre ses travaux afin de disposer d'une connaissance plus fine des reports de consommation. Dans le rapport correspondant à cette demande, publié en mars 2016 (dit « rapport de RTE »), RTE identifie des économies d'énergie pour les effacements résidentiels sur le chauffage électrique. En revanche, aucune économie d'énergie significative n'a été établie pour les sites industriels et aucune conclusion n'a pu être tirée quant aux sites tertiaires, faute de données disponibles.

La proposition faite dans le cadre du projet de décret s'agissant de la catégorie d'effacement pouvant bénéficier du versement mutualisé est cohérente avec les conclusions du rapport de RTE.

La CRE relève néanmoins qu'il n'est pas exclu que d'autres catégories d'effacements puissent également générer des économies d'énergie significatives (par exemple le chauffage électrique dans les sites tertiaires). Elle souhaite que RTE poursuive ses travaux à ce sujet. La CRE considère que la définition des catégories d'effacement prévues par l'arrêté pris en application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de l'énergie ainsi que les catégories d'effacement conduisant à des économies d'énergie significatives devraient évoluer en conséquence.

La CRE considère en conséquence que le projet de décret ainsi que le projet d'arrêté, prévus respectivement par l'article L. 271-3 et l'article L. 271-1 du code de l'énergie, devraient inclure dès à présent une clause de révision, en particulier à la suite de la remise par la CRE du rapport prévu par l'article L. 271-3 du code de l'énergie (1).

S'agissant de la définition du taux d'économie d'énergie (article R. 271-10 du code de l'énergie)

Le projet de décret, tel que soumis à l'avis de la CRE, prévoit la mise en œuvre de barèmes liant le taux d'économie d'énergie moyen et la part du versement portée par le gestionnaire du réseau public de transport.

L'article L. 271-1 du code de l'énergie dispose que « l'effacement peut avoir pour effet d'augmenter la consommation du site de consommation effacé avant ou après la période d'effacement. La part de consommation d'électricité effacée qui n'est pas compensée par ces effets et qui n'est pas couverte par de l'autoproduction est une économie d'énergie. »

Dans son rapport, RTE souligne la difficulté liée à la mesure d'un taux d'économie d'énergie, notamment parce que « le taux d'économie d'énergie est très sensible à la définition du report de consommation », ce dernier pouvant être fondé sur les baisses des consommations constatées ou sur les ordres d'effacement.

RTE considère qu'afin de déterminer le taux d'économie d'énergie associé à un effacement, « la convention de calcul fondée sur les consommations constatées […] permet de saisir l'intégralité du phénomène physique « vu du système électrique » en s'affranchissant de toute donnée basée sur les ordres d'effacement ».

La CRE est favorable à l'utilisation d'une méthode de calcul fondée sur les baisses de consommation constatées. Ainsi, l'économie d'énergie associée à un effacement se mesure par rapport à la baisse de consommation effective d'un site, et indépendamment de la stratégie de valorisation de l'effacement sur le marché par l'opérateur d'effacement.

En conséquence, la CRE considère que la définition du taux d'économie d'énergie moyen telle que mentionnée au quatrième alinéa du II de l'article 1er du projet de décret devrait être clarifiée. La CRE propose de modifier la définition proposée dans le projet de décret de la façon suivante : « Le taux d'économie d'énergie moyen […] est assis sur la contribution de l'effacement de consommation à la diminution constatée de la consommation d'un consommateur par rapport à sa consommation de référence, en tenant compte des augmentations de la consommation de ce même consommateur qui précèderaient ou suivraient ces baisses constatées ».

S'agissant du barème relatif à la part de versement versée par le gestionnaire du réseau public de transport (nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie)

Le III du nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie, tel qu'il résulterait du projet soumis à l'avis de la CRE, détermine la part du versement prise en charge par RTE selon le taux d'économie d'énergie moyen.

Le décret prévoit quatre parts de versement porté par le gestionnaire du réseau public de transport, fonction de tranches d'économie d'énergie :

- si le taux d'économie d'énergie moyen est inférieur à 20 %, la part de versement portée par RTE est nulle ;

- si le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur ou égal à 20 % et inférieur à 35 %, la part de versement portée par RTE est de 20 % ;

- si le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur ou égal à 35 % et inférieur à 50 %, la part de versement portée par RTE est de 35 % ;

- si le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur ou égal à 50 %, la part de versement portée par RTE est de 50 %.

La CRE est favorable au principe de barèmes permettant de définir la part de versement portée par RTE, notamment au fait de retenir la valeur minimale de l'intervalle du taux d'économie d'énergie moyen comme valeur de la part de versement portée par RTE. En effet, l'article L. 271-3 du code de l'énergie prévoit que « la part versée par le gestionnaire du réseau public de transport […] ne peut excéder la part d'effacement mentionnée au même article L. 271-1 qui conduit à des économies d'énergie ».

En outre, le rapport de RTE met en évidence une grande variabilité du taux de report de consommation selon la méthode de construction de la courbe de référence de consommation retenue. Cette variabilité est du même ordre de grandeur que l'intervalle des tranches d'économie d'énergie définies dans le projet de décret.

La CRE n'est en conséquence pas favorable à la mise en œuvre de quatre tranches d'économie d'énergie conduisant à des parts de versement versé par RTE différentes. La CRE est favorable à un dispositif fondé sur un barème simplifié ne présentant qu'un seuil unique d'économie d'énergie au-delà duquel le versement mutualisé serait mis en œuvre.

Le rapport de RTE conclut que les taux de report peuvent varier de 45 % à 75 % selon les méthodes proposées, les taux d'économie d'énergie pouvant par conséquent aller de 25 % à 55 %. La CRE recommande un taux d'économie d'énergie moyen unique de 40 %, correspondant au milieu de cet intervalle.

La CRE propose donc de retenir le barème suivant : si le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur ou égal à 40 %, la part de versement portée par RTE sera de 40 %. Dans le cas contraire, la part de versement versée par RTE sera nulle.

S'agissant de la proposition par l'opérateur d'effacement du taux d'économie d'énergie puis de la validation de ce taux par RTE (nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie)

Le projet de décret prévoit que l'opérateur d'effacement souhaitant bénéficier du versement mutualisé « déclare le taux d'économie d'énergie moyen auquel conduisent les effacements pour lesquels il demande à bénéficier du régime dérogatoire de versement » (article R. 271-10, II du code de l'énergie). A la suite de cette déclaration, le versement mutualisé est appliqué immédiatement, la part du versement versée par RTE étant fonction du taux d'économie d'énergie déclaré par l'opérateur. « L'opérateur d'effacement évalue a posteriori le taux d'économie d'énergie effectif moyen auquel ont conduit ses effacements, selon une méthode qu'il propose. La méthodologie est validée et le taux contrôlé par le gestionnaire du réseau public de transport » (article R. 271-10 du code de l'énergie, IV). Ce contrôle ex-post nécessite la mise en place d'un système de régularisation et le cas échéant de pénalités, tel que précisé au troisième alinéa du IV du nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie.

La CRE considère que la mise en place d'un versement mutualisé sur la base d'une déclaration de l'opérateur d'effacement n'est pas appropriée. Ainsi, afin d'éviter tout paiement, non contrôlé par RTE, à l'opérateur d'effacement, la CRE recommande la mise en place d'un contrôle ex-ante :

- l'opérateur d'effacement ayant fait une demande à RTE relative au versement mutualisé ne bénéficie du régime de versement mutualisé qu'une fois le contrôle de la méthode et du taux d'économie d'énergie effectué et validé par RTE ;

- pour une première demande, une mise en œuvre rétroactive du versement mutualisé à la date de la demande pourrait être envisagée.

Un processus de contrôle ex-ante permet par ailleurs d'éviter le recours au processus de régularisation et de pénalité en cas de divergence entre le taux d'économie d'énergie déclaré par l'opérateur d'effacement et le taux contrôlé par RTE.

A cette fin, la CRE propose de modifier le nouvel article R. 271-10 du code de l'énergie comme suit :

- le troisième alinéa du II (« pour chaque catégorie mentionnée au premier alinéa, l'opérateur d'effacement déclare le taux d'économie d'énergie moyen auquel conduisent les effacements pour lesquels il demande à bénéficier du régime dérogatoire de versement. ») serait supprimé ;

- le terme « a posteriori » de la première phrase du premier alinéa du IV serait supprimé ;

- le paragraphe suivant serait ajouté après le deuxième alinéa du IV : « La mise en place du régime dérogatoire de versement prévu à l'article L. 271-3 du code de l'énergie sera effective dès que le taux d'économie d'énergie évalué par l'opérateur d'effacement aura été validé par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité. Lors d'une première demande de mise en place versement mutualisé, Une mise en œuvre rétroactive du versement mutualisé à la date de la demande peut être envisagée, à la demande de l'opérateur d'effacement » ;

- le dernier alinéa du IV serait supprimé (« La part de versement mutualisé fait l'objet d'une régularisation en fonction du taux d'économie d'énergie effectif moyen évalué par l'opérateur, le cas échéant corrigé après contrôle par le gestionnaire du réseau public de transport. Si le taux moyen corrigé est inférieur au taux moyen déclaré et correspond à une part de versement différente, l'opérateur d'effacement est redevable d'une pénalité financière envers le gestionnaire du réseau public de transport. Le montant de cette pénalité est défini par les règles prévues à l'article R. 271-3. Le montant des pénalités perçues par le gestionnaire du réseau public de transport et déduit des coûts à couvrir mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 271-3. »).

La CRE considère qu'en outre, le projet de décret devrait être plus précis sur les dispositions applicables dans le cas où RTE ne valide pas l'évaluation du taux d'économie d'énergie de l'opérateur d'effacement. Ainsi, le décret devrait préciser que : « Lorsque la méthodologie proposée par l'opérateur d'effacement n'est pas conforme au cadre d'analyse défini dans les règles prévues par l'article L. 271-2 du code de l'énergie, le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité transmet à l'opérateur d'effacement la liste des points sur lesquels portent ces non-conformités, et demande à ce dernier d'apporter les modifications nécessaires à sa méthodologie, dans un délai donné. Si les modifications apportées par l'opérateur d'effacement ne permettent pas au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité de valider la méthodologie, celui-ci peut alors proposer à l'opérateur d'effacement une autre méthodologie, respectant ce cadre d'analyse et adaptée aux effacements réalisés par l'opérateur d'effacement. »

3. Avis de la CRE

La CRE rend un avis défavorable sur le projet de décret relatif à la valorisation des effacements de consommation conduisant à des économies d'énergie significatives pris en application de l'article L. 271-3 du code de l'énergie, tel qu'il lui a été soumis.

Elle demande que le projet de décret soit modifié afin de :

- inclure une clause de révision des catégories d'effacement pouvant bénéficier du versement mutualisé, notamment à l'issue de la publication du rapport de la CRE mentionné à l'article L. 271-3 du code de l'énergie ;

- préciser la définition du taux d'économie d'énergie ;

- simplifier le barème de versement mutualisé en mettant en place une part unique de versement versée par RTE à hauteur de 40 % pour tous les effacements conduisant à un taux d'économie d'énergie supérieur ou égal à 40 %, la part de versement versée par RTE étant nulle dans les autres cas ;

- mettre en œuvre des modalités de contrôle ex-ante du taux d'économie d'énergie moyen proposé par chaque opérateur d'effacement.