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JOn° 295 du 20/12/2013 texte numéro 146
2.1.2. Le fait de ne pas être propriétaire des actifs
ne constitue pas en soi un obstacle à une rémunération assise sur la valeur des actifs
L'examen des cadres de régulation européens montre une grande diversité des situations quant à l'actionnariat des gestionnaires de réseaux de distribution, à la propriété des actifs et à leur financement.
Les études précitées ont permis d'identifier deux autres cas que la France dans lesquels les actifs, en tout ou partie, ne sont pas la propriété des gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) et font l'objet d'un régime de concession :
― au Portugal, les actifs sont la propriété de l'Etat ou des collectivités territoriales selon leur niveau de tension. Ils sont gérés dans le cadre de contrats de concession par le GRD, qui finance l'intégralité des investissements ;
― en Italie, les actifs sont en partie détenus par les opérateurs et en partie par les collectivités locales. Les GRD les exploitent au travers d'un contrat de concession et financent la majorité des investissements sur le réseau.
Dans le cas de l'Allemagne, les actifs sont gérés dans le cadre de contrats de concession avec les collectivités territoriales, mais sont la propriété du GRD ou de l'entreprise verticalement intégrée (EVI) à laquelle il appartient.
En République tchèque, les collectivités locales détiennent une partie des actifs et financent une partie des investissements. Ces actifs sont exploités par les GRD dans le cadre de contrats de location mais ne sont pas inclus dans la BAR.
Néanmoins, les travaux menés par la CRE n'ont pas mis en lumière l'existence de mécanisme similaire au système français avec des niveaux significatifs d'investissements sous maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales.
Dans tous ces pays, la couverture des charges de capital par le tarif d'utilisation des réseaux de distribution s'appuie sur l'application d'un taux de rémunération du capital à une BAR.
2.1.3. Les modalités de calcul de la BAR
ne tiennent en général pas compte du régime de propriété des actifs
En Italie et au Portugal, les actifs concédés sont inclus dans la BAR.
Dans la plupart des pays européens, les investissements financés par les tiers, tels que les raccordements, sont déduits de la BAR. Cependant, en Italie et en République tchèque, les frais de raccordement sont inclus avec une décote de 80 %.
2.1.4. Un niveau de rémunération fondé sur un échantillon
de comparables ou sur la théorie économique
Selon l'étude du CEER, 18 régulateurs sur 20 utilisent la méthodologie du coût moyen pondéré du capital pour déterminer le taux de rémunération. Ils se basent presque tous sur des paramètres calculés de façon normative à partir d'un échantillon de comparables cotés ou à l'aide de la théorie économique. Seules l'Allemagne et la Lettonie prennent en compte la structure effective du passif du GRD (au-delà d'un taux de levier fixé à 60 % dans le cas de l'Allemagne).
2.2. Le régime des concessions de distribution publique
d'électricité et sa traduction dans le bilan d'ERDF
Depuis la loi du 5 avril 1884 relative à l'organisation municipale, les communes sont compétentes pour organiser les services publics locaux, dont la distribution d'électricité est partie intégrante. Cette loi a, depuis, été modifiée plusieurs fois et codifiée dans le code général des collectivités territoriales.
Ce rôle d'autorité concédante a été confirmé par l'article 6 de la loi du 15 juin 1906 relative à la distribution publique d'électricité, qui a fait des communes et des syndicats formés de plusieurs communes les premières autorités concédantes de la distribution publique d'électricité. Cette même loi a également fait de la concession le principal mode de gestion du service public de la distribution d'électricité.
La loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz puis la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ont maintenu ce mode de gestion de la distribution publique d'électricité par les autorités concédantes. Ces lois ont depuis été modifiées plusieurs fois et codifiées dans le code de l'énergie.
L'article L. 111-52 dispose que « les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité sont, dans leurs zones de desserte exclusives respectives : la société gestionnaire des réseaux publics de distribution issue de la séparation entre les activités de gestion de réseaux publics de distribution et les activités de production ou de fourniture exercées par Electricité de France [...]. »
L'article L. 322-1 de ce même code dispose que « les autorités organisatrices d'un réseau public de distribution sont définies à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. [...] La concession de la gestion d'un réseau public de distribution d'électricité est accordée par ces autorités organisatrices ».
L'article L. 322-2 dispose que « le gestionnaire d'un réseau public de distribution d'électricité exerce ses missions dans les conditions fixées par un cahier des charges pour les concessions [...]. »
L'article L. 322-4 dispose que, « sous réserve des dispositions de l'article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution [...] appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, la société gestionnaire du réseau public de distribution, issue de la séparation juridique imposée à Electricité de France par l'article L. 111-57, est propriétaire de la partie des postes de transformation du courant de haute ou très haute tension en moyenne tension qu'elle exploite. »
L'article L. 322-6 dispose que « les autorités organisatrices du réseau public de distribution d'électricité ont la faculté de faire exécuter en tout ou en partie à leur charge, les travaux de premier établissement, d'extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution. Les dispositions relatives à la maîtrise d'ouvrage par ces autorités sont énoncées aux articles L. 2224-31 et L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales ».
Les autorités organisatrices du réseau public de distribution d'électricité (appelées ci-après « les concédants ») sont donc propriétaires des réseaux publics de distribution (à l'exception des postes de transformation HTB/HTA qui sont la propriété d'ERDF) et concèdent leur gestion à ERDF au travers de contrats de concession. Les concédants exercent également la maîtrise d'ouvrage de certains travaux sur les réseaux (principalement sur les réseaux BT en zone rurale), ERDF restant maître d'ouvrage de la majorité des travaux (principalement sur les réseaux BT en zone urbaine et les réseaux HTA).
Ces spécificités ont des conséquences comptables comme l'illustrent les postes spécifiques du bilan définis dans l'annexe des comptes sociaux d'ERDF de 2012.
EXTRAITS DE L'ANNEXE DES COMPTES SOCIAUX D'ERDF DE 2012
Immobilisations du domaine propre :
« L'essentiel des immobilisations du domaine propre est constitué des postes sources et des ouvrages nécessaires à leur exploitation (certains ouvrages des agences de conduite régionale notamment). »
Immobilisations du domaine concédé :
« De par la loi, ERDF est le concessionnaire unique chargé de l'essentiel des réseaux de distribution publique en France, dont les concédants sont les collectivités locales (communes ou syndicats de communes). Le reste du territoire (5 % des points de livraison) est desservi par les distributeurs non nationalisés (régies, SICAE...).
L'enregistrement de l'ensemble des biens de la concession est porté à l'actif du bilan quelle que soit la maîtrise d'ouvrage (ouvrages construits ou achetés par ERDF, et ouvrages remis par les concédants) et l'origine du financement. La société :
― exploite les ouvrages à ses risques et périls sur toute la durée de la concession ;
― assume la majeure partie des risques et avantages, tant techniques qu'économiques sur la durée de vie de l'infrastructure du réseau. »
Comptes spécifiques des concessions :
« Ces passifs sont représentatifs des droits et obligations contractuels des cahiers des charges des concessions et sont annuellement présentés aux concédants :
― l'amortissement constitué sur la partie des biens financés par le concédant, s'agissant des biens pour lesquels ERDF est maître d'ouvrage du renouvellement ;
― la provision pour renouvellement, assise sur la différence entre la valeur de renouvellement à capacité et fonctionnalités identiques à la date d'arrêté des comptes et la valeur d'origine, pour les seuls biens renouvelables avant le terme de la concession ;
― le financement du concessionnaire non amorti, comptabilisé en valeur historique, les contrats prévoyant par ailleurs que ce financement fasse l'objet d'une réévaluation en cas de fin de concession.
Lors du renouvellement des biens, la provision et l'amortissement du financement du concédant constitués au titre du bien remplacé sont soldés et comptabilisés en droits sur les biens existants, étant considérés comme un financement du concédant sur le nouveau bien. L'excédent éventuel de provision est repris en résultat.
Pendant la durée de la concession, les droits du concédant sur les biens à renouveler se transforment donc au remplacement effectif du bien, sans sortie de trésorerie au bénéfice du concédant, en droit du concédant sur les biens existants.
Dans ces conditions, les droits du concédant à récupérer gratuitement les biens existants croissent au fur et à mesure du renouvellement des biens.
Les comptes de passifs spécifiques des concessions comprennent les droits sur les biens existants et l'amortissement constitué sur la partie des biens financés par le concédant au titre des biens à renouveler. »
Provision pour renouvellement :
« Cette provision, destinée au renouvellement des ouvrages avant le terme de la concession, est assise sur la différence entre la valeur de remplacement de ceux-ci à fonctionnalités et capacité identiques et leur valeur d'origine. Elle est constituée sur la durée de vie de l'ouvrage et vient compléter les charges d'amortissement industriel.
La valeur de remplacement fait l'objet, au 31 décembre de l'exercice, d'une revalorisation sur la base d'indices spécifiques à la profession issus de publications officielles. L'incidence de cette revalorisation est répartie sur la durée de vie résiduelle des ouvrages concernés. »
Le haut de bilan d'ERDF peut ainsi être schématisé de la façon suivante (montants à fin 2012) :
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(*) Les actifs « réputés financés par ERDF » correspondent au montant du financement du concessionnaire non amorti, tel que présenté dans les comptes sociaux d'ERDF.
(**) Cette distinction entre, d'une part, les actifs remis par les concédants et les tiers et, d'autre part, les affections de provisions pour renouvellement et d'amortissements du financement des concédants résulte d'une analyse extracomptable.
(***) Il s'agit de biens « réputés financés par les concédants » car, lors du renouvellement des biens, la provision et l'amortissement du financement des concédants constitués au titre du bien remplacé sont considérés comme un financement du concédant sur le nouveau bien. Ce montant peut également être qualifié de « droits des concédants sur les actifs existants ».
2.3. La prise en compte des spécificités du régime des concessions
de distribution publique d'électricité dans le calcul des charges de capital
2.3.1. Un cadre tarifaire qui incite à l'investissement
Le taux de rémunération marginal des nouveaux investissements correspond au surcroît de rémunération rapporté au montant d'un nouvel investissement (11).
Ce taux de rémunération marginal des nouveaux investissements peut être comparé au rendement qu'il serait possible d'obtenir, à niveau de risque équivalent, en affectant différemment les ressources financières.
On peut ainsi définir le coût d'opportunité du capital comme le taux en deçà duquel un investisseur considère qu'il n'a pas intérêt à affecter ses ressources au projet considéré.
Au-delà des critères de stabilité et de lisibilité, il convient que la rémunération des nouveaux investissements couvre le coût d'opportunité du capital ainsi défini, à défaut de quoi le gestionnaire de réseau pourrait à terme être incité à investir à un niveau inférieur à celui permettant d'assurer une qualité de service optimale aux utilisateurs.
(11) Dans le cadre des approches adoptées classiquement par les autres régulateurs européens, le taux de rémunération marginal des nouveaux investissements est égal au coût moyen pondéré du capital (CMPC).
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