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Décision du Conseil constitutionnel sur le compte de campagne de M. Vojetta
(AN, FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE [5E CIRC.])
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 avril 2025 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 31 mars 2025), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Stéphane VOJETTA, candidat aux élections qui se sont déroulées les 30 juin et 7 juillet 2024, dans la 5e circonscription des Français établis hors de France, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2025-6566 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour M. VOJETTA par Me Jérôme Leron, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 23 avril 2025 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu M. VOJETTA et son conseil ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :
- Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation, payées directement par le candidat ou à son profit, font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, tel qu'apprécié à la lumière de ces dispositions, c'est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l'article L. 52-11 du même code.
- L'article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné.
- Le compte de campagne de M. VOJETTA a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 31 mars 2025 au motif qu'une part substantielle des dépenses engagées en vue de l'élection a été réglée irrégulièrement postérieurement à la désignation de son mandataire, en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral.
- D'une part, si M. VOJETTA se prévaut du dispositif spécifique de remboursement des frais de transport exposés par un candidat pour les besoins de la campagne électorale à l'intérieur d'une des circonscriptions des Français établis hors de France, en application de l'article L. 330-9 du code électoral, ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre aux candidats de déroger aux dispositions des articles L. 52-4 et L. 330-6-1 relatives au paiement par le mandataire des dépenses ayant un caractère électoral.
- D'autre part, il n'y a pas lieu de requalifier en « concours en nature » certains frais de transport que le candidat a inscrits à son compte de campagne comme des dépenses réglées par son mandataire, et qui, engagées par le candidat, lui ont été ultérieurement remboursées sans utiliser le compte de dépôt unique du mandataire financier.
- Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. VOJETTA.
- En vertu du troisième alinéa de l'article LO 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
- Les dépenses payées postérieurement à la désignation du mandataire financier sans faire usage du compte de dépôt unique du mandataire financier ont porté sur un montant de 7 224 euros représentant 37 % des dépenses engagées et 10,5 % du plafond des dépenses autorisées.
- En outre, si M. VOJETTA fait valoir les circonstances particulières liées à la dissolution de l'Assemblée nationale, les difficultés rencontrées pour obtenir l'ouverture d'un compte bancaire auprès de l'établissement auquel il s'était initialement adressé, ainsi que la nécessité d'exposer sans attendre les dépenses pour lancer sa campagne, il ne justifie pas que son mandataire financier ait accompli toutes les diligences nécessaires pour obtenir l'ouverture d'un tel compte auprès d'autres établissements bancaires.
- Dès lors, compte tenu du caractère substantiel de la règle ainsi méconnue, il y a lieu de prononcer, en application de l'article LO 136-1 du code électoral, l'inéligibilité de M. VOJETTA à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision et de le déclarer démissionnaire d'office.
Le Conseil constitutionnel décide :
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