JORF n°0166 du 19 juillet 2025

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Article 385 du code de procédure pénale déclaré inconstitutionnel

Résumé Le Conseil constitutionnel juge que les règles qui obligent un accusé à prouver une irrégularité avant d’expliquer son histoire sont injustes et violent ses droits à la défense.
Mots-clés : Constitution Droit pénal Question prioritaire

(MME SOPHIE G.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 mai 2025 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 728 du 6 mai 2025), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Sophie G. par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2025-1149 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des quatrième et dernier alinéas de l'article 385 du code de procédure pénale.
Au vu des textes suivants :

- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

- les observations présentées pour la requérante par la SCP Spinosi, enregistrées le 28 mai 2025 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu : Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la requérante, et M. Benoît Camguilhem, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 juillet 2025 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :

  1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des quatrième et dernier alinéas de l'article 385 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 15 juin 2000 mentionnée ci-dessus.

  2. L'article 385 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, est relatif à la compétence du tribunal correctionnel. Ses quatrième et dernier alinéas prévoient :

  3. « Lorsque la procédure dont il est saisi n'est pas renvoyée devant lui par la juridiction d'instruction, le tribunal statue sur les exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure.
    « Dans tous les cas, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond »..

  4. La requérante reproche à ces dispositions de priver le prévenu n'ayant pu avoir connaissance d'un moyen de nullité de la procédure avant sa défense au fond devant le tribunal correctionnel de la possibilité de l'invoquer pour la première fois en cause d'appel. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif.

  5. Elle soutient en outre que ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, les prévenus directement cités devant le tribunal correctionnel, qui seraient privés de la possibilité de présenter des moyens de nullité dont ils n'ont pas eu connaissance avant l'audience et, d'autre part, ceux ayant fait l'objet d'une instruction préparatoire, qui bénéficient de certaines dérogations à la purge des nullités. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice.

  6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le dernier alinéa de l'article 385 du code de procédure pénale.

- Sur le fond :

  1. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en résulte qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction et que doit être assuré le respect des droits de la défense.
  2. Selon l'article 385 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure, sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par une juridiction d'instruction.
  3. Les dispositions contestées prévoient que, dans tous les cas, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que de telles exceptions sont irrecevables si elles n'ont pas été soulevées avant toute défense au fond devant le tribunal correctionnel. Elles ne peuvent pas non plus être présentées pour la première fois en appel.
  4. Ces dispositions permettent au prévenu, jusqu'à la présentation de sa défense au fond devant le tribunal correctionnel, de soulever les moyens tirés de la nullité de la procédure antérieure dont il a pu avoir connaissance, sous réserve des conditions applicables en cas d'instruction préparatoire.
  5. Toutefois, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient d'exception à la règle de forclusion opposable à de tels moyens de nullité dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité d'un acte ou d'une pièce de procédure qu'après s'être défendu au fond.
  6. Dès lors, les dispositions contestées méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense.
  7. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution.

- Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :

  1. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières.
  2. En l'espèce, d'une part, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur.
  3. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision lorsque la forclusion a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant que le prévenu présente sa défense au fond. Il reviendra alors à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité.

Le Conseil constitutionnel décide :


Historique des versions

Version 1

(MME SOPHIE G.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 mai 2025 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 728 du 6 mai 2025), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Sophie G. par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2025-1149 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des quatrième et dernier alinéas de l'article 385 du code de procédure pénale.

Au vu des textes suivants :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ;

- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

- les observations présentées pour la requérante par la SCP Spinosi, enregistrées le 28 mai 2025 ;

- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;

- les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu : M

e

Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la requérante, et M. Benoît Camguilhem, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 juillet 2025 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :

1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des quatrième et dernier alinéas de l'article 385 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 15 juin 2000 mentionnée ci-dessus.

2. L'article 385 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, est relatif à la compétence du tribunal correctionnel. Ses quatrième et dernier alinéas prévoient :

2. « Lorsque la procédure dont il est saisi n'est pas renvoyée devant lui par la juridiction d'instruction, le tribunal statue sur les exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure.

« Dans tous les cas, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond »..

3. La requérante reproche à ces dispositions de priver le prévenu n'ayant pu avoir connaissance d'un moyen de nullité de la procédure avant sa défense au fond devant le tribunal correctionnel de la possibilité de l'invoquer pour la première fois en cause d'appel. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif.

4. Elle soutient en outre que ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, les prévenus directement cités devant le tribunal correctionnel, qui seraient privés de la possibilité de présenter des moyens de nullité dont ils n'ont pas eu connaissance avant l'audience et, d'autre part, ceux ayant fait l'objet d'une instruction préparatoire, qui bénéficient de certaines dérogations à la purge des nullités. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice.

5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le dernier alinéa de l'article 385 du code de procédure pénale.

- Sur le fond :

6. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en résulte qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction et que doit être assuré le respect des droits de la défense.

7. Selon l'article 385 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure, sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par une juridiction d'instruction.

8. Les dispositions contestées prévoient que, dans tous les cas, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que de telles exceptions sont irrecevables si elles n'ont pas été soulevées avant toute défense au fond devant le tribunal correctionnel. Elles ne peuvent pas non plus être présentées pour la première fois en appel.

9. Ces dispositions permettent au prévenu, jusqu'à la présentation de sa défense au fond devant le tribunal correctionnel, de soulever les moyens tirés de la nullité de la procédure antérieure dont il a pu avoir connaissance, sous réserve des conditions applicables en cas d'instruction préparatoire.

10. Toutefois, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient d'exception à la règle de forclusion opposable à de tels moyens de nullité dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité d'un acte ou d'une pièce de procédure qu'après s'être défendu au fond.

11. Dès lors, les dispositions contestées méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense.

12. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution.

- Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :

13. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières.

14. En l'espèce, d'une part, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur.

15. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision lorsque la forclusion a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant que le prévenu présente sa défense au fond. Il reviendra alors à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité.

Le Conseil constitutionnel décide :