JORF n°0302 du 30 décembre 2015

Après avoir entendu publiquement :

- le 14 septembre 2015, M. de Tavernost, M. Bony, Mme Chabert et M. Curiel pour la société Métropole Télévision ;
- le 22 octobre 2015, les tiers en ayant fait la demande ;
- les 3 et 4 décembre 2015, les tiers en ayant fait la demande à la suite de la publication de l'étude d'impact ;
- le 10 décembre 2015, M. de Tavernost, M. Bony, M. Valentin, M. Curiel et Mme Bouton pour la société Métropole Télévision ;

  1. Considérant que, par la décision n° 2003-317 du 10 juin 2003 susvisée, prorogée par la décision n° 2012-480 du 15 mai 2012, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Paris Première à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé Paris Première ; que par la lettre du 17 juillet 2015 susvisée, la société Métropole Télévision, à laquelle appartient la société Paris Première, a actualisé sa demande initiale du 18 février 2014 par laquelle elle sollicite du Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur le fondement des dispositions du 4e alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, son agrément sur la modification des modalités de financement du service de télévision Paris Première ;
    Sur le cadre juridique applicable :
  2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 5, paragraphe 2 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques : « Sans préjudice des critères et procédures particuliers adoptés par les Etats membres pour octroyer le droit d'utilisation des radiofréquences à des fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion en vue de poursuivre des objectifs d'intérêt général conformément à la législation communautaire, les droits d'utilisation de radiofréquences et de numéros sont octroyés par le biais de procédures ouvertes, objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées et, dans le cas des radiofréquences, conformément aux dispositions de l'article 9 de la directive 2002/21/CE (directive « Cadre »). Les procédures peuvent, exceptionnellement, ne pas être ouvertes lorsque l'octroi de droits individuels d'utilisation de radiofréquences aux fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion est nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général défini par les Etats membres conformément à la législation communautaire » ;
  3. Considérant qu'aux termes du 4e alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 : « Sous réserve du respect des articles 1er et 3-1, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, par décision motivée, donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu'elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers. Préalablement à sa décision, il procède à une étude d'impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il procède aussi à l'audition publique du titulaire et entend les tiers qui le demandent. Cette modification de l'autorisation peut être agréée si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte » ;
  4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la même loi : « La communication au public par voie électronique est libre./L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la protection de l'enfance et de l'adolescence, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle (…) » ;
  5. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la même loi : « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, garantit l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi. Il assure l'égalité de traitement ; il garantit l'indépendance et l'impartialité du secteur public de la communication audiovisuelle ; il veille à favoriser la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu'à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture françaises (…) » ;
  6. Considérant que, d'après la décision précitée du Conseil d'Etat : « le second alinéa de l'article 5, paragraphe 2 de la directive du 7 mars 2002 permet en tout état de cause aux Etats membres, à titre exceptionnel, d'octroyer sans recourir à une procédure ouverte des droits d'utilisation de radiofréquences pour la diffusion de services de télévision lorsque cela est nécessaire pour atteindre un objectif d'intérêt général défini dans le respect du droit de l'Union ; qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 15 novembre 2013 qu'en permettant au CSA d'agréer la modification, en ce qui concerne le recours ou non à une rémunération de la part des usagers, de l'autorisation afférente à un service de communication audiovisuelle, le législateur a tenu compte de l'échec du modèle économique de distribution payante défini par l'autorité de régulation lors du lancement de la télévision numérique terrestre et de l'intérêt qui peut s'attacher, au regard de l'impératif fondamental de pluralisme et de l'intérêt du public, à la poursuite de la diffusion d'un service ayant opté pour ce modèle ; qu'il appartient au CSA, saisi d'une demande d'agrément, d'apprécier, en tenant compte du risque de disparition du service exploité par le demandeur, des risques qu'une modification de ses conditions de financement ferait peser sur la poursuite de l'exploitation d'autres services et des contributions respectives de ces services au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes, si, en raison notamment de l'absence de fréquence disponible, l'impératif de pluralisme et l'intérêt du public justifient de ne pas recourir à une procédure ouverte ; que, lorsque cette condition est remplie, la modification de l'autorisation doit être regardée comme nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général et entre ainsi dans le champ des dispositions du paragraphe 2 de l'article 5 de la directive du 7 mars 2002 qui permettent à titre exceptionnel de ne pas recourir à une procédure ouverte ; »
    Sur l'intérêt qui peut s'attacher, au regard de l'impératif fondamental de pluralisme et de l'intérêt du public, à permettre la diffusion du service Paris Première sur le secteur de la TNT gratuite sans recourir à une procédure ouverte :
    En ce qui concerne le risque de disparition du service Paris Première en cas de maintien de ce service sur la TNT payante :
  7. Considérant qu'à l'appui de sa demande actualisée, la société Métropole Télévision fait valoir que, tout en conservant une part d'audience stable sur la période 2009-2014, la chaîne Paris Première a souffert de la baisse structurelle du chiffre d'affaires publicitaire des chaînes du câble, du satellite et de la TNT payante qui résulte, selon elle, de la concurrence des chaînes autorisées sur la TNT gratuite en 2005 puis en 2012 ; qu'en outre, elle souligne que la composition plus équilibrée du chiffre d'affaires de Paris Première la rend plus dépendante de la publicité que la moyenne des chaînes dites du câble et du satellite ; que les recettes publicitaires de cette chaîne ont chuté de […] % entre 2008 et 2014 et ce, malgré deux années de hausse continue en 2010 et 2011 ; qu'elle observe que son résultat d'exploitation a été divisé par […] entre 2008 et 2014, avec notamment une baisse de […] % entre 2013 et 2014 ; qu'elle expose qu'afin de maintenir son équilibre financier, la chaîne a dû réduire ses frais de fonctionnement ; qu'elle déclare ne plus posséder de levier significatif de réduction de ses coûts, en dehors de ceux liés aux modalités de sa diffusion ;
  8. Considérant par ailleurs que la société demanderesse souligne que le modèle économique de distribution payante de chaînes de la TNT est un échec ; que l'objectif initialement fixé en 2001 de deux millions d'abonnés au bouquet thématique à l'horizon 2011 n'a jamais été atteint, le nombre d'abonnés étant descendu à […] fin mars 2015 après un pic à […] abonnés en 2011 ; qu'il est soutenu que, dans ces conditions, Paris Première devrait s'installer dans une période d'exercices déficitaires dès 2017 ;
  9. Considérant toutefois qu'il ressort de l'étude d'impact que la part d'audience de Paris Première est restée stable sur la période 2009-2014 ; que, bien que le résultat d'exploitation de Paris Première ait diminué par rapport au plafond qu'il avait atteint en […], il demeure néanmoins constamment positif depuis 2005 ; que si la société Métropole Télévision soutient qu'en cas de refus de sa demande, la chaîne Paris Première pourrait être amenée à devoir réduire ses coûts en raison d'une dégradation progressive de sa situation économique, il résulte cependant de l'instruction qu'un refus d'agrément d'une modification des modalités de financement de cette chaîne ne porterait pas atteinte à sa viabilité économique et ne conduirait donc pas à sa disparition, dès lors, notamment, que sa notoriété à l'égard des distributeurs devrait concourir au maintien de son activité ; qu'à cet égard, la société demanderesse n'établit pas que les contrats de distribution de la chaîne Paris Première ne seraient pas pérennes pour l'année 2016 ou encore qu'elle ne serait pas distribuée en 2016 ; que le risque de disparition, même à moyen terme, du service en cas de refus d'agrément n'est pas avéré ; que par ailleurs, si l'arrivée sur la TNT gratuite du service LCI, actuellement distribué sur la TNT payante, est susceptible de remettre en question la distribution de Paris Première par l'offre « Minipack », cette seule circonstance ne remet pas en cause l'analyse qui précède dès lors qu'elle n'est pas susceptible, par elle-même, de conduire à la disparition du service Paris Première ;
  10. Considérant que, dans ces conditions, en dépit de l'échec économique du modèle de distribution payante sur la TNT souligné par la société demanderesse, qui n'affecte qu'une partie très faible de son activité, le maintien du mode de financement payant de Paris Première ne conduirait pas à une disparition de ce service, ni à court, ni à moyen terme ; qu'en cas de refus de la demande d'agrément, Paris Première pourrait donc continuer à être exploité par sa société éditrice ;
    En ce qui concerne les risques qu'une modification des conditions de financement du service Paris Première ferait peser sur la poursuite de l'exploitation d'autres services :
  11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la chaîne Paris Première peut, du fait de sa programmation, être considérée comme une chaîne proche d'une chaîne généraliste se décrivant comme à vocation culturelle ; que son arrivée sur la TNT gratuite serait, de ce fait, de nature à avoir une influence sur la diffusion de plusieurs services, sur la plateforme gratuite comme sur la plateforme payante ;
  12. Considérant, en premier lieu, que l'Association des chaînes conventionnées éditrices de services (ACCeS) fait valoir, sans être valablement contredite, que la sortie de la chaîne Paris Première de l'univers payant, qui rencontre déjà d'incontestables difficultés économiques, financières et d'audience, aurait un effet négatif sur l'attractivité de l'offre payante en raison de la notoriété de cette chaîne ;
  13. Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'étude d'impact que, parmi les chaînes pouvant voir leur audience ou leur revenus publicitaires affectés, certaines sont plus exposées en raison de points de faiblesse liés à leur situation déficitaire ou à leur démarrage récent ; qu'en particulier, l'arrivée de Paris Première sur la TNT gratuite pourrait contribuer à accroître les difficultés financières des services NRJ 12 et Chérie 25 en les […] leur seuil de rentabilité ; que le pôle Télévision du groupe NRJ, à qui ces deux chaînes appartiennent, présente un déficit d'exploitation de 24,6 millions d'euros en 2014, en augmentation de 12,3 % par rapport à 2013 ; que l'impact de la modification des modalités de financement de Paris Première sur chacune des deux chaînes du groupe NRJ ne pourrait ainsi que contribuer à accroître ce déficit d'exploitation ; qu'au total, en cas de passage de Paris Première sur la TNT gratuite, les perspectives économiques des services NRJ 12 et Chérie 25 seraient affectées ;
  14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la modification des modalités de financement de Paris Première affecterait les perspectives de développement de deux services déjà autorisés, et notamment d'un service autorisé en 2012, encore en phase d'initialisation et dont l'assise économique demeure fragile ;
    En ce qui concerne les contributions respectives de ces services au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes :
  15. Considérant que la chaîne Paris Première propose une programmation en partie originale, en raison notamment des thématiques de ses magazines ainsi que d'une présence importante de spectacles vivants, de documentaires, de films d'Art et Essai et de catalogue au sein de sa grille de programmes ; que, toutefois, cette chaîne comporte au sein de sa grille un nombre élevé de rediffusions, un volume relativement faible de programmes inédits et un volume important de programmes de téléachat ; qu'en outre, la plupart des programmes diffusés en journée ne marquent pas de spécificité par rapport à l'offre de programmes disponible sur les chaînes de la TNT gratuite ;
  16. Considérant que la société demanderesse a formulé, par courrier du 26 novembre 2015, divers engagements ; que si certains de ces engagements permettraient d'asseoir la qualité des programmes de la chaîne, il s'avère cependant que la plupart d'entre eux sont, soit inférieurs au nombre d'émissions réalisées en 2014 ou au volume de diffusion relevé pour cette même année, soit ne sont pas suffisamment précis au regard des incertitudes relevées dans l'étude d'impact, soit relèvent de la simple application des textes réglementaires ;
  17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en dépit des engagements pris par la société Métropole Télévision dans sa lettre du 26 novembre 2015, le passage de Paris Première sur la TNT gratuite est susceptible d'entraîner des transferts d'audience affectant de nombreuses chaînes de la TNT gratuite, qu'elles soient publiques ou privées, alors même que l'apport de Paris Première à la qualité des programmes demeurerait limité ;
    En ce qui concerne l'intérêt qui s'attache au passage du service Paris Première sur la TNT gratuite sans recours à une procédure ouverte pour satisfaire cet objectif :
  18. Considérant qu'en l'absence d'atteinte au modèle économique du service Paris Première, compte tenu d'un apport au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes limité, qui ne serait pas significativement renforcé par les engagements proposés par la société demanderesse, et outre un risque de fragilisation de deux services, l'impératif de pluralisme et l'intérêt du public ne justifient pas de recourir à la procédure dérogatoire prévue à titre exceptionnel par les dispositions précitées de l'alinéa 4 de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, en dépit même du fait qu'aucune fréquence ne soit disponible aujourd'hui et susceptible de permettre à la société demanderesse de présenter sa candidature à un appel ouvert ;
  19. Considérant qu'en l'état actuel des données telles qu'elles ont été analysées précédemment, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut accorder à la société Paris Première le bénéfice de la procédure dérogatoire prévue par les dispositions précitées de l'alinéa 4 de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, par suite, il y a lieu de refuser d'agréer la demande de modification des modalités de financement du service Paris Première ; que, toutefois, cette décision est prise sans préjudice d'une évolution des conditions d'exploitation de la chaîne, de ses exigences programmatiques et de l'évolution de l'ensemble du paysage audiovisuel qui pourraient justifier le dépôt d'une nouvelle demande ;
    Après en avoir délibéré,
    Décide :

Historique des versions

Version 1

Après avoir entendu publiquement :

- le 14 septembre 2015, M. de Tavernost, M. Bony, Mme Chabert et M. Curiel pour la société Métropole Télévision ;

- le 22 octobre 2015, les tiers en ayant fait la demande ;

- les 3 et 4 décembre 2015, les tiers en ayant fait la demande à la suite de la publication de l'étude d'impact ;

- le 10 décembre 2015, M. de Tavernost, M. Bony, M. Valentin, M. Curiel et Mme Bouton pour la société Métropole Télévision ;

1. Considérant que, par la décision n° 2003-317 du 10 juin 2003 susvisée, prorogée par la décision n° 2012-480 du 15 mai 2012, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société Paris Première à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé Paris Première ; que par la lettre du 17 juillet 2015 susvisée, la société Métropole Télévision, à laquelle appartient la société Paris Première, a actualisé sa demande initiale du 18 février 2014 par laquelle elle sollicite du Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur le fondement des dispositions du 4e alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, son agrément sur la modification des modalités de financement du service de télévision Paris Première ;

Sur le cadre juridique applicable :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 5, paragraphe 2 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques : « Sans préjudice des critères et procédures particuliers adoptés par les Etats membres pour octroyer le droit d'utilisation des radiofréquences à des fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion en vue de poursuivre des objectifs d'intérêt général conformément à la législation communautaire, les droits d'utilisation de radiofréquences et de numéros sont octroyés par le biais de procédures ouvertes, objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées et, dans le cas des radiofréquences, conformément aux dispositions de l'article 9 de la directive 2002/21/CE (directive « Cadre »). Les procédures peuvent, exceptionnellement, ne pas être ouvertes lorsque l'octroi de droits individuels d'utilisation de radiofréquences aux fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion est nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général défini par les Etats membres conformément à la législation communautaire » ;

3. Considérant qu'aux termes du 4e alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 : « Sous réserve du respect des articles 1er et 3-1, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, par décision motivée, donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu'elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers. Préalablement à sa décision, il procède à une étude d'impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il procède aussi à l'audition publique du titulaire et entend les tiers qui le demandent. Cette modification de l'autorisation peut être agréée si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte » ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la même loi : « La communication au public par voie électronique est libre./L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la protection de l'enfance et de l'adolescence, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle (…) » ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la même loi : « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, garantit l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi. Il assure l'égalité de traitement ; il garantit l'indépendance et l'impartialité du secteur public de la communication audiovisuelle ; il veille à favoriser la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu'à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture françaises (…) » ;

6. Considérant que, d'après la décision précitée du Conseil d'Etat : « le second alinéa de l'article 5, paragraphe 2 de la directive du 7 mars 2002 permet en tout état de cause aux Etats membres, à titre exceptionnel, d'octroyer sans recourir à une procédure ouverte des droits d'utilisation de radiofréquences pour la diffusion de services de télévision lorsque cela est nécessaire pour atteindre un objectif d'intérêt général défini dans le respect du droit de l'Union ; qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 15 novembre 2013 qu'en permettant au CSA d'agréer la modification, en ce qui concerne le recours ou non à une rémunération de la part des usagers, de l'autorisation afférente à un service de communication audiovisuelle, le législateur a tenu compte de l'échec du modèle économique de distribution payante défini par l'autorité de régulation lors du lancement de la télévision numérique terrestre et de l'intérêt qui peut s'attacher, au regard de l'impératif fondamental de pluralisme et de l'intérêt du public, à la poursuite de la diffusion d'un service ayant opté pour ce modèle ; qu'il appartient au CSA, saisi d'une demande d'agrément, d'apprécier, en tenant compte du risque de disparition du service exploité par le demandeur, des risques qu'une modification de ses conditions de financement ferait peser sur la poursuite de l'exploitation d'autres services et des contributions respectives de ces services au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes, si, en raison notamment de l'absence de fréquence disponible, l'impératif de pluralisme et l'intérêt du public justifient de ne pas recourir à une procédure ouverte ; que, lorsque cette condition est remplie, la modification de l'autorisation doit être regardée comme nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général et entre ainsi dans le champ des dispositions du paragraphe 2 de l'article 5 de la directive du 7 mars 2002 qui permettent à titre exceptionnel de ne pas recourir à une procédure ouverte ; »

Sur l'intérêt qui peut s'attacher, au regard de l'impératif fondamental de pluralisme et de l'intérêt du public, à permettre la diffusion du service Paris Première sur le secteur de la TNT gratuite sans recourir à une procédure ouverte :

En ce qui concerne le risque de disparition du service Paris Première en cas de maintien de ce service sur la TNT payante :

7. Considérant qu'à l'appui de sa demande actualisée, la société Métropole Télévision fait valoir que, tout en conservant une part d'audience stable sur la période 2009-2014, la chaîne Paris Première a souffert de la baisse structurelle du chiffre d'affaires publicitaire des chaînes du câble, du satellite et de la TNT payante qui résulte, selon elle, de la concurrence des chaînes autorisées sur la TNT gratuite en 2005 puis en 2012 ; qu'en outre, elle souligne que la composition plus équilibrée du chiffre d'affaires de Paris Première la rend plus dépendante de la publicité que la moyenne des chaînes dites du câble et du satellite ; que les recettes publicitaires de cette chaîne ont chuté de […] % entre 2008 et 2014 et ce, malgré deux années de hausse continue en 2010 et 2011 ; qu'elle observe que son résultat d'exploitation a été divisé par […] entre 2008 et 2014, avec notamment une baisse de […] % entre 2013 et 2014 ; qu'elle expose qu'afin de maintenir son équilibre financier, la chaîne a dû réduire ses frais de fonctionnement ; qu'elle déclare ne plus posséder de levier significatif de réduction de ses coûts, en dehors de ceux liés aux modalités de sa diffusion ;

8. Considérant par ailleurs que la société demanderesse souligne que le modèle économique de distribution payante de chaînes de la TNT est un échec ; que l'objectif initialement fixé en 2001 de deux millions d'abonnés au bouquet thématique à l'horizon 2011 n'a jamais été atteint, le nombre d'abonnés étant descendu à […] fin mars 2015 après un pic à […] abonnés en 2011 ; qu'il est soutenu que, dans ces conditions, Paris Première devrait s'installer dans une période d'exercices déficitaires dès 2017 ;

9. Considérant toutefois qu'il ressort de l'étude d'impact que la part d'audience de Paris Première est restée stable sur la période 2009-2014 ; que, bien que le résultat d'exploitation de Paris Première ait diminué par rapport au plafond qu'il avait atteint en […], il demeure néanmoins constamment positif depuis 2005 ; que si la société Métropole Télévision soutient qu'en cas de refus de sa demande, la chaîne Paris Première pourrait être amenée à devoir réduire ses coûts en raison d'une dégradation progressive de sa situation économique, il résulte cependant de l'instruction qu'un refus d'agrément d'une modification des modalités de financement de cette chaîne ne porterait pas atteinte à sa viabilité économique et ne conduirait donc pas à sa disparition, dès lors, notamment, que sa notoriété à l'égard des distributeurs devrait concourir au maintien de son activité ; qu'à cet égard, la société demanderesse n'établit pas que les contrats de distribution de la chaîne Paris Première ne seraient pas pérennes pour l'année 2016 ou encore qu'elle ne serait pas distribuée en 2016 ; que le risque de disparition, même à moyen terme, du service en cas de refus d'agrément n'est pas avéré ; que par ailleurs, si l'arrivée sur la TNT gratuite du service LCI, actuellement distribué sur la TNT payante, est susceptible de remettre en question la distribution de Paris Première par l'offre « Minipack », cette seule circonstance ne remet pas en cause l'analyse qui précède dès lors qu'elle n'est pas susceptible, par elle-même, de conduire à la disparition du service Paris Première ;

10. Considérant que, dans ces conditions, en dépit de l'échec économique du modèle de distribution payante sur la TNT souligné par la société demanderesse, qui n'affecte qu'une partie très faible de son activité, le maintien du mode de financement payant de Paris Première ne conduirait pas à une disparition de ce service, ni à court, ni à moyen terme ; qu'en cas de refus de la demande d'agrément, Paris Première pourrait donc continuer à être exploité par sa société éditrice ;

En ce qui concerne les risques qu'une modification des conditions de financement du service Paris Première ferait peser sur la poursuite de l'exploitation d'autres services :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la chaîne Paris Première peut, du fait de sa programmation, être considérée comme une chaîne proche d'une chaîne généraliste se décrivant comme à vocation culturelle ; que son arrivée sur la TNT gratuite serait, de ce fait, de nature à avoir une influence sur la diffusion de plusieurs services, sur la plateforme gratuite comme sur la plateforme payante ;

12. Considérant, en premier lieu, que l'Association des chaînes conventionnées éditrices de services (ACCeS) fait valoir, sans être valablement contredite, que la sortie de la chaîne Paris Première de l'univers payant, qui rencontre déjà d'incontestables difficultés économiques, financières et d'audience, aurait un effet négatif sur l'attractivité de l'offre payante en raison de la notoriété de cette chaîne ;

13. Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'étude d'impact que, parmi les chaînes pouvant voir leur audience ou leur revenus publicitaires affectés, certaines sont plus exposées en raison de points de faiblesse liés à leur situation déficitaire ou à leur démarrage récent ; qu'en particulier, l'arrivée de Paris Première sur la TNT gratuite pourrait contribuer à accroître les difficultés financières des services NRJ 12 et Chérie 25 en les […] leur seuil de rentabilité ; que le pôle Télévision du groupe NRJ, à qui ces deux chaînes appartiennent, présente un déficit d'exploitation de 24,6 millions d'euros en 2014, en augmentation de 12,3 % par rapport à 2013 ; que l'impact de la modification des modalités de financement de Paris Première sur chacune des deux chaînes du groupe NRJ ne pourrait ainsi que contribuer à accroître ce déficit d'exploitation ; qu'au total, en cas de passage de Paris Première sur la TNT gratuite, les perspectives économiques des services NRJ 12 et Chérie 25 seraient affectées ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la modification des modalités de financement de Paris Première affecterait les perspectives de développement de deux services déjà autorisés, et notamment d'un service autorisé en 2012, encore en phase d'initialisation et dont l'assise économique demeure fragile ;

En ce qui concerne les contributions respectives de ces services au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes :

15. Considérant que la chaîne Paris Première propose une programmation en partie originale, en raison notamment des thématiques de ses magazines ainsi que d'une présence importante de spectacles vivants, de documentaires, de films d'Art et Essai et de catalogue au sein de sa grille de programmes ; que, toutefois, cette chaîne comporte au sein de sa grille un nombre élevé de rediffusions, un volume relativement faible de programmes inédits et un volume important de programmes de téléachat ; qu'en outre, la plupart des programmes diffusés en journée ne marquent pas de spécificité par rapport à l'offre de programmes disponible sur les chaînes de la TNT gratuite ;

16. Considérant que la société demanderesse a formulé, par courrier du 26 novembre 2015, divers engagements ; que si certains de ces engagements permettraient d'asseoir la qualité des programmes de la chaîne, il s'avère cependant que la plupart d'entre eux sont, soit inférieurs au nombre d'émissions réalisées en 2014 ou au volume de diffusion relevé pour cette même année, soit ne sont pas suffisamment précis au regard des incertitudes relevées dans l'étude d'impact, soit relèvent de la simple application des textes réglementaires ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en dépit des engagements pris par la société Métropole Télévision dans sa lettre du 26 novembre 2015, le passage de Paris Première sur la TNT gratuite est susceptible d'entraîner des transferts d'audience affectant de nombreuses chaînes de la TNT gratuite, qu'elles soient publiques ou privées, alors même que l'apport de Paris Première à la qualité des programmes demeurerait limité ;

En ce qui concerne l'intérêt qui s'attache au passage du service Paris Première sur la TNT gratuite sans recours à une procédure ouverte pour satisfaire cet objectif :

18. Considérant qu'en l'absence d'atteinte au modèle économique du service Paris Première, compte tenu d'un apport au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes limité, qui ne serait pas significativement renforcé par les engagements proposés par la société demanderesse, et outre un risque de fragilisation de deux services, l'impératif de pluralisme et l'intérêt du public ne justifient pas de recourir à la procédure dérogatoire prévue à titre exceptionnel par les dispositions précitées de l'alinéa 4 de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, en dépit même du fait qu'aucune fréquence ne soit disponible aujourd'hui et susceptible de permettre à la société demanderesse de présenter sa candidature à un appel ouvert ;

19. Considérant qu'en l'état actuel des données telles qu'elles ont été analysées précédemment, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut accorder à la société Paris Première le bénéfice de la procédure dérogatoire prévue par les dispositions précitées de l'alinéa 4 de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, par suite, il y a lieu de refuser d'agréer la demande de modification des modalités de financement du service Paris Première ; que, toutefois, cette décision est prise sans préjudice d'une évolution des conditions d'exploitation de la chaîne, de ses exigences programmatiques et de l'évolution de l'ensemble du paysage audiovisuel qui pourraient justifier le dépôt d'une nouvelle demande ;

Après en avoir délibéré,

Décide :