JORF n°217 du 19 septembre 2007

PRÉAMBULE

Les articles L. 37-1 à L. 37-3 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) disposent qu'il incombe à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (« Autorité ») d'analyser les marchés énumérés par la Commission européenne comme marchés pertinents pour une régulation sectorielle ex ante, de déterminer les entreprises disposant éventuellement d'une influence significative sur ces marchés et de définir les obligations proportionnées aux problèmes concurrentiels identifiés.
Conformément à ces dispositions, l'Autorité a adopté le 27 septembre 2005 la décision n° 2005-0571 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre.
Dans cette analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité a notamment identifié trois marchés de gros (au sein desquels le marché du transit a été décomposé en deux sous-marchés, le marché du transit intra territorial et le marché du transit inter territoires), sur chacun desquels l'influence significative de France Télécom a été mise en évidence. A ce titre, et conformément à l'article L. 38 du CPCE, elle a imposé à France Télécom plusieurs obligations spécifiques portant sur ces marchés.
Au vu de la situation concurrentielle au moment de l'analyse, l'Autorité a estimé proportionnée l'application de ces obligations pour le développement d'une concurrence effective, loyale et durable sur les marchés en question. Cependant, compte tenu de l'évolution de la régulation concernant l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée, dits aussi services spéciaux, l'Autorité propose aujourd'hui un réexamen des remèdes imposés à France Télécom.
La décision n° 2005-0571 porte jusqu'au 1er septembre 2008. Néanmoins, l'article D. 303 du CPCE prévoit la possibilité pour l'Autorité de modifier les obligations imposées aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques avant le terme de la portée temporelle de cette analyse, sans avoir à effectuer une nouvelle détermination des marchés pertinents.
La présente décision porte sur le réexamen des obligations imposées en matière de facturation pour compte de tiers (1) au départ de la boucle locale fixe de France Télécom, prestation connexe aux prestations de départ d'appel à destination des services à valeur ajoutée et incluse dans le marché de gros du départ d'appel défini dans la décision n° 2005-0571.
Ce projet de décision a été notifié à la Commission européenne et aux autorités compétentes des autres Etats membres de la Communauté européenne le 14 juin 2007, pendant qu'une consultation publique était menée en parallèle, du 14 juin 2007 au 16 juillet 2007. L'Autorité a reçu 10 réponses à cette consultation, dont certaines soumises partiellement ou intégralement au secret des affaires. Les régulateurs des autres Etats membres n'ont pas émis de commentaires sur la notification de l'ARCEP. La Commission européenne a adressé à l'Autorité un courrier en date du 16 juillet 2007 par lequel elle formule certaines observations et conclut que l'« ARCEP peut adopter le projet de mesure final ». L'ensemble de ces observations ont conduit l'Autorité à préciser sa décision sur certains points.
Dans ce document, l'Autorité rappelle tout d'abord le cadre dans lequel s'inscrit la présente décision (I), puis décrit les évolutions la justifiant (II). Elle précise ensuite les modifications apportées au dispositif de la décision n° 2005-0571 (III) et rapporte enfin les commentaires des différents contributeurs et acteurs (IV).

I. - LE CADRE RÉGLEMENTAIRE EN VIGUEUR

Le marché du départ d'appel et de ses prestations associées ainsi que les remèdes qui y sont appliqués ont été définis dans la décision n° 2005-0571 d'analyse des marchés de la téléphonie fixe (I-1). Le cadre prévoit la possibilité pour l'Autorité de réexaminer ces obligations au vu de l'évolution de la situation sur les différents marchés (I-2).

I-1. L'analyse des marchés de la téléphonie fixe

Dans sa décision n° 2005-0571 susvisée d'analyse des marchés de la téléphonie fixe, l'Autorité a défini dans un premier temps les différents marchés pertinents pour une régulation sectorielle ex ante des marchés de la téléphonie fixe (I-1.1). Sur chacun d'entre eux ensuite, elle a évalué si des entreprises disposaient d'une influence significative. Puis, après avoir désigné France Télécom comme opérateur puissant sur ces marchés ou segments de marché, elle lui a imposé certaines obligations qu'elle a jugées proportionnées visant à permettre le développement d'une concurrence effective, durable et loyale (I-1.2).

I-1.1. Définition du marché pertinent du départ d'appel

L'Autorité a défini dans son analyse des marchés de la téléphonie fixe six marchés pertinents de détail et trois marchés pertinents de gros (départ d'appel, transit et terminaison d'appel), dont le marché du transit est segmenté en deux sous-marchés (marché du transit intra territorial et marché du transit inter territoires). La prestation de départ d'appel correspond à un service d'acheminement de trafic entre un abonné et un point d'interconnexion. On dit de l'opérateur qui achète une telle prestation qu'il « collecte » l'appel, i.e qu'il « récupère » le trafic à un point d'interconnexion de boucle locale de départ pour en assurer l'acheminement ultérieur sur son propre réseau (ou éventuellement sur celui d'autres opérateurs).
Ainsi, un service de départ d'appel est fourni par un opérateur A :
- pour du trafic vocal interpersonnel, pour permettre l'acheminement de l'appel passé depuis une de ses lignes fixes (sélection du transporteur, VGAST et publiphonie) ;
- pour du trafic Internet, lorsqu'un utilisateur final bénéficiant d'une ligne fixe dudit opérateur A se connecte à l'Internet bas débit (offres Internet bas débit à la minute ou forfaitaires) ;
- pour du trafic lié aux services à valeur ajoutée (dits SVA ou services spéciaux), lorsqu'un utilisateur final bénéficiant d'une ligne fixe dudit opérateur A compose le numéro d'une plate-forme de services (en général, un numéro de type 08AB, un numéro court à 4 chiffres du type 3BPQ et 10YT, un numéro de service de renseignements téléphoniques de type 118XYZ, un numéro de service à valeur sociale harmonisé de type 116XYZ ou toute autre tranche du plan national de numérotation le cas échéant ultérieurement définie par l'Autorité et destinée à permettre l'accès à de tels services).
Les produits inclus dans le marché de gros du départ d'appel désignent donc des « prestations » offertes par un opérateur à d'autres opérateurs, pour assurer, pour leur compte, un acheminement de trafic. Par conséquent, ils sont définis par leur fonction et non par leur mode technique de production, conformément au principe de neutralité technologique. En particulier, le fait que le trafic soit transporté, avant et après livraison sur l'interface d'interconnexion, en mode commuté, en mode IP, ou selon tout autre mode reste neutre sur la définition du produit du point de vue de l'acheteur. De fait, certains appels collectés actuellement à l'interconnexion en mode commuté sont acheminés sur le réseau d'origine en mode et interface ATM ou VoIP. De même, les prestations de gros qui seraient livrées sur de nouvelles interfaces d'interconnexion, et notamment sur des interfaces VoIP, ou plus généralement tout autre trafic en bande étroite, sont incluses dans ce marché.
Le marché de gros du départ d'appel est défini aux articles 1er et 8 du dispositif d'analyse des marchés de la décision n° 2005-0571.

I-1.2. Influence significative et obligations imposées à France Télécom

Comme cela a été indiqué par l'Autorité dans sa décision n° 2005-0571, le marché du départ d'appel repose essentiellement sur l'infrastructure de boucle locale de l'opérateur historique, laquelle constitue une facilité essentielle. Ce marché est donc caractérisé par de fortes barrières à l'entrée. Elles auraient nécessairement pour effet, en l'absence de régulation ex ante, d'empêcher le développement d'une concurrence dynamique, dans la mesure où France Télécom dispose du réseau le plus capillaire sur le territoire d'analyse, qui rend l'accès aux clients qu'elle raccorde indispensable pour l'activité de tout opérateur de communications électroniques.

A ce titre, notamment, France Télécom a été désignée comme exerçant une influence significative sur le marché du départ d'appel. L'Autorité a ainsi estimé proportionné de soumettre France Télécom, sur le marché pertinent du départ d'appel, notamment aux obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, de non-discrimination, de transparence, d'orientation vers les coûts, de séparation comptable et de comptabilisation des coûts de ces prestations. L'Autorité a également maintenu de manière transitoire l'obligation de France Télécom de fournir une prestation de facturation pour compte de tiers pour les communications à destination des services à valeur ajoutée au départ de sa boucle locale et pour les offres d'accès à l'Internet bas débit, « dans les mêmes conditions qu'actuellement ».
Ces conditions sont précisées dans la décision n° 2005-0571 : « France Télécom facture ses abonnés au nom du fournisseur de services, et prélève une part du montant facturé au titre de la prestation de facturation pour compte de tiers.
Dans le cas des services à coûts partagés (dits aussi à paliers bas et intermédiaires), France Télécom inclut les sommes dues par les clients dans le deuxième volet de la facture, qui comprend la facturation de l'ensemble de ses services, et procède par conséquent au recouvrement des sommes éventuellement impayées par les clients.
Par ailleurs, elle inclut l'ensemble de ses services à revenus partagés (dits aussi à paliers élevés) et de ceux des opérateurs tiers dans le troisième volet de la facture, et dans le cas d'impayés sur le service d'un de ces opérateurs, exécute une première relance auprès de l'abonné, puis fournit les éléments d'information nécessaires au recouvrement des impayés au fournisseur de services concerné. »
S'agissant de ses prestations de départ d'appel et de leurs prestations associées et afin de permettre à l'Autorité de vérifier le respect de ces obligations, France Télécom est également tenue de publier les conditions techniques et tarifaires de ces prestations dans son offre de référence d'interconnexion et d'accès, mais aussi de mesurer et de publier un ensemble d'indicateurs de qualité de service.
Les obligations précitées sont précisées aux articles 16 à 24 du dispositif de la décision n° 2005-0571.

I-2. Le cadre juridique du réexamen

L'analyse des marchés de la téléphonie fixe, et notamment du marché du départ d'appel, porte sur une période courant jusqu'au 1er septembre 2008.
Néanmoins, l'Autorité précise que, conformément au CPCE, elle a la possibilité de modifier les obligations imposées à un opérateur déclaré puissant sans réexaminer dans le même temps la délimitation des marchés pertinents sur lesquels ces obligations s'appliquent.
L'article D. 303 du CPCE prévoit ainsi que les obligations imposées dans une décision d'analyse des marchés à une entreprise exerçant une influence significative « sont réexaminées dans les conditions prévues à l'article D. 301. Ce réexamen peut être effectué conjointement à celui des marchés pertinents correspondants et à celui de la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés. Toutefois, l'Autorité peut modifier, dans les conditions prévues par le présent code, les obligations imposées aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques sans effectuer une nouvelle détermination des marchés pertinents ».
L'Autorité, comme elle l'a précisé dans sa décision n° 2005-0571 susvisée, a donc la possibilité de réexaminer certaines obligations imposées à France Télécom sans réexaminer dans le même temps la délimitation des marchés pertinents sur lesquels ces obligations s'appliquent.

II. - SITUATION CONCURRENTIELLE ET ÉVOLUTION DE LA RÉGULATION SECTORIELLE

L'Autorité estime que l'évolution du marché ne justifie pas de réexamen anticipé ni de la définition des marchés ni de l'influence significative de France Télécom (II-1). Le réexamen des obligations imposées à France Télécom sur le marché du départ d'appel et en particulier sur sa prestation associée de facturation pour compte de tiers est quant à lui justifié à la fois par l'évolution de la régulation concernant l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée (II-2) et par l'évolution des offres de gros de France Télécom disponibles sur ce marché (II-3).

II-1. Situation concurrentielle

On observe tout d'abord que la situation concurrentielle n'a pas évolué de manière significative depuis l'analyse des marchés de la téléphonie fixe que l'Autorité a menée en 2005 : France Télécom demeure un opérateur puissant, à la fois sur les marchés de détail de l'accès et des communications et sur le marché de gros du départ d'appel.
Ainsi, les parts de marché de France Télécom en tant qu'opérateur départ fixe de communications à destination des services à valeur ajoutée représentent toujours plus de 70 % en 2005 (2), et ce malgré l'augmentation de la pression concurrentielle du fait de la multiplication des opérateurs de boucle locale fixe (réels et virtuels). Par ailleurs, s'agissant des communications à destination des numéros SVA utilisés pour l'accès à Internet bas débit, on observe une diminution moyenne de 30 % (3) par an de leur volume, qui s'explique par le développement majeur des offres d'accès à l'Internet haut débit.
Ces éléments ne permettent pas de remettre en cause l'influence significative exercée par France Télécom sur ces marchés, découlant notamment du contrôle de l'infrastructure essentielle de boucle locale, et ce avant le terme de la période d'application de l'analyse des marchés.
Par ailleurs, France Télécom reste également un acteur prépondérant sur le segment de marché de la fourniture de services à valeur ajoutée, au travers de son unité d'affaires « Distribution et rémunération des services en ligne ». On constate ainsi que le trafic à destination des numéros SVA collectés par France Télécom représente près de 55 % de parts de marché en volume en 2005 (4) (dont 3/4 du segment de marché des services à paliers élevés, dits à revenus partagés).
L'Autorité estime qu'il convient de maintenir une régulation asymétrique spécifique à France Télécom du fait de sa situation particulière, qui se traduit par la puissance de France Télécom sur les marchés de détail de l'accès et des communications et sur le marché de gros amont du départ d'appel, mais également par sa position prépondérante sur le segment de marché de détail en aval de fourniture de services à valeur ajoutée.

II-2. Evolution de la régulation sectorielle concernant l'acheminement
des communications à destination des services à valeur ajoutée
II-2.1. Le fonctionnement de la chaîne de valeur des services à valeur ajoutée

La réflexion menée par l'Autorité depuis le début de l'année 2006 a permis de montrer la complexité de la chaîne de valeur des services à valeur ajoutée sur laquelle de nombreux acteurs sont présents, allant de l'opérateur départ qui fournit le service téléphonique jusqu'au fournisseur de services qui exploite le numéro au bénéfice de l'éditeur de contenu. La multiplication des opérateurs de boucle locale et des fournisseurs de services a conduit à complexifier les relations contractuelles entre les différents acteurs. Les obstacles au développement du marché des services à valeur ajoutée découlent essentiellement de l'absence d'obligation explicite d'acheminer les appels vers tous les services à valeur ajoutée du plan public de numérotation, des problèmes de contractualisation entre les acteurs et d'une protection du consommateur insuffisante concernant la lisibilité tarifaire et le respect des règles déontologiques sur le contenu de ces services.
Le bon fonctionnement de la chaîne de valeur des services à valeur ajoutée est essentiellement assuré par la commercialisation, à l'utilisateur final appelant, des contenus de l'éditeur de contenu par l'opérateur de boucle locale départ, lequel prend ainsi en charge les prestations liées à la facturation, l'encaissement, le recouvrement, la publication des tarifs associés dans sa grille tarifaire, la relation clientèle, etc. En tout état de cause, l'appelant, lorsqu'il appelle un numéro SVA, bénéficie de deux prestations techniques distinctes mais fournies conjointement, d'une part, la communication téléphonique à destination de la plate-forme technique qui héberge l'éditeur de contenu et, d'autre part, la fourniture du contenu auquel il a souhaité accéder. Les services à valeur ajoutée se caractérisent d'ailleurs par le fait que l'opérateur départ et le fournisseur de services participent ensemble à la fixation du tarif de détail des communications concernées.
Ces prestations et leur imbrication revêtent alors une importance particulière et les conditions de leur fonctionnement sont susceptibles d'avoir des effets sur le développement du secteur.
Le schéma figurant en annexe 3 de la décision présente un extrait de la chaîne de valeur des SVA au départ des boucles locales fixes.

II-2.2. La régulation symétrique concernant l'acheminement
des communications à destination des services à valeur ajoutée

L'Autorité a adopté la décision n° 2007-0213, dont l'arrêté d'homologation a été publié au Journal officiel en date du 11 mai 2007 et qui porte sur les obligations symétriques imposées aux opérateurs qui contrôlent l'accès à l'utilisateur final pour l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée. Cette décision vise à encadrer et à clarifier les relations entre opérateurs et à garantir une meilleure interopérabilité des services à valeur ajoutée utilisant un numéro du plan national de numérotation.
Deux types d'obligations sont imposés par cette décision :
- une obligation imposée aux opérateurs présents à chaque extrémité de la chaîne de valeur (c'est-à-dire les opérateurs « départ » et les exploitants de numéros SVA), de faire droit aux demandes raisonnables d'accessibilité aux numéros SVA dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, sans préjudice d'un droit de coupure ou de suspension en cas de fraude ou manquement aux règles déontologiques encadrant la fourniture de contenus ;
- une obligation imposée aux opérateurs « départ » de faire droit aux demandes raisonnables de reversement, d'une partie des sommes facturées aux utilisateurs, dans des conditions objectives et non discriminatoires.
Ces obligations visent l'ensemble des opérateurs, fixes et mobiles, indépendamment de toute puissance de marché, et constituent à ce titre un dispositif de régulation symétrique. Elles se fondent sur les articles L. 34-8-III et D. 99-11 du CPCE en vertu desquels l'Autorité peut imposer des obligations aux opérateurs qui « contrôlent l'accès aux utilisateurs finals » en vue « d'assurer [...] l'accès fourni aux services sur d'autres réseaux (...) [et] (...) l'interopérabilité des services ».
La mise en oeuvre d'une régulation symétrique et le développement d'offres complètes de commercialisation des services à valeur ajoutée par les opérateurs « départ » devraient permettre l'amélioration de l'accessibilité des numéros de services à valeur ajoutée du plan public de numérotation et des relations interopérateurs.

II-3. Evolution des offres de gros suite à l'adoption
de la décision de régulation symétrique

L'Autorité a notamment jugé nécessaire de clarifier les droits et obligations des opérateurs de boucle locale départ en ce qui concerne le mécanisme de reversement d'une partie des sommes facturées de l'opérateur départ jusqu'à l'éditeur de contenu. La décision n° 2007-0213 de régulation symétrique permet ainsi à tout exploitant de numéro de services à valeur ajoutée de présenter des demandes raisonnables à tout opérateur de boucle locale le cas échéant, visant à obtenir une prestation globale incluant, en plus de l'ouverture du numéro et de l'acheminement de l'appel, l'ensemble des prestations de commercialisation connexes (inclusion dans les grilles tarifaires, facturation, encaissement, recouvrement et reversement d'une part des sommes facturées le cas échéant).
C'est dans ce contexte que, dès le 18 décembre 2006, France Télécom a annoncé aux opérateurs, clients de son offre de facturation pour compte de tiers pour SVA à paliers élevés, sa volonté de développer une prestation, conforme au projet de décision de régulation symétrique alors en cours de consultation publique. France Télécom a montré son souhait, d'une part, d'anticiper les nouvelles dispositions réglementaires relatives aux relations interopérateurs et, d'autre part, d'informer ses clients opérateurs de la mise en place d'une prestation de reversement qui se substituerait à la prestation de facturation pour compte de tiers. La création d'une offre complète de commercialisation des appels à destination des SVA des autres opérateurs devrait permettre à l'ensemble des acteurs, y compris France Télécom, de commercialiser des services plus lisibles tant pour l'éditeur de contenu que pour les consommateurs, tout en respectant le principe de non-discrimination qui s'impose tout particulièrement à France Télécom en sa qualité de première boucle locale départ du marché.
L'Autorité considère que cette nouvelle offre de reversement est une prestation connexe aux prestations de départ d'appel à destination des services à valeur ajoutée, incluse dans le marché de gros du départ d'appel défini dans la décision n° 2005-0571, au même titre que l'actuelle prestation de facturation pour compte de tiers.
Afin d'apporter la visibilité nécessaire aux acteurs sur l'évolution contractuelle, économique et technique des offres de gros de France Télécom, l'Autorité a organisé plusieurs réunions multilatérales, auxquelles ont été conviés les opérateurs clients de la prestation de facturation pour compte de tiers pour SVA à paliers élevés de France Télécom. Ces réunions ont fait ressortir le souhait de la majorité des opérateurs que France Télécom mette en oeuvre dans les meilleurs délais une offre de reversement incluant l'ensemble des SVA, techniquement similaire à celle existant aujourd'hui pour les SVA gratuits et à paliers bas et intermédiaires (anciennement désignés sous l'appellation de SVA à coûts partagés).
France Télécom a précisé lors de la réunion multilatérale du 26 avril 2007 que sa prestation de reversement serait disponible à partir du 3 décembre 2007 pour les appels au départ de l'ensemble de ses clients fixes, qu'ils soient raccordés en RTC ou VoIP.
Les échanges entre France Télécom et les opérateurs alternatifs vont se poursuivre afin de valider l'ensemble des aspects contractuel, économique et technique et permettre la mise en oeuvre de la prestation de reversement de France Télécom dans les délais annoncés.

III. - MODIFICATION DES OBLIGATIONS IMPOSÉES À FRANCE TÉLÉCOM

S'il est envisageable, à un horizon raisonnable, de considérer que la mise en oeuvre de la décision de régulation symétrique n° 2007-0213 devrait permettre l'amélioration du fonctionnement de la chaîne de valeur des services à valeur ajoutée, la situation concurrentielle actuelle nécessite l'adaptation de la régulation des prestations de France Télécom associées au marché de gros du départ d'appel.

L'Autorité souhaite ainsi prendre en compte l'évolution des offres de gros annoncée par France Télécom et en particulier sa prestation de reversement (III-1), sur laquelle elle souhaite imposer un certain nombre d'obligations (III-2).
L'Autorité considère qu'il est raisonnable de ne pas maintenir l'obligation de France Télécom de fournir sa prestation de facturation pour compte de tiers (III-3) dès lors que sa prestation de reversement à destination de l'ensemble des services à valeur ajoutée sera en place et soumise aux obligations détaillées dans la présente décision.

III-1. La prestation de reversement de France Télécom

La mise en oeuvre d'une prestation de reversement, associée aux prestations du marché de gros du départ d'appel, signifie, d'une part, pour l'opérateur de boucle locale de mettre en place la facturation, la publication des tarifs associés dans sa grille tarifaire, l'encaissement, le recouvrement des sommes facturées au client final, la relation clientèle, etc., et, d'autre part, le reversement par l'opérateur départ d'une partie du montant de ces mêmes sommes à l'exploitant du numéro.
Le bon fonctionnement du segment de marché des services à valeur ajoutée est essentiellement assuré par la commercialisation, à l'utilisateur final appelant, des contenus de l'éditeur par l'opérateur de boucle locale départ, lequel prend ainsi en charge l'ensemble des prestations citées ci-dessus. Quelles que puissent être les modalités et formes contractuelles de commercialisation des SVA par les opérateurs de boucle locale départ, la présence de mécanismes financiers de reversement est une constante nécessaire.

III-1.1. La situation actuelle

L'offre de commercialisation actuelle de France Télécom des services à valeur ajoutée à paliers bas et intermédiaires consiste en une facturation des services et un recouvrement des sommes éventuellement impayées par les clients, ce qui correspond aux obligations définies par la décision n° 2007-0213.
Concernant les services à valeur ajoutée à paliers élevés, France Télécom propose une offre de commercialisation qui inclut la facturation des services pour le compte de l'opérateur ou du fournisseur de services tiers, une lettre de première relance auprès de l'abonné, et fournit les informations nécessaires au recouvrement des impayés à ce tiers, le cas échéant.
La facture de détail de France Télécom se décompose à ce jour en trois volets. Le premier affiche le résumé des montants à payer en distinguant les sommes dues au titre des volets deux et trois. Le deuxième présente le détail des communications interpersonnelles, ainsi que celui des communications à destination des services à valeur ajoutée gratuits ou à paliers bas et intermédiaires. Le troisième ne traite que des communications à destination des services à valeur ajoutée à paliers élevés et des services de renseignements téléphoniques de la responsabilité de France télécom et des opérateurs tiers ; pour ces derniers, aucun recouvrement n'était assuré par France Télécom.
Comme annoncé supra, France Télécom développe une prestation de commercialisation conforme à la décision de régulation symétrique n° 2007-0213, et qui unifie le traitement des services à valeur ajoutée à paliers bas et intermédiaires et ceux à paliers élevés, sans modifier la nature économique de l'offre existante pour les services à paliers bas et intermédiaires. Cette prestation de reversement est décrite ci-dessous.

III-1.2. La prestation de reversement de France Télécom

En ce qui concerne France Télécom, la modalité de commercialisation des SVA se traduira contractuellement par la mise à disposition d'une facturation et d'un recouvrement en son nom propre auprès du client final, lesquels s'accompagneront du reversement aux fournisseurs de services d'une partie des sommes facturées à l'utilisateur final appelant, comme cela est déjà le cas pour les services à valeur ajoutée à paliers bas et intermédiaires. Il ne s'agira en aucun cas d'une offre de recouvrement pour compte de tiers.
France Télécom maintiendra par ailleurs, dans le cadre de son offre de reversement, les modalités existantes de fixation des tarifs de détail des SVA. Elle propose ainsi une palette de structures et de niveaux tarifaires respectant les règles de gestion du plan public de numérotation, dans lesquels les fournisseurs de services ou leurs intermédiaires techniques choisissent la structure et le niveau de prix de détail du SVA fourni au départ de la boucle locale de France Télécom qui leur conviennent. Ces modalités de fixation des prix ainsi que les paliers existants ne sont pas amenés à changer du fait de la mise en place de cette offre de reversement.
Quant à la composition de la facture, ci-avant détaillée, dorénavant, pour l'ensemble des appels à destination des SVA, France Télécom inclura les sommes dues par les clients dans le deuxième volet de la facture, le troisième volet disparaissant. Celle-ci comprendra l'ensemble des services gratuits, des services à paliers bas et intermédiaires (dits aussi à coûts partagés), des services à paliers élevés (dits aussi à revenus partagés) et des services de renseignements téléphoniques. France Télécom procédera par conséquent au recouvrement des sommes éventuellement impayées par les clients pour l'ensemble des SVA et non plus pour les seuls SVA à paliers bas ou intermédiaires, comme elle le fait déjà pour ses propres besoins.
Cette offre de reversement sera enfin indépendante du type de réseau utilisé pour acheminer les SVA : elle sera donc disponible sur l'ensemble des lignes offrant un service téléphonique (RTC et VoIP) de la boucle locale fixe de France Télécom.

III-2. Obligations relatives à la prestation de reversement
III-2.1. Obligation de non-discrimination

L'Autorité rappelle dans sa décision n° 2005-0571 qu'il existe un risque de pratiques discriminatoires sur les marchés des communications fixes, où l'opérateur historique a détenu initialement une position de monopole.
L'article L. 38 du CPCE tel qu'issu de la loi sur les communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer (...) [de] fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ».
L'article D. 309 du code précise que les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».
A ce titre, l'Autorité a imposé à France Télécom, entreprise intégrée verticalement, intervenant sur l'ensemble des marchés de gros d'acheminement de trafic, et sur l'ensemble des marchés de détail sous-jacents, une obligation de non-discrimination sur l'ensemble des marchés de gros où elle exerce une influence significative de manière à garantir l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.
D'une manière plus générale, l'obligation de non-discrimination concerne toutes les prestations d'accès fournies par l'opérateur aux opérateurs tiers sur les marchés de gros pertinents, y compris les prestations qui leur sont associées.
En ce qui concerne l'offre de reversement, l'Autorité a également précisé, dans sa décision de régulation symétrique n° 2007-0213, que tout opérateur de boucle locale départ devra accepter de fournir un système de reversement qu'il propose déjà à un tiers ou dont il bénéficie en interne pour ses propres numéros à destination des services à valeur ajoutée, dans la mesure où les circonstances sont équivalentes. A défaut, il pourrait privilégier son activité d'exploitation de numéros à destination des SVA, aux dépens de ses concurrents, puisque les conditions de son activité d'exploitation seraient meilleures pour tous les appels au départ de sa propre boucle locale. Ce point est d'autant plus central eu égard à la situation spécifique de France Télécom.
L'Autorité estime donc qu'il convient à ce stade de réaffirmer l'obligation de non-discrimination sur l'ensemble des prestations associées au marché de gros du départ d'appel, y compris sur sa prestation associée de reversement, afin de renforcer de manière proportionnée le niveau de contrôle adapté à l'enjeu de la puissance de France Télécom. Cette obligation s'applique notamment aux conditions techniques et tarifaires offertes par voie contractuelle, aux contenus et à la qualité des informations fournies dans les processus mis en oeuvre, aux délais de fourniture de l'offre de gros, ou encore à la qualité de service offerte.
A la vue de l'objectif mentionné au 2° de l'article L. 32-1-II du CPCE, seule une obligation de non-discrimination imposée à France Télécom au titre de l'article L. 38 sur l'ensemble des marchés de gros où elle exerce une influence significative est à même de garantir l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale notamment entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications à destination des services à valeur ajoutée.

III-2.2. L'interdiction de pratiquer des tarifs excessifs

L'Autorité a précisé dans sa décision n° 2007-0213 de régulation symétrique que la commercialisation des SVA repose sur une règle de reversement qui détermine un partage raisonnable de la rémunération entre l'opérateur de boucle locale fixe et l'exploitant du numéro SVA.
Un niveau de partage raisonnable s'entend comme un partage reflétant le fait que le service est fourni à l'appelant conjointement par l'opérateur départ et par l'éditeur de contenu. Il est donc le fruit d'une négociation entre les parties et doit constituer une répartition juste de la valeur ajoutée.
A ce titre, l'Autorité estime proportionné d'imposer à France Télécom une obligation de pratiquer des tarifs non excessifs sur les taux de rétention de sa prestation de reversement complétant l'obligation de tarifs raisonnables imposée par la décision n° 2007-0213 aux offres de reversement des opérateurs départ pour les communications à destination des SVA. Ainsi ce tarif, qui doit refléter équitablement l'apport de chaque acteur dans la création de valeur ajoutée, ne doit pas être excessif dans le cas de France Télécom, du fait de sa situation particulière.
Le caractère non excessif peut être notamment évalué à l'aune du niveau des taux habituellement appliqués sur le marché français mais également de benchmarks internationaux pour des prestations comparables. Cette dernière possibilité est néanmoins considérablement limitée par l'existence de fortes adhérences aux contextes juridiques et économiques nationaux (5), qui rend difficile et limite la pertinence des comparaisons internationales. Une entreprise telle que France Télécom qui exerce une influence significative sur le marché de gros du départ d'appel et sur les marchés de détail de l'accès et des communications est réputée pratiquer des tarifs excessifs notamment lorsqu'elle utilise sa puissance de marché pour élever ses prix significativement au-dessus de ses coûts sans rapport avec sa contribution dans la création de valeur ajoutée liée à la commercialisation des SVA. Les profits dégagés sont alors supérieurs à ce qui serait attendu sur un marché concurrentiel et permettent la constitution d'une rente pour l'opérateur puissant, au détriment de l'utilisateur final ou de la concurrence sur d'autres marchés.
Cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1-II du CPCE et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».

III-2.3. Obligation de transparence

L'influence significative de France Télécom sur l'ensemble des marchés de gros rend les conditions dans lesquelles les opérateurs peuvent s'interconnecter avec elle ou se fournir en prestations associées structurantes pour la viabilité des services qu'ils peuvent proposer.
Il est donc nécessaire que les opérateurs disposent notamment d'une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires des offres de gros de France Télécom, afin de garantir l'exercice d'une concurrence effective et loyale dans la fourniture des services de communications électroniques, au bénéfice des utilisateurs et de l'égalité des conditions de concurrence.
Par ailleurs, l'obligation de transparence apparaît indispensable pour permettre le contrôle de l'obligation de non-discrimination, et ainsi permettre aux opérateurs négociant l'accès avec France Télécom de se référer à des données publiques.
A ce titre, l'Autorité impose à France Télécom une obligation de transparence sur la prestation de reversement au travers des conventions d'interconnexion et de son offre de référence d'interconnexion.
L'obligation de transparence imposée à France Télécom est ainsi nécessaire et proportionnée aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE, et notamment à ceux cités aux 2°, 4° et 9° du II de cet article.

III-2.3.1. Conventions d'interconnexion et d'accès

Les conditions inscrites dans les conventions d'interconnexion et d'accès précisent les conditions techniques et tarifaires offertes par les parties. France Télécom devra par conséquent informer l'Autorité de la signature de toutes les conventions d'interconnexion et d'accès et de tout avenant à ces conventions dans un délai de sept jours à compter de la signature desdits documents, concernant l'offre de reversement, en tant que prestation associée aux prestations du marché de gros du départ d'appel.
Cette information permettra à l'Autorité de demander le cas échéant à France Télécom de lui transmettre lesdits documents, en application de l'article L. 34-8 du CPCE, afin notamment de lui permettre de contrôler le respect par France Télécom des obligations de tarifs non excessifs et de non-discrimination qui lui sont imposés.

III-2.3.2. Informations données aux acteurs au travers de l'offre
de référence d'interconnexion et d'accès

Dans ce même objectif de visibilité à donner aux acteurs ayant signé avec elle une convention d'interconnexion et d'accès ou un avenant à ces conventions, en ce qui concerne son offre de reversement, France Télécom devra leur fournir des informations sur les caractéristiques de son offre, notamment en termes économiques et contractuels, dans son offre de référence d'interconnexion.

L'évolution des offres de gros de France Télécom pour l'accès aux services à valeur ajoutée a été annoncée dès le 18 décembre 2006, bien que subordonnée à l'entrée en vigueur de la décision n° 2007-0213, le 11 mai 2007. L'élaboration de cette offre ayant été présentée par France Télécom lors de réunions multilatérales régulières organisées par l'Autorité, celle-ci considère que les délais minimums de notification par France Télécom ont été respectés. Les réunions multilatérales ont par ailleurs montré le caractère urgent pour la majorité des opérateurs de la mise en oeuvre rapide par France Télécom de son offre de reversement. L'Autorité considère donc que les modalités contractuelles et tarifaires de l'offre de reversement de France Télécom devront être publiées dans les meilleurs délais, et en tout état de cause au plus tard un mois après la notification de la présente décision à France Télécom.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article D. 307-III du CPCE, elle devra par la suite informer ses cocontractants, dans un préavis raisonnable, de toute évolution des conditions techniques et tarifaires de sa prestation de reversement, en cas d'évolution de nature à contraindre les opérateurs utilisant cette prestation à modifier ou à adapter leurs propres installations. Les modalités de ce préavis sont précisées en annexe A à la décision n° 2005-0571. Cette obligation apparaît essentielle pour permettre aux opérateurs d'anticiper ces évolutions, et ainsi d'avoir une visibilité suffisante de leurs plans d'investissement.

III-2.4. Obligations comptables

Comme l'Autorité l'explique notamment dans sa décision n° 2005-0571, les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts sont des remèdes distincts que peut imposer l'Autorité à un opérateur déclaré puissant sur un marché donné au terme des analyses de marché menées selon la procédure prévue par l'article 16 de la directive « cadre ».
L'article 11 de la directive « accès » prévoit que l'Autorité peut « imposer des obligations de séparation comptable en ce qui concerne certaines activités dans le domaine de l'interconnexion et/ou de l'accès », et ce, dans l'objectif de contribuer à la vérification du respect des obligations de transparence et de non-discrimination. En particulier, l'Autorité peut « obliger une entreprise intégrée verticalement à rendre ses prix de gros et ses prix de transferts internes transparents, entre autres pour garantir le respect de l'obligation de non-discrimination prévue à l'article 10 ou, en cas de nécessité, pour empêcher des subventions croisées abusives. »
Le caractère intégré et le positionnement de France Télécom sur les marchés des communications électroniques peuvent lui permettre des distorsions de concurrence ou des pratiques discriminatoires sur les marchés de gros et de détail, qui peuvent être mis sous surveillance grâce notamment à l'imposition d'une obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts.
La décision n° 2006-1007 en date du 7 décembre 2006 impose à France Télécom de distinguer comptablement ses différentes activités selon une segmentation fidèle à celle des marchés pertinents et ainsi permettre de s'assurer que ses activités de détail recourent aux offres de gros qu'elle produit dans des « conditions équivalentes » à celles accordées aux autres opérateurs lorsqu'ils se positionnent sur les marchés de détail. Cet approvisionnement s'appuie, notamment, sur la formalisation de protocoles de cession interne sur lesquels le régulateur peut exercer un contrôle.
Il apparaît important de maintenir le système de comptabilité réglementaire imposé à France Télécom, qui permet, le cas échéant, aux autorités de concurrence d'accéder rapidement à une information sur la structure des coûts, conforme à une norme connue et soumis à un audit. Dans le cas contraire, l'intégration verticale de France Télécom sur l'ensemble de la chaîne de valeur des SVA ainsi que sa puissance sur les marchés de détail de l'accès et des communications, sur le marché de gros du départ d'appel ainsi que sa position prépondérante en tant que fournisseur de services pourraient lui permettre d'introduire des distorsions de concurrence et/ou de mettre en oeuvre des pratiques discriminatoires sur les SVA.
Afin de pallier ce risque concurrentiel et de vérifier l'obligation de non-discrimination imposée dans la présente décision, l'Autorité décide donc d'étendre les obligations de séparation comptable et de comptabilisation des coûts pesant sur France Télécom à son offre de reversement, laquelle constitue une prestation associée aux prestations du marché du départ d'appel, déjà soumis à cette obligation. Ainsi, France Télécom devra établir et communiquer à l'Autorité un protocole de séparation comptable relatif à son offre de reversement dès l'inclusion de cette offre à son offre technique et tarifaire d'accès et d'interconnexion, conformément aux modalités définies dans la décision n° 2006-1007. Ce protocole devra montrer que l'unité d'affaires « Audiotel » se fournira auprès de l'opérateur de boucle locale fixe France Télécom aux mêmes conditions qu'un fournisseur de services ou opérateur de collecte alternatif ; cette fourniture dans des conditions équivalentes ne présume pas des relations contractuelles liant Audiotel aux autres opérateurs de boucle locale.
L'obligation de séparation comptable est proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1-II° du CPCE, et en particulier les 2°, 3° et 4° et a pour objectif de pallier le risque qu'un opérateur intégré disposant d'une puissance avérée sur un marché de gros liée à la détention de certaines infrastructures en tire un avantage pour ses propres services de détail au détriment de ses concurrents, ce qui peut avoir pour effet de fausser la concurrence sur les marchés de détail concernés.

III-3. Evolution des obligations actuelles
relatives à la facturation pour compte de tiers
III-3.1. Caractère transitoire de la prestation
de facturation pour compte de tiers

Du fait de sa position particulière sur les marchés de détail de l'accès et des communications, ainsi que sur le marché de gros du départ d'appel, France Télécom propose depuis de nombreuses années une prestation de facturation pour compte de tiers, qui se traduit par deux offres distinctes, décrites supra et dont les conditions dépendent de la catégorie tarifaire du service appelé.
Dans sa décision n° 2005-0571, l'Autorité a imposé à France Télécom, et ce, à titre transitoire, en vertu de l'article D. 310 du CPCE, de continuer à fournir ces mêmes prestations, dans les mêmes conditions que celles approuvées par la décision n° 2004-1000 pour l'offre technique et tarifaire d'interconnexion pour l'année 2005, à l'ensemble des opérateurs pour qui elle assure la collecte de trafic non géographique au départ de sa boucle locale.
L'Autorité avait cependant annoncé qu'elle prévoyait d'analyser plus spécifiquement le fonctionnement du marché des services à valeur ajoutée et par conséquence, qu'elle envisageait le réexamen des conditions dans lesquelles France Télécom devrait ou non continuer, le cas échéant, à fournir une prestation de facturation pour compte de tiers.

III-3.2. Maintien de la prestation de facturation pour compte de tiers
jusqu'à la mise en oeuvre de la prestation de reversement

Lors de la réunion multilatérale du 18 décembre 2006 concernant l'évolution de la prestation de facturation pour compte de tiers de France Télécom, l'Autorité a indiqué que la mise en place d'une prestation de reversement par France Télécom impliquait un réexamen des obligations imposées sur la prestation de facturation pour compte de tiers, et notamment l'utilité de la coexistence des deux prestations.
La majorité des opérateurs présents à cette réunion n'a pas contesté le principe d'une bascule à une date unique pour l'ensemble des opérateurs de la prestation actuelle de facturation pour compte de tiers (excluant le recouvrement pour les services à paliers élevés et de renseignements téléphoniques) à l'offre de reversement (incluant le recouvrement pour l'ensemble des SVA). Ce principe est de nature à diminuer de façon importante la difficulté de l'opération pour France Télécom et ne pose pas de difficultés particulières aux opérateurs clients de France Télécom. En effet, les mécanismes de mise en oeuvre de l'offre de reversement sont techniquement déjà en place en ce qui concerne les appels au départ de la boucle locale de France Télécom à destination des services d'opérateurs tiers à paliers bas et intermédiaires (dits à coûts partagés) et les services d'accès à Internet bas débit. Par ailleurs, les opérateurs tiers exploitant des SVA disposent déjà des outils permettant la gestion des SVA sur les autres boucles locales, qui proposent déjà des offres de reversement. En termes d'évolution opérationnelle des opérateurs tiers, l'offre de reversement disponible pour l'ensemble des SVA suppose donc une modification technique limitée, à savoir l'ajout sur la facture émise habituellement par les opérateurs collecteurs pour les SVA au départ de la boucle locale de France Telecom à paliers bas et intermédiaires, des communications à destination des SVA à paliers élevés et des appels à destination des services de renseignements téléphoniques. L'abandon de l'offre de facturation pour compte de tiers (excluant le recouvrement pour les services à paliers élevés et de renseignements téléphoniques) devrait permettre la disparition de l'obligation de maintenir un service après-vente spécialisé dans la gestion des litiges liés aux appels vers ces services, de l'analyse des états de gestion des impayés transmis par France Télécom ou encore du suivi des impayés par une société de recouvrement. La plupart des acteurs considère aussi que la présentation commune de l'ensemble des appels à destination des services à valeur ajoutée sur le deuxième volet de la facture de détail de France Télécom indépendamment du réseau de l'opérateur destinataire et la disparition du troisième volet de facturation permettront d'améliorer la lisibilité pour le consommateur et de diminuer le risque d'impayés.
France Télécom semble être l'opérateur pour lequel la mise en oeuvre de cette prestation de reversement disponible pour l'ensemble des SVA est la plus complexe. Elle a ainsi indiqué qu'il lui est impossible de faire coexister en parallèle les prestations de facturation pour compte de tiers et de reversement, du fait des impacts majeurs sur ses différents systèmes de facturation et de comptabilisation de créances pour compte de tiers, sauf à repousser de plusieurs semestres la disponibilité de l'offre de reversement et à augmenter substantiellement le coût de l'opération pour l'ensemble des acteurs. L'Autorité considère que le maintien des deux prestations ne serait pas raisonnable notamment en raison de l'augmentation prévisible des coûts de la prestation de facturation pour compte de tiers en cas de baisse majeure du volume de factures avec un troisième volet, puisque les coûts fixes de la prestation resteraient importants. De plus, l'Autorité considère que le risque de report de plusieurs semestres du lancement de l'offre de reversement annoncé par France Télécom dans le cas d'une coexistence des deux prestations serait préjudiciable au développement du secteur des SVA, comme elle l'a déjà évoqué dans la décision n° 2007-0213 et à l'intérêt des consommateurs.
En conclusion, l'Autorité considère que dès la mise en place effective d'une prestation de reversement respectueuse des obligations susvisées, l'obligation imposée à France Télécom de maintenir sa prestation de facturation pour compte de tiers doit être levée, conformément aux objectifs listés à l'article L. 32-1-II, notamment ses alinéas 2° concernant l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseaux et les fournisseurs de services de communications électroniques, 3° concernant la promotion de l'investissement efficace, et 12° concernant la transparence tarifaire pour le consommateur.

IV. - OBSERVATIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
ET DES ACTEURS DU SECTEUR
IV-1. Observations de la Commission européenne

La Commission européenne a transmis le 16 juillet 2007 l'observation suivante :
« Transparence pour les consommateurs.
La Commission prend acte de l'opinion de l'ARCEP suivant laquelle l'augmentation du nombre d'acteurs (opérateurs et fournisseurs de services) dans la chaîne de valeur de la fourniture de SVA entraîne des relations contractuelles de plus en plus complexes, et que le système de reversement proposé en lieu et place du système actuel de facturation pour compte de tiers devrait garantir plus de clarté ainsi que l'absence de discrimination entre les acteurs de la chaîne.
Cependant, la Commission rappelle que l'article 8, paragraphe 4, de la directive "accès exige que les obligations imposées se fondent sur la nature du problème identifié, proportionnées et justifiées au regard des objectifs fixés à l'article 8 de la directive "cadre, en particulier en (i) assurant un haut niveau de protection des consommateurs dans leurs relations avec les fournisseurs, et (ii) promouvant la fourniture d'informations claires, en particulier en exigeant la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public. Pour ces raisons, la Commission souhaiterait inviter l'ARCEP à clarifier davantage, en adoptant sa décision finale, dans quelle mesure celle-ci contribue également à l'accomplissement de ces objectifs.
Conformément à l'article 7, paragraphe 5, de la directive "cadre, l'ARCEP doit tenir le plus grand compte des observations des autres ARN et de la Commission et peut adopter le projet de mesure finale. »
En réponse à la Commission européenne, l'Autorité précise que sa décision vise à mettre en place des obligations sur l'offre de reversement de France Télécom, dont notamment une obligation pour France Télécom de ne pas pratiquer de tarif excessif. Cette décision n'aura donc pas d'impact inflationniste pour le consommateur. Par ailleurs, comme indiqué précédemment, les modalités de fixation des niveaux des tarifs de détail, et notamment la capacité du fournisseur de service à choisir la structure et le niveau tarifaire, demeurent inchangées. C'est actuellement l'éditeur de contenu ou le fournisseur de services qui, via son opérateur de collecte le cas échéant, demande à France Télécom de commercialiser son contenu sur un certain palier tarifaire, qui sera facturé tel quel au consommateur. L'Autorité a précisé à nouveau ce point dans sa décision.
En outre, la levée de l'obligation de facturation pour compte de tiers permettra à France Télécom de réunir sur un volet de facture unique l'ensemble des communications émises par un client, y compris à destination des services à valeur ajoutée, et de supprimer la mention du nom de l'intermédiaire (opérateur de collecte ou fournisseur de services), très souvent inconnu des clients. La conséquence en sera donc une meilleure compréhension des factures et une lisibilité tarifaire accrue.
Par ailleurs, une amélioration de la transparence et de la lisibilité tarifaire au bénéfice du consommateur découle de la décision symétrique n° 2007-0213 imposant à l'ensemble des opérateurs de boucle locale, et donc en particulier à France Télécom, de fournir une offre complète de commercialisation des services à valeur ajoutée, offre soumise à régulation asymétrique dans le cas de France Télécom. Toutefois, le sujet global de la protection du consommateur et de la transparence tarifaire ne peut être uniquement traité par des outils de régulation asymétrique qui visent en premier lieu à prévenir les abus de position dominante et non à améliorer la transparence et la lisibilité des tarifs de détails ; il nécessite un travail plus approfondi impliquant l'ensemble des acteurs du secteur et, le cas échéant, le recours à des instruments de régulation symétrique. C'est ainsi que l'Autorité a pu annoncer, dans sa communication autour des deux consultations publiques sur les services à valeur ajoutée de l'année 2007, la création d'un groupe de travail réunissant à la fois les opérateurs de boucle locale, les fournisseurs de services ainsi que les représentants d'associations de consommateurs et les administrations concernées.

IV-2. Observations des acteurs du secteur

Dix contributions ont été reçues par l'Autorité concernant le projet de décision soumis à consultation publique du 14 juin au 16 juillet 2007, certaines soumises partiellement ou intégralement au secret des affaires.

a) Sur l'opportunité de la démarche

Un certain nombre d'opérateurs alternatifs considère que l'offre de reversement ne correspond pas à leur souhait d'évolution des prestations de gros de France Télécom, puisqu'ils réclament une évolution de la prestation de France Télécom de facturation pour compte de tiers, incluant la prestation de recouvrement pour l'ensemble des paliers de services à valeur ajoutée.
Pour une association, la prestation de facturation pour compte de tiers semble adaptée car elle assure la transparence des différents acteurs de la chaîne SVA et permet ainsi de garantir la responsabilité éditoriale du fournisseur de SVA. Un certain nombre d'opérateurs précise que les problèmes fondamentaux de la prestation actuelle de facturation pour compte de tiers de France Télécom résident dans l'exclusion des services à paliers élevés (dits SRP) de la prestation de recouvrement et du manque de lisibilité des factures de détail lié à l'existence du troisième volet de facturation. Selon eux, la solution consisterait à étendre la prestation de facturation pour compte de tiers existant pour les paliers bas et intermédiaires (dits SCP) aux paliers élevés (dits SRP) et aux services de renseignements téléphoniques (dits SRT). Un opérateur fournisseur de SVA conteste ainsi la formulation de l'Autorité selon laquelle la plupart des opérateurs alternatifs auraient formulé le souhait d'une offre de reversement remplaçant la facturation pour compte de tiers alors que la demande commune porte plutôt sur l'extension à l'ensemble des SVA du mécanisme appliqué aux paliers bas et intermédiaires (SCP) depuis 1998. Deux opérateurs contestent l'affirmation de l'Autorité selon laquelle l'offre actuelle s'appliquant aux paliers bas et intermédiaires (SCP) serait d'ores et déjà une offre de reversement. En conséquence, un opérateur de boucle locale considère qu'il n'est pas utile de réexaminer les obligations spécifiques à France Télécom puisque la décision n° 2007-0213 de régulation symétrique adoptée depuis le 11 mai dernier impose déjà à France Télécom de proposer une offre de reversement permettant la facturation et le recouvrement de tous les SVA, dont les paliers élevés (SRP et SRT) autrefois exclus, en complément direct de la décision initiale d'analyse de marché n° 2005-0571. Le présent projet de décision est selon lui inutile.
L'Autorité rappelle que l'obligation imposée à France Télécom dans le cadre de l'analyse des marchés conclue en septembre 2005 consiste à « maintenir les offres d'accès qu'elle fournit actuellement [...] telles que notamment [...] la prestation de facturation pour compte de tiers » (6). Cette facturation pour compte de tiers se décline en deux modalités, selon que les services à valeur ajoutée sont gratuits, à paliers bas et intermédiaires, ou bien à paliers élevés, et est également soumise à un certain nombre d'obligations par la décision n° 2005-0571. La décision symétrique n° 2007-0213 impose quant à elle aux opérateurs « départ » de faire droit aux demandes raisonnables de reversement d'une partie des sommes facturées aux utilisateurs, dans des conditions objectives et non discriminatoires. Aussi, l'objet de la présente décision de l'Autorité est d'imposer des obligations complémentaires à France Télécom en application de l'article L. 38 compte tenu de sa position concurrentielle et de préciser l'articulation entre ces obligations et celle découlant de la décision symétrique n° 2007-0213.
L'Autorité confirme que les caractéristiques de l'offre de reversement devront fortement ressembler à la prestation de facturation pour compte de tiers dans la modalité qui s'applique actuellement aux services à paliers bas et intermédiaires (dits SCP). En effet, France Télécom facturera et recouvrera l'ensemble des SVA en son nom, inclura les sommes dues par les clients dans le deuxième volet de la facture et reversera une partie des sommes facturées aux opérateurs de collecte ou aux fournisseurs de services. La suppression de l'offre de facturation pour compte de tiers dans la modalité qui s'applique actuellement aux services à paliers élevés (dits SRP) et aux services de renseignements téléphoniques permettra d'améliorer la lisibilité tarifaire pour les clients de France Télécom, pour lesquels le troisième volet de la facture disparaîtra.

b) Sur la nature juridique de l'offre de reversement

Un certain nombre de contributions à la consultation publique montre que l'absence de précision quant à la nature juridique de l'offre de reversement est porteuse de confusion (diversité d'interprétations). Certains opérateurs analysent les caractéristiques des diverses modalités juridiques pouvant correspondre à la prestation de reversement (mandat de domiciliation de paiement, commissionnement, affacturage, achat-revente, etc.) et leurs interactions éventuelles avec le droit bancaire ou la responsabilité de l'opérateur de boucle locale dans le contrôle déontologique des contenus accessibles par les numéros SVA.
La crainte majeure de ces opérateurs réside dans l'interprétation possible de la relation commerciale en une relation d'achat-revente, modèle qui remettrait en cause certains éléments caractéristiques de la chaîne de valeur SVA : le mode de fixation des tarifs de détail et le schéma d'interconnexion indirecte. Dans ce schéma-là, France Télécom, en tant que revendeur des services SVA achetés aux opérateurs tiers, serait en mesure de fixer elle-même les tarifs de détail, ce qui conduirait à une situation de monopole de fait sur les SVA fournis au départ de sa boucle locale. Ce modèle créerait, selon ces opérateurs, un risque majeur d'augmentation des tarifs de détail et une détérioration de la lisibilité tarifaire, au détriment des consommateurs. D'après ces opérateurs, la revente des SVA par France Télécom conduirait également à la disparition de l'activité d'intermédiaire de collecte exercée par l'opérateur attributaire ou le gestionnaire technique du numéro SVA, et qui n'aurait plus de contrôle sur l'ouverture des numéros et la fixation des tarifs au départ de la boucle locale de France Télécom.
Des opérateurs analysent également les qualifications actuelles de la prestation de facturation pour compte de tiers de France Télécom. Un rappel historique de la création de cette prestation montre que la prestation est en réalité constituée de deux offres selon le niveau tarifaire du palier SVA associé. Tout d'abord, l'offre de facturation pour compte de tiers créée en 1998 pour les services à paliers bas et intermédiaires (dits SCP) permet la facturation et le recouvrement pour compte de tiers, France Télécom émettant les factures en son nom et pour son compte et réunissant de manière indifférenciée l'ensemble des appels SVA associés à ces paliers sur le deuxième volet de sa facture de détail. Les créances lui étant propres, France Télécom facture et recouvre les créances, puis reverse une partie des sommes facturées aux fournisseurs de SVA par le biais des intermédiaires opérateurs de collecte. Par la suite, la prestation de facturation pour compte de tiers a été complétée en 2001 par une offre distincte réservée aux services à paliers élevés (dits SRP) et aux services de renseignements téléphoniques, pour laquelle France Télécom facture au nom et pour le compte des opérateurs tiers et édite les appels SVA associés à ces paliers tarifaires sur un troisième volet de sa facture de détail. Dans cette modalité, les créances appartenant aux opérateurs tiers, France Télécom a décidé de mettre en place un système de mandat de facturation pour compte de tiers en mode « non-ducroire » et sans recouvrement, les créances étant distinguées dans sa comptabilité afin de respecter le droit bancaire en matière d'encaissement de créances pour le compte de tiers.
Un opérateur précise que l'utilisation du terme de « nouvelle offre » pour qualifier l'offre de reversement tout en précisant qu'une telle offre existe déjà pour les paliers bas et intermédiaires (SCP), dont la qualification contractuelle de facturation pour compte de tiers existe depuis 1998, est source de confusion. Selon lui, l'offre de reversement revient à renommer l'offre technique de facturation pour compte de tiers pour les paliers bas et intermédiaires (SCP) sans en changer la nature puisque France Télécom continuera à facturer et à recouvrer les créances facturées en son nom, sur le deuxième volet de sa facture de détail, tout en étendant ce mécanisme à l'ensemble des SVA. L'opérateur en conclut que l'offre de reversement ne peut pas être considérée comme entièrement nouvelle, puisqu'elle adapte une offre existante, tout en supprimant concomitamment son offre de facturation pour compte de tiers dédiée aux services à paliers élevés (SRP) et de renseignements téléphoniques.
Un autre opérateur considère enfin que l'offre de reversement préconisée par l'Autorité peut être interprétée comme étant une offre de commissionnement, par laquelle France Télécom émet et recouvre des créances en son nom et pour son compte : il n'y a notamment pas de recouvrement pour le compte de tiers. L'offre de reversement de France Télécom, qui comprend un certain nombre de prestations (facturation, publication des tarifs dans ses grilles de détail, encaissement, recouvrement, reversement d'une partie des sommes facturées, etc.), constitue l'ensemble des opérations que France Télécom réalise en tant que commissionnaire, tout en suivant les instructions données par le commettant, qui se trouve être l'opérateur de collecte ou le fournisseur du SVA. Ce schéma juridique maintient le mécanisme actuel de fixation des tarifs de détail par le fournisseur du SVA, dans le respect des paliers définis par le plan public de numérotation et des grilles tarifaires éventuellement définies par les opérateurs.
L'Autorité précise que la présente décision ne remet aucunement en cause le système de fixation des tarifs de détail des SVA au départ de la boucle locale de France Télécom ou encore le schéma habituel d'interconnexion indirecte, décrits dans la décision n° 2007-0213 de régulation symétrique. En particulier, l'Autorité rappelle qu'une des caractéristiques majeures des services à valeur ajoutée réside dans la mise en oeuvre de deux prestations techniques distinctes mais fournies conjointement, d'une part, l'acheminement de la communication téléphonique à destination de la plate-forme technique qui héberge l'éditeur de contenu et, d'autre part, la fourniture du contenu du service lui-même. En conséquence, France Télécom et le fournisseur de services participent à la fixation du tarif de détail. Dans la pratique, c'est le fournisseur de services qui, directement ou via son intermédiaire de collecte, informe France Télécom du tarif de détail associé à sa demande d'ouverture de numéro SVA, sous réserve du respect du plan public de numérotation et de la grille de paliers tarifaires proposée par France Télécom.

c) Sur l'absence alléguée d'analyse de marché

Un certain nombre d'acteurs critiquent l'absence d'analyse du marché de détail des services à valeur ajoutée. Des fournisseurs de services considèrent ainsi que le projet est illégal dans la mesure où il détourne les principes de la procédure de régulation ex ante et est contraire aux objectifs visés.
La plupart des opérateurs observe cependant que les chiffres de l'Autorité confirment la puissance de France Télécom sur les marchés en amont et en aval au départ d'appel vers les services à valeur ajoutée. Des fournisseurs de services et un opérateur de boucle locale considèrent que l'association de la prestation de reversement à la prestation de départ d'appel est erronée.
L'Autorité confirme que la prestation de reversement est bien une prestation associée au marché de gros du départ d'appel, dont l'analyse de marché a été réalisée en 2005 dans sa décision n° 2005-0571, en ce qu'elle permet la commercialisation par France Télécom des services à valeur ajoutée d'un éditeur de contenu. L'Autorité dispose, en vertu de l'article D. 303 du CPCE, de la possibilité de réexaminer les obligations imposées à France Télécom sans refaire une analyse de la délimitation du marché ou de la puissance d'un acteur sur le marché concerné. Elle n'enfreint en aucun cas la procédure de régulation ex ante, la Commission européenne n'ayant par ailleurs noté aucune incompatibilité avec le droit européen.
L'Autorité précise enfin que le marché de détail sur lequel les éditeurs de contenus contractualisent avec les fournisseurs de services de communications électroniques, marché sur lequel France Télécom exerce son activité via son unité d'affaires « Distribution et rémunération des services en ligne » (connue sous le nom d'Audiotel) et détient vraisemblablement une position dominante, n'est pas un marché listé dans la recommandation sur les marchés pertinents de la Commission européenne et devant obligatoirement faire l'objet d'une analyse de l'Autorité. Par ailleurs, l'Autorité dispose de la possibilité d'étendre cette liste si elle le juge nécessaire. Au cas d'espèce, l'Autorité ne considère pas qu'il soit nécessaire d'envisager de déclarer ce marché pertinent au sens des articles L. 37-1 et suivants du CPCE. Ce marché n'est pas caractérisé par la présence de fortes barrières à l'entrée et le droit commun de la concurrence a la capacité de sanctionner d'éventuels abus de position dominante, en s'appuyant le cas échéant sur les obligations sectorielles mises en place sur les marchés amont et notamment sur l'obligation de séparation comptable imposée à France Télécom en vertu de sa puissance sur le marché du départ d'appel.

d) Sur les risques liés aux obligations imposées à l'offre
de reversement de France Télécom

La plupart des acteurs considère qu'il est nécessaire d'imposer une obligation d'orientation vers les coûts sur l'offre de reversement de France Télécom plutôt qu'une obligation de pratiquer des tarifs non excessifs. Alors qu'un acteur souhaite que l'Autorité définisse précisément un niveau de marge maximal pour qualifier les taux de rétention non excessifs de France Télécom, plusieurs fournisseurs de services craignent l'augmentation des coûts actuels liés aux services à paliers bas et intermédiaires (SCP) pour lesquels France Télécom a annoncé que les équilibres économiques ne seraient pas modifiés à l'ouverture de son offre. Ils craignent également une possible inflation du taux de 12 % annoncé par France Télécom pour les services à paliers élevés et les services de renseignements téléphoniques. Plusieurs opérateurs estiment d'ailleurs que le taux de 12 % constitue une marge trop élevée pour France Télécom, qui ne tient pas compte de l'économie substantielle qu'elle va réaliser en supprimant la chaîne de facturation chère et inefficace liée à la production du troisième volet de facturation de détail, et dont elle sera la seule à bénéficier. Par ailleurs, certains opérateurs rappellent les résultats d'une étude évaluant le taux d'impayés réel de France Télécom à 1 % du chiffre d'affaires contre 7 % en moyenne pour les opérateurs alternatifs.
Plusieurs opérateurs estiment que l'appréciation du caractère non excessif des tarifs de France Télécom en comparaison avec les taux moyens pratiqués par les opérateurs de boucle locale français est inappropriée du fait de la situation particulière de France Télécom, son expérience et ses économies d'échelle. Ils estiment plus adaptée la comparaison avec les opérateurs historiques européens, dont l'analyse montre l'application systématique du principe d'orientation vers les coûts et l'observation de taux variant en moyenne de 2 à 9 % selon la nature exacte de la prestation, celle-ci incluant généralement le recouvrement, mais excluant la modalité « ducroire » de garantie de paiement dans le cas de l'opérateur historique espagnol. Selon eux, l'absence d'orientation vers les coûts rend par essence les taux inflationnistes, certains opérateurs de boucle locale français appliquant dès aujourd'hui des taux supérieurs à 12 %.
Deux fournisseurs de services considèrent qu'il est indispensable de permettre le réexamen des taux afin de tenir compte de l'existence éventuelle de moyens de contrôle des impayés ou de réduction de certains coûts. L'un d'entre eux précise en particulier que l'application d'un taux unique quel que soit le risque d'impayés risque d'entraîner une baisse du contrôle déontologique des contenus. Selon lui, une personnalisation des taux par opérateur selon son niveau réel d'impayés serait le meilleur critère, à défaut la mise en place de taux différenciés selon la typologie de service ou a minima des taux proportionnels au niveau du palier tarifaire associé au SVA.
Enfin, plusieurs acteurs considèrent qu'il n'est pas proportionné que l'une des prestations connexes au départ d'appel soit simplement soumise à une obligation de pratiquer des tarifs non excessifs alors que la prestation principale de départ d'appel reflète les coûts.
France Télécom considère à l'inverse que l'obligation de pratiquer des tarifs non excessifs est suffisante et proportionnée du fait, d'une part, du principe de partage de la valeur, défini dans la décision de régulation symétrique n° 2007-0213 et, d'autre part, à cause de l'extension des obligations de comptabilisation et de séparation comptable aux activités en aval de sa prestation de reversement.
Les obligations de non-discrimination et de séparation comptable imposées à France Télécom sont quant à elles jugées inadaptées par plusieurs opérateurs. Pour certains, la non-discrimination n'est pas une obligation nouvelle puisqu'elle s'applique à tous les opérateurs, dont France Télécom depuis l'adoption de la décision n° 2007-0213. Les opérateurs sont surtout dubitatifs quant à la pertinence de l'obligation de séparation comptable du fait de l'intégration verticale de France Télécom de sa boucle locale à sa branche de détail Audiotel, dont les informations de comptabilisation des coûts ne seront disponibles qu'a posteriori et dans la pratique analysées par l'Autorité jusqu'à 18 mois plus tard. Plusieurs opérateurs considèrent par ailleurs que l'opacité des offres sur mesure de France Télécom sur le marché de détail des SVA tout comme l'exclusivité de certaines fonctionnalités techniques de l'offre de détail Audiotel sont d'autres facteurs de discrimination sur lesquels l'Autorité n'a aucune visibilité.
L'Autorité récuse l'argument selon lequel elle ne pourrait pas appliquer des remèdes différenciés pour une prestation principale et une de ses prestations connexes, afin de respecter les objectifs de proportionnalité des remèdes.
Elle considère que l'obligation de pratiquer des tarifs non excessifs appliquée à la prestation de reversement de France Télécom est proportionnée par rapport à l'obligation de pratiquer des tarifs raisonnables imposée par la décision n° 2007-0213 du fait du principe de partage de la valeur, lié à la nature même des SVA, dont la production de valeur ajoutée n'est justement pas possible sans la conjonction des deux parties (opérateur départ et fournisseur du SVA). La présente décision complète le caractère « raisonnable » défini par la décision n° 2007-0213 applicable à l'ensemble des opérateurs départ, du fait de la situation particulière de France Télécom, et ajoute que le taux doit refléter l'apport de chaque acteur dans la création de valeur ajoutée. L'Autorité précise à nouveau que le caractère non excessif pourra être examiné notamment à l'aune du niveau des taux habituellement appliqués sur le marché français, voire de comparaisons internationales pour des prestations comparables, tout en sachant que la comparabilité de telles offres reste sujette à caution en matière de SVA.
L'Autorité a jugé dans sa décision de régulation symétrique n° 2007-0213 que « sous réserve du respect des principes de non-discrimination et d'objectivité, l'[...] obligation [de faire droit aux demandes raisonnables de reversement] n'exclut pas que des taux différents puissent le cas échéant être mis en place en fonction par exemple de la typologie des services, de leur contenu ou du niveau des impayés ». L'Autorité constate que l'évolution des impayés selon le niveau des paliers est bien un critère objectif de différenciation des taux. Ainsi, un étalement des taux de rétention pourrait ainsi être mis en oeuvre, comme cela fut le cas lors de la création par France Télécom de son offre initiale de facturation pour compte de tiers pour les paliers bas et intermédiaires (SCP).
En réaffirmant dans sa décision l'obligation de non-discrimination imposée à l'offre de reversement de France Télécom, l'Autorité vise à renforcer de manière proportionnée le niveau de contrôle adapté à l'enjeu de la puissance de France Télécom.
L'imposition de cette obligation de non-discrimination au titre de l'article L. 38, en sus de l'imposition au titre de l'article L. 34-8-III, est nécessaire pour permettre l'articulation de l'obligation de transparence de l'article L. 38 afin de pouvoir imposer l'obligation de publier une offre de référence et la mise en place d'une obligation de séparation comptable au titre du même article (cf. infra).
Elle permet ainsi d'imposer à France Télécom une obligation de transparence qui s'applique à elle au travers de la publication d'une offre de référence et de la communication à l'Autorité des conventions ou avenants portant sur l'offre de reversement. L'obligation de non-discrimination permet également à l'Autorité d'imposer les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable des activités de sa branche de détail Audiotel, obligations dont les bénéfices en termes de régulation ont été mentionnés supra.

e) Sur la levée de l'obligation de fournir une prestation de facturation
pour compte de tiers par France Télécom

Un acteur considère que la disparition complète de la facturation pour compte de tiers telle qu'elle est appliquée aujourd'hui pour les services à paliers élevés (SRP) et les services de renseignements téléphoniques conduit à imposer un système unique basé sur un taux d'impayé globalisé, conduisant à la perte de maîtrise des coûts par les opérateurs de collecte et les fournisseurs de services. Selon lui, les opérateurs doivent pouvoir choisir entre une offre de reversement et une offre de facturation pour compte de tiers (sans recouvrement), selon le modèle économique et les impayés réellement associés à leur offre de services.
Plusieurs fournisseurs de services souhaitent le maintien de la prestation actuelle de facturation pour compte de tiers appliquée aux paliers élevés et aux services de renseignements téléphoniques, dans la mesure où cette prestation est considérée depuis toujours comme indispensable à l'offre d'interconnexion et d'accès permettant la commercialisation des SVA.
De plus, selon plusieurs opérateurs et fournisseurs de services, aucune justification n'a été fournie par l'Autorité ni par France Télécom pour expliquer l'impossible coexistence des deux systèmes. Un opérateur souhaite que France Télécom fournisse des justificatifs détaillant les coûts en cas de coexistence des deux systèmes, tout en rappelant que l'offre technique de reversement existe dans la pratique depuis de nombreuses années pour les services à paliers bas et intermédiaires (SCP), sans problème de compatibilité entre systèmes de facturation ni de conflit avec la législation bancaire en vigueur. Selon cet opérateur, France Télécom aurait déjà pu étendre ce système à l'ensemble des paliers tarifaires, comme le proposent tous les autres opérateurs de boucle locale.
France Télécom fournit dans sa contribution à la consultation publique un certain nombre d'éléments de réponse aux critiques précédentes. En cas de coexistence de l'offre actuelle de facturation pour compte de tiers (sans recouvrement et avec un troisième volet) avec l'offre de reversement (avec recouvrement et un deuxième volet), France Télécom devra réaliser de nombreux développements dont le coût est important et, selon elle, leur réalisation nécessitera le décalage d'une année a minima du lancement de l'offre de reversement, à la fin 2008. D'une part, France Télécom devra adapter ses systèmes de facturation de gros et de détail afin de permettre que les détails de communications SVA figurent sur le deuxième ou le troisième volet de facturation selon la modalité de facturation choisie par l'opérateur de collecte ou le fournisseur de SVA. D'autre part, France Télécom devra adapter ses systèmes d'information dédiés à l'encaissement de créances pour compte de tiers afin de se conformer aux normes bancaires en vigueur en cas de maintien de l'offre de facturation pour compte de tiers dédiée aux services à paliers élevés. Selon France Télécom, la coexistence des deux systèmes remettrait en cause l'objectif de protection du consommateur à cause de l'aggravation prévisible des problèmes de transparence liés aux factures de détail. De plus, la majorité des clients de la prestation de facturation pour compte de tiers de France Télécom ayant annoncé une préférence pour une offre complète de facturation et de recouvrement de l'ensemble des SVA, France Télécom considère qu'une prestation de facturation pour compte de tiers des services à paliers élevés maintenue pour un nombre limité de clients verrait ses coûts augmenter de manière significative (à plus de 20 % au lieu de 5 % actuellement). France Télécom observe qu'en cas de diminution importante du volume de factures émises avec un troisième volet les coûts fixes de la prestation (chaîne de facturation et personnel dédiés) ne seraient réduits que de 20 %. Le principe d'orientation vers les coûts actuellement appliqué à cette offre conduirait à l'augmentation mécanique des tarifs de cette offre : la prestation de facturation pour compte de tiers deviendrait rapidement économiquement non rentable pour les opérateurs tiers, surtout en cas de distinction par service. Ainsi, si certains services concernent un petit nombre de consommateurs pour un nombre d'appels limité mais de durée importante, d'autres ciblent une large clientèle pour des appels courts et épisodiques ; ces derniers génèrent ainsi par nature un beaucoup plus grand nombre de micro-factures que les premiers.
L'Autorité rappelle qu'elle a toujours annoncé que la prestation de facturation pour compte de tiers était transitoire et, ainsi qu'elle l'a écrit dans sa décision symétrique n° 2007-0213, elle considère qu'une offre de reversement est une prestation plus adaptée au développement des SVA et davantage bénéfique aux consommateurs, notamment en termes de lisibilité. De plus, l'Autorité précise que l'ensemble des acteurs clients de l'offre de facturation pour compte de tiers a été associé au processus d'évolution des offres de gros de France Télécom et que la plupart des opérateurs n'a pas exprimé de réserve concernant le calendrier de mise en oeuvre lors des réunions multilatérales. Bien que le processus d'évolution de la régulation ne soit pas encore achevé, l'Autorité considère qu'il est indispensable que les acteurs du marché des SVA envisagent au plus tôt l'ensemble des aspects techniques et contractuels liés à une évolution des offres de France Télécom.
L'Autorité considère au final qu'il n'est pas raisonnable d'imposer à France Télécom le maintien d'une offre de facturation pour compte de tiers des services à paliers élevés dès lors qu'une offre de reversement complète est disponible pour l'ensemble des SVA et qu'elle respecte les obligations imposées par la présente décision. En effet, l'importance des développements à réaliser en cas de coexistence des deux offres et de mise en conformité avec la législation bancaire en vigueur risquent de repousser le lancement de l'offre de reversement d'un délai inacceptable, tout en rendant l'offre actuelle de facturation pour compte de tiers des services à paliers élevés de facto bien plus chère. En outre, le maintien des deux prestations contreviendrait aux objectifs généraux de l'Autorité édictés dans l'article L. 32-1-II du CPCE et notamment ses alinéas 3°, concernant la promotion de l'investissement efficace, et 12° concernant la transparence tarifaire pour le consommateur. L'Autorité juge ainsi que la coexistence des deux offres induirait in fine des investissements inefficaces. A l'inverse, la suppression de la facturation pour compte de tiers actuelle pour les services à paliers élevés, en mettant fin au troisième volet de facturation de détail de France Télécom, ne peut être que bénéfique en termes de lisibilité tarifaire au consommateur.

f) Sur les autres demandes

Plusieurs acteurs critiquent les conditions tarifaires et techniques différenciées annoncées par France Télécom, concernant la prestation de départ d'appel selon l'origine du trafic au départ de ses clients RTC ou de ses clients VoIP. Selon un fournisseur de services, l'application d'un tarif de gros plus élevé pour le départ d'appel en provenance des clients VoIP de France Télécom risque d'entraîner une inflation des tarifs de détail en compensation de la dégradation des marges sur le marché de gros. Selon un opérateur, France Télécom remet en cause unilatéralement les conditions tarifaires et techniques de ses conventions d'interconnexion en ne respectant pas l'obligation de livraison du trafic selon la capillarité de l'opérateur de collecte, et ce indépendamment de la technologie de l'appelant. Selon cet opérateur, France Télécom doit continuer à livrer le trafic en provenance de ses clients dans les mêmes conditions techniques pour une même origine de numérotation. Dans le cas contraire, France Télécom viole le principe de neutralité technologique qui ne distingue pas l'acheminement de trafic en fonction du mode technique de production de celui-ci.
L'Autorité entend rappeler qu'il ne s'agit pas dans la présente décision de juger des caractéristiques d'une offre particulière de France Télécom, mais bien d'imposer des obligations à cette offre. Elle précise toutefois qu'elle promeut bien le principe de neutralité technologique et que l'offre de reversement au départ de la boucle locale fixe de France Télécom doit respecter les mêmes obligations quelle que soit l'origine de l'appel.
Une association s'inquiète des risques de dérives liées à une offre de reversement incluant le recouvrement, l'application de la directive « service universel » empêchant selon lui l'usage de la coupure de ligne en cas de non-paiement (dit recouvrement coercitif), sauf en cas de retard ou de défaut de paiement persistants. Elle rappelle ainsi l'importance de la protection du consommateur dans un secteur où les fraudes sont nombreuses. Elle craint par ailleurs que l'offre de reversement dilue la responsabilité de l'éditeur du service concernant le contrôle déontologique du contenu et estime que l'usage des SVA doit être limité aux transactions d'une valeur maximale de 5 euros.
L'Autorité souligne que, tout comme sa décision symétrique n° 2007-0213, la présente décision n'a aucun impact sur les relations de détail entre France Télécom et ses clients, France Télécom étant toujours soumise aux mêmes règles et obligations en ce qui concerne ses contrats et ses actions au détail. En l'occurrence, une fois son offre de reversement mise en place, France Télécom facturera et recouvrera l'ensemble des SVA de la même façon qu'elle le fait actuellement pour les siens propres. Par ailleurs, l'Autorité est consciente des problématiques soulevées, notamment celle de protection du consommateur, et renvoie pour cela aux travaux symétriques qu'elle mène sur le sujet,

Décide :

Article 1

La décision n° 2005-0571 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 septembre 2005 est modifiée comme suit :
I. - L'article 16 est complété par un dernier alinéa ainsi rédigé :
« La fourniture de la prestation de facturation pour compte de tiers associée à la prestation de départ d'appel est imposée à France Télécom sous réserve de la mise en oeuvre par cette dernière d'une prestation de reversement. A la mise en place de cette prestation de reversement, l'obligation imposée à France Télécom de maintenir sa prestation de facturation pour compte de tiers sera levée. »
II. - Le cinquième alinéa de l'article 23 est remplacé par les deux alinéas suivants :
« France Télécom ne devra pas pratiquer des tarifs excessifs sur la prestation de reversement associée aux prestations relatives au marché pertinent défini à l'article 8.
L'obligation de reflet des coûts est également imposée sur les prestations associées aux prestations visées aux alinéas 1 et 4 de cet article, sous réserve du respect des deuxième et cinquième alinéas du présent article. France Télécom devra notamment pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants sur la prestation de raccordement à l'ensemble de ses sites d'interconnexion mentionnée à l'annexe A. »
III. - L'article 24 est ainsi rédigé :
« France Télécom est soumise à une obligation de séparation comptable et à une obligation relative à la comptabilisation des coûts de l'ensemble des prestations d'accès et d'interconnexion relatives aux marchés pertinents définis aux articles 8 à 11, y compris sur la prestation de reversement associée aux prestations relatives au marché pertinent défini à l'article 8.
Les modalités de cette obligation sont définies dans la décision n° 2006-1007 de l'Autorité. »

Article 2

L'annexe A de la décision susvisée, approuvée par son article 21, est modifiée comme suit :
I. - L'intitulé du point 6 (a) est ainsi rédigé : « Facturation pour compte de tiers et prestation de reversement ».
II. - Le point 6 (a) est complété par un dernier alinéa ainsi rédigé :
« France Télécom maintiendra la prestation de facturation pour compte de tiers jusqu'à la mise en oeuvre de sa prestation de reversement. Celle-ci sera incluse dans son offre technique et tarifaire d'interconnexion et d'accès et portera sur les communications issues de l'ensemble des lignes d'abonnés et des Publiphones raccordés à son réseau, vers les fournisseurs de services à fonctionnalités complémentaires et avancés raccordés par des réseaux tiers, et incluant notamment les services libre-appels, les services à paliers bas et intermédiaires et les services à paliers élevés, y compris les services d'accès à Internet en bande étroite et les services de renseignement téléphonique. »

Article 3

La présente décision est en vigueur à compter de sa notification à la société France Télécom et jusqu'au 1er septembre 2008, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé conformément aux dispositions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques.
France Télécom inclura sa prestation de reversement dans son offre technique et tarifaire d'accès et d'interconnexion dans les meilleurs délais et, en tout état de cause, au plus tard un mois après s'être vue notifier la présente décision.
France Télécom établira et communiquera à l'Autorité un protocole de séparation comptable relatif à sa prestation de reversement dès la publication de celle-ci dans son offre technique et tarifaire d'accès et d'interconnexion.

Article 4

Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée à la société France Télécom.