JORF n°144 du 22 juin 2005

III-B-2-b. L'intégration verticale de France Télécom
et l'existence d'économies d'échelle

France Télécom est présente sur l'ensemble de la chaîne de valeur du haut débit, à savoir les marchés de gros du dégroupage de la boucle locale, des offres d'accès large bande livrées aux niveaux régional et national, mais aussi les marchés de détail. Cette situation a été renforcée par la réintégration récente de la filiale Wanadoo au sein de la maison mère. Au niveau régional, une part significative des accès large bande est produite par France Télécom pour être commercialisée par ses propres services ou filiales sur les marchés de détail.

S'il ressort traditionnellement de la jurisprudence des autorités de concurrence en matière de concentration (19) que la production interne ne doit pas être prise en compte dans la définition du marché pertinent, lequel doit être limité aux échanges effectifs sur le marché libre, cette production ne saurait cependant être ignorée lors de l'analyse concurrentielle, en particulier lorsqu'une entreprise offre des prestations à la fois pour répondre à ses propres besoins et pour satisfaire ceux d'entités économiques distinctes.
En effet, dans cette hypothèse, les prestations que l'entreprise se fournit à elle-même peuvent constituer un levier lui permettant d'exercer une pression concurrentielle sur les prix pratiqués sur le marché.
Ainsi, sans conclure à la nécessité de prendre en compte la production interne pour définir le marché et calculer la part de marché pour les biens et les services intermédiaires, la Commission précise dans ses lignes directrices du 13 octobre 2000 relatives aux restrictions verticales (20) que « la production interne, c'est-à-dire la fabrication par une entreprise d'un bien intermédiaire aux fins de sa propre production, peut revêtir une très grande importance dans une analyse de la concurrence en tant que contrainte concurrentielle ou en tant que facteur qui renforce la position d'une entreprise sur le marché ».
En l'espèce, la production d'accès haut débit étant régie par une économie de coûts fixes, le volume global d'accès destinés au marché intermédiaire et au marché de détail produits par un même opérateur est une source d'économies d'échelle substantielles.
Par le biais de ces économies d'échelles, le volume d'accès produits par un opérateur pour être commercialisés en propre sur le marché de détail a un impact direct sur les coûts de production des accès large bande vendus par ce même opérateur sur le marché de gros.
Au regard de l'importance du nombre d'accès cédés en interne par rapport au nombre total d'accès produits sur les marchés du haut débit, cet effet apparaît comme particulièrement structurant sur le marché de gros des offres régionales. Ainsi, sur les accès large bande produits en France au 1er janvier 2005, seuls 20 % étaient échangés sur le marché de gros des offres régionales, les autres étant commercialisés sur des marchés avals.
L'Autorité considère que ces économies d'échelle confèrent aux opérateurs intégrés ayant une forte production interne, un avantage substantiel en termes de coûts par rapport à ceux de leurs concurrents qui ne sont pas intégrés ou dont la production interne est moins importante.
Cet élément caractéristique du positionnement d'un opérateur sur le marché de gros des offres régionales n'est pas mesuré par le seul calcul des parts de marché portant sur les échanges constatés. Etant donné qu'au niveau régional France Télécom utilise pour elle-même, c'est-à-dire pour Wanadoo ou pour la production d'accès large bande livrés au niveau national, près de 80 % des accès qu'elle produit, la production interne liée à l'intégration verticale de France Télécom joue un rôle essentiel en permettant de diminuer les coûts de production des accès large bande vendus par France Télécom sur le marché de gros.
En outre, l'existence de débouchés captifs et à grande échelle permettrait à France Télécom, en l'absence de régulation ex ante, de se comporter dans une certaine mesure de façon indépendante de la demande exprimée par les opérateurs concurrents sur le marché de gros.
Enfin, en raison de son intégration verticale et de sa présence en amont du marché considéré, France Télécom est en mesure d'économiser les coûts de transaction que supportent en revanche les autres opérateurs qui s'appuient sur le dégroupage pour produire des offres régionales.
En conclusion, l'intégration verticale de France Télécom en amont et en aval du marché, l'importance de sa production interne et de ses économies d'échelle renforcent sa capacité à se comporter, en l'absence de régulation, indépendamment de ses clients et de ses concurrents sur le marché de gros.


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Version 1

III-B-2-b. L'intégration verticale de France Télécom

et l'existence d'économies d'échelle

France Télécom est présente sur l'ensemble de la chaîne de valeur du haut débit, à savoir les marchés de gros du dégroupage de la boucle locale, des offres d'accès large bande livrées aux niveaux régional et national, mais aussi les marchés de détail. Cette situation a été renforcée par la réintégration récente de la filiale Wanadoo au sein de la maison mère. Au niveau régional, une part significative des accès large bande est produite par France Télécom pour être commercialisée par ses propres services ou filiales sur les marchés de détail.

S'il ressort traditionnellement de la jurisprudence des autorités de concurrence en matière de concentration (19) que la production interne ne doit pas être prise en compte dans la définition du marché pertinent, lequel doit être limité aux échanges effectifs sur le marché libre, cette production ne saurait cependant être ignorée lors de l'analyse concurrentielle, en particulier lorsqu'une entreprise offre des prestations à la fois pour répondre à ses propres besoins et pour satisfaire ceux d'entités économiques distinctes.

En effet, dans cette hypothèse, les prestations que l'entreprise se fournit à elle-même peuvent constituer un levier lui permettant d'exercer une pression concurrentielle sur les prix pratiqués sur le marché.

Ainsi, sans conclure à la nécessité de prendre en compte la production interne pour définir le marché et calculer la part de marché pour les biens et les services intermédiaires, la Commission précise dans ses lignes directrices du 13 octobre 2000 relatives aux restrictions verticales (20) que « la production interne, c'est-à-dire la fabrication par une entreprise d'un bien intermédiaire aux fins de sa propre production, peut revêtir une très grande importance dans une analyse de la concurrence en tant que contrainte concurrentielle ou en tant que facteur qui renforce la position d'une entreprise sur le marché ».

En l'espèce, la production d'accès haut débit étant régie par une économie de coûts fixes, le volume global d'accès destinés au marché intermédiaire et au marché de détail produits par un même opérateur est une source d'économies d'échelle substantielles.

Par le biais de ces économies d'échelles, le volume d'accès produits par un opérateur pour être commercialisés en propre sur le marché de détail a un impact direct sur les coûts de production des accès large bande vendus par ce même opérateur sur le marché de gros.

Au regard de l'importance du nombre d'accès cédés en interne par rapport au nombre total d'accès produits sur les marchés du haut débit, cet effet apparaît comme particulièrement structurant sur le marché de gros des offres régionales. Ainsi, sur les accès large bande produits en France au 1er janvier 2005, seuls 20 % étaient échangés sur le marché de gros des offres régionales, les autres étant commercialisés sur des marchés avals.

L'Autorité considère que ces économies d'échelle confèrent aux opérateurs intégrés ayant une forte production interne, un avantage substantiel en termes de coûts par rapport à ceux de leurs concurrents qui ne sont pas intégrés ou dont la production interne est moins importante.

Cet élément caractéristique du positionnement d'un opérateur sur le marché de gros des offres régionales n'est pas mesuré par le seul calcul des parts de marché portant sur les échanges constatés. Etant donné qu'au niveau régional France Télécom utilise pour elle-même, c'est-à-dire pour Wanadoo ou pour la production d'accès large bande livrés au niveau national, près de 80 % des accès qu'elle produit, la production interne liée à l'intégration verticale de France Télécom joue un rôle essentiel en permettant de diminuer les coûts de production des accès large bande vendus par France Télécom sur le marché de gros.

En outre, l'existence de débouchés captifs et à grande échelle permettrait à France Télécom, en l'absence de régulation ex ante, de se comporter dans une certaine mesure de façon indépendante de la demande exprimée par les opérateurs concurrents sur le marché de gros.

Enfin, en raison de son intégration verticale et de sa présence en amont du marché considéré, France Télécom est en mesure d'économiser les coûts de transaction que supportent en revanche les autres opérateurs qui s'appuient sur le dégroupage pour produire des offres régionales.

En conclusion, l'intégration verticale de France Télécom en amont et en aval du marché, l'importance de sa production interne et de ses économies d'échelle renforcent sa capacité à se comporter, en l'absence de régulation, indépendamment de ses clients et de ses concurrents sur le marché de gros.