JORF n°136 du 13 juin 2004

A. - Sur le câble SAFE

Un risque d'investissement dont France Télécom a pris principalement la charge :
France Télécom rappelle que la possibilité d'investir dans le câble SAT-3WASC/SAFE était ouverte à tout opérateur jusqu'au 16 juin 1999.
France Télécom souhaite rappeler les conditions d'investissement liées à la signature de l'accord C & MA (Construction and Maintenance Agreement).
Ainsi, elle indique que, pour obtenir un point d'atterrissement à la Réunion, elle devait investir au minimum [...] et fournir à ses frais la station terminale d'atterrissement : le coût de la mise en place étant estimé à [...], entièrement à sa charge.
Elle précise que le Groupe France Télécom, à savoir France Télécom et ses filiales Sonatel (Sénégal), CIT (Côte d'Ivoire), Mauritius Télécom (Maurice), a conjointement investi 96 millions de USD.
France Télécom précise qu'en dehors des parties terminales du câble tenues à des minima d'investissement, les cocontractants pouvaient participer au minimum à hauteur de l'unité minimale d'investissement (MIU), soit un 2 Mbits/s sur la distance la plus courte du système (275 km) correspondant à un demi-circuit 2 Mbits/s entre l'île Maurice et l'île de la Réunion au tarif de [...]. Cet investissement devait permettre de participer à des augmentations ultérieures sur la base du volontariat, sans surinvestir au départ au-delà des besoins anticipés.
Sur les conditions de commercialisation du câble fixées par les accords liant le consortium :
France Télécom précise que les termes et les conditions inscrites au C & MA ne sont pas la conséquence d'une volonté unilatérale de France Télécom, mais le résultat de négociations longues avec les parties terminales asiatiques et africaines qui exigeaient des clauses de protection de l'investissement.
France Télécom rappelle les règles applicables à la commercialisation des capacités du câble qui résultent de l'accord passé entre les différents investisseurs étrangers.
France Télécom précise que les droits exclusifs dont elle disposait n'étaient en réalité qu'une priorité ne faisant pas l'objet d'un usage systématique. Ainsi, elle pourrait renoncer à faire jouer sa priorité de revente au bénéfice d'un autre fournisseur de la capacité SAT3/WASC/SAFE.
France Télécom souligne qu'elle a consenti des investissements très lourds pour permettre un double accès optique à la Réunion et placer ainsi l'île au coeur du réseau mondial de fibres optiques. France Télécom rappelle qu'aujourd'hui tous les opérateurs tiers à la Réunion, notamment Outremer Télécom, peuvent acquérir des capacités de transmission sur un marché ouvert où s'exerce la concurrence.

B. - Sur les demandes d'Outremer Télécom

France Télécom souligne qu'elle n'invoque pas le manque de clarté des demandes formulées par Outremer Télécom car elle estime qu'en l'espèce il n'y a pas eu de refus de sa part. France Télécom estime qu'au regard des réalités techniques et des modalités de mise en oeuvre des prestations, on ne peut faire peser sur France Télécom une absence de réponse dès lors que le périmètre des besoins n'était pas délimité.
France Télécom indique que, malgré la variabilité des positions d'Outremer Télécom, elle n'a pas opposé de fin de non-recevoir et s'est évertuée à proposer des solutions selon les délais tenant compte de la nécessaire analyse technique et économique du dossier.

I. - Sur l'absence d'échec des négociations

France Télécom conclut aux mêmes fins que ses premières écritures par les mêmes moyens que précédemment.
Dans ces conditions, France Télécom souligne qu'aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut lui être imputé et que la saisine d'Outremer Télécom ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

II. - Sur l'irrecevabilité de la demande
de liaisons louées
2.1. L'offre de liaisons louées ne relève pas du régime
de l'interconnexion

France Télécom souligne que tout service de télécommunication fourni à un opérateur ne peut être considéré comme une prestation d'interconnexion. France Télécom rappelle que la qualité juridique des personnes qui fournissent et utilisent la prestation de liaison louée ne suffit pas à qualifier une prestation de prestation d'interconnexion.
France Télécom estime, d'une part, que la recommandation de l'Autorité du 25 juillet 2001 n'a pas de valeur réglementaire, d'autre part, que les liaisons louées sollicitées par Outremer Télécom n'entrent pas dans le champ des prestations de liaisons louées visées par l'Autorité dans sa décision n° 02-147.

2.2. L'offre de liaisons louées
ne relève pas du régime d'accès

France Télécom indique qu'aux termes de l'article L. 32-2 du code des postes et télécommunications les points de terminaison du réseau sont exclus du champ réglementaire de l'accès et que, dès lors, les liaisons louées qui sont définies comme « la mise à disposition par un opérateur d'une capacité de transmission entre des points de terminaison déterminés d'un réseau ouvert au public, au profit d'un utilisateur, à l'exclusion de toute commutation contrôlée par cet utilisateur » ne sauraient être regardées comme une offre d'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications.
En outre, se fondant sur les dispositions de l'article 4.2 de la directive 97/33/CE, France Télécom soutient que l'obligation de répondre à toute demande raisonnable d'accès au réseau ne saurait porter sur les points de terminaison du réseau.
France Télécom estime que la demande d'Outremer Télécom relative aux liaisons louées ne peut être qualifiée d'offre d'accès au sens de l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications et ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées par l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

2.3. Sur l'homologation tarifaire

France Télécom rappelle que l'Autorité ne dispose que d'une fonction consultative en matière d'homologation tarifaire et ne peut donc remettre en cause les décisions du ministre dès lors que son avis ne serait pas suivi.
Se fondant sur des décisions de règlements de différends de l'Autorité, France Télécom précise que l'Autorité a reconnu que dès lors que la loi avait établi la compétence du ministre en matière d'homologation, sa propre compétence s'effaçait au profit de celui-ci, y compris dans le cadre d'un règlement de différend.
En outre, France Télécom indique que ce débat a été tranché concernant les tarifs de « collecte IP/ADSL » et « Accès IP/ADSL » par le Conseil d'Etat.

III. - Sur l'irrecevabilité de la demande
relative aux IRU

France Télécom précise qu'au terme de l'article 8 de son cahier des charges, elle n'est soumise en matière de cession de droits irrévocables d'usage sur un câble sous-marin qu'à une obligation de non discrimination et non à une obligation d'orientation vers les coûts.
France Télécom rappelle qu'un contrat d'IRU a pour objet d'accorder des droits sur des infrastructures ou capacités d'infrastructures et non de fournir des services de télécommunications, tels que les liaisons louées : c'est une des différences fondamentales entre la cession d'IRU et la fourniture de liaisons louées.
France Télécom indique que les modalités financières qu'elle a proposées le 8 octobre 2003, à savoir un préfinancement initial et une redevance O et M à un coût fixe, ne correspondent pas à la structure financière caractéristique d'un IRU.
France Télécom précise que dans le cadre d'un contrat d'IRU, les risques associés au droit de propriété sont transférés au titulaire du droit irrévocable d'usage et que les risques liés à la détérioration du câble durant sa durée de vie pèsent sur le titulaire du droit irrévocable d'usage.

IV. - Sur les comparaisons tarifaires

France Télécom ne peut que remettre en cause la méthode présentée par Outremer Télécom dès lors qu'elle est amenée à justifier son positionnement tarifaire par rapport à des offres dont elle n'est pas en mesure de vérifier la viabilité.

4.1. Sur l'absence de pertinence des comparaisons tarifaires

Flag Télécom :
France Télécom souhaite rappeler que la société Flag Télécom a été placée par la justice américaine sous le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Or, les entreprises placées sous ce dispositif se voient apurer de leurs dettes et peuvent conséquement mener une politique tarifaire très agressive.
Cette dernière étant sous la protection du chapitre 11 et ayant réglé sa dette, sa structure est très différente de celle d'un opérateur historique comme France Télécom.
En outre, France Télécom indique qu'elle n'a pas de visibilité sur la structure des coûts de Flag Télécom et sur ses méthodes comptables et qu'il ne lui est pas possible de présumer que celle-ci vend des produits avec une marge.
Le service proposé par Flag Télécom n'est pas comparable :
France Télécom souligne que le support utilisé n'est ni le SMW3 ni le SAT3/SAFE et, qu'en conséquence, les coûts de Flag Télécom ne sont pas comparables avec ceux de France Télécom. S'agissant des liaisons Inde/Londres, Flag Télécom utilise ses propres ressources sur le câble Flag Europe Asie.
France Télécom précise que les prix qu'elle fournit comprennent la capacité sous-marine, le backhaul Réunion, le backhaul France ainsi que la connectivité française et réunionnaise afin de fournir cette liaison au plus près du client. France Télécom estime qu'aucune comparaison ne peut se faire avec Flag Télécom.
France Télécom considère que les distances autant que les ressources sous-marines empruntées, le contexte économique de ce câble, les points de livraison différents, la nécessité de rajouter des backhaul, les dates de mise en service différentes sont autant d'éléments ne permettant pas une analyse comparative pertinente par rapport aux ressources mises en oeuvre par France Télécom entre la métropole et la Réunion.
En outre, France Télécom indique que les tarifs de liaisons 155 Mbits/s fournis par Flag Télécom ne peuvent être comparés à des tarifs de France Télécom, étant donné que le service de 155 Mbits/s entre la métropole et la Réunion nécessite une étude de faisabilité avant toute cotation.
Le positionnement tarifaire de Flag Télécom relève d'un choix commercial :
France Télécom note que le prix du 45 Mbits/s est 18 fois supérieur à celui du 2 Mbits/s et que Flag Télécom « charge » ses liaisons louées très haut débit pour diminuer le prix du 2 Mbits/s.
France Télécom propose un ratio de [...] entre le prix d'une liaison louée 2 Mbits/s et d'une liaison 45 Mbits/s, ce qui permet d'obtenir un prix de l'ordre de [...] par mois pour une liaison 45 Mbits/s, qui est proche des tarifs proposés par Flag Télécom alors que France Télécom inclut dans son prix les deux boucles locales, quelle que soit la destination finale du lien.
France Télécom souligne que la comparaison proposée par Outremer Télécom en matière d'IRU n'est pas pertinente car la proposition de France Télécom porte sur une prestation de liaisons louées et non d'IRU.
Sur Mauritius Télécom :
France Télécom remarque que les tarifs 34 et 45 Mbits/s ne figurent pas aux annexes et qu'elle n'a donc pas les moyens d'en vérifier la véracité. France Télécom indique que le tarif de 10 588 EUR pour le 2 Mbits/s est partiellement comparable à une offre France Télécom Réunion-Paris et qu'il faut rajouter le prix de la boucle locale côté France.
France Télécom souligne que la différence de son tarif et de celui de Mauritius Télécom sur le câble SAFE s'explique par les niveaux d'investissement consentis au départ et des structures de coûts proportionnellement différentes.
France Télécom estime que pour rendre l'offre parfaitement comparable, il faut ajouter la partie Ile Maurice-Réunion.
France Télécom souligne que son offre, bien que différente, reste attractive en 2003 pour un client qui cherche un équilibre entre les prix du 2 Mbits/s et du 34 ou 45 Mbits/s et que cette offre inclut les deux boucles locales et n'est pas indexée sur le cours d'une monnaie, ce qui la rend plus prévisible pour le client.
France Télécom indique que la différence entre son tarif de 175 000 EUR/mois pour une liaison 34 Mbits/s entre la métropole et la Réunion, et les tarifs de 109 244 EUR/mois pour un 34 Mbits/s entre l'île Maurice et Paris fournis par Mauritius Télécom ou celui de 126 050 EUR/mois pour un 45 Mbits/s entre Londres et l'Inde par Flag Télécom, s'explique au regard des différences de prestation :
- l'absence de backhaul en Inde pour la solution fournie par Flag Télécom. En effet, l'opérateur historique VSNL a le monopole sur le backhaul à partir du câble sous-marin Flag et ses tarifs sont par conséquent très élevés ;
- la connectivité offerte par France Télécom en France avec l'accès à plusieurs villes connectées en France et au périmètre autour de celles-ci.

4.2. Sur les incohérences au regard des distances

Une comparaison du tarif au kilomètre :
France Télécom indique que le prix des liaisons louées internationales est fondé sur le principe de la bilatéralité, chaque opérateur facturant son demi-circuit, et qu'une comparaison du tarif au kilomètre n'a pas de sens car elle ne prend pas en compte :
- le type de support employé (câble ou satellite) ;
- le coût fixe de chaque opérateur.
L'offre de liaisons louées internationales, telle que résultant de la dernière décision tarifaire, indique qu'au départ de la Réunion, il n'y a que 4 tarifs disponibles. Au regard de cette structure tarifaire, les prix sont moyennés pour ces destinations et une analyse du prix au kilomètre ne peut avoir de sens.
France Télécom indique que la structure tarifaire choisie a pour fonction d'assurer des prix plus bas pour les destinations « logiques » de la Réunion à ses voisins et à l'Europe avec laquelle l'île a des liens évidents en comparaison du « reste du monde ». Ainsi, la structure tarifaire avait et a toujours pour objectif de faire abstraction de la distance séparant l'île de la métropole.
Sur l'analyse des prix au kilomètre :
France Télécom estime qu'en se fondant uniquement sur les documents annexés à la saisine, les écarts de prix en USD au Mbits/s par kilomètre sont très importants, et ce quelle que soit la période de cotation.

V. - Sur le niveau tarifaire
de l'offre de liaisons louées
5.1. Sur les fondements réglementaires de l'offre de liaisons louées

France Télécom rappelle que l'Autorité, dans son avis n° 2003-70 du 16 janvier 2003, relatif à l'évolution de tarifs des liaisons louées entre la métropole et les départements d'outre-mer et entre départements d'outre-mer, a accueilli favorablement la décision tarifaire de France Télécom proposant une baisse d'au moins 20 % des tarifs des liaisons louées 2 Mbits/s entre la métropole et les départements d'outre-mer.
France Télécom indique qu'elle soumettra prochainement une nouvelle baisse conforme aux coûts les plus récents dont elle dispose. Les effets de la mise en service du câble SAFE sur les coûts, et le délai avec lequel ces derniers sont connus, ont conduit à une baisse des tarifs décalée dans le temps. Elle indique qu'elle apportera dans ses prochaines observations, sur le modèle transmis par le conseil régional de la Réunion, les éclaircissements nécessaires sur les hypothèses de coûts retenues.
Concernant la modélisation des coûts, France Télécom tient à réaffirmer que, dans le cadre du règlement de différend, il revient à la partie adverse d'avoir choisi un modèle reposant sur les CMILT. France Télécom précise qu'elle ne peut souscrire à l'analyse qui conduirait à une application généralisée de la méthode des CMILT à toute évaluation des coûts en dehors de tout cadre réglementaire.

5.2. Sur les « incohérences » entre tarifs de liaisons louées
et tarifs d'interconnexion

France Télécom indique que la différence entre le tarif de détail et le tarif d'interconnexion est hors de propos dans la mesure où France Télécom a précisé que les tarifs des FAS à prendre en compte sont ceux des liaisons louées de détail, non ceux des LPT.
France Télécom rappelle que les tarifs des FAS des liaisons louées n'ont pas à être égaux à un quelconque coût, mais relèvent d'un choix marketing quant à la répartition du prix entre cette partie fixe et la partie récurrente du tarif. Le seul cas où le tarif des FAS est tenu de refléter un coût bien identifié est celui du dégroupage.
En conséquence, France Télécom conclut aux mêmes demandes que dans son premier mémoire.
Vu la décision n° 04-264 de l'Autorité, en date du 9 mars 2004, prorogeant le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer dans le différend opposant les sociétés Outremer Télécom et France Télécom ;
Vu les réponses des parties, enregistrées le 12 mars 2004, au questionnaire du rapporteur ;
Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 25 mars 2004, convoquant les parties à une audience devant le collège le 8 avril 2004 ;
Vu le courrier de la société Outremer Télécom enregistré le 5 avril 2004, souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;
Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 5 avril 2004, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique,
Après avoir entendu le 8 avril 2004, lors de l'audience devant le collège :
- le rapport de M. Nicolas Deffieux, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;
- les observations de MM. Jean-Daniel Lallemand et Lionel Grosclaude pour la société France Télécom ;
- les observations de MM. Moustafa Hassanaly, Patrick Josset, pour la société Outremer Télécom, et de Me Frédérique Dupuis-Toubol, pour le cabinet Bird & Bird ;
En présence de :
- MM. Jean-Daniel Lallemand, Jean Mazier, Lionel Grosclaude, Gabriel Lluch, pour la société France Télécom,
- MM. Moustafa Hassanaly, Patrick Josset, pour la société Outremer Télécom, et de Me Frédérique Dupuis-Toubol, pour le cabinet Bird & Bird ;
- MM. Philippe Distler, directeur général, Laurent Laganier, Nicolas Deffieux, Elies Chitour, Benoît Loutrel et de Mmes Elisabeth Rolin, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;
Sur la publicité de l'audience :
Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère ».
France Télécom, par un courrier enregistré le 5 avril 2004, a demandé que l'audience devant le collège ne soit pas publique ; la société Outremer Télécom, par un courrier enregistré le 5 avril 2004, a demandé que l'audience devant le collège soit publique. Interrogée sur ce point par le président de l'Autorité à l'ouverture de l'audience du 8 avril 2004, France Télécom a précisé qu'elle acceptait de souscrire à la demande de la société Outremer Télécom ; en conséquence de quoi l'audience a été publique.
Le collège en ayant délibéré le 4 mai 2004, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité,
Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :

  1. Sur la recevabilité des demandes
    de la société Outremer Télécom

Aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : « En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties (...) ».
La société France Télécom, dans ses observations en défense, soutient que l'Autorité est incompétente pour statuer sur les demandes présentées par la société Outremer Télécom, car elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. En effet, elle estime, d'une part, que les demandes de la société Outremer Télécom ne relèvent ni du régime de l'interconnexion, ni de l'accès au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications et, d'autre part, qu'aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut être imputé à France Télécom.
En conséquence, la société France Télécom soutient que la saisine ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

1.1. Sur la qualification juridique des prestations demandées
par la société Outremer Télécom
a) Sur l'offre de liaison louée sollicitée
par la société Outremer Télécom

Le 2° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications définit le réseau de télécommunication comme : « (...) toute installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l'échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison du réseau ».
Il résulte des dispositions de l'article 2 de la directive 92/44/CE, modifiée par la directive 97/51/CE (dite « ONP liaisons louées »), et de l'annexe I de la directive 97/33/CE du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion, transposées par l'article R. 9 du code des postes et télécommunications, que les liaisons louées constituent des « capacités de transmission transparentes entre points de terminaison du réseau, à l'exclusion de la commutation sur demande ».
France Télécom, dans ses observations en défense, considère que la prestation demandée par Outremer Télécom ne constitue pas une prestation d'interconnexion, mais une offre de détail, en se limitant à faire valoir que la seule offre de liaison louée disponible à la Réunion est une offre de détail Transfix. France Télécom considère donc que l'Autorité ne peut faire droit à la demande d'Outremer Télécom dans le cadre d'un règlement de différend, l'offre de détail Transfix ayant été homologuée par le ministre chargé des télécommunications.
L'Autorité rappelle que France Télécom commercialise à ce jour deux catégories d'offres de liaisons louées :
- une offre de détail Transfix, faisant l'objet d'une homologation tarifaire par le ministre en charge des télécommunications ;
- un service d'interconnexion de liaisons louées, dont les modalités sont décrites au chapitre VIII du catalogue d'interconnexion de France Télécom ; cette offre comprend la fourniture par France Télécom à l'opérateur tiers d'une liaison louée partielle (LPT) entre un site client et un centre de France Télécom ouvert au service d'aboutement, cette liaison louée étant prolongée à travers le service d'aboutement au point de présence de l'opérateur tiers. Elle comprend également un service d'aboutement de liaison louée.
Aux termes de l'article D.99-11 du code des postes et télécommunications « ces opérateurs [les opérateurs figurant sur la liste établie en application du 7° de l'article L. 36-7] ne peuvent invoquer l'existence d'une offre inscrite au catalogue pour refuser d'engager des négociations commerciales avec un autre opérateur en vue de la détermination de conditions d'interconnexion qui n'auraient pas été prévues par leur catalogue, notamment les conditions d'accès direct aux commutateurs internationaux et à d'autres infrastructures internationales ».
Il résulte de l'instruction que la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom, opérateur de réseau de télécommunications, a pour finalité de disposer, en s'interconnectant au réseau de France Télécom, d'une offre de capacité entre la Réunion et la métropole, lui permettant non pas de répondre aux besoins propres de l'entreprise, mais d'élaborer des offres de détail ayant vocation à être commercialisées sur le marché final.
L'Autorité constate, au regard des pièces du dossier, que France Télécom possède un monopole de fait sur le transport entre la Réunion et la métropole. Or, l'accès de la société Outremer Télécom à une capacité de transport sur le câble sous-marin est une condition essentielle à la commercialisation par cet opérateur d'offres concurrentielles sur le marché de détail des services de télécommunications à la Réunion.
L'Autorité comprend donc la demande d'Outremer Télécom comme une demande de service d'interconnexion de liaisons louées de gros sur le segment du transport, comparable dans son principe et ses modalités au service d'interconnexion de liaisons louées partielles sur le segment de l'accès et qui s'utilisera concurremment avec le service d'aboutement, tel que défini dans le catalogue d'interconnexion de France Télécom.
Une offre de liaison louée de gros se distingue d'une offre de détail, notamment par l'architecture et la géographie de ses points d'extrémités. Alors qu'une liaison louée de détail a vocation à être livrée dans un site client, une offre d'interconnexion est livrée dans un site de France Télécom, ainsi qu'illustré dans le schéma ci-dessous.

Cette analyse est confortée par France Télécom, qui, dans ses observations en défense du 5 février 2004, soutient que : « de la même façon, dans le cas des liaisons louées, il ne s'agit pas de livrer un produit fini mais de fournir aux opérateurs un service d'interconnexion de liaison louée aux fins de la fourniture de services de liaisons louées de bout en bout ».

Aussi, de la même manière que la situation particulière de France Télécom sur le segment de l'accès a conduit l'Autorité à introduire en 2002 une offre de liaisons louées partielles et de liaisons d'aboutement d'interconnexion dans le catalogue d'interconnexion, il apparaît légitime de créer une offre de liaison louée d'interconnexion sur le segment du transport dans le cas particulier de la Réunion, compte tenu de la position de France Télécom sur ce segment et du caractère indispensable de cette prestation pour les opérateurs alternatifs.
L'Autorité considère donc, pour les motifs exposés ci-dessus, que la demande formulée par Outremer Télécom est une demande d'accès à un service de liaisons louées de transport, ci-après abrégées LLT, qui relève du régime juridique de l'interconnexion.

b) Sur la demande de fourniture d'IRU
entre la Réunion et la métropole

Il ressort des pièces du dossier que la prestation demandée par la société Outremer Télécom porte sur la mise en place de capacités entre la station d'atterrissement du câble SAT3/WASC/SAFE à la Réunion et celle du câble SEA/ME/WE à Penmarch.
Le 2° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications définit le réseau de télécommunication comme : « (...) toute installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l'échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison du réseau ».
Ainsi, il résulte de cette disposition que les droits que France Télécom possède sur les câbles sous-marins SAT3/WASC/SAFE et SEA/ME/WE, atterrissant sur le territoire français, constituent des éléments du réseau de télécommunications de France Télécom.
Aux termes des dispositions du IV de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications : « (...) Les mêmes exploitants [les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur les listes établies en application des a, b et c du 7° de l'article L. 36-7] assurent, dans les mêmes conditions, un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu'aux services de communication audiovisuelle autres que les services de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, ou distribués par câble. Ils répondent également aux demandes justifiées d'accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs (..). »
L'article 4, paragraphe 2, de la directive 97/33 Interconnexion susvisée dispose que « les organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications et des services de télécommunications accessibles au public tels qu'ils sont définis à l'annexe I et qui sont puissants sur le marché répondent à toutes les demandes raisonnables de connexion au réseau, notamment l'accès à des points autres que les points de terminaison du réseau offerts à la majorité des utilisateurs finals ».
Le paragraphe 4 de l'article 16 de la directive 98/10 susvisée dispose que : « les autorités réglementaires nationales veillent à ce que les organismes puissants sur le marché pour la fourniture de réseaux téléphoniques fixes traitent les demandes raisonnables des organismes prestataires de services de télécommunications souhaitant obtenir l'accès au réseau téléphonique public fixe en d'autres points de terminaison du réseau que les points habituellement prévus et visés à l'annexe II, première partie ».
Il résulte de tout ce qui précède que la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom consistant à accéder au réseau de France Télécom, à travers la capacité qu'elle possède sur les câbles sous-marins SAT3/WASC/SAFE et SEA/ME/WE, doit être regardée comme entrant dans le champ des dispositions susmentionnées et doit donc être qualifiée d'accès au sens des dispositions précitées de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.
Au demeurant, cette qualification juridique est compatible avec les dispositions de la directive 2002/19/CE « Accès » du 7 mars 2002 susvisée, dont le délai de transposition expirait le 24 juillet 2003, qui définissent de façon explicite la notion d'accès. En effet, l'article 2 de cette même directive définit l'accès comme « la mise à la disposition d'une autre entreprise, dans des conditions bien définies et de manière exclusive ou non exclusive, de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment : l'accès à des éléments de réseaux et à des ressources associées, (...) l'accès à l'infrastructure physique (...) ».
Il résulte de tout ce qui précède que la prestation d'IRU demandée par la société Outremer Télécom doit, en l'état actuel du droit, être qualifiée d'accès spécial au sens des dispositions précitées de l'article L. 34-8. En effet, les conditions techniques et tarifaires de la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom n'ont pas été publiées par France Télécom.
France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur les listes établies en application des a et b du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de répondre aux demandes justifiées d'accès spécial émanant de ces fournisseurs de service.
Dans ces conditions, l'Autorité, sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, est compétente pour préciser les conditions équitables, d'ordre technique et financier, de cette prestation d'IRU.

1.2. Sur l'échec des négociations

La société France Télécom soutient que la demande de règlement de différend de la société Outremer Télécom est irrecevable car aucun refus de négocier ou un échec des négociations ne peut être imputé à France Télécom. En conséquence, elle soutient que la saisine ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
Il ressort des pièces du dossier que les négociations commerciales ont commencé entre les parties par une lettre datée du 11 juillet 2003 de la société Outremer Télécom. Par ce courrier, elle demande à France Télécom d'engager des négociations commerciales aux fins de définir les conditions techniques et tarifaires de certaines prestations relevant du régime de l'interconnexion, de l'accès ou de l'accès spécial. La société Outremer Télécom envisage de recourir aux prestations suivantes : IRU sur le SAFE pour les capacités suivantes (E1 circuit complet vers métropole, vers Maurice, l'Afrique du Sud et l'Inde, etc.), liaisons de backhaul depuis les arrivées de câble, liaisons louées, service de transmission de donnée ATM, transit IP. De même, dans son courrier, Outremer Télécom indique que, compte tenu de l'utilisation des capacités sur le câble par le groupe France Télécom pour ses propres offres clientèle, il devrait être aisé à France Télécom d'établir très rapidement une proposition fondée sur des conditions non discriminatoires. Elle attend de la part de France Télécom une première proposition dans un délai maximal de trois semaines.
Dans sa réponse à cette lettre en date du 4 août 2003, France Télécom souhaite connaître les demandes prioritaires d'Outremer Télécom ainsi qu'une estimation planifiée des besoins en capacité. En outre, pour ce qui concerne la fourniture de circuits complets au départ de la Réunion vers Maurice, l'Afrique du Sud et l'Inde, elle demande à Outremer Télécom de préciser l'adresse de l'extrémité afin de lancer l'étude de faisabilité de l'offre de liaisons louées ou de service de transmission de données.
A la suite de ce courrier de France Télécom, la société Outremer Télécom, dans un courrier en date du 11 août 2003, précisait les prestations sur lesquelles elle souhaitait obtenir de manière prioritaire une offre et donnait une prévision de ses besoins en capacité jusqu'en 2006.
Dans un courrier en date du 8 octobre 2003 intitulé « Ouverture d'une négociation commerciale suite à la mise en service du câble SAFE à la Réunion », France Télécom propose à la société Outremer Télécom une offre commerciale qui consiste, d'une part, en une solution de Transit IP international et, d'autre part, en une solution à base de liaisons louées point à point en circuit complet entre ses POP de la Réunion et de Paris, dans la limite des ressources disponibles sur le réseau de France Télécom et reposant sur des engagements de durées 1 an, 3 ans et 5 ans. En outre, pour les engagements de durées 10 ans et 15 ans, France Télécom indique qu'elle est en mesure de proposer à la société Outremer Télécom un montage financier spécifique sur la base d'une remise supplémentaire sur le tarif de la liaison louée à 2 Mbits/s en vigueur au catalogue des prix et d'un préfinancement pour les capacités de débit supérieur ou égal à 34 Mbits/s entre ses POP de la Réunion et de Paris. Elle indique également que l'étude des disponibilités des ressources sur le câble sous-marin et le délai de réalisation seront communiqués à la société Outremer Télécom dans l'accusé de réception de commande faisant suite à la réception de sa commande par France Télécom. Ainsi, elle précise que le présent courrier n'entraîne en aucun cas réservation de ressources.
Dans ce même courrier, elle indique que les prix rassemblés en annexe à ce courrier sont donnés en euros hors taxes et sont soumis à la TVA en vigueur à la date de facturation. France Télécom précise que les prix sont valables pendant une durée de 1 mois dans la limite des ressources disponibles à compter de la date d'émission qui figure sur le présent document.
Dans un courrier en date du 10 novembre 2003, répondant au courrier de France Télécom du 8 octobre 2003, la société Outremer Télécom relève que les propositions de France Télécom sont insatisfaisantes du point de vue tarifaire, compte tenu des obligations qui lui sont imposées.
Concernant l'offre de liaisons louées, Outremer Télécom indique que le tarif de redevance mensuelle rapporté au mégabit par seconde est déraisonnable en comparaison des tarifs pratiqués par France Télécom dans d'autres zones géographiques ou des tarifs pratiqués par d'autres opérateurs pour des prestations comparables. Elle précise que les premières analyses la conduisent à estimer qu'un tarif raisonnable pour les prestations demandées serait environ dix fois inférieur au tarif sollicité, soit environ 3 000 EUR pour les redevances mensuelles. Par ailleurs, Outremer Télécom indique que les tarifs des FAS sont quasiment identiques aux FAS facturés à des clients finals via l'offre commerciale Transfix de France Télécom et soutient donc que celle-ci n'est pas une offre orientée vers les coûts.
S'agissant des IRU, la société Outremer Télécom estime que la proposition de France Télécom n'est pas conforme aux obligations tarifaires et s'avère incohérente, tant avec le prix de la location mensuelle proposé pour des liaisons louées annuelles qu'avec les premières analyses qu'ils ont menées. A ce titre, un tarif raisonnable serait environ cinq fois inférieur au tarif proposé.
En conséquence, concernant les liaisons louées, elle demande à France Télécom de lui confirmer qu'elle accepte une modification substantielle de son offre, à savoir un prix au mégabit environ dix fois inférieur au tarif proposé, ainsi qu'un tarif réellement orienté vers les coûts pour les FAS. Concernant les IRU, elle demande que France Télécom accepte le principe d'un prix au mégabit qui soit environ 5 fois inférieur au tarif proposé, ainsi qu'un tarif réellement orienté vers les coûts pour les redevances annuelles O&M.
Dans un courrier en date du 9 décembre 2003, en réponse au courrier du 10 novembre 2003 de la société Outremer Télécom, la société France Télécom indique qu'elle étudiera, dans le cadre de son cahier des charges inscrit dans le décret du 27 décembre 1996, la réponse aux besoins d'Outremer Télécom dans la limite des ressources disponibles sur son réseau. Ainsi, pour la part des offres qui concerne des prestations internationales sur un câble sous-marin, France Télécom précise que, conformément aux obligations fixées à l'article 8 du décret du 27 décembre 1996, elle fait droit sans discrimination aux demandes de droits irrévocables d'usage sur les capacités disponibles dont elle dispose émanant d'opérateurs autorisés en application de l'article L. 33-1 du CPT. Concernant les demandes de circuits complets 2 Mbits/s de la Réunion vers l'Afrique du Sud, l'Inde et l'île Maurice, France Télécom informe la société Outremer Télécom qu'elle ne possède ni réseau, ni licence dans ces trois pays. Dans ces conditions, elle précise qu'il lui est nécessaire de disposer, liaison par liaison, de l'adresse des deux extrémités afin de lancer l'étude de faisabilité pour la fourniture de liaisons louées internationales en circuit complet. En outre, France Télécom indique qu'elle est en mesure de fournir sur demande aux opérateurs de réseau des propositions commerciales en IRU 2 Mbits/s à 10 ans et à 15 ans sur l'international sous forme de demi-circuit 2 Mbits/s constitué d'un tronçon sur le câble sous-marin SAFE au départ de la tête de câble de l'île de la Réunion et à destination de l'Afrique du Sud, de l'Inde et de l'île Maurice. En outre, France Télécom indique qu'elle est en mesure d'offrir le prolongement terrestre sur l'île de la Réunion vers le POP de la société Outremer Télécom sur la base d'un contrat backhaul de durée 1 an, 3 ans ou 5 ans.
Dans ce même courrier, France Télécom, concernant les offres de liaisons louées entre la métropole et les DOM, indique qu'elle répond à ses obligations de service universel au travers d'offres homologuées par le ministre et précise qu'elle maintient sa proposition formulée dans son courrier du 8 octobre 2003, qui est constituée par la fourniture de liaisons louées métropole-DOM à 2 Mbits/s de durées 1 an, 3 ans et 5 ans. Enfin, concernant les besoins en connectivité Internet, France Télécom se propose de tenir une réunion dès que possible.
Par un courrier du 29 décembre 2003, la société Outremer Télécom constate que France Télécom ne propose pas de révision de ses offres de liaisons louées et d'IRU entre la Réunion et la métropole comme demandé dans sa lettre du 10 novembre 2003 et, dans ces conditions, considère qu'il y a échec des négociations sur ces prestations.
Contrairement à ce que soutient France Télécom, il résulte de tout ce qui précède que les échanges ci-dessus relatés démontrent un échec des négociations entre les deux parties sur la négociation d'une offre de liaisons louées Réunion/métropole et de la fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole. Il s'ensuit que ladite saisine est recevable au regard des dispositions de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

  1. Sur le caractère justifié des demandes d'Outremer Télécom

Au regard des éléments échangés dans le cadre de cette procédure, l'Autorité rappelle qu'il lui revient, dans le cadre du règlement de ce litige, de « préciser les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés » conformément à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

2.1. Sur les obligations de France Télécom

En premier lieu, l'Autorité rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article L. 34-8 précité que la société France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur les listes établies en application des a et b du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d'interconnexion de la société Outremer Télécom, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire.
En outre, il ressort de cette même disposition que les tarifs d'interconnexion « rémunèrent l'usage effectif du réseau de transport et de desserte et reflètent les coûts du service rendu ».
En second lieu, il résulte régalement des dispositions de l'article L. 34-8 précité que la société France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur la liste établie en application du a du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d'accès spécial de la société Outremer Télécom, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire.
En outre, il ressort de cette même disposition que la fourniture de cet accès doit donner lieu à une rémunération reflétant les coûts du service rendu.

2.2. Sur la capacité technique de France Télécom à répondre
aux demandes d'Outremer Télécom

Il ressort de l'analyse des pièces du dossier que la société France Télécom apparaît être en mesure de proposer la prestation de liaison louée de transport (LLT), dans la mesure où elle dispose de la capacité sur les câbles concernés et qu'elle commercialise déjà une offre de liaison louée de détail Transfix, qui utilise les éléments de réseau nécessaires à la fourniture de l'offre de LLT.
Dans ces conditions, l'Autorité estime que France Télécom dispose de la capacité technique pour répondre à la demande de liaison louée de transport de la société Outremer Télécom.
Par ailleurs, l'Autorité constate, au regard des pièces du dossier, que France Télécom dispose de capacités importantes sur le câble et que la fourniture d'IRU est inscrite à l'article 8 de son cahier des charges. En outre, l'Autorité note que, dans son courrier en date du 9 décembre 2003 ainsi que dans son courrier du 16 février 2004, alors même que son cahier des charges n'était plus en vigueur, France Télécom proposait à la société Outremer Télécom des prestations d'IRU entre la Réunion et l'Afrique du Sud, l'Inde et Maurice, mais également entre la Réunion et le Portugal.
Au regard de ces éléments, l'Autorité estime que France Télécom dispose de la capacité technique à satisfaire la demande de prestation d'IRU émanant de la société Outremer Télécom.

2.3. Sur le caractère justifié des demandes
d'Outremer Télécom au regard de ses besoins

L'Autorité constate, au regard des pièces du dossier, qu'une prestation de transport entre la Réunion et la métropole est nécessaire à l'activité de la société Outremer Télécom. En effet, Outremer Télécom collecte son trafic au sein de l'île de la Réunion et doit disposer d'une solution pour acheminer ce trafic hors de l'île, afin de permettre la communication de ses abonnés avec le reste du monde.
L'Autorité estime que les offres actuelles de France Télécom qui incluent une composante de transport ne répondent pas aux besoins d'Outremer Télécom. En effet, l'offre de collecte IP/ADSL oblige son bénéficiaire à confier l'accès et la collecte à France Télécom, alors qu'Outremer Télécom réalise elle-même ces prestations et que cela constitue le coeur de son activité. Concernant l'offre de liaison louée de détail Transfix, elle est construite et mise en place pour les entreprises, c'est-à-dire les utilisateurs finals, mais n'est pas adaptée pour les opérateurs.
Pour permettre à Outremer Télécom d'acheminer son trafic hors de l'île, la prestation de base dont il a besoin est une offre de liaison louée de transport adaptée aux opérateurs.
Au regard des pièces du dossier, l'Autorité considère que la prestation de base, nécessaire aux besoins de la société Outremer Télécom pour l'acheminement de son trafic hors de l'île, est une offre de liaison louée de gros spécifiquement adaptée aux opérateurs.
En conséquence, l'Autorité estime que la prestation de liaison louée de transport, telle que demandée par la société Outremer Télécom, est justifiée.
Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les demandes de la société Outremer Télécom ont pour finalité de fournir une capacité de transport entre la Réunion et la métropole.
Il ressort également des pièces du dossier que la société Outremer Télécom indique dans sa saisine que la prestation d'IRU apparaît comme « une alternative intéressante à la location des liaisons louées ». Elle admet également dans ses observations en réplique du 19 février que « la demande d'IRU ne se distingue de la fourniture d'autres capacités du réseau de France Télécom, en particulier de la fourniture de liaisons louées, qu'en ce qui concerne les modalités financières et la qualité des droits accordés ».
Ainsi, il ressort des éléments échangés dans le cadre de la procédure que l'offre de liaison louée de transport et la fourniture d'IRU apparaissent en l'état comme substituables pour la société Outremer Télécom.
Dans ses écritures, si la société Outremer Télécom a démontré le caractère justifié de sa demande globale de capacité de transport ; elle n'apporte aucun élément suffisamment probant pour justifier que ces deux prestations fournies de façon cumulatives et simultanées apparaissent nécessaires pour répondre à ses besoins.
Ainsi, au regard des pièces du dossier, l'Autorité constate que la société Outremer Télécom ne démontre pas en quoi la prestation d'IRU, fournie de manière cumulative et simultanée avec l'offre de liaison louée de transport, est justifiée pour répondre à ses besoins.
En conséquence, l'Autorité considère que le caractère justifié de la prestation d'IRU, c'est-à-dire la non-substituabilité pour Outremer Télécom de cette prestation par rapport à l'offre de liaison louée de transport, n'a pas été démontré par Outremer Télécom.
Concernant la fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole, l'Autorité souhaite expliciter sa compréhension de la prestation d'IRU et les principes sous-jacents :
- l'offre d'IRU s'entend comme la mise en place de capacités entre la station d'atterrissement du câble SAT3/WASC/SAFE à la Réunion et celle du câble SEA/ME/WE à Penmarch.
Afin de pouvoir être utilisée par les opérateurs, cette prestation doit être complétée par des offres de backhaul, par exemple entre la station d'atterrissement et un centre de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d'aboutement à Saint-Denis à la Réunion, d'une part, et entre la station d'atterrissement de Penmarch et un centre de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d'aboutement en métropole à Paris, d'autre part ;
- l'Autorité considère que la vente d'un IRU sur le câble sous-marin transfère une partie du risque de l'investissement du vendeur vers l'acquéreur de l'IRU. Ce transfert est plus important que dans le cas d'une location de liaison louée, pour laquelle l'opérateur qui achète la prestation ne supporte pas le risque lié à un accident sur le câble. L'Autorité estime donc que le coût de fourniture d'un IRU ne devrait pas être supérieur aux coûts actualisés de fourniture du segment de liaison louée correspondant, de même débit et durant la période considérée.
Les coûts utilisés comme référence, qui sont les coûts annuels actualisés de fourniture d'une liaison louée sur la période de validité de l'IRU, doivent par ailleurs être cohérents avec les coûts résultant du modèle décrit ci-dessous, en tenant compte notamment de l'augmentation anticipée de la bande passante utilisée sur le câble.

  1. Sur la demande d'Outremer Télécom relative à la fourniture
    d'une offre de liaison louée entre la Réunion et la métropole
    3.1. Sur le principe

Il résulte des dispositions de l'article L. 34-8 et du caractère justifié de la demande d'Outremer Télécom étudié ci-avant, que la demande d'interconnexion d'Outremer Télécom ne peut être refusée. En outre, sur le fondement de ce même article, l'offre de liaison louée de transport doit donner lieu à une rémunération de l'usage effectif du réseau de transport, reflétant les coûts du service rendu.

3.2. Sur l'architecture technique

Il ressort de la description de l'architecture technique présentée par France Télécom dans sa réponse au premier questionnaire que les sites à partir desquels elle construit son offre de détail sont situés à la Réunion, sur l'anneau réunionnais (Saint-Paul, Saint-Denis, Saint-Benoît et Saint-Pierre) et à Paris, sur le réseau sectoriel (site de Saint-Amand notamment).
Par ailleurs, dans le cadre d'une offre de liaison louée de transport, il apparaît que les points d'interconnexion devront être des centres de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d'aboutement, afin de permettre aux opérateurs, clients de l'offre de liaison louée de transport, d'interconnecter cet élément de réseau au reste de leur réseau.
Il résulte de ces deux observations que les points d'interconnexion pertinents pour l'offre de liaison louée de transport entre la Réunion et la métropole sont :
- un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de la Réunion ;
- un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Paris.
Contrairement à l'offre Transfix déjà disponible à la Réunion, les points d'extrémité de l'offre de liaison louée de transport (LLT) sont donc fixes et constituent des points de présence du réseau de France Télécom. L'architecture des deux offres est décrite dans le schéma ci-dessous :

Par ailleurs, Outremer Télécom demande que la prestation de LLT soit fournie à partir d'un câble sous-marin et non d'une liaison satellite, les caractéristiques techniques du câble étant plus favorables à son activité, notamment en termes de temps de réponse et de disponibilité. L'Autorité considère que les caractéristiques techniques du câble et du satellite sont effectivement différentes et que France Télécom doit donc s'engager à faire reposer son offre sur un câble sous-marin atterrissant à la Réunion.
Enfin, l'Autorité estime que l'offre de France Télécom n'a pas en 2004 à être sécurisée par une liaison satellite, l'architecture technique en boucle du câble sous-marin assurant déjà une sécurisation suffisante. Cette analyse est confortée par les écritures de France Télécom qui prévoient la suppression de cette sécurisation.

3.3. Sur les modèles de coûts présentés par les parties

Les parties ont présenté dans le cadre de ce règlement de différend deux modélisations qui amènent à des résultats sensiblement différents :
- la société Outremer Télécom a fourni à l'appui de sa demande une modélisation réalisée par un cabinet de consultant, qui établit un coût de 1 550 EUR par Mbit/s et par mois en 2003 pour une liaison louée. Ce coût est de 1 272 EUR par Mbit/s et par mois en 2004 ;
- la société France Télécom a modifié des hypothèses du modèle proposé par la société Outremer Télécom et a, par ailleurs, fourni ses propres estimations de coûts, qui s'établissent au niveau de [...] par Mbit/s et par mois pour une liaison louée. Il est à noter que ce coût recouvre une prestation plus large que celle modélisée par Outremer Télécom, incluant notamment des parties terrestres.
Si les hypothèses de calcul et les méthodes utilisées par la société Outremer Télécom au soutien de sa demande ont pu faire l'objet de débats contradictoires entre les parties, puisque le modèle complet a été communiqué et a pu être commenté par France Télécom, l'Autorité note que France Télécom s'est limitée à fournir les coûts de différents tronçons de la prestation en question, sans aucunement justifier de leur niveau, ni expliciter la formation de ces coûts, et ce alors même que lui incombait la charge de la preuve de ses tarifs.
En effet, en vertu des dispositions du paragraphe III de l'article L. 34-8, les tarifs relatifs aux prestations d'interconnexion de France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur la liste établie en application des a et b du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, doivent donner lieu à une rémunération de l'usage effectif du réseau de transport reflétant les coûts du service rendu. Dans ces conditions, France Télécom est tenue de justifier que chacun de ces tarifs proposés en l'espèce respecte ce principe, conformément tant aux dispositions de l'article 7, paragraphe 2, de la directive n° 97/33/CE du 30 juin 1997 susvisée qu'à celles de l'article 13, paragraphe 3, de la directive n° 2002/19 susvisée.
L'Autorité rappelle que l'article 7, paragraphe 2, de la directive n° 97/33 prévoit que : « La charge de la preuve que les redevances sont déterminées en fonction des coûts réels, y compris un rendement raisonnable des investissements, incombe à l'organisme qui fournit l'interconnexion avec ses installations. » En outre, elle relève également que l'article 13, paragraphe 3, de la directive n° 2002/19 précitée dispose que : « Lorsqu'une entreprise est soumise à une obligation des prix en fonction des coûts, c'est à elle qu'il incombe de prouver que les redevances sont déterminées en fonction des coûts, en tenant compte d'un retour sur investissement raisonnable. »

3.4. Sur la méthode des CMILT

L'Autorité a pris en compte les observations des parties visant à établir le niveau des coûts des prestations en question.
L'Autorité note cependant que la démarche retenue pour l'établissement des coûts ne s'inscrit pas dans une logique de type CMILT, contrairement à ce qui est soutenu par Outremer Télécom. En effet, les évaluations retenues :
- ne se fondent pas sur la définition d'un incrément de service, mais bien sur l'allocation d'un coût entre tous les produits ;
- ne se fondent pas sur des optimisations d'architecture, ni sur les coûts actuels des meilleures technologies disponibles, mais bien sur les investissements effectivement consentis pour le cas particulier des infrastructures étudiées à la date de leur réalisation.
Les coûts ainsi déterminés ne sont pas des coûts CMILT, mais bien une approximation des coûts effectivement supportés par l'opérateur historique pour le cas particulier des prestations litigieuses.
L'Autorité note cependant, conformément aux écritures de France Télécom, que l'âge récent du câble en question tend à diminuer les écarts qui peuvent exister entre une méthode fondée sur des coûts historiques et une méthode fondée sur des coûts prospectifs.

3.5. Sur la dimension temporelle des coûts évalués
a) Concernant la méthode d'amortissement retenue

L'Autorité observe que l'annualisation du coût d'investissement initial repose sur la méthode des coûts de remplacement, qui prend en compte le renouvellement à l'infini des infrastructures.
Cette méthode est favorable à France Télécom et permet de prendre en compte, non pas le coût unique de l'infrastructure disponible aujourd'hui, mais également son remplacement régulier lorsqu'elle sera amortie.
Cette méthode utilisée par Outremer Télécom dans sa modélisation n'est pas contestée par France Télécom, et a été reprise par l'Autorité dans ses évaluations.

b) Concernant le calcul année par année des coûts

L'Autorité note que France Télécom procède à une tarification des prestations qui fait supporter le coût de la phase de démarrage du service aux acheteurs de la prestation.
Cette méthode, qui induit une très forte dégressivité des coûts en fonction de l'augmentation du taux de remplissage des équipements, ne semble pas à même de fournir un signal économique cohérent pour les opérateurs concurrents qui achètent la prestation.
En effet, elle risque de constituer un frein à l'entrée susceptible de retarder l'arrivée de la concurrence sur des marchés en développement. Les tarifs ainsi calculés par France Télécom sont élevés dans la phase de démarrage du service. Cette situation est d'autant plus regrettable que les années à venir seront déterminantes pour le développement du marché du haut débit.
Pourtant, l'Autorité observe que la modélisation proposée par Outremer Télécom repose sur ce même principe.
L'Autorité a ainsi fondé ses propres estimations sur ce principe de recouvrement des coûts, sans le remettre en cause à ce stade.

3.6. Sur les principales hypothèses retenues

Les hypothèses présentées sont celles qui ont été retenues par l'Autorité pour le calcul du coût des prestations demandées par Outremer Télécom. Elles proviennent des mémoires échangés par les plaignants et de l'audience devant le collège de l'Autorité.
La modélisation présentée par Outremer Télécom et séparant les câbles SAT3/WASC et SAFE n'a pas été retenue par l'Autorité. En effet, comme le fait remarquer France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire, SAT3/WASC/SAFE est une seule et même infrastructure gouvernée par un seul et même accord. La modélisation retenue porte donc sur l'intégralité du câble SAT3/WASC/SAFE.
Les montants des investissements de France Télécom ont été donnés par celle-ci dans sa réponse au deuxième questionnaire et dans ses nouvelles observations en défense du 4 mars 2004. Ils sont de 3 millions de USD pour la station d'atterrissement à la Réunion et de 50 millions de USD pour le câble. La capacité totale du câble étant de 120 Gbits/s ou 130 Gbits/s selon les tronçons, la capacité totale disponible pour France Télécom est a minima de 9,2 Gbits/s, par proportionnalité avec l'investissement engagé. L'Autorité a retenu ce chiffre dans le cadre de la présente demande de règlement de différend, bien qu'il soit probable que la capacité allouée à France Télécom soit en réalité supérieure, France Télécom étant le premier actionnaire du consortium.

Le coût du capital utilisé par France Télécom est de 14,3 %, d'après ses réactions au modèle de coût présenté par Outremer Télécom.
Les coûts opérationnels retenus par l'Autorité sont ceux déclarés par France Télécom dans ses réactions au modèle de coût. Ils sont de 10 % de l'investissement initial et de 20 % du montant de l'amortissement annuel. Ces chiffres n'ont pas été justifiés par France Télécom, mais paraissent les plus fiables à ce stade.

Les hypothèses de durée de vie et de remplissage du câble SAT3/WASC/SAFE ont été communiquées par France Télécom au cours de l'audience. France Télécom prévoit que le câble sera saturé dans 11 ans si son remplissage se poursuit au rythme actuel. L'hypothèse de remplissage retenue est donc une croissance linéaire du trafic sur le câble jusqu'à saturation.
[...]
[...]
Le pourcentage du câble utilisé pour la liaison Réunion-métropole est de [...]. Il est obtenu en comptant une utilisation à [...] de la partie SAT3/WASC entre le Portugal et l'Afrique du Sud et à [...] du câble SAFE, conformément aux données fournies par France Télécom sur la matrice de distance du consortium dans sa réaction au modèle de coût pour une liaison de la Réunion vers l'Afrique du Sud.
[...]
Les hypothèses de consommation à la Réunion retenues sont celles communiquées par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire et dans ses réactions au modèle de coût présenté par Outremer Télécom. A défaut de réponse de France Télécom, les données utilisées sont celles fournies dans le modèle de coût et que France Télécom n'a pas contestées.
La capacité réservée sur le câble par utilisateur a été communiquée par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire. Elle est de 0,75 kbits par abonné RTC et de 22,5 kbits/s par abonné ADSL.
[...]
[...]
[...]
[...]
[...]
Les taux de remplissage utilisés sont ceux communiqués par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire. France Télécom n'ayant pas communiqué le taux de remplissage des STM1 en bande passante « paquets » pour le câble SAT3/WASC/SAFE, ce taux a été calculé à partir du taux « tous supports de transmission » en appliquant le ratio correspondant fourni pour les liaisons louées. Ces chiffres n'ont pas été justifiés pleinement par France Télécom, mais paraissent les plus fiables à ce stade.
[...]
[...]
[...]
Concernant les coûts associés au transport du trafic entre le Portugal et Penmarch, par le câble SEA-ME-WE, l'Autorité a appliqué le coût linéaire de transport du câble SAT3/WASC/SAFE sur la distance considérée. Cette modélisation est favorable à France Télécom, car le trafic sur cette partie de SEA-ME-WE est supérieur au trafic moyen sur SAT3/WASC/SAFE ; les coûts associés sont donc inférieurs. Le coût retenu pour cette portion du trajet est de 40 euros par mois et par Mbit/s/s.
Concernant les coûts de la partie terrestre de la LLT comprise entre Penmarch et Paris, l'Autorité a retenu l'hypothèse de France Télécom présentée dans son modèle, transmis à l'occasion de ses réponses au deuxième questionnaire du rapporteur, et conformément à la description de l'architecture technique du réseau fournie par France Télécom dans ses réponses au premier questionnaire, c'est-à-dire un coût de 3 200 EUR par an pour un équivalent 2 Mbits/s, soit 133 EUR par Mbit/s et par mois.
Concernant les coûts de la partie terrestre de la LLT comprise entre la station d'atterrissement à Saint-Paul et Le Port, France Télécom et Outremer Télécom n'ont pas fourni d'estimation des coûts associés. En l'absence d'éléments, l'Autorité considère qu'une liaison louée sur ce segment ne peut présenter un coût supérieur à celui d'une liaison louée d'aboutement, dont le tarif est fixé au catalogue d'interconnexion, soit 140,4 EUR par mois et par Mbit/s, sur la base d'une liaison de 2 Mbits/s de 28 kilomètres.

3.7. Evaluation du coût de transport

L'Autorité a réalisé ses propres estimations des coûts liés à l'utilisation du câble SAT3/WASC/SAFE à partir des observations des parties et des hypothèses décrites ci-avant.
Pour la station d'atterrissement, les coûts et les trafics à prendre en compte sont les suivants :

[...]

Pour le câble, les coûts et les trafics à prendre en compte sont les suivants :

Au total, le coût du transport sur le câble SAT3/WASC/SAFE est donc donné par le calcul suivant :

L'Autorité estime donc que le coût du transport sur le câble SAT3/WASC/SAFE est de 574 EUR par Mbit/s en 2004. En tenant compte de l'ensemble des segments de réseau qui sont utilisés pour fournir l'offre de LLT décrite par la présente décision, le coût de cette prestation est donc de 887 EUR par mois et par Mbit/s.
Dans ces conditions, l'Autorité étant liée par la demande de la société Outremer Télécom, France Télécom devra faire droit à la demande de celle-ci concernant la fixation d'un tarif de la prestation LLT à 1 550 EUR par Mbit/s et par mois.

3.8. Sur les frais d'accès au service

Les frais d'accès au service sont un élément de la tarification de l'offre de liaison louée de transport. Il revient donc à l'Autorité, aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, de préciser les conditions de fixation de leur tarif, dès lors que cette offre constitue une prestation d'interconnexion.
Il résulte de ce qui précède que les frais d'accès au service de l'offre de liaison louée de transport sont ceux d'une offre de gros et qu'ils doivent être orientés vers les coûts. En effet, dès lors que l'ensemble de l'offre est soumise à l'orientation vers les coûts, que la partie récurrente du tarif est fixée dans le respect de ce principe, il doit en aller de même pour les frais d'accès au service.
Outremer Télécom demande à l'Autorité de fixer les tarifs des frais d'accès au service pour l'offre de liaisons louées au niveau des frais d'accès au service définis au catalogue d'interconnexion.
La prestation de gros définie par la présente décision repose sur trois tronçons principaux :
- un backhaul en métropole entre la station d'atterrissement et le point de livraison ;
- une capacité à fournir par France Télécom au sein de la capacité dont elle dispose déjà entre les stations d'atterrissement à la Réunion et à Penmarch ;
- un backhaul à la Réunion entre la station d'atterrissement et le point de livraison.
Cette architecture n'implique un raccordement entre le client et France Télécom qu'en deux points, tous deux situés dans des bâtiments France Télécom. En effet, seuls les deux brasseurs d'extrémité de l'offre doivent être configurés, les brasseurs ou stations d'atterrissement traversés n'étant pas impactés par la création de l'offre de liaison louée de transport. Chacun de ces raccordements est semblable à celui opéré dans le cas d'une liaison d'aboutement. La mise en service de la LLT est donc comparable à la mise en service de deux liaisons d'aboutement.
En l'absence de toute justification de ses coûts de la part de France Télécom, l'Autorité estime que les frais d'accès au service pour l'offre de liaison louée de transport ne pourront excéder le coût de mise en service de deux liaisons d'aboutement.
Pour des débits de 2 Mbits/s, le tarif des frais d'accès au service pour une liaison d'aboutement est de 1 959 EUR. Pour des débits supérieurs, le tarif des frais d'accès au service devra également être cohérent avec le tarif des frais d'accès au service des liaisons d'aboutement à 155 Mbits/s, à savoir 4 035 EUR.
Par ailleurs, les opérateurs pourront utiliser des offres de liaisons d'aboutement définies au catalogue d'interconnexion pour le raccordement de cette liaison louée de transport à leur réseau. Les frais d'accès au service de ces liaisons louées utilisées pour le raccordement sont déjà définis au catalogue d'interconnexion.
Décide :


Historique des versions

Version 1

A. - Sur le câble SAFE

Un risque d'investissement dont France Télécom a pris principalement la charge :

France Télécom rappelle que la possibilité d'investir dans le câble SAT-3WASC/SAFE était ouverte à tout opérateur jusqu'au 16 juin 1999.

France Télécom souhaite rappeler les conditions d'investissement liées à la signature de l'accord C & MA (Construction and Maintenance Agreement).

Ainsi, elle indique que, pour obtenir un point d'atterrissement à la Réunion, elle devait investir au minimum [...] et fournir à ses frais la station terminale d'atterrissement : le coût de la mise en place étant estimé à [...], entièrement à sa charge.

Elle précise que le Groupe France Télécom, à savoir France Télécom et ses filiales Sonatel (Sénégal), CIT (Côte d'Ivoire), Mauritius Télécom (Maurice), a conjointement investi 96 millions de USD.

France Télécom précise qu'en dehors des parties terminales du câble tenues à des minima d'investissement, les cocontractants pouvaient participer au minimum à hauteur de l'unité minimale d'investissement (MIU), soit un 2 Mbits/s sur la distance la plus courte du système (275 km) correspondant à un demi-circuit 2 Mbits/s entre l'île Maurice et l'île de la Réunion au tarif de [...]. Cet investissement devait permettre de participer à des augmentations ultérieures sur la base du volontariat, sans surinvestir au départ au-delà des besoins anticipés.

Sur les conditions de commercialisation du câble fixées par les accords liant le consortium :

France Télécom précise que les termes et les conditions inscrites au C & MA ne sont pas la conséquence d'une volonté unilatérale de France Télécom, mais le résultat de négociations longues avec les parties terminales asiatiques et africaines qui exigeaient des clauses de protection de l'investissement.

France Télécom rappelle les règles applicables à la commercialisation des capacités du câble qui résultent de l'accord passé entre les différents investisseurs étrangers.

France Télécom précise que les droits exclusifs dont elle disposait n'étaient en réalité qu'une priorité ne faisant pas l'objet d'un usage systématique. Ainsi, elle pourrait renoncer à faire jouer sa priorité de revente au bénéfice d'un autre fournisseur de la capacité SAT3/WASC/SAFE.

France Télécom souligne qu'elle a consenti des investissements très lourds pour permettre un double accès optique à la Réunion et placer ainsi l'île au coeur du réseau mondial de fibres optiques. France Télécom rappelle qu'aujourd'hui tous les opérateurs tiers à la Réunion, notamment Outremer Télécom, peuvent acquérir des capacités de transmission sur un marché ouvert où s'exerce la concurrence.

B. - Sur les demandes d'Outremer Télécom

France Télécom souligne qu'elle n'invoque pas le manque de clarté des demandes formulées par Outremer Télécom car elle estime qu'en l'espèce il n'y a pas eu de refus de sa part. France Télécom estime qu'au regard des réalités techniques et des modalités de mise en oeuvre des prestations, on ne peut faire peser sur France Télécom une absence de réponse dès lors que le périmètre des besoins n'était pas délimité.

France Télécom indique que, malgré la variabilité des positions d'Outremer Télécom, elle n'a pas opposé de fin de non-recevoir et s'est évertuée à proposer des solutions selon les délais tenant compte de la nécessaire analyse technique et économique du dossier.

I. - Sur l'absence d'échec des négociations

France Télécom conclut aux mêmes fins que ses premières écritures par les mêmes moyens que précédemment.

Dans ces conditions, France Télécom souligne qu'aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut lui être imputé et que la saisine d'Outremer Télécom ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

II. - Sur l'irrecevabilité de la demande

de liaisons louées

2.1. L'offre de liaisons louées ne relève pas du régime

de l'interconnexion

France Télécom souligne que tout service de télécommunication fourni à un opérateur ne peut être considéré comme une prestation d'interconnexion. France Télécom rappelle que la qualité juridique des personnes qui fournissent et utilisent la prestation de liaison louée ne suffit pas à qualifier une prestation de prestation d'interconnexion.

France Télécom estime, d'une part, que la recommandation de l'Autorité du 25 juillet 2001 n'a pas de valeur réglementaire, d'autre part, que les liaisons louées sollicitées par Outremer Télécom n'entrent pas dans le champ des prestations de liaisons louées visées par l'Autorité dans sa décision n° 02-147.

2.2. L'offre de liaisons louées

ne relève pas du régime d'accès

France Télécom indique qu'aux termes de l'article L. 32-2 du code des postes et télécommunications les points de terminaison du réseau sont exclus du champ réglementaire de l'accès et que, dès lors, les liaisons louées qui sont définies comme « la mise à disposition par un opérateur d'une capacité de transmission entre des points de terminaison déterminés d'un réseau ouvert au public, au profit d'un utilisateur, à l'exclusion de toute commutation contrôlée par cet utilisateur » ne sauraient être regardées comme une offre d'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications.

En outre, se fondant sur les dispositions de l'article 4.2 de la directive 97/33/CE, France Télécom soutient que l'obligation de répondre à toute demande raisonnable d'accès au réseau ne saurait porter sur les points de terminaison du réseau.

France Télécom estime que la demande d'Outremer Télécom relative aux liaisons louées ne peut être qualifiée d'offre d'accès au sens de l'article L. 34-8 IV du code des postes et télécommunications et ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées par l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

2.3. Sur l'homologation tarifaire

France Télécom rappelle que l'Autorité ne dispose que d'une fonction consultative en matière d'homologation tarifaire et ne peut donc remettre en cause les décisions du ministre dès lors que son avis ne serait pas suivi.

Se fondant sur des décisions de règlements de différends de l'Autorité, France Télécom précise que l'Autorité a reconnu que dès lors que la loi avait établi la compétence du ministre en matière d'homologation, sa propre compétence s'effaçait au profit de celui-ci, y compris dans le cadre d'un règlement de différend.

En outre, France Télécom indique que ce débat a été tranché concernant les tarifs de « collecte IP/ADSL » et « Accès IP/ADSL » par le Conseil d'Etat.

III. - Sur l'irrecevabilité de la demande

relative aux IRU

France Télécom précise qu'au terme de l'article 8 de son cahier des charges, elle n'est soumise en matière de cession de droits irrévocables d'usage sur un câble sous-marin qu'à une obligation de non discrimination et non à une obligation d'orientation vers les coûts.

France Télécom rappelle qu'un contrat d'IRU a pour objet d'accorder des droits sur des infrastructures ou capacités d'infrastructures et non de fournir des services de télécommunications, tels que les liaisons louées : c'est une des différences fondamentales entre la cession d'IRU et la fourniture de liaisons louées.

France Télécom indique que les modalités financières qu'elle a proposées le 8 octobre 2003, à savoir un préfinancement initial et une redevance O et M à un coût fixe, ne correspondent pas à la structure financière caractéristique d'un IRU.

France Télécom précise que dans le cadre d'un contrat d'IRU, les risques associés au droit de propriété sont transférés au titulaire du droit irrévocable d'usage et que les risques liés à la détérioration du câble durant sa durée de vie pèsent sur le titulaire du droit irrévocable d'usage.

IV. - Sur les comparaisons tarifaires

France Télécom ne peut que remettre en cause la méthode présentée par Outremer Télécom dès lors qu'elle est amenée à justifier son positionnement tarifaire par rapport à des offres dont elle n'est pas en mesure de vérifier la viabilité.

4.1. Sur l'absence de pertinence des comparaisons tarifaires

Flag Télécom :

France Télécom souhaite rappeler que la société Flag Télécom a été placée par la justice américaine sous le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Or, les entreprises placées sous ce dispositif se voient apurer de leurs dettes et peuvent conséquement mener une politique tarifaire très agressive.

Cette dernière étant sous la protection du chapitre 11 et ayant réglé sa dette, sa structure est très différente de celle d'un opérateur historique comme France Télécom.

En outre, France Télécom indique qu'elle n'a pas de visibilité sur la structure des coûts de Flag Télécom et sur ses méthodes comptables et qu'il ne lui est pas possible de présumer que celle-ci vend des produits avec une marge.

Le service proposé par Flag Télécom n'est pas comparable :

France Télécom souligne que le support utilisé n'est ni le SMW3 ni le SAT3/SAFE et, qu'en conséquence, les coûts de Flag Télécom ne sont pas comparables avec ceux de France Télécom. S'agissant des liaisons Inde/Londres, Flag Télécom utilise ses propres ressources sur le câble Flag Europe Asie.

France Télécom précise que les prix qu'elle fournit comprennent la capacité sous-marine, le backhaul Réunion, le backhaul France ainsi que la connectivité française et réunionnaise afin de fournir cette liaison au plus près du client. France Télécom estime qu'aucune comparaison ne peut se faire avec Flag Télécom.

France Télécom considère que les distances autant que les ressources sous-marines empruntées, le contexte économique de ce câble, les points de livraison différents, la nécessité de rajouter des backhaul, les dates de mise en service différentes sont autant d'éléments ne permettant pas une analyse comparative pertinente par rapport aux ressources mises en oeuvre par France Télécom entre la métropole et la Réunion.

En outre, France Télécom indique que les tarifs de liaisons 155 Mbits/s fournis par Flag Télécom ne peuvent être comparés à des tarifs de France Télécom, étant donné que le service de 155 Mbits/s entre la métropole et la Réunion nécessite une étude de faisabilité avant toute cotation.

Le positionnement tarifaire de Flag Télécom relève d'un choix commercial :

France Télécom note que le prix du 45 Mbits/s est 18 fois supérieur à celui du 2 Mbits/s et que Flag Télécom « charge » ses liaisons louées très haut débit pour diminuer le prix du 2 Mbits/s.

France Télécom propose un ratio de [...] entre le prix d'une liaison louée 2 Mbits/s et d'une liaison 45 Mbits/s, ce qui permet d'obtenir un prix de l'ordre de [...] par mois pour une liaison 45 Mbits/s, qui est proche des tarifs proposés par Flag Télécom alors que France Télécom inclut dans son prix les deux boucles locales, quelle que soit la destination finale du lien.

France Télécom souligne que la comparaison proposée par Outremer Télécom en matière d'IRU n'est pas pertinente car la proposition de France Télécom porte sur une prestation de liaisons louées et non d'IRU.

Sur Mauritius Télécom :

France Télécom remarque que les tarifs 34 et 45 Mbits/s ne figurent pas aux annexes et qu'elle n'a donc pas les moyens d'en vérifier la véracité. France Télécom indique que le tarif de 10 588 EUR pour le 2 Mbits/s est partiellement comparable à une offre France Télécom Réunion-Paris et qu'il faut rajouter le prix de la boucle locale côté France.

France Télécom souligne que la différence de son tarif et de celui de Mauritius Télécom sur le câble SAFE s'explique par les niveaux d'investissement consentis au départ et des structures de coûts proportionnellement différentes.

France Télécom estime que pour rendre l'offre parfaitement comparable, il faut ajouter la partie Ile Maurice-Réunion.

France Télécom souligne que son offre, bien que différente, reste attractive en 2003 pour un client qui cherche un équilibre entre les prix du 2 Mbits/s et du 34 ou 45 Mbits/s et que cette offre inclut les deux boucles locales et n'est pas indexée sur le cours d'une monnaie, ce qui la rend plus prévisible pour le client.

France Télécom indique que la différence entre son tarif de 175 000 EUR/mois pour une liaison 34 Mbits/s entre la métropole et la Réunion, et les tarifs de 109 244 EUR/mois pour un 34 Mbits/s entre l'île Maurice et Paris fournis par Mauritius Télécom ou celui de 126 050 EUR/mois pour un 45 Mbits/s entre Londres et l'Inde par Flag Télécom, s'explique au regard des différences de prestation :

- l'absence de backhaul en Inde pour la solution fournie par Flag Télécom. En effet, l'opérateur historique VSNL a le monopole sur le backhaul à partir du câble sous-marin Flag et ses tarifs sont par conséquent très élevés ;

- la connectivité offerte par France Télécom en France avec l'accès à plusieurs villes connectées en France et au périmètre autour de celles-ci.

4.2. Sur les incohérences au regard des distances

Une comparaison du tarif au kilomètre :

France Télécom indique que le prix des liaisons louées internationales est fondé sur le principe de la bilatéralité, chaque opérateur facturant son demi-circuit, et qu'une comparaison du tarif au kilomètre n'a pas de sens car elle ne prend pas en compte :

- le type de support employé (câble ou satellite) ;

- le coût fixe de chaque opérateur.

L'offre de liaisons louées internationales, telle que résultant de la dernière décision tarifaire, indique qu'au départ de la Réunion, il n'y a que 4 tarifs disponibles. Au regard de cette structure tarifaire, les prix sont moyennés pour ces destinations et une analyse du prix au kilomètre ne peut avoir de sens.

France Télécom indique que la structure tarifaire choisie a pour fonction d'assurer des prix plus bas pour les destinations « logiques » de la Réunion à ses voisins et à l'Europe avec laquelle l'île a des liens évidents en comparaison du « reste du monde ». Ainsi, la structure tarifaire avait et a toujours pour objectif de faire abstraction de la distance séparant l'île de la métropole.

Sur l'analyse des prix au kilomètre :

France Télécom estime qu'en se fondant uniquement sur les documents annexés à la saisine, les écarts de prix en USD au Mbits/s par kilomètre sont très importants, et ce quelle que soit la période de cotation.

V. - Sur le niveau tarifaire

de l'offre de liaisons louées

5.1. Sur les fondements réglementaires de l'offre de liaisons louées

France Télécom rappelle que l'Autorité, dans son avis n° 2003-70 du 16 janvier 2003, relatif à l'évolution de tarifs des liaisons louées entre la métropole et les départements d'outre-mer et entre départements d'outre-mer, a accueilli favorablement la décision tarifaire de France Télécom proposant une baisse d'au moins 20 % des tarifs des liaisons louées 2 Mbits/s entre la métropole et les départements d'outre-mer.

France Télécom indique qu'elle soumettra prochainement une nouvelle baisse conforme aux coûts les plus récents dont elle dispose. Les effets de la mise en service du câble SAFE sur les coûts, et le délai avec lequel ces derniers sont connus, ont conduit à une baisse des tarifs décalée dans le temps. Elle indique qu'elle apportera dans ses prochaines observations, sur le modèle transmis par le conseil régional de la Réunion, les éclaircissements nécessaires sur les hypothèses de coûts retenues.

Concernant la modélisation des coûts, France Télécom tient à réaffirmer que, dans le cadre du règlement de différend, il revient à la partie adverse d'avoir choisi un modèle reposant sur les CMILT. France Télécom précise qu'elle ne peut souscrire à l'analyse qui conduirait à une application généralisée de la méthode des CMILT à toute évaluation des coûts en dehors de tout cadre réglementaire.

5.2. Sur les « incohérences » entre tarifs de liaisons louées

et tarifs d'interconnexion

France Télécom indique que la différence entre le tarif de détail et le tarif d'interconnexion est hors de propos dans la mesure où France Télécom a précisé que les tarifs des FAS à prendre en compte sont ceux des liaisons louées de détail, non ceux des LPT.

France Télécom rappelle que les tarifs des FAS des liaisons louées n'ont pas à être égaux à un quelconque coût, mais relèvent d'un choix marketing quant à la répartition du prix entre cette partie fixe et la partie récurrente du tarif. Le seul cas où le tarif des FAS est tenu de refléter un coût bien identifié est celui du dégroupage.

En conséquence, France Télécom conclut aux mêmes demandes que dans son premier mémoire.

Vu la décision n° 04-264 de l'Autorité, en date du 9 mars 2004, prorogeant le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer dans le différend opposant les sociétés Outremer Télécom et France Télécom ;

Vu les réponses des parties, enregistrées le 12 mars 2004, au questionnaire du rapporteur ;

Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 25 mars 2004, convoquant les parties à une audience devant le collège le 8 avril 2004 ;

Vu le courrier de la société Outremer Télécom enregistré le 5 avril 2004, souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 5 avril 2004, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique,

Après avoir entendu le 8 avril 2004, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Nicolas Deffieux, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Jean-Daniel Lallemand et Lionel Grosclaude pour la société France Télécom ;

- les observations de MM. Moustafa Hassanaly, Patrick Josset, pour la société Outremer Télécom, et de Me Frédérique Dupuis-Toubol, pour le cabinet Bird & Bird ;

En présence de :

- MM. Jean-Daniel Lallemand, Jean Mazier, Lionel Grosclaude, Gabriel Lluch, pour la société France Télécom,

- MM. Moustafa Hassanaly, Patrick Josset, pour la société Outremer Télécom, et de Me Frédérique Dupuis-Toubol, pour le cabinet Bird & Bird ;

- MM. Philippe Distler, directeur général, Laurent Laganier, Nicolas Deffieux, Elies Chitour, Benoît Loutrel et de Mmes Elisabeth Rolin, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;

Sur la publicité de l'audience :

Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère ».

France Télécom, par un courrier enregistré le 5 avril 2004, a demandé que l'audience devant le collège ne soit pas publique ; la société Outremer Télécom, par un courrier enregistré le 5 avril 2004, a demandé que l'audience devant le collège soit publique. Interrogée sur ce point par le président de l'Autorité à l'ouverture de l'audience du 8 avril 2004, France Télécom a précisé qu'elle acceptait de souscrire à la demande de la société Outremer Télécom ; en conséquence de quoi l'audience a été publique.

Le collège en ayant délibéré le 4 mai 2004, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité,

Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :

1. Sur la recevabilité des demandes

de la société Outremer Télécom

Aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : « En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties (...) ».

La société France Télécom, dans ses observations en défense, soutient que l'Autorité est incompétente pour statuer sur les demandes présentées par la société Outremer Télécom, car elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. En effet, elle estime, d'une part, que les demandes de la société Outremer Télécom ne relèvent ni du régime de l'interconnexion, ni de l'accès au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications et, d'autre part, qu'aucun refus de négocier ou échec des négociations ne peut être imputé à France Télécom.

En conséquence, la société France Télécom soutient que la saisine ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

1.1. Sur la qualification juridique des prestations demandées

par la société Outremer Télécom

a) Sur l'offre de liaison louée sollicitée

par la société Outremer Télécom

Le 2° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications définit le réseau de télécommunication comme : « (...) toute installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l'échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison du réseau ».

Il résulte des dispositions de l'article 2 de la directive 92/44/CE, modifiée par la directive 97/51/CE (dite « ONP liaisons louées »), et de l'annexe I de la directive 97/33/CE du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion, transposées par l'article R. 9 du code des postes et télécommunications, que les liaisons louées constituent des « capacités de transmission transparentes entre points de terminaison du réseau, à l'exclusion de la commutation sur demande ».

France Télécom, dans ses observations en défense, considère que la prestation demandée par Outremer Télécom ne constitue pas une prestation d'interconnexion, mais une offre de détail, en se limitant à faire valoir que la seule offre de liaison louée disponible à la Réunion est une offre de détail Transfix. France Télécom considère donc que l'Autorité ne peut faire droit à la demande d'Outremer Télécom dans le cadre d'un règlement de différend, l'offre de détail Transfix ayant été homologuée par le ministre chargé des télécommunications.

L'Autorité rappelle que France Télécom commercialise à ce jour deux catégories d'offres de liaisons louées :

- une offre de détail Transfix, faisant l'objet d'une homologation tarifaire par le ministre en charge des télécommunications ;

- un service d'interconnexion de liaisons louées, dont les modalités sont décrites au chapitre VIII du catalogue d'interconnexion de France Télécom ; cette offre comprend la fourniture par France Télécom à l'opérateur tiers d'une liaison louée partielle (LPT) entre un site client et un centre de France Télécom ouvert au service d'aboutement, cette liaison louée étant prolongée à travers le service d'aboutement au point de présence de l'opérateur tiers. Elle comprend également un service d'aboutement de liaison louée.

Aux termes de l'article D.99-11 du code des postes et télécommunications « ces opérateurs [les opérateurs figurant sur la liste établie en application du 7° de l'article L. 36-7] ne peuvent invoquer l'existence d'une offre inscrite au catalogue pour refuser d'engager des négociations commerciales avec un autre opérateur en vue de la détermination de conditions d'interconnexion qui n'auraient pas été prévues par leur catalogue, notamment les conditions d'accès direct aux commutateurs internationaux et à d'autres infrastructures internationales ».

Il résulte de l'instruction que la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom, opérateur de réseau de télécommunications, a pour finalité de disposer, en s'interconnectant au réseau de France Télécom, d'une offre de capacité entre la Réunion et la métropole, lui permettant non pas de répondre aux besoins propres de l'entreprise, mais d'élaborer des offres de détail ayant vocation à être commercialisées sur le marché final.

L'Autorité constate, au regard des pièces du dossier, que France Télécom possède un monopole de fait sur le transport entre la Réunion et la métropole. Or, l'accès de la société Outremer Télécom à une capacité de transport sur le câble sous-marin est une condition essentielle à la commercialisation par cet opérateur d'offres concurrentielles sur le marché de détail des services de télécommunications à la Réunion.

L'Autorité comprend donc la demande d'Outremer Télécom comme une demande de service d'interconnexion de liaisons louées de gros sur le segment du transport, comparable dans son principe et ses modalités au service d'interconnexion de liaisons louées partielles sur le segment de l'accès et qui s'utilisera concurremment avec le service d'aboutement, tel que défini dans le catalogue d'interconnexion de France Télécom.

Une offre de liaison louée de gros se distingue d'une offre de détail, notamment par l'architecture et la géographie de ses points d'extrémités. Alors qu'une liaison louée de détail a vocation à être livrée dans un site client, une offre d'interconnexion est livrée dans un site de France Télécom, ainsi qu'illustré dans le schéma ci-dessous.

Cette analyse est confortée par France Télécom, qui, dans ses observations en défense du 5 février 2004, soutient que : « de la même façon, dans le cas des liaisons louées, il ne s'agit pas de livrer un produit fini mais de fournir aux opérateurs un service d'interconnexion de liaison louée aux fins de la fourniture de services de liaisons louées de bout en bout ».

Aussi, de la même manière que la situation particulière de France Télécom sur le segment de l'accès a conduit l'Autorité à introduire en 2002 une offre de liaisons louées partielles et de liaisons d'aboutement d'interconnexion dans le catalogue d'interconnexion, il apparaît légitime de créer une offre de liaison louée d'interconnexion sur le segment du transport dans le cas particulier de la Réunion, compte tenu de la position de France Télécom sur ce segment et du caractère indispensable de cette prestation pour les opérateurs alternatifs.

L'Autorité considère donc, pour les motifs exposés ci-dessus, que la demande formulée par Outremer Télécom est une demande d'accès à un service de liaisons louées de transport, ci-après abrégées LLT, qui relève du régime juridique de l'interconnexion.

b) Sur la demande de fourniture d'IRU

entre la Réunion et la métropole

Il ressort des pièces du dossier que la prestation demandée par la société Outremer Télécom porte sur la mise en place de capacités entre la station d'atterrissement du câble SAT3/WASC/SAFE à la Réunion et celle du câble SEA/ME/WE à Penmarch.

Le 2° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications définit le réseau de télécommunication comme : « (...) toute installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l'échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison du réseau ».

Ainsi, il résulte de cette disposition que les droits que France Télécom possède sur les câbles sous-marins SAT3/WASC/SAFE et SEA/ME/WE, atterrissant sur le territoire français, constituent des éléments du réseau de télécommunications de France Télécom.

Aux termes des dispositions du IV de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications : « (...) Les mêmes exploitants [les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur les listes établies en application des a, b et c du 7° de l'article L. 36-7] assurent, dans les mêmes conditions, un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, ainsi qu'aux services de communication audiovisuelle autres que les services de radiodiffusion sonore ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite, ou distribués par câble. Ils répondent également aux demandes justifiées d'accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées, émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs (..). »

L'article 4, paragraphe 2, de la directive 97/33 Interconnexion susvisée dispose que « les organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications et des services de télécommunications accessibles au public tels qu'ils sont définis à l'annexe I et qui sont puissants sur le marché répondent à toutes les demandes raisonnables de connexion au réseau, notamment l'accès à des points autres que les points de terminaison du réseau offerts à la majorité des utilisateurs finals ».

Le paragraphe 4 de l'article 16 de la directive 98/10 susvisée dispose que : « les autorités réglementaires nationales veillent à ce que les organismes puissants sur le marché pour la fourniture de réseaux téléphoniques fixes traitent les demandes raisonnables des organismes prestataires de services de télécommunications souhaitant obtenir l'accès au réseau téléphonique public fixe en d'autres points de terminaison du réseau que les points habituellement prévus et visés à l'annexe II, première partie ».

Il résulte de tout ce qui précède que la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom consistant à accéder au réseau de France Télécom, à travers la capacité qu'elle possède sur les câbles sous-marins SAT3/WASC/SAFE et SEA/ME/WE, doit être regardée comme entrant dans le champ des dispositions susmentionnées et doit donc être qualifiée d'accès au sens des dispositions précitées de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications.

Au demeurant, cette qualification juridique est compatible avec les dispositions de la directive 2002/19/CE « Accès » du 7 mars 2002 susvisée, dont le délai de transposition expirait le 24 juillet 2003, qui définissent de façon explicite la notion d'accès. En effet, l'article 2 de cette même directive définit l'accès comme « la mise à la disposition d'une autre entreprise, dans des conditions bien définies et de manière exclusive ou non exclusive, de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment : l'accès à des éléments de réseaux et à des ressources associées, (...) l'accès à l'infrastructure physique (...) ».

Il résulte de tout ce qui précède que la prestation d'IRU demandée par la société Outremer Télécom doit, en l'état actuel du droit, être qualifiée d'accès spécial au sens des dispositions précitées de l'article L. 34-8. En effet, les conditions techniques et tarifaires de la prestation sollicitée par la société Outremer Télécom n'ont pas été publiées par France Télécom.

France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur les listes établies en application des a et b du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de répondre aux demandes justifiées d'accès spécial émanant de ces fournisseurs de service.

Dans ces conditions, l'Autorité, sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, est compétente pour préciser les conditions équitables, d'ordre technique et financier, de cette prestation d'IRU.

1.2. Sur l'échec des négociations

La société France Télécom soutient que la demande de règlement de différend de la société Outremer Télécom est irrecevable car aucun refus de négocier ou un échec des négociations ne peut être imputé à France Télécom. En conséquence, elle soutient que la saisine ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

Il ressort des pièces du dossier que les négociations commerciales ont commencé entre les parties par une lettre datée du 11 juillet 2003 de la société Outremer Télécom. Par ce courrier, elle demande à France Télécom d'engager des négociations commerciales aux fins de définir les conditions techniques et tarifaires de certaines prestations relevant du régime de l'interconnexion, de l'accès ou de l'accès spécial. La société Outremer Télécom envisage de recourir aux prestations suivantes : IRU sur le SAFE pour les capacités suivantes (E1 circuit complet vers métropole, vers Maurice, l'Afrique du Sud et l'Inde, etc.), liaisons de backhaul depuis les arrivées de câble, liaisons louées, service de transmission de donnée ATM, transit IP. De même, dans son courrier, Outremer Télécom indique que, compte tenu de l'utilisation des capacités sur le câble par le groupe France Télécom pour ses propres offres clientèle, il devrait être aisé à France Télécom d'établir très rapidement une proposition fondée sur des conditions non discriminatoires. Elle attend de la part de France Télécom une première proposition dans un délai maximal de trois semaines.

Dans sa réponse à cette lettre en date du 4 août 2003, France Télécom souhaite connaître les demandes prioritaires d'Outremer Télécom ainsi qu'une estimation planifiée des besoins en capacité. En outre, pour ce qui concerne la fourniture de circuits complets au départ de la Réunion vers Maurice, l'Afrique du Sud et l'Inde, elle demande à Outremer Télécom de préciser l'adresse de l'extrémité afin de lancer l'étude de faisabilité de l'offre de liaisons louées ou de service de transmission de données.

A la suite de ce courrier de France Télécom, la société Outremer Télécom, dans un courrier en date du 11 août 2003, précisait les prestations sur lesquelles elle souhaitait obtenir de manière prioritaire une offre et donnait une prévision de ses besoins en capacité jusqu'en 2006.

Dans un courrier en date du 8 octobre 2003 intitulé « Ouverture d'une négociation commerciale suite à la mise en service du câble SAFE à la Réunion », France Télécom propose à la société Outremer Télécom une offre commerciale qui consiste, d'une part, en une solution de Transit IP international et, d'autre part, en une solution à base de liaisons louées point à point en circuit complet entre ses POP de la Réunion et de Paris, dans la limite des ressources disponibles sur le réseau de France Télécom et reposant sur des engagements de durées 1 an, 3 ans et 5 ans. En outre, pour les engagements de durées 10 ans et 15 ans, France Télécom indique qu'elle est en mesure de proposer à la société Outremer Télécom un montage financier spécifique sur la base d'une remise supplémentaire sur le tarif de la liaison louée à 2 Mbits/s en vigueur au catalogue des prix et d'un préfinancement pour les capacités de débit supérieur ou égal à 34 Mbits/s entre ses POP de la Réunion et de Paris. Elle indique également que l'étude des disponibilités des ressources sur le câble sous-marin et le délai de réalisation seront communiqués à la société Outremer Télécom dans l'accusé de réception de commande faisant suite à la réception de sa commande par France Télécom. Ainsi, elle précise que le présent courrier n'entraîne en aucun cas réservation de ressources.

Dans ce même courrier, elle indique que les prix rassemblés en annexe à ce courrier sont donnés en euros hors taxes et sont soumis à la TVA en vigueur à la date de facturation. France Télécom précise que les prix sont valables pendant une durée de 1 mois dans la limite des ressources disponibles à compter de la date d'émission qui figure sur le présent document.

Dans un courrier en date du 10 novembre 2003, répondant au courrier de France Télécom du 8 octobre 2003, la société Outremer Télécom relève que les propositions de France Télécom sont insatisfaisantes du point de vue tarifaire, compte tenu des obligations qui lui sont imposées.

Concernant l'offre de liaisons louées, Outremer Télécom indique que le tarif de redevance mensuelle rapporté au mégabit par seconde est déraisonnable en comparaison des tarifs pratiqués par France Télécom dans d'autres zones géographiques ou des tarifs pratiqués par d'autres opérateurs pour des prestations comparables. Elle précise que les premières analyses la conduisent à estimer qu'un tarif raisonnable pour les prestations demandées serait environ dix fois inférieur au tarif sollicité, soit environ 3 000 EUR pour les redevances mensuelles. Par ailleurs, Outremer Télécom indique que les tarifs des FAS sont quasiment identiques aux FAS facturés à des clients finals via l'offre commerciale Transfix de France Télécom et soutient donc que celle-ci n'est pas une offre orientée vers les coûts.

S'agissant des IRU, la société Outremer Télécom estime que la proposition de France Télécom n'est pas conforme aux obligations tarifaires et s'avère incohérente, tant avec le prix de la location mensuelle proposé pour des liaisons louées annuelles qu'avec les premières analyses qu'ils ont menées. A ce titre, un tarif raisonnable serait environ cinq fois inférieur au tarif proposé.

En conséquence, concernant les liaisons louées, elle demande à France Télécom de lui confirmer qu'elle accepte une modification substantielle de son offre, à savoir un prix au mégabit environ dix fois inférieur au tarif proposé, ainsi qu'un tarif réellement orienté vers les coûts pour les FAS. Concernant les IRU, elle demande que France Télécom accepte le principe d'un prix au mégabit qui soit environ 5 fois inférieur au tarif proposé, ainsi qu'un tarif réellement orienté vers les coûts pour les redevances annuelles O&M.

Dans un courrier en date du 9 décembre 2003, en réponse au courrier du 10 novembre 2003 de la société Outremer Télécom, la société France Télécom indique qu'elle étudiera, dans le cadre de son cahier des charges inscrit dans le décret du 27 décembre 1996, la réponse aux besoins d'Outremer Télécom dans la limite des ressources disponibles sur son réseau. Ainsi, pour la part des offres qui concerne des prestations internationales sur un câble sous-marin, France Télécom précise que, conformément aux obligations fixées à l'article 8 du décret du 27 décembre 1996, elle fait droit sans discrimination aux demandes de droits irrévocables d'usage sur les capacités disponibles dont elle dispose émanant d'opérateurs autorisés en application de l'article L. 33-1 du CPT. Concernant les demandes de circuits complets 2 Mbits/s de la Réunion vers l'Afrique du Sud, l'Inde et l'île Maurice, France Télécom informe la société Outremer Télécom qu'elle ne possède ni réseau, ni licence dans ces trois pays. Dans ces conditions, elle précise qu'il lui est nécessaire de disposer, liaison par liaison, de l'adresse des deux extrémités afin de lancer l'étude de faisabilité pour la fourniture de liaisons louées internationales en circuit complet. En outre, France Télécom indique qu'elle est en mesure de fournir sur demande aux opérateurs de réseau des propositions commerciales en IRU 2 Mbits/s à 10 ans et à 15 ans sur l'international sous forme de demi-circuit 2 Mbits/s constitué d'un tronçon sur le câble sous-marin SAFE au départ de la tête de câble de l'île de la Réunion et à destination de l'Afrique du Sud, de l'Inde et de l'île Maurice. En outre, France Télécom indique qu'elle est en mesure d'offrir le prolongement terrestre sur l'île de la Réunion vers le POP de la société Outremer Télécom sur la base d'un contrat backhaul de durée 1 an, 3 ans ou 5 ans.

Dans ce même courrier, France Télécom, concernant les offres de liaisons louées entre la métropole et les DOM, indique qu'elle répond à ses obligations de service universel au travers d'offres homologuées par le ministre et précise qu'elle maintient sa proposition formulée dans son courrier du 8 octobre 2003, qui est constituée par la fourniture de liaisons louées métropole-DOM à 2 Mbits/s de durées 1 an, 3 ans et 5 ans. Enfin, concernant les besoins en connectivité Internet, France Télécom se propose de tenir une réunion dès que possible.

Par un courrier du 29 décembre 2003, la société Outremer Télécom constate que France Télécom ne propose pas de révision de ses offres de liaisons louées et d'IRU entre la Réunion et la métropole comme demandé dans sa lettre du 10 novembre 2003 et, dans ces conditions, considère qu'il y a échec des négociations sur ces prestations.

Contrairement à ce que soutient France Télécom, il résulte de tout ce qui précède que les échanges ci-dessus relatés démontrent un échec des négociations entre les deux parties sur la négociation d'une offre de liaisons louées Réunion/métropole et de la fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole. Il s'ensuit que ladite saisine est recevable au regard des dispositions de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

2. Sur le caractère justifié des demandes d'Outremer Télécom

Au regard des éléments échangés dans le cadre de cette procédure, l'Autorité rappelle qu'il lui revient, dans le cadre du règlement de ce litige, de « préciser les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés » conformément à l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

2.1. Sur les obligations de France Télécom

En premier lieu, l'Autorité rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article L. 34-8 précité que la société France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur les listes établies en application des a et b du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d'interconnexion de la société Outremer Télécom, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire.

En outre, il ressort de cette même disposition que les tarifs d'interconnexion « rémunèrent l'usage effectif du réseau de transport et de desserte et reflètent les coûts du service rendu ».

En second lieu, il résulte régalement des dispositions de l'article L. 34-8 précité que la société France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur la liste établie en application du a du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d'accès spécial de la société Outremer Télécom, si celles-ci sont justifiées au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire.

En outre, il ressort de cette même disposition que la fourniture de cet accès doit donner lieu à une rémunération reflétant les coûts du service rendu.

2.2. Sur la capacité technique de France Télécom à répondre

aux demandes d'Outremer Télécom

Il ressort de l'analyse des pièces du dossier que la société France Télécom apparaît être en mesure de proposer la prestation de liaison louée de transport (LLT), dans la mesure où elle dispose de la capacité sur les câbles concernés et qu'elle commercialise déjà une offre de liaison louée de détail Transfix, qui utilise les éléments de réseau nécessaires à la fourniture de l'offre de LLT.

Dans ces conditions, l'Autorité estime que France Télécom dispose de la capacité technique pour répondre à la demande de liaison louée de transport de la société Outremer Télécom.

Par ailleurs, l'Autorité constate, au regard des pièces du dossier, que France Télécom dispose de capacités importantes sur le câble et que la fourniture d'IRU est inscrite à l'article 8 de son cahier des charges. En outre, l'Autorité note que, dans son courrier en date du 9 décembre 2003 ainsi que dans son courrier du 16 février 2004, alors même que son cahier des charges n'était plus en vigueur, France Télécom proposait à la société Outremer Télécom des prestations d'IRU entre la Réunion et l'Afrique du Sud, l'Inde et Maurice, mais également entre la Réunion et le Portugal.

Au regard de ces éléments, l'Autorité estime que France Télécom dispose de la capacité technique à satisfaire la demande de prestation d'IRU émanant de la société Outremer Télécom.

2.3. Sur le caractère justifié des demandes

d'Outremer Télécom au regard de ses besoins

L'Autorité constate, au regard des pièces du dossier, qu'une prestation de transport entre la Réunion et la métropole est nécessaire à l'activité de la société Outremer Télécom. En effet, Outremer Télécom collecte son trafic au sein de l'île de la Réunion et doit disposer d'une solution pour acheminer ce trafic hors de l'île, afin de permettre la communication de ses abonnés avec le reste du monde.

L'Autorité estime que les offres actuelles de France Télécom qui incluent une composante de transport ne répondent pas aux besoins d'Outremer Télécom. En effet, l'offre de collecte IP/ADSL oblige son bénéficiaire à confier l'accès et la collecte à France Télécom, alors qu'Outremer Télécom réalise elle-même ces prestations et que cela constitue le coeur de son activité. Concernant l'offre de liaison louée de détail Transfix, elle est construite et mise en place pour les entreprises, c'est-à-dire les utilisateurs finals, mais n'est pas adaptée pour les opérateurs.

Pour permettre à Outremer Télécom d'acheminer son trafic hors de l'île, la prestation de base dont il a besoin est une offre de liaison louée de transport adaptée aux opérateurs.

Au regard des pièces du dossier, l'Autorité considère que la prestation de base, nécessaire aux besoins de la société Outremer Télécom pour l'acheminement de son trafic hors de l'île, est une offre de liaison louée de gros spécifiquement adaptée aux opérateurs.

En conséquence, l'Autorité estime que la prestation de liaison louée de transport, telle que demandée par la société Outremer Télécom, est justifiée.

Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les demandes de la société Outremer Télécom ont pour finalité de fournir une capacité de transport entre la Réunion et la métropole.

Il ressort également des pièces du dossier que la société Outremer Télécom indique dans sa saisine que la prestation d'IRU apparaît comme « une alternative intéressante à la location des liaisons louées ». Elle admet également dans ses observations en réplique du 19 février que « la demande d'IRU ne se distingue de la fourniture d'autres capacités du réseau de France Télécom, en particulier de la fourniture de liaisons louées, qu'en ce qui concerne les modalités financières et la qualité des droits accordés ».

Ainsi, il ressort des éléments échangés dans le cadre de la procédure que l'offre de liaison louée de transport et la fourniture d'IRU apparaissent en l'état comme substituables pour la société Outremer Télécom.

Dans ses écritures, si la société Outremer Télécom a démontré le caractère justifié de sa demande globale de capacité de transport ; elle n'apporte aucun élément suffisamment probant pour justifier que ces deux prestations fournies de façon cumulatives et simultanées apparaissent nécessaires pour répondre à ses besoins.

Ainsi, au regard des pièces du dossier, l'Autorité constate que la société Outremer Télécom ne démontre pas en quoi la prestation d'IRU, fournie de manière cumulative et simultanée avec l'offre de liaison louée de transport, est justifiée pour répondre à ses besoins.

En conséquence, l'Autorité considère que le caractère justifié de la prestation d'IRU, c'est-à-dire la non-substituabilité pour Outremer Télécom de cette prestation par rapport à l'offre de liaison louée de transport, n'a pas été démontré par Outremer Télécom.

Concernant la fourniture d'IRU entre la Réunion et la métropole, l'Autorité souhaite expliciter sa compréhension de la prestation d'IRU et les principes sous-jacents :

- l'offre d'IRU s'entend comme la mise en place de capacités entre la station d'atterrissement du câble SAT3/WASC/SAFE à la Réunion et celle du câble SEA/ME/WE à Penmarch.

Afin de pouvoir être utilisée par les opérateurs, cette prestation doit être complétée par des offres de backhaul, par exemple entre la station d'atterrissement et un centre de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d'aboutement à Saint-Denis à la Réunion, d'une part, et entre la station d'atterrissement de Penmarch et un centre de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d'aboutement en métropole à Paris, d'autre part ;

- l'Autorité considère que la vente d'un IRU sur le câble sous-marin transfère une partie du risque de l'investissement du vendeur vers l'acquéreur de l'IRU. Ce transfert est plus important que dans le cas d'une location de liaison louée, pour laquelle l'opérateur qui achète la prestation ne supporte pas le risque lié à un accident sur le câble. L'Autorité estime donc que le coût de fourniture d'un IRU ne devrait pas être supérieur aux coûts actualisés de fourniture du segment de liaison louée correspondant, de même débit et durant la période considérée.

Les coûts utilisés comme référence, qui sont les coûts annuels actualisés de fourniture d'une liaison louée sur la période de validité de l'IRU, doivent par ailleurs être cohérents avec les coûts résultant du modèle décrit ci-dessous, en tenant compte notamment de l'augmentation anticipée de la bande passante utilisée sur le câble.

3. Sur la demande d'Outremer Télécom relative à la fourniture

d'une offre de liaison louée entre la Réunion et la métropole

3.1. Sur le principe

Il résulte des dispositions de l'article L. 34-8 et du caractère justifié de la demande d'Outremer Télécom étudié ci-avant, que la demande d'interconnexion d'Outremer Télécom ne peut être refusée. En outre, sur le fondement de ce même article, l'offre de liaison louée de transport doit donner lieu à une rémunération de l'usage effectif du réseau de transport, reflétant les coûts du service rendu.

3.2. Sur l'architecture technique

Il ressort de la description de l'architecture technique présentée par France Télécom dans sa réponse au premier questionnaire que les sites à partir desquels elle construit son offre de détail sont situés à la Réunion, sur l'anneau réunionnais (Saint-Paul, Saint-Denis, Saint-Benoît et Saint-Pierre) et à Paris, sur le réseau sectoriel (site de Saint-Amand notamment).

Par ailleurs, dans le cadre d'une offre de liaison louée de transport, il apparaît que les points d'interconnexion devront être des centres de brassage où sont disponibles des offres de liaisons d'aboutement, afin de permettre aux opérateurs, clients de l'offre de liaison louée de transport, d'interconnecter cet élément de réseau au reste de leur réseau.

Il résulte de ces deux observations que les points d'interconnexion pertinents pour l'offre de liaison louée de transport entre la Réunion et la métropole sont :

- un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Saint-Denis de la Réunion ;

- un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Paris.

Contrairement à l'offre Transfix déjà disponible à la Réunion, les points d'extrémité de l'offre de liaison louée de transport (LLT) sont donc fixes et constituent des points de présence du réseau de France Télécom. L'architecture des deux offres est décrite dans le schéma ci-dessous :

Par ailleurs, Outremer Télécom demande que la prestation de LLT soit fournie à partir d'un câble sous-marin et non d'une liaison satellite, les caractéristiques techniques du câble étant plus favorables à son activité, notamment en termes de temps de réponse et de disponibilité. L'Autorité considère que les caractéristiques techniques du câble et du satellite sont effectivement différentes et que France Télécom doit donc s'engager à faire reposer son offre sur un câble sous-marin atterrissant à la Réunion.

Enfin, l'Autorité estime que l'offre de France Télécom n'a pas en 2004 à être sécurisée par une liaison satellite, l'architecture technique en boucle du câble sous-marin assurant déjà une sécurisation suffisante. Cette analyse est confortée par les écritures de France Télécom qui prévoient la suppression de cette sécurisation.

3.3. Sur les modèles de coûts présentés par les parties

Les parties ont présenté dans le cadre de ce règlement de différend deux modélisations qui amènent à des résultats sensiblement différents :

- la société Outremer Télécom a fourni à l'appui de sa demande une modélisation réalisée par un cabinet de consultant, qui établit un coût de 1 550 EUR par Mbit/s et par mois en 2003 pour une liaison louée. Ce coût est de 1 272 EUR par Mbit/s et par mois en 2004 ;

- la société France Télécom a modifié des hypothèses du modèle proposé par la société Outremer Télécom et a, par ailleurs, fourni ses propres estimations de coûts, qui s'établissent au niveau de [...] par Mbit/s et par mois pour une liaison louée. Il est à noter que ce coût recouvre une prestation plus large que celle modélisée par Outremer Télécom, incluant notamment des parties terrestres.

Si les hypothèses de calcul et les méthodes utilisées par la société Outremer Télécom au soutien de sa demande ont pu faire l'objet de débats contradictoires entre les parties, puisque le modèle complet a été communiqué et a pu être commenté par France Télécom, l'Autorité note que France Télécom s'est limitée à fournir les coûts de différents tronçons de la prestation en question, sans aucunement justifier de leur niveau, ni expliciter la formation de ces coûts, et ce alors même que lui incombait la charge de la preuve de ses tarifs.

En effet, en vertu des dispositions du paragraphe III de l'article L. 34-8, les tarifs relatifs aux prestations d'interconnexion de France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur la liste établie en application des a et b du 7° de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, doivent donner lieu à une rémunération de l'usage effectif du réseau de transport reflétant les coûts du service rendu. Dans ces conditions, France Télécom est tenue de justifier que chacun de ces tarifs proposés en l'espèce respecte ce principe, conformément tant aux dispositions de l'article 7, paragraphe 2, de la directive n° 97/33/CE du 30 juin 1997 susvisée qu'à celles de l'article 13, paragraphe 3, de la directive n° 2002/19 susvisée.

L'Autorité rappelle que l'article 7, paragraphe 2, de la directive n° 97/33 prévoit que : « La charge de la preuve que les redevances sont déterminées en fonction des coûts réels, y compris un rendement raisonnable des investissements, incombe à l'organisme qui fournit l'interconnexion avec ses installations. » En outre, elle relève également que l'article 13, paragraphe 3, de la directive n° 2002/19 précitée dispose que : « Lorsqu'une entreprise est soumise à une obligation des prix en fonction des coûts, c'est à elle qu'il incombe de prouver que les redevances sont déterminées en fonction des coûts, en tenant compte d'un retour sur investissement raisonnable. »

3.4. Sur la méthode des CMILT

L'Autorité a pris en compte les observations des parties visant à établir le niveau des coûts des prestations en question.

L'Autorité note cependant que la démarche retenue pour l'établissement des coûts ne s'inscrit pas dans une logique de type CMILT, contrairement à ce qui est soutenu par Outremer Télécom. En effet, les évaluations retenues :

- ne se fondent pas sur la définition d'un incrément de service, mais bien sur l'allocation d'un coût entre tous les produits ;

- ne se fondent pas sur des optimisations d'architecture, ni sur les coûts actuels des meilleures technologies disponibles, mais bien sur les investissements effectivement consentis pour le cas particulier des infrastructures étudiées à la date de leur réalisation.

Les coûts ainsi déterminés ne sont pas des coûts CMILT, mais bien une approximation des coûts effectivement supportés par l'opérateur historique pour le cas particulier des prestations litigieuses.

L'Autorité note cependant, conformément aux écritures de France Télécom, que l'âge récent du câble en question tend à diminuer les écarts qui peuvent exister entre une méthode fondée sur des coûts historiques et une méthode fondée sur des coûts prospectifs.

3.5. Sur la dimension temporelle des coûts évalués

a) Concernant la méthode d'amortissement retenue

L'Autorité observe que l'annualisation du coût d'investissement initial repose sur la méthode des coûts de remplacement, qui prend en compte le renouvellement à l'infini des infrastructures.

Cette méthode est favorable à France Télécom et permet de prendre en compte, non pas le coût unique de l'infrastructure disponible aujourd'hui, mais également son remplacement régulier lorsqu'elle sera amortie.

Cette méthode utilisée par Outremer Télécom dans sa modélisation n'est pas contestée par France Télécom, et a été reprise par l'Autorité dans ses évaluations.

b) Concernant le calcul année par année des coûts

L'Autorité note que France Télécom procède à une tarification des prestations qui fait supporter le coût de la phase de démarrage du service aux acheteurs de la prestation.

Cette méthode, qui induit une très forte dégressivité des coûts en fonction de l'augmentation du taux de remplissage des équipements, ne semble pas à même de fournir un signal économique cohérent pour les opérateurs concurrents qui achètent la prestation.

En effet, elle risque de constituer un frein à l'entrée susceptible de retarder l'arrivée de la concurrence sur des marchés en développement. Les tarifs ainsi calculés par France Télécom sont élevés dans la phase de démarrage du service. Cette situation est d'autant plus regrettable que les années à venir seront déterminantes pour le développement du marché du haut débit.

Pourtant, l'Autorité observe que la modélisation proposée par Outremer Télécom repose sur ce même principe.

L'Autorité a ainsi fondé ses propres estimations sur ce principe de recouvrement des coûts, sans le remettre en cause à ce stade.

3.6. Sur les principales hypothèses retenues

Les hypothèses présentées sont celles qui ont été retenues par l'Autorité pour le calcul du coût des prestations demandées par Outremer Télécom. Elles proviennent des mémoires échangés par les plaignants et de l'audience devant le collège de l'Autorité.

La modélisation présentée par Outremer Télécom et séparant les câbles SAT3/WASC et SAFE n'a pas été retenue par l'Autorité. En effet, comme le fait remarquer France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire, SAT3/WASC/SAFE est une seule et même infrastructure gouvernée par un seul et même accord. La modélisation retenue porte donc sur l'intégralité du câble SAT3/WASC/SAFE.

Les montants des investissements de France Télécom ont été donnés par celle-ci dans sa réponse au deuxième questionnaire et dans ses nouvelles observations en défense du 4 mars 2004. Ils sont de 3 millions de USD pour la station d'atterrissement à la Réunion et de 50 millions de USD pour le câble. La capacité totale du câble étant de 120 Gbits/s ou 130 Gbits/s selon les tronçons, la capacité totale disponible pour France Télécom est a minima de 9,2 Gbits/s, par proportionnalité avec l'investissement engagé. L'Autorité a retenu ce chiffre dans le cadre de la présente demande de règlement de différend, bien qu'il soit probable que la capacité allouée à France Télécom soit en réalité supérieure, France Télécom étant le premier actionnaire du consortium.

Le coût du capital utilisé par France Télécom est de 14,3 %, d'après ses réactions au modèle de coût présenté par Outremer Télécom.

Les coûts opérationnels retenus par l'Autorité sont ceux déclarés par France Télécom dans ses réactions au modèle de coût. Ils sont de 10 % de l'investissement initial et de 20 % du montant de l'amortissement annuel. Ces chiffres n'ont pas été justifiés par France Télécom, mais paraissent les plus fiables à ce stade.

Les hypothèses de durée de vie et de remplissage du câble SAT3/WASC/SAFE ont été communiquées par France Télécom au cours de l'audience. France Télécom prévoit que le câble sera saturé dans 11 ans si son remplissage se poursuit au rythme actuel. L'hypothèse de remplissage retenue est donc une croissance linéaire du trafic sur le câble jusqu'à saturation.

[...]

[...]

Le pourcentage du câble utilisé pour la liaison Réunion-métropole est de [...]. Il est obtenu en comptant une utilisation à [...] de la partie SAT3/WASC entre le Portugal et l'Afrique du Sud et à [...] du câble SAFE, conformément aux données fournies par France Télécom sur la matrice de distance du consortium dans sa réaction au modèle de coût pour une liaison de la Réunion vers l'Afrique du Sud.

[...]

Les hypothèses de consommation à la Réunion retenues sont celles communiquées par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire et dans ses réactions au modèle de coût présenté par Outremer Télécom. A défaut de réponse de France Télécom, les données utilisées sont celles fournies dans le modèle de coût et que France Télécom n'a pas contestées.

La capacité réservée sur le câble par utilisateur a été communiquée par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire. Elle est de 0,75 kbits par abonné RTC et de 22,5 kbits/s par abonné ADSL.

[...]

[...]

[...]

[...]

[...]

Les taux de remplissage utilisés sont ceux communiqués par France Télécom dans ses réponses au deuxième questionnaire. France Télécom n'ayant pas communiqué le taux de remplissage des STM1 en bande passante « paquets » pour le câble SAT3/WASC/SAFE, ce taux a été calculé à partir du taux « tous supports de transmission » en appliquant le ratio correspondant fourni pour les liaisons louées. Ces chiffres n'ont pas été justifiés pleinement par France Télécom, mais paraissent les plus fiables à ce stade.

[...]

[...]

[...]

Concernant les coûts associés au transport du trafic entre le Portugal et Penmarch, par le câble SEA-ME-WE, l'Autorité a appliqué le coût linéaire de transport du câble SAT3/WASC/SAFE sur la distance considérée. Cette modélisation est favorable à France Télécom, car le trafic sur cette partie de SEA-ME-WE est supérieur au trafic moyen sur SAT3/WASC/SAFE ; les coûts associés sont donc inférieurs. Le coût retenu pour cette portion du trajet est de 40 euros par mois et par Mbit/s/s.

Concernant les coûts de la partie terrestre de la LLT comprise entre Penmarch et Paris, l'Autorité a retenu l'hypothèse de France Télécom présentée dans son modèle, transmis à l'occasion de ses réponses au deuxième questionnaire du rapporteur, et conformément à la description de l'architecture technique du réseau fournie par France Télécom dans ses réponses au premier questionnaire, c'est-à-dire un coût de 3 200 EUR par an pour un équivalent 2 Mbits/s, soit 133 EUR par Mbit/s et par mois.

Concernant les coûts de la partie terrestre de la LLT comprise entre la station d'atterrissement à Saint-Paul et Le Port, France Télécom et Outremer Télécom n'ont pas fourni d'estimation des coûts associés. En l'absence d'éléments, l'Autorité considère qu'une liaison louée sur ce segment ne peut présenter un coût supérieur à celui d'une liaison louée d'aboutement, dont le tarif est fixé au catalogue d'interconnexion, soit 140,4 EUR par mois et par Mbit/s, sur la base d'une liaison de 2 Mbits/s de 28 kilomètres.

3.7. Evaluation du coût de transport

L'Autorité a réalisé ses propres estimations des coûts liés à l'utilisation du câble SAT3/WASC/SAFE à partir des observations des parties et des hypothèses décrites ci-avant.

Pour la station d'atterrissement, les coûts et les trafics à prendre en compte sont les suivants :

[...]

Pour le câble, les coûts et les trafics à prendre en compte sont les suivants :

Au total, le coût du transport sur le câble SAT3/WASC/SAFE est donc donné par le calcul suivant :

L'Autorité estime donc que le coût du transport sur le câble SAT3/WASC/SAFE est de 574 EUR par Mbit/s en 2004. En tenant compte de l'ensemble des segments de réseau qui sont utilisés pour fournir l'offre de LLT décrite par la présente décision, le coût de cette prestation est donc de 887 EUR par mois et par Mbit/s.

Dans ces conditions, l'Autorité étant liée par la demande de la société Outremer Télécom, France Télécom devra faire droit à la demande de celle-ci concernant la fixation d'un tarif de la prestation LLT à 1 550 EUR par Mbit/s et par mois.

3.8. Sur les frais d'accès au service

Les frais d'accès au service sont un élément de la tarification de l'offre de liaison louée de transport. Il revient donc à l'Autorité, aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, de préciser les conditions de fixation de leur tarif, dès lors que cette offre constitue une prestation d'interconnexion.

Il résulte de ce qui précède que les frais d'accès au service de l'offre de liaison louée de transport sont ceux d'une offre de gros et qu'ils doivent être orientés vers les coûts. En effet, dès lors que l'ensemble de l'offre est soumise à l'orientation vers les coûts, que la partie récurrente du tarif est fixée dans le respect de ce principe, il doit en aller de même pour les frais d'accès au service.

Outremer Télécom demande à l'Autorité de fixer les tarifs des frais d'accès au service pour l'offre de liaisons louées au niveau des frais d'accès au service définis au catalogue d'interconnexion.

La prestation de gros définie par la présente décision repose sur trois tronçons principaux :

- un backhaul en métropole entre la station d'atterrissement et le point de livraison ;

- une capacité à fournir par France Télécom au sein de la capacité dont elle dispose déjà entre les stations d'atterrissement à la Réunion et à Penmarch ;

- un backhaul à la Réunion entre la station d'atterrissement et le point de livraison.

Cette architecture n'implique un raccordement entre le client et France Télécom qu'en deux points, tous deux situés dans des bâtiments France Télécom. En effet, seuls les deux brasseurs d'extrémité de l'offre doivent être configurés, les brasseurs ou stations d'atterrissement traversés n'étant pas impactés par la création de l'offre de liaison louée de transport. Chacun de ces raccordements est semblable à celui opéré dans le cas d'une liaison d'aboutement. La mise en service de la LLT est donc comparable à la mise en service de deux liaisons d'aboutement.

En l'absence de toute justification de ses coûts de la part de France Télécom, l'Autorité estime que les frais d'accès au service pour l'offre de liaison louée de transport ne pourront excéder le coût de mise en service de deux liaisons d'aboutement.

Pour des débits de 2 Mbits/s, le tarif des frais d'accès au service pour une liaison d'aboutement est de 1 959 EUR. Pour des débits supérieurs, le tarif des frais d'accès au service devra également être cohérent avec le tarif des frais d'accès au service des liaisons d'aboutement à 155 Mbits/s, à savoir 4 035 EUR.

Par ailleurs, les opérateurs pourront utiliser des offres de liaisons d'aboutement définies au catalogue d'interconnexion pour le raccordement de cette liaison louée de transport à leur réseau. Les frais d'accès au service de ces liaisons louées utilisées pour le raccordement sont déjà définis au catalogue d'interconnexion.

Décide :