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DECISION DE LA COMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS ET DES SANCTIONS (CRDS)
Le comité de règlement des différends et des sanctions (le CoRDiS) est saisi par M. M. des faits suivants :
Le 21 août 2024, M. M., domicilié au (…) a informé la société Enedis de l'existence de microcoupures depuis plusieurs mois sur son réseau électrique domestique, qui auraient causé des dommages sur plusieurs de ses appareils et installations électriques.
A la suite de ce signalement effectué, la société Enedis est intervenue à plusieurs reprises à partir du mois d'août 2024 afin de procéder à des contrôles et travaux sur l'installation électrique domestique de M. M. et sur le réseau de distribution la desservant. La société Enedis explique avoir également entrepris des travaux d'élagages importants sur le segment du réseau de distribution électrique concerné qui ont débuté le 15 juillet 2024 et qui devaient s'achever le 31 décembre 2024.
M. M. indique que la société Enedis lui a proposé, au mois de novembre 2024, une prise en charge financière des dégâts occasionnés par les microcoupures affectant son réseau domestique. Le 6 décembre 2024, après avoir accusé réception des informations bancaires de M. M., la société Enedis a transmis à ce dernier un accord de confidentialité en lui indiquant de le retourner signé.
Le 20 décembre 2024, la société Enedis a indiqué par courriel à M. M. faire ses meilleurs efforts pour améliorer la problématique des microcoupures et que des travaux d'élagage et de maintenance étaient en cours. Enedis a également indiqué dans ce courriel rester disponible pour convenir d'une date de rencontre.
C'est dans ces conditions que M. M. a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement de différend.
Vu la procédure suivante :
Par une saisine enregistrée sous le numéro 17-38-24 le 4 novembre 2024, M. M. demande au CoRDiS, dans le dernier état de ses écritures, d'enjoindre à la société Enedis de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour lui permettre de bénéficier le plus rapidement possible d'un accès au réseau public de distribution d'électricité dans des conditions permettant d'assurer la continuité de la tension délivrée au point de livraison de son domicile.
Il soutient que :
- contrairement à ce que prétend la société Enedis, la demande formulée dans son courriel du 4 novembre 2024 est suffisamment précise pour que le comité puisse l'estimer recevable, comme en témoigne l'enregistrement de sa saisine par ce dernier ;
- il constate depuis plusieurs années et plus particulièrement depuis le 11 juin 2024 des coupures et microcoupures de l'alimentation en électricité desservant son domicile, ce qui lui cause une multitude de désagréments ;
- la société Enedis est intervenue à plusieurs reprises à son domicile sans apporter de solution, sans constater d'anomalies et sans évoquer de causes possibles ;
- l'hypothèse des travaux effectués sur deux transformateurs d'un même poste source sur la commune d'Huberville, qui n'a été avancée par la société Enedis qu'après que le CoRDiS ait été saisi, lui semble incertaine et n'est pas de nature à expliquer toutes les perturbations qu'il subit, dans la mesure où son domicile continue de subir des coupures, même depuis l'intervention sur ces installations du gestionnaire, ce dernier indiquant pourtant que la situation est redevenue normale ;
- si la cause des microcoupures se situait à ce point en amont de son domicile sur le réseau, au niveau de la commune d'Huberville, elles devraient donc affecter des milliers de foyers ;
- si la société fait valoir le caractère obligatoire des travaux en cours et invoque des notions de mise en sécurité, cela ne doit pas empêcher que des moyens suffisants soient mis en place durant la préparation de ces chantiers afin de ne pas perturber à ce point les réseaux d'alimentation électrique en particulier lorsque ces chantiers sont prévus sur une période d'un an et demi ;
- si la société Enedis lui a proposé la prise en charge, à hauteur de (…) euros, des désagréments causés par les microcoupures constatées à son domicile, elle n'a à ce jour effectué aucun versement sur son compte bancaire ;
- le gestionnaire a également soumis à sa signature un accord de confidentialité qu'il n'a pas souhaité signer sans en comprendre les finalités et les conséquences à son endroit ;
Par des observations en défense enregistrées les 23 décembre 2024 et 15 janvier 2025, la société Enedis, représenté par son représentant légal et ayant pour avocat Me Scanvic, demande au CoRDiS, dans le dernier état de ses écritures de rejeter la demande de M. M.
La société Enedis soutient que :
- la demande de M. M. est irrecevable au regard des articles R. 134-8 et R. 134-13 du code de l'énergie, au motif qu'elle ne mentionne expressément aucun moyen de droit ;
- la société Enedis a dépêché au domicile de M. M. une équipe dès le 21 août 2024 et a réalisé de nombreux contrôles et travaux sur le point de livraison (PDL) de l'installation domestique ;
- après ces contrôles, il est apparu que les microcoupures étaient la conséquence de travaux de mise en terre de l'un des deux transformateurs présents au niveau d'un poste source alimentant, notamment, le domicile de M. M., opération ayant pour effet de faire supporter toute la tension électrique du poste source sur un seul transformateur, rendant ainsi la partie du réseau de distribution concernée très sensible aux perturbations ;
- les travaux sur le premier transformateur sont désormais achevés et que la société Enedis a pu revenir, depuis le mois de décembre 2024, au schéma normal d'exploitation du réseau avec l'utilisation des deux transformateurs pour alimenter tous les clients du poste source ;
- la société Enedis a fait une proposition d'indemnisation généreuse à M. M. dans le cadre d'un protocole transactionnel ;
- M. M. a refusé de signer l'accord de confidentialité proposé par le gestionnaire et que c'est donc logiquement qu'aucun paiement n'a été effectué par ce dernier ;
- si M. M. fait valoir qu'indépendamment des travaux réalisés par la société Enedis son domicile a déjà subi des microcoupures par le passé, cela est dû au fait que le réseau qui dessert son domicile est un réseau aérien qui traverse des zones de campagne particulièrement boisées sujettes à des tempêtes et vents violents et qu'il n'est donc pas anormal que le domicile ait déjà subi des microcoupures ;
- contrairement à ce qu'il indique, M. M. n'est pas le seul client desservi par le poste source en travaux à subir des microcoupures ;
- la société Enedis va diligenter de nouveaux contrôles afin de s'assurer que les réglages des protections qui permettent d'enclencher des coupures de protection en cas de contact avec le réseau, afin d'assurer la continuité de l'alimentation en électricité en toute sécurité pour M. M. et pour les tiers, sont toujours les bons et que l'acheminement de l'électricité dans ce secteur est ainsi actuellement sécurisé.
Par un courrier du 23 janvier 2025, une mesure d'instruction a été diligentée à l'égard de la société Enedis, afin que cette dernière :
- indique au comité sur quels éléments elle se fonde pour affirmer que l'intervention qu'elle décrit au sein de ses écritures sur le poste source alimentant, notamment, le réseau domestique de M. M., est à l'origine des désagréments rencontrés par ce dernier ;
- indique au comité si cette intervention a eu des conséquences sur les installations domestiques voisines de celle de M. M. et si elle a entraîné des microcoupures sur ce segment du réseau (ou tout autres non-qualités), en justifiant le cas échéant sa réponse par toutes pièces pertinentes ;
- transmette au comité les relevés d'intervention de la société Enedis sur ce poste source et plus largement tout élément (par exemple compte-rendus de travaux) attestant de la bonne réalisation de cette opération et de son achèvement à ce jour ;
- indique au comité si l'opération mentionnée par la société Enedis dans son rapport d'intervention du 29 août 2024 et consistant en un contrôle des « raccords branchement client » et en un « changement de phase » au domicile de M. M. a finalement pu être effectuée et, le cas échéant, les conclusions qu'elle en tire ; et si cette opération n'a pas été effectuée, en indique les raisons au comité, le cas échant attestées par tout document.
Par un courrier du 29 janvier 2025, la société Enedis a apporté des éléments en réponse à cette mesure d'instruction.
Par une décision du 16 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2025 à 12 heures.
Par des courriers en date du 23 janvier 2025, les parties ont été informées que la séance publique se tiendrait le 5 février 2025 à 9 heures.
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Tuot, président, Mme Poillot-Peruzzetto, M. Seban et Mme Salomon, membres, qui s'est tenue le 5 février 2025, après vérification de l'identité des parties et de leurs représentants, en présence de :
- Mme Bonhomme, directrice des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché ;
- M. Giafferi, rapporteur ;
- M. M. ;
- les représentants de la société Enedis, assistés de Me Scanvic.
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Giafferi, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de M. M., ce dernier persistant dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Scanvic pour la société Enedis, cette dernière persistant dans ses moyens et conclusions.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
Vu les autres pièces du dossier :
Vu :
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants, ainsi que les articles L. 121-1 et D. 322-2 du même code ;
- l'arrêté du 24 décembre 2007 pris en application du décret n° 2007-1826 du 24 décembre 2007 relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport d'électricité ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 5 août 2024 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 17-38-24.
Sur la recevabilité de la demande :
- Il résulte respectivement des articles R. 134-8 et R. 134-13 du code de l'énergie, d'une part, que la saisine du comité doit comporter pour chaque différend « L'objet de la saisine avec un exposé des moyens et les pièces sur lesquelles la saisine est fondée » et, d'autre part, qu'en son sein, « Les parties doivent formuler expressément leurs demandes et les moyens de fait et de droit sur lesquels elles sont fondées. »
- La société Enedis fait valoir que la demande portée devant le comité par M. M. serait irrecevable au regard des exigences posées par les dispositions précédemment citées, en ce qu'elle serait insuffisamment précise en ne comportant aucun moyen de droit.
- Néanmoins, il ne ressort pas des dispositions précédemment citées que la recevabilité de la saisine du comité soit subordonnée à la mention expresse des dispositions légales que la demande a pour objet de faire valoir, dès lors que cette dernière est suffisamment précise pour que les droits invoqués par la partie requérante le soient de manière suffisamment univoque.
- En l'espèce, il ressort de la saisine du comité par M. M. que ce dernier demande au comité « d'enjoindre Enedis de mettre en œuvre le plus rapidement possible tous les moyens nécessaires au rétablissement de mon accès au réseau de distribution et à une bonne qualité de mon alimentation électrique ». Cette demande renvoie de manière non équivoque au droit d'accès de M. M. au réseau public de distribution d'électricité et à son droit à bénéficier d'une desserte en électricité de qualité régulière, définie et compatible avec les utilisations usuelles de l'énergie électrique, principes prévus par les articles L. 121-1 et D. 322-2 du code de l'énergie.
- Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par la société Enedis doit être écartée.
Sur l'obligation pour Enedis d'assurer la qualité de l'alimentation électrique du domicile de M. M. : - Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'énergie : « Le service public de l'électricité a pour objet de garantir, dans le respect de l'intérêt général, l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national. / Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie. / Il concourt à la cohésion sociale, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique. / Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. »
- Aux termes de l'article D. 322-2 du même code : « Le gestionnaire du réseau prend les mesures qui lui incombent pour que la tension délivrée par le réseau soit globalement maintenue à l'intérieur d'une plage de variation et pour que la continuité de cette tension soit globalement assurée. / Un arrêté du ministre chargé de l'énergie fixe les limites, haute et basse, de cette plage de variation ainsi que le nombre et la durée cumulée maximaux des coupures de l'alimentation électrique admissibles dans l'année. Cet arrêté précise les méthodes statistiques permettant de vérifier si ces seuils sont respectés. »
- En l'espèce, M. M. soutient qu'il a constaté l'existence de microcoupures, de coupures brèves et de coupures longues, depuis plusieurs mois sur son réseau électrique domestique, qui se seraient intensifiées depuis le mois de juin 2024 et qui auraient causé des dommages sur plusieurs de ses appareils et installations électriques. Il allègue que ces coupures résulteraient de travaux réalisés par la société Enedis sur le réseau public de distribution d'électricité.
- D'une part, il ressort des déclarations des représentants de la société Enedis au cours de la séance publique du comité que, si cette dernière confirme que la seconde phase des travaux sur le poste source alimentant le point de livraison du domicile de M. M., qu'elle présente comme l'une des causes principales des désagréments rencontrés par ce dernier, sera effectuée du mois de mars 2025 au mois de septembre 2025, elle indique également qu'un retour au schéma normal d'exploitation du réseau, à savoir l'utilisation des deux transformateurs pour alimenter tous les clients du poste source, a déjà été opéré à la suite de l'achèvement de la première phase des travaux et que la seconde phase des travaux ne nécessite pas d'effectuer de nouvelles interventions qui seraient de nature à porter, une nouvelle fois, atteinte à la stabilité de la desserte en électricité des installations domestiques desservies par ce poste source. Selon les représentants de la société Enedis, l'amélioration récente de la stabilité de la desserte en électricité au domicile de M. M., que l'absence de microcoupure constatée au cours du mois de janvier 2025 au domicile de M. M. confirme et que ce dernier reconnait, devrait par conséquent perdurer.
- D'autre part, il ressort des déclarations des représentants de la société Enedis lors de la séance publique du comité que les opérations d'élagage des lignes du réseau électrique de distribution desservant, notamment, le local d'habitation de M. M., qui devaient débuter le 15 juillet 2024 et s'achever le 31 décembre 2024, et que le gestionnaire du réseau public de distribution présente comme l'une des opérations devant permettre d'améliorer substantiellement la qualité de la desserte en électricité du domicile de M. M., doivent encore être effectuées sur une portion de 800 mètres et seront achevées prochainement.
- Enfin, la société Enedis s'est engagée à transmettre, tous les mois à compter de la notification de la présente décision, à M. M. ainsi qu'au comité et pendant une durée de trois mois, un relevé issu du compteur Linky installé au domicile de ce dernier, afin d'opérer un suivi de l'évolution de la qualité de la desserte en électricité du local d'habitation de M. M. La société Enedis a également confirmé qu'elle maintient son offre d'indemnisation envers M. M., à hauteur de (…) euros pour les dommages subis par les appareils électroniques de ce dernier, qui s'inscrit dans le cadre d'un protocole transactionnel impliquant la signature, par M. M., d'un accord de confidentialité relatif aux informations échangées dans le cadre de la résolution amiable du différend concernant les désagréments subis par M. M. du mois de juin 2024 à la date de la présente décision. M. M. a pris acte du maintien de cette offre de règlement amiable du différend et s'est déclaré par ailleurs satisfait par les engagements pris par la société Enedis.
- Dans ces conditions, le comité constate, qu'il n'y a pas lieu, en l'état de l'instruction, de statuer sur la demande de règlement de différend que lui a soumise M. M.
Décide :
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