JORF n°0232 du 5 octobre 2019

Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.
Le 9 août 2018, Mme L. a accepté la proposition de la société ENEDIS pour la réalisation de travaux de raccordement au réseau de distribution d'électricité d'une parcelle dont elle est propriétaire sur la commune de F.
Afin de procéder aux travaux de raccordement envisagés, la société ENEDIS a transmis le 5 octobre 2018 à Mme L. deux projets de conventions de servitude visant à fixer les obligations réciproques des parties au titre des installations électriques qui seront situées sur la parcelle concernée. Mme L. a refusé de donner son accord à ces deux projets.
Vu la procédure suivante :
Par un courrier et deux courriels enregistrés les 12 et 15 mai 2019, Mme L. doit être regardée comme demandant au comité de règlement des différends et des sanctions de la commission de régulation de l'énergie de se prononcer sur le bien-fondé des projets de conventions de servitude présentés par la société ENEDIS.
Elle fait valoir :

- que ces projets contiennent des indications inexactes et que les obligations qu'ils prévoient de mettre à sa charge sont excessives et inappropriées ;
- qu'en refusant de faire droit à ses demandes de modification des projets de conventions sur les points en litige, la société ENEDIS lui refuse l'accès au réseau d'électricité, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-91 du code de l'énergie.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2019, la société ENEDIS, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocats Me DE POUZILHAC et Me DECARSIN, demande au comité de règlement des différends et des sanctions :

- à titre principal, de constater l'irrecevabilité de la saisine ;
- à titre subsidiaire, de rejeter l'ensemble des demandes de Mme L.

Elle soutient :

- que la saisine de Mme L. ne comporte pas sa nationalité et sa profession, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 134-8 du code de l'énergie ;
- que, contrairement à ce que soutient la demanderesse, les indications figurant dans les projets de conventions de servitude sont exactes et que les obligations prévues au sein de ces conventions sont justifiées par les exigences liées au service public de la distribution d'électricité.

Par un mémoire en réplique enregistré le 29 juillet 2019, Mme L. fait valoir qu'à la suite d'un échange avec la société ENEDIS, cette dernière a finalement accepté de modifier les projets de conventions de servitude et qu'elle a par conséquent donné son accord à ces projets ainsi modifiés le 5 juillet 2019.
Elle soutient en outre que les travaux de raccordement figurant dans la proposition de la société ENEDIS sont onéreux et qu'elle n'est pas tenue d'accepter la pose de compteurs électriques évolués.
Par un nouveau mémoire en défense et un courrier enregistrés les 29 juillet et 6 août 2019, la société ENEDIS conclut :

- à titre principal, à ce qu'il n'y ait lieu de statuer sur la demande ;
- à titre subsidiaire, au rejet de la demande.

Elle fait valoir :

- que la demande de Mme L. est désormais sans objet dès lors que les conventions de servitude en litige ont finalement été signées par les deux parties ;
- que, postérieurement à la conclusion de ces conventions, Mme L. a sollicité la pose d'un compteur électrique supplémentaire et a refusé la pose de compteurs électriques évolués ; qu'en outre les travaux d'aménagement que Mme L. a fait réaliser afin de permettre la réalisation des travaux de raccordement ne sont pas conformes à la réglementation technique.

Par deux nouveaux mémoires en réplique enregistrés les 7 et 8 août 2019, Mme L. conclut au maintien de sa demande.
Elle fait valoir :

- que sa demande d'installation d'un dispositif de comptage supplémentaire est justifiée par une évolution des circonstances de fait intervenue depuis qu'elle a accepté la proposition de raccordement de la société ENEDIS le 9 août 2018 ;
- qu'elle n'est pas tenue d'accepter l'installation de compteurs électriques évolués à son domicile ;
- que les travaux d'aménagement qu'elle a fait réaliser ont été validés lors de la réunion d'ouverture du chantier qui s'est tenue le 22 juillet 2019 en présence notamment d'un représentant de la société ENEDIS ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'estimer que ces travaux devraient être repris afin de les mettre en conformité avec la réglementation ;
- que la société ENEDIS conditionne la réalisation des travaux de raccordement au paiement du solde de l'acompte qu'elle a versé lors de l'acceptation de la proposition de raccordement ;

Par un nouveau mémoire en défense enregistré le 13 août 2019, la société ENEDIS conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre :

- que le coût des travaux de raccordement est proportionné à la nature de ces travaux ; qu'en tout état de cause, le devis proposé ayant été définitivement accepté par Mme L. en août 2018, cette dernière ne saurait le remettre en cause ;
- que, contrairement à ce que soutient Mme L., le paiement du solde de l'acompte n'est pas une condition préalable à la réalisation des travaux mais que ce paiement, intervenant à l'issue de la réalisation des travaux, est uniquement une condition préalable à la mise en service de l'installation ;
- qu'elle réalisera elle-même la reprise des travaux d'aménagement rendue nécessaire pour respecter la réglementation technique ;
- que la demande de pose d'un dispositif de comptage supplémentaire implique la modification du devis initial et son acceptation par Mme L. ainsi qu'une nouvelle étude électrique qui occasionneront un délai supplémentaire pour la réalisation des travaux de raccordement ;
- que l'installation de compteurs électriques évolués résulte d'une obligation légale ;

Par un nouveau mémoire en réplique enregistré le 28 août 2019, Mme L. conclut aux mêmes fins que que son précédent mémoire par les mêmes moyens.
Par un nouveau mémoire en défense enregistré le 30 août 2019, la société ENEDIS conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.
Elle fait en outre valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour statuer sur le bien-fondé du refus de Mme L. d'accepter l'installation de dispositifs de comptage évolués et qu'en tout état de cause un tel refus n'est pas fondé.
Par une décision du 12 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :

- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
- l'arrêté du 4 janvier 2012 pris en application de l'article 4 du décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 15 juillet 2019 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 03-38-19.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 3 septembre 2019, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, et de M. Henri DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU, membre, en présence de :
Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché ;
M. David MASLARSKI, rapporteur ;
Mme L. ;
Les représentants de la société ENEDIS, assistés de Me DE POUZILHAC et de Me CARSIN.
Après avoir entendu :

- le rapport de M. David MASLARSKI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Mme L. et de M. L., qui persistent dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Cédric DE POUZILHAC pour la société ENEDIS, qui persiste dans ses moyens et conclusions ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
Sur la recevabilité de la saisine :

  1. Aux termes de l'article R. 134-8 du code de l'énergie : « La saisine du comité de règlement des différends et des sanctions comporte pour chaque différend : / 1° Les nom, prénom, adresse, nationalité et profession de l'auteur de la saisine (…). »
  2. La société ENEDIS soutient que la saisine initiale de Mme L. effectuée le 8 mai 2019 ne comportait pas sa nationalité et sa profession en méconnaissance des dispositions précitées. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'en réponse à la demande de régularisation qui lui a été adressée le 9 mai 2019, Mme L. a précisé sa nationalité et sa profession par un courriel enregistré le 12 mai suivant. La fin de non-recevoir opposée par la société ENEDIS doit par suite être écartée.
    Sur les demandes présentées par Mme L. :
  3. Aux termes de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : / 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité (…) ; / Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12 (…). » L'article L. 111-91 du code de l'énergie auquel il est ainsi renvoyé dispose notamment que : « I. - Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour assurer : / 1° Les missions de service public définies à l'article L. 121-5 ; / 2° L'exécution des contrats d'achat d'électricité ; (…) / II. - Pour mettre en œuvre les dispositions du I, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux. » Enfin, aux termes de l'article L. 134-20 du même code : « (…) La décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. / Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. (…) »
    En ce qui concerne les projets de conventions de servitude présentés par la société ENEDIS :
  4. Il résulte de l'instruction qu'après la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions par Mme L. et après que la société ENEDIS a accepté de modifier les conventions de servitude en litige, les deux parties ont signé les deux conventions de servitude ainsi modifiées dans le courant du mois de juillet 2019.
  5. La demande présentée par Mme L. en ce qui concerne ces conventions de servitude a donc perdu son objet en cours d'instance. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
    En ce qui concerne le montant des travaux de raccordement au réseau de distribution d'électricité :
  6. Si Mme L. estime que le montant demandé par la société ENEDIS afin de procéder aux travaux de raccordement serait excessif, sa contestation, formulée en termes généraux, n'est pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. A l'inverse, la société ENEDIS soutient sans être sérieusement contredite que le montant demandé en l'espèce est proportionné aux travaux à exécuter et correspond aux tarifs qu'elle pratique habituellement pour réaliser des travaux de cette nature. En tout état de cause, Mme L. ne conteste pas avoir donné son accord le 9 août 2018 au devis qui lui avait été proposé pour réaliser les travaux en cause, le prix demandé ayant ainsi acquis valeur contractuelle. Par conséquent, les prétentions de Mme L. relatives au montant des travaux de raccordement doivent être écartées.
    En ce qui concerne la reprise des travaux d'aménagement :
  7. Mme L. soutient que la société ENEDIS ne serait pas fondée à lui demander la reprise des travaux d'aménagement déjà réalisés. Cependant, il ressort des observations en défense de la société ENEDIS ainsi que d'un courrier en date du 9 août 2019 adressé par cette société à Mme L. que la société ENEDIS s'est expressément engagée à réaliser sous sa responsabilité et à sa charge les travaux d'aménagement considérés par elle comme nécessaires afin de respecter la réglementation technique en vigueur. En tout état de cause, les parties se sont accordées lors de la séance publique sur le nécessaire respect de cette réglementation dans le cadre du contrat déjà conclu entre elles, la société ENEDIS s'étant à cet égard engagée à communiquer la norme NF C 11-201 dont elle se prévaut à Mme L. Dans ces conditions, le différend relatif à la reprise des travaux d'aménagement doit être regardé comme ayant été résolu à la date de la présente décision et il n'y a plus lieu de statuer sur les prétentions de Mme L. sur ce point.
    En ce qui concerne l'installation d'un dispositif de comptage supplémentaire :
  8. La société ENEDIS fait valoir que l'installation d'un dispositif de comptage supplémentaire sollicitée par Mme L. nécessite notamment la réalisation d'un devis modificatif et l'accord de la demanderesse sur ce devis. Cependant, à la date de la présente décision, il ne résulte de l'instruction, ni que Mme L. aurait refusé ce devis modificatif, ni même qu'un tel devis lui aurait été transmis par la société ENEDIS. Dès lors, en l'état du dossier, aucun différend n'est constitué sur ce point entre les parties.
    En ce qui concerne l'installation de dispositifs de comptage dits « évolués » :
  9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 341-1 du code de l'énergie : « Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée. » Le premier alinéa de l'article R. 341-4 du même code dispose que : « Pour l'application des dispositions de l'article L. 341-4 et en vue d'une meilleure utilisation des réseaux publics d'électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en œuvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d'accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients. » L'article R. 341-6 du même code prévoit en outre que : « Un arrêté du ministre chargé de l'énergie pris sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie précise, au vu notamment des exigences d'interopérabilité du système, les fonctionnalités et les spécifications des dispositifs de comptage prévus à l'article R. 341-4. » L'arrêté mentionné par ces dispositions a été adopté le 4 janvier 2012 par le ministre chargé de l'énergie. Enfin, l'article R. 341-8 du code de l'énergie énonce notamment que : « Les gestionnaires des réseaux publics d'électricité mettent en place les dispositifs de comptage conformes aux prescriptions de l'arrêté prévu à l'article R. 341-6, dans les conditions suivantes : / La société mentionnée au 1° du I de l'article L. 111-53 rend conforme aux prescriptions de l'arrêté prévu à l'article R. 341-6 tout nouveau point de raccordement des installations d'utilisateurs raccordées en basse tension (BT) pour des puissances inférieures ou égales à 36 kilovoltampères, ou tout point de raccordement existant d'une installation de même nature dont les ouvrages constitutifs font l'objet de travaux et nécessitent un dispositif de comptage, quand cela est techniquement possible, même en l'absence de déploiement des systèmes d'information ou de communication associés. / D'ici au 31 décembre 2020,80 % au moins des dispositifs de comptage des installations d'utilisateurs raccordées en basse tension (BT) pour des puissances inférieures ou égales à 36 kilovoltampères sont rendus conformes aux prescriptions de l'arrêté prévu à l'article R. 341-6, dans la perspective d'atteindre un objectif de 100 % d'ici 2024. »
  10. Il résulte des dispositions précitées que, lorsque les ouvrages constitutifs d'une installation raccordée en basse tension pour des puissances inférieures ou égales à 36 kilovoltampères font l'objet de travaux et nécessitent un dispositif de comptage, il incombe à la société ENEDIS, quand cela est techniquement possible, de rendre le point de raccordement concerné conforme aux prescriptions prévues par l'arrêté du 4 janvier 2012 mentionné ci-dessus, lequel précise les caractéristiques que ces dispositifs de comptage dits « évolués » doivent posséder.
  11. Dans ces conditions, dès lors qu'il résulte de l'instruction que les dispositifs de comptage en cause respectent les caractéristiques techniques prévues par les dispositions mentionnées ci-dessus, ce qui n'est pas contesté en l'espèce, la procédure de raccordement au réseau public de distribution d'électricité ne peut qu'être regardée comme étant conforme sur ce point à la réglementation en vigueur. Par conséquent, alors même que le refus de l'utilisateur du réseau d'accepter l'installation de ces dispositifs de comptage évolués serait susceptible de faire obstacle à la réalisation des travaux de raccordement et empêcherait ainsi cet utilisateur d'accéder au réseau public de distribution d'électricité, une telle circonstance ne saurait être regardée comme un refus d'accès au réseau de la part de la société ENEDIS au sens des dispositions précitées de l'article L. 134-19 du code de l'énergie, qui seules peuvent permettre le règlement d'un différend par le comité. Par suite, la demande de Mme L. relative à l'installation de ces dispositifs de comptage évolués ne peut qu'être rejetée,
    Décide :

Historique des versions

Version 1

Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.

Le 9 août 2018, Mme L. a accepté la proposition de la société ENEDIS pour la réalisation de travaux de raccordement au réseau de distribution d'électricité d'une parcelle dont elle est propriétaire sur la commune de F.

Afin de procéder aux travaux de raccordement envisagés, la société ENEDIS a transmis le 5 octobre 2018 à Mme L. deux projets de conventions de servitude visant à fixer les obligations réciproques des parties au titre des installations électriques qui seront situées sur la parcelle concernée. Mme L. a refusé de donner son accord à ces deux projets.

Vu la procédure suivante :

Par un courrier et deux courriels enregistrés les 12 et 15 mai 2019, Mme L. doit être regardée comme demandant au comité de règlement des différends et des sanctions de la commission de régulation de l'énergie de se prononcer sur le bien-fondé des projets de conventions de servitude présentés par la société ENEDIS.

Elle fait valoir :

- que ces projets contiennent des indications inexactes et que les obligations qu'ils prévoient de mettre à sa charge sont excessives et inappropriées ;

- qu'en refusant de faire droit à ses demandes de modification des projets de conventions sur les points en litige, la société ENEDIS lui refuse l'accès au réseau d'électricité, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-91 du code de l'énergie.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2019, la société ENEDIS, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocats Me DE POUZILHAC et Me DECARSIN, demande au comité de règlement des différends et des sanctions :

- à titre principal, de constater l'irrecevabilité de la saisine ;

- à titre subsidiaire, de rejeter l'ensemble des demandes de Mme L.

Elle soutient :

- que la saisine de Mme L. ne comporte pas sa nationalité et sa profession, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 134-8 du code de l'énergie ;

- que, contrairement à ce que soutient la demanderesse, les indications figurant dans les projets de conventions de servitude sont exactes et que les obligations prévues au sein de ces conventions sont justifiées par les exigences liées au service public de la distribution d'électricité.

Par un mémoire en réplique enregistré le 29 juillet 2019, Mme L. fait valoir qu'à la suite d'un échange avec la société ENEDIS, cette dernière a finalement accepté de modifier les projets de conventions de servitude et qu'elle a par conséquent donné son accord à ces projets ainsi modifiés le 5 juillet 2019.

Elle soutient en outre que les travaux de raccordement figurant dans la proposition de la société ENEDIS sont onéreux et qu'elle n'est pas tenue d'accepter la pose de compteurs électriques évolués.

Par un nouveau mémoire en défense et un courrier enregistrés les 29 juillet et 6 août 2019, la société ENEDIS conclut :

- à titre principal, à ce qu'il n'y ait lieu de statuer sur la demande ;

- à titre subsidiaire, au rejet de la demande.

Elle fait valoir :

- que la demande de Mme L. est désormais sans objet dès lors que les conventions de servitude en litige ont finalement été signées par les deux parties ;

- que, postérieurement à la conclusion de ces conventions, Mme L. a sollicité la pose d'un compteur électrique supplémentaire et a refusé la pose de compteurs électriques évolués ; qu'en outre les travaux d'aménagement que Mme L. a fait réaliser afin de permettre la réalisation des travaux de raccordement ne sont pas conformes à la réglementation technique.

Par deux nouveaux mémoires en réplique enregistrés les 7 et 8 août 2019, Mme L. conclut au maintien de sa demande.

Elle fait valoir :

- que sa demande d'installation d'un dispositif de comptage supplémentaire est justifiée par une évolution des circonstances de fait intervenue depuis qu'elle a accepté la proposition de raccordement de la société ENEDIS le 9 août 2018 ;

- qu'elle n'est pas tenue d'accepter l'installation de compteurs électriques évolués à son domicile ;

- que les travaux d'aménagement qu'elle a fait réaliser ont été validés lors de la réunion d'ouverture du chantier qui s'est tenue le 22 juillet 2019 en présence notamment d'un représentant de la société ENEDIS ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'estimer que ces travaux devraient être repris afin de les mettre en conformité avec la réglementation ;

- que la société ENEDIS conditionne la réalisation des travaux de raccordement au paiement du solde de l'acompte qu'elle a versé lors de l'acceptation de la proposition de raccordement ;

Par un nouveau mémoire en défense enregistré le 13 août 2019, la société ENEDIS conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre :

- que le coût des travaux de raccordement est proportionné à la nature de ces travaux ; qu'en tout état de cause, le devis proposé ayant été définitivement accepté par Mme L. en août 2018, cette dernière ne saurait le remettre en cause ;

- que, contrairement à ce que soutient Mme L., le paiement du solde de l'acompte n'est pas une condition préalable à la réalisation des travaux mais que ce paiement, intervenant à l'issue de la réalisation des travaux, est uniquement une condition préalable à la mise en service de l'installation ;

- qu'elle réalisera elle-même la reprise des travaux d'aménagement rendue nécessaire pour respecter la réglementation technique ;

- que la demande de pose d'un dispositif de comptage supplémentaire implique la modification du devis initial et son acceptation par Mme L. ainsi qu'une nouvelle étude électrique qui occasionneront un délai supplémentaire pour la réalisation des travaux de raccordement ;

- que l'installation de compteurs électriques évolués résulte d'une obligation légale ;

Par un nouveau mémoire en réplique enregistré le 28 août 2019, Mme L. conclut aux mêmes fins que que son précédent mémoire par les mêmes moyens.

Par un nouveau mémoire en défense enregistré le 30 août 2019, la société ENEDIS conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.

Elle fait en outre valoir que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour statuer sur le bien-fondé du refus de Mme L. d'accepter l'installation de dispositifs de comptage évolués et qu'en tout état de cause un tel refus n'est pas fondé.

Par une décision du 12 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;

- l'arrêté du 4 janvier 2012 pris en application de l'article 4 du décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité ;

- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;

- la décision du 15 juillet 2019 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 03-38-19.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 3 septembre 2019, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, et de M. Henri DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU, membre, en présence de :

Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché ;

M. David MASLARSKI, rapporteur ;

Mme L. ;

Les représentants de la société ENEDIS, assistés de Me DE POUZILHAC et de Me CARSIN.

Après avoir entendu :

- le rapport de M. David MASLARSKI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Mme L. et de M. L., qui persistent dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Me Cédric DE POUZILHAC pour la société ENEDIS, qui persiste dans ses moyens et conclusions ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.

Sur la recevabilité de la saisine :

1. Aux termes de l'article R. 134-8 du code de l'énergie : « La saisine du comité de règlement des différends et des sanctions comporte pour chaque différend : / 1° Les nom, prénom, adresse, nationalité et profession de l'auteur de la saisine (…). »

2. La société ENEDIS soutient que la saisine initiale de Mme L. effectuée le 8 mai 2019 ne comportait pas sa nationalité et sa profession en méconnaissance des dispositions précitées. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'en réponse à la demande de régularisation qui lui a été adressée le 9 mai 2019, Mme L. a précisé sa nationalité et sa profession par un courriel enregistré le 12 mai suivant. La fin de non-recevoir opposée par la société ENEDIS doit par suite être écartée.

Sur les demandes présentées par Mme L. :

3. Aux termes de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : / 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité (…) ; / Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12 (…). » L'article L. 111-91 du code de l'énergie auquel il est ainsi renvoyé dispose notamment que : « I. - Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour assurer : / 1° Les missions de service public définies à l'article L. 121-5 ; / 2° L'exécution des contrats d'achat d'électricité ; (…) / II. - Pour mettre en œuvre les dispositions du I, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux. » Enfin, aux termes de l'article L. 134-20 du même code : « (…) La décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. / Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. (…) »

En ce qui concerne les projets de conventions de servitude présentés par la société ENEDIS :

4. Il résulte de l'instruction qu'après la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions par Mme L. et après que la société ENEDIS a accepté de modifier les conventions de servitude en litige, les deux parties ont signé les deux conventions de servitude ainsi modifiées dans le courant du mois de juillet 2019.

5. La demande présentée par Mme L. en ce qui concerne ces conventions de servitude a donc perdu son objet en cours d'instance. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

En ce qui concerne le montant des travaux de raccordement au réseau de distribution d'électricité :

6. Si Mme L. estime que le montant demandé par la société ENEDIS afin de procéder aux travaux de raccordement serait excessif, sa contestation, formulée en termes généraux, n'est pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. A l'inverse, la société ENEDIS soutient sans être sérieusement contredite que le montant demandé en l'espèce est proportionné aux travaux à exécuter et correspond aux tarifs qu'elle pratique habituellement pour réaliser des travaux de cette nature. En tout état de cause, Mme L. ne conteste pas avoir donné son accord le 9 août 2018 au devis qui lui avait été proposé pour réaliser les travaux en cause, le prix demandé ayant ainsi acquis valeur contractuelle. Par conséquent, les prétentions de Mme L. relatives au montant des travaux de raccordement doivent être écartées.

En ce qui concerne la reprise des travaux d'aménagement :

7. Mme L. soutient que la société ENEDIS ne serait pas fondée à lui demander la reprise des travaux d'aménagement déjà réalisés. Cependant, il ressort des observations en défense de la société ENEDIS ainsi que d'un courrier en date du 9 août 2019 adressé par cette société à Mme L. que la société ENEDIS s'est expressément engagée à réaliser sous sa responsabilité et à sa charge les travaux d'aménagement considérés par elle comme nécessaires afin de respecter la réglementation technique en vigueur. En tout état de cause, les parties se sont accordées lors de la séance publique sur le nécessaire respect de cette réglementation dans le cadre du contrat déjà conclu entre elles, la société ENEDIS s'étant à cet égard engagée à communiquer la norme NF C 11-201 dont elle se prévaut à Mme L. Dans ces conditions, le différend relatif à la reprise des travaux d'aménagement doit être regardé comme ayant été résolu à la date de la présente décision et il n'y a plus lieu de statuer sur les prétentions de Mme L. sur ce point.

En ce qui concerne l'installation d'un dispositif de comptage supplémentaire :

8. La société ENEDIS fait valoir que l'installation d'un dispositif de comptage supplémentaire sollicitée par Mme L. nécessite notamment la réalisation d'un devis modificatif et l'accord de la demanderesse sur ce devis. Cependant, à la date de la présente décision, il ne résulte de l'instruction, ni que Mme L. aurait refusé ce devis modificatif, ni même qu'un tel devis lui aurait été transmis par la société ENEDIS. Dès lors, en l'état du dossier, aucun différend n'est constitué sur ce point entre les parties.

En ce qui concerne l'installation de dispositifs de comptage dits « évolués » :

9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 341-1 du code de l'énergie : « Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée. » Le premier alinéa de l'article R. 341-4 du même code dispose que : « Pour l'application des dispositions de l'article L. 341-4 et en vue d'une meilleure utilisation des réseaux publics d'électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en œuvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d'accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients. » L'article R. 341-6 du même code prévoit en outre que : « Un arrêté du ministre chargé de l'énergie pris sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie précise, au vu notamment des exigences d'interopérabilité du système, les fonctionnalités et les spécifications des dispositifs de comptage prévus à l'article R. 341-4. » L'arrêté mentionné par ces dispositions a été adopté le 4 janvier 2012 par le ministre chargé de l'énergie. Enfin, l'article R. 341-8 du code de l'énergie énonce notamment que : « Les gestionnaires des réseaux publics d'électricité mettent en place les dispositifs de comptage conformes aux prescriptions de l'arrêté prévu à l'article R. 341-6, dans les conditions suivantes : / La société mentionnée au 1° du I de l'article L. 111-53 rend conforme aux prescriptions de l'arrêté prévu à l'article R. 341-6 tout nouveau point de raccordement des installations d'utilisateurs raccordées en basse tension (BT) pour des puissances inférieures ou égales à 36 kilovoltampères, ou tout point de raccordement existant d'une installation de même nature dont les ouvrages constitutifs font l'objet de travaux et nécessitent un dispositif de comptage, quand cela est techniquement possible, même en l'absence de déploiement des systèmes d'information ou de communication associés. / D'ici au 31 décembre 2020,80 % au moins des dispositifs de comptage des installations d'utilisateurs raccordées en basse tension (BT) pour des puissances inférieures ou égales à 36 kilovoltampères sont rendus conformes aux prescriptions de l'arrêté prévu à l'article R. 341-6, dans la perspective d'atteindre un objectif de 100 % d'ici 2024. »

10. Il résulte des dispositions précitées que, lorsque les ouvrages constitutifs d'une installation raccordée en basse tension pour des puissances inférieures ou égales à 36 kilovoltampères font l'objet de travaux et nécessitent un dispositif de comptage, il incombe à la société ENEDIS, quand cela est techniquement possible, de rendre le point de raccordement concerné conforme aux prescriptions prévues par l'arrêté du 4 janvier 2012 mentionné ci-dessus, lequel précise les caractéristiques que ces dispositifs de comptage dits « évolués » doivent posséder.

11. Dans ces conditions, dès lors qu'il résulte de l'instruction que les dispositifs de comptage en cause respectent les caractéristiques techniques prévues par les dispositions mentionnées ci-dessus, ce qui n'est pas contesté en l'espèce, la procédure de raccordement au réseau public de distribution d'électricité ne peut qu'être regardée comme étant conforme sur ce point à la réglementation en vigueur. Par conséquent, alors même que le refus de l'utilisateur du réseau d'accepter l'installation de ces dispositifs de comptage évolués serait susceptible de faire obstacle à la réalisation des travaux de raccordement et empêcherait ainsi cet utilisateur d'accéder au réseau public de distribution d'électricité, une telle circonstance ne saurait être regardée comme un refus d'accès au réseau de la part de la société ENEDIS au sens des dispositions précitées de l'article L. 134-19 du code de l'énergie, qui seules peuvent permettre le règlement d'un différend par le comité. Par suite, la demande de Mme L. relative à l'installation de ces dispositifs de comptage évolués ne peut qu'être rejetée,

Décide :