JORF n°0185 du 10 août 2013

Décision du 8 juillet 2013

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 7 avril 2011, sous le numéro 177-38-11, présentée par la société JCV ECOLOGY, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés du Mans sous le numéro 523 685 683, dont le siège social est situé 55, rue Principale, 72190 Sargé-lés-le-Mans, représentée par son représentant légal, Mme Caroline ROBINEAU, gérant, ayant pour avocat, Me Sophie VILLER, 15, rue Beaujon, 75008 Paris.

La société JCV ECOLOGY a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société EDF ARCHIPEL GUADELOUPE (ci-après « la société EDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune de Saint-François (Guadeloupe).

Il ressort des pièces du dossier que la société JCV ECOLOGY a souhaité développer un projet d'installation photovoltaïque d'une puissance de 10,8 kVA sur un immeuble situé sur le territoire de la commune de Saint-François (Guadeloupe).

La société EDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

La déclaration préalable aux travaux de construction déposée le 6 juillet 2010 pour ce projet par la société SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE ILES DU NORD a fait l'objet le 28 juillet 2010 d'un arrêté de non-opposition par le maire de Saint-François.

Par courrier reçu le 3 août 2010, la société JCV ECOLOGY a adressé à la société EDF, par l'intermédiaire de son mandataire, la société SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE ET ILES DU NORD, une demande de raccordement de son installation au réseau public de distribution d'électricité.

Le 7 décembre 2010, la société EDF a transmis un document intitulé « devis de raccordement » à la société SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE ET ILES DU NORD.

Le même jour, ce document a été retourné signé et accompagné du chèque d'acompte correspondant par la société JCV ECOLOGY.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, la société JCV ECOLOGY a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société EDF.

Le 19 avril 2012, la société JCV ECOLOGY a effectué une nouvelle demande de raccordement.

Le 4 juin 2012, la société EDF a transmis à la société SOLAR ELECTRIC GUADELOUPE un devis et une convention de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE).

Cette convention, accompagnée du chèque d'acompte correspondant, a été retournée par la société JCV ECOLOGY à la société EDF.

Le 6 septembre 2012, l'installation de la société JCV ECOLOGY a été mise en service.

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Dans ses observations, la société JCV ECOLOGY soutient qu'ayant adressé sa demande de raccordement à la société EDF le 3 août 2010, soit avant le 2 septembre 2010, ses droits au maintien des conditions d'achat fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010 se trouvaient cristallisées par le double effet de l'obligation d'achat instituée par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 et des dispositions transitoires de l'arrêté du 31 août 2010.
Elle estime que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 prévoient que la suspension de l'obligation d'achat ne s'applique ni aux projets dont la puissance est inférieure ou égale à 3 kW (art. 2) ni à ceux pour lesquels le producteur a notifié, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière (art. 3), étant précisé que la date de notification correspond à la date d'envoi, que ce choix a eu pour conséquence de faire dépendre la suspension de l'obligation d'achat de la volonté du gestionnaire de réseau.
La société JCV ECOLOGY considère qu'il résulte de l'article 13 du cahier des charges type de concession du réseau public de transport d'électricité approuvé par le décret n° 2006-1731 du 23 décembre 2006, de l'article 35 dudit cahier des charges, et des articles 4.2.1.3 et 4.7 du document technique de référence relatif à la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité aux réseaux publics de distribution, qu'un délai maximum de trois mois est imparti à ERDF et à tout gestionnaire de réseau pour adresser une proposition technique et financière au producteur. Elle estime donc qu'en l'espèce la société EDF était tenue de lui adresser une proposition technique et financière avant le 4 novembre 2010, qu'aucune proposition technique et financière ne lui a été adressée, que par conséquent la société EDF a commis un manquement à ses obligations de gestionnaire de réseau, manquement qui s'apparente à un refus d'accès au réseau, lequel lui cause un préjudice direct et certain.
Elle soutient qu'en raison des agissements fautifs de la société EDF, elle se voit opposer par la société EDF la suspension de l'obligation d'achat et est privée de la possibilité de bénéficier des tarifs d'achat fixés par l'arrêté du 12 janvier 2010.
La société JCV ECOLOGY ajoute enfin que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent dès lors que le différend porte sur l'accès au réseau et que le gestionnaire n'a pas respecté les obligations qui lui incombent au titre de sa mission de gestionnaire de réseau, en ne communiquant aucune proposition technique et financière. La société JCV ECOLOGY précise que la Commission de régulation de l'énergie a d'ores et déjà considéré que le fait pour le gestionnaire de réseau de ne pas produire la proposition technique et financière dans le délai de trois mois peut être considéré comme un refus de raccordement.
Dès lors, la société JCV ECOLOGY demande au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― constater le manquement commis par la société EDF à raison de l'absence de communication de PTF dans le délai de trois mois ;
― dire que la société EDF n'est pas fondée à se prévaloir du décret du 9 décembre 2010 pour s'opposer à la communication d'une PTF à la société JCV ECOLOGY ;
― dire que le refus d'accès au réseau est fautif ;
Et en conséquence :
A titre principal :
― enjoindre à la société EDF de lui adresser dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, un contrat de raccordement dans les termes du devis de raccordement (PTF) accepté au 7 décembre 2010 et de mettre en œuvre les démarches nécessaires au raccordement de cette installation photovoltaïque jusqu'à sa mise en service ;
― prendre toutes mesures utiles pour mettre la société JCV ECOLOGY en mesure de bénéficier de l'obligation d'achat aux conditions tarifaires fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010 ;
― enjoindre à la société EDF de prendre toutes mesures utiles pour mettre la société JCV ECOLOGY en mesure de bénéficier de l'obligation d'achat aux conditions tarifaires fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010 ;
A titre subsidiaire :
― condamner la société EDF à réparer le préjudice financier subi par la société JCV ECOLOGY, constitué des frais qu'elle a engagés pour la réalisation de son installation de production d'électricité d'un montant de 46 470,23 euros (HT) ;
― condamner la société EDF à réparer le préjudice financier subi par la société JCV ECOLOGY, résultant de l'impossibilité de bénéficier de l'obligation d'achat aux tarifs fixés par l'arrêté du 12 janvier 2010 impliquant un préjudice de 120 736 euros.

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Par une décision en date du 29 avril 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la demande jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret du 9 décembre 2010.

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Par courrier du 5 septembre 2012, le directeur général de la CRE a demandé à la société EDF de présenter ses observations.

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Vu les observations en défense n° 1, enregistrées le 15 octobre 2012, présentées par la société EDF, société anonyme au capital de 924 433 331 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par Olivier Sachs, directeur juridique France, ayant pour avocat Mes Emmanuel Guillaume et Simon Daboussy, SCP BAKER & McKENZIE, 1, rue Paul-Baudry, 75008 Paris,
Elle précise, à titre liminaire, que le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d'électricité, approuvé par le décret n° 2006-1731 du 23 décembre 2006, cité par la société JCV ECOLOGY, n'est pas applicable en l'espèce dès lors que ce cahier des charges ne concerne que le réseau de transport et non celui de distribution publique de l'électricité auquel le projet de la société JCV ECOLOGY doit être raccordé.
La société EDF soutient que les dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie ne donnent pas compétence au comité de règlement des différends et des sanctions pour caractériser un éventuel préjudice résultant d'agissements du gestionnaire de réseau considérés comme fautifs.
Elle estime, en conséquence, que le comité de règlement des différends et des sanctions ne pourra pas se prononcer sur le lien entre les prétendus agissements fautifs de la société EDF et le fait que cette dernière lui ait opposé la suspension de l'obligation d'achat prévue par le décret du 9 décembre 2010 et soit privée de la possibilité de bénéficier des tarifs d'achat fixés par l'arrêté du 12 janvier 2010, que dès lors ledit comité ne pourra pas enjoindre à la société EDF de conclure une convention de raccordement du fait d'un prétendu manquement puisqu'il n'est pas compétent pour constater ce manquement.
La société EDF relève que la société JCV ECOLOGY a fait une nouvelle demande de raccordement pour son projet, que l'installation a été mise en service, que par conséquent la demande de règlement de différend n'a plus d'objet.
Elle estime également que le comité de règlement des différends et des sanctions ne pourra pas davantage, pour les mêmes raisons, enjoindre à la société EDF de prendre toutes mesures utiles pour mettre la société JCV ECOLOGY en mesure de bénéficier des tarifs d'achat fixés par l'arrêté du 12 janvier 2010, ni faire droit à la demande de la société JCV ECOLOGY tendant à ce que la société EDF soit condamnée à réparer le préjudice financier allégué.
La société EDF considère qu'en tout état de cause, aucun manquement ne peut lui être reproché. Elle soutient, en effet, que le délai de trois mois pour envoyer une convention de raccordement à un producteur est purement indicatif et qu'aucune sanction ne s'attache à son dépassement. La société EDF rappelle que le comité de règlement des différends et des sanctions refuse de considérer que le producteur puisse être réputé, en raison du dépassement du délai de trois mois, comme ayant accepté l'offre de raccordement avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010, que la Cour d'appel de Paris a très récemment confirmé ces décisions, que le comité de règlement des différends et des sanctions refuse également d'enjoindre à la société EDF de délivrer une offre de raccordement aux conditions prévalant avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010.
Elle ajoute que la demande de raccordement de la société JCV ECOLOGY a été traitée avec autant de diligence que possible par la société EDF, étant précisé que cette dernière a été confrontée à un accroissement exponentiel des demandes de raccordement, lequel relève de la « cause étrangère » au sens des dispositions de l'article 1147 du code civil.
La société EDF précise que dans ces conditions la société EDF ne saurait être responsable d'un quelconque retard ni d'avoir opposé un refus d'accès au réseau à la société JCV ECOLOGY, dès lors qu'une convention de raccordement BT lui a été adressée le 7 décembre 2010, que la société JCV ECOLOGY a effectué une nouvelle demande de raccordement, que l'installation de la société JCV ECOLOGY est à ce jour raccordée au réseau, qu'aucun refus de raccordement ne saurait être caractérisé.
Elle considère enfin que les circonstances de fait en raison desquelles la société JCV ECOLOGY s'est trouvée soumise au décret du 9 décembre 2010 sont sans incidence sur l'applicabilité de ce décret à cette dernière.
En conséquence, la société EDF demande au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter la demande de la société JCV ECOLOGY comme non fondée.

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Vu les pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu les décisions des 11 avril 2011 et 7 mars 2013 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relatives à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 177-38-11 ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres ;

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, présidente, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres du comité, qui s'est tenue le 8 juillet 2013, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché.
Mme Maud BRASSART, rapporteur, et M. Marc DREVON, rapporteur adjoint ;
La société JCV ECOLOGY régulièrement convoquée n'étant pas représentée ;
Le représentant de la société EDF, assisté de Me Pierre-Edouard PIVOIS ;
Après avoir entendu :
― le rapport de Mme Maud BRASSART, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Pierre-Edouard PIVOIS pour la société EDF ; la société EDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 8 juillet 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur l'existence d'un différend entre la société JCV ECOLOGY et la société EDF :
La société EDF soutient que les demandes de la société JCV ECOLOGY sont devenues sans objet dès lors que les parties ont conclu le 9 juillet 2012 une convention de raccordement, d'accès et d'exploitation après avoir effectué une nouvelle demande de raccordement le 19 avril 2012, et que les installations de la société JCV ECOLOGY ont été mises en service.
Aux termes des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie :
« Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend :
1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ;
(...)
Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement.
La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. »
Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que la société JCV ECOLOGY a effectué une nouvelle demande de raccordement le 19 avril 2012 pour la même installation, qu'elle a conclu, sans réserve, une convention de raccordement, d'accès et d'exploitation avec la société EDF le 9 juillet 2012 et que ces installations sont désormais en service.
Dès lors, le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut que constater que le différend opposant les sociétés JCV ECOLOGY et EDF est devenu sans objet.
En conséquence, il n'y a pas lieu pour le comité de règlement des différends et des sanctions de statuer sur les demandes de la société JCV ECOLOGY.

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Décide :

Article 1

Les demandes de la société JCV ECOLOGY sont devenues sans objet.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société JCV ECOLOGY et à la société Electricité de France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 8 juillet 2013.

Pour le comité de règlement

des différends et des sanctions :

La présidente,

M. Liebert-Champagne