Vu les observations en défense, enregistrées le 13 avril 2010, présentées par la société Gérédis Deux-Sèvres, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Niort sous le numéro B 503 639 643, dont le siège social est situé 18, rue Joule, 79000 Niort, agissant par la voie de son représentant légal, et ayant pour avocat, Me Pierre Alain JEANNENEY et Me Sandrine PERROTET, cabinet VEIL JOURDE, 38, rue de Lisbonne, 75008 Paris.
La société Gérédis Deux-Sèvres soutient qu'il n'existe pas de différend entre les parties et que la saisine de la société CBC est, donc, prématurée. Elle indique ne pas s'être opposée à une éventuelle solution de raccordement indirect et s'être bornée à effectuer une étude de faisabilité pour l'hypothèse d'un raccordement direct au réseau public de distribution via un départ en HTA depuis le poste de répartition de Champdeniers.
La société Gérédis Deux-Sèvres soutient qu'il ne relève pas des attributions du comité de règlement des différends et des sanctions d'émettre des avis de portée générale sur la faisabilité technique ou juridique d'un projet en dehors de tout litige.
Elle considère que la société CBC ne justifie d'aucun mandat pour agir au nom et pour le compte de l'Union laitière des Deux-Sèvres alors que la demande porte sur la part acheminement de son client.
La société Gérédis Deux-Sèvres soutient qu'en application des dispositions de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 et de l'article 7 du décret du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement d'installations de production aux réseaux publics d'électricité, lorsque le gestionnaire du réseau est saisi d'une demande de raccordement direct ou indirect, il a l'« obligation de rechercher [...] la solution compatible avec la sécurité du réseau et techniquement et économiquement la plus pertinente à la fois pour l'utilisateur et pour le réseau ». Elle considère que le mode de raccordement indirect au réseau public est « juridiquement possible ».
La société Gérédis Deux-Sèvres indique ne pas pouvoir à ce jour donner son accord au principe d'un raccordement indirect, puisque la société CBC n'a présenté aucune demande d'accès au réseau conduisant à l'élaboration d'une proposition technique et financière.
Elle soutient qu'en application des dispositions combinées de l' article 23 de la loi du 10 février 2000 et de l' article 1er du décret du 23 avril 2008, « pour pouvoir prétendre à un droit d'accès au réseau afin d'y injecter de l'électricité, il faut justifier de la qualité de producteur et être titulaire d'une autorisation délivrée à cet effet » et que les « conditions de raccordement et d'exploitation d'une installation de production doivent être définies dans des conventions conclues par le gestionnaire du réseau avec le producteur ». Elle estime que l'Union laitière des Deux-Sèvres, qui ne justifie pas de la qualité de producteur, ne peut pas « conclure avec le gestionnaire du réseau une convention de raccordement et une convention d'exploitation afin d'injecter de l'électricité sur le réseau ».
La société Gérédis Deux-Sèvres indique que les modalités d'injection de l'électricité dans le réseau doivent faire l'objet de conventions entre le gestionnaire du réseau public et la société CBC dès lors qu'il s'agit de la société titulaire d'une autorisation d'exploitation d'une installation de production, que le raccordement de l'installation de production soit direct ou indirect.
La société Gérédis Deux-Sèvres soutient que la demande de la société CBC n'est pas fondée dès lors qu'en application des articles 2 et 3 du décret du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité, une composante d'acheminement doit obligatoirement être prise en compte dans la détermination des tarifs réglementés « y compris lorsqu'il est procédé à un raccordement indirect ».
La société Gérédis Deux-Sèvres demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
― à titre principal, déclarer irrecevable la saisine de la société CBC et rejeter par suite l'ensemble de ses demandes ;
― à titre subsidiaire, rejeter les demandes de la société CBC comme infondées.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 13 avril 2010, présentées par la société Séolis, société anonyme d'économie mixte locale, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Niort sous le numéro B 492 041 066, dont le siège social est situé 14, rue Notre-Dame, 79009 Niort Cedex, agissant par la voie de son représentant légal, et ayant pour avocat, Me Pierre Alain JEANNENEY et Me Sandrine PERROTET, cabinet VEIL JOURDE, 38, rue de Lisbonne, 75008 Paris.
La société Séolis soutient qu'en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour trancher les différends entre un fournisseur d'électricité et un utilisateur de réseau.
Elle soutient qu'il ne relève pas des attributions du comité de règlement des différends et des sanctions de donner des avis de portée générale sur la faisabilité technique ou juridique d'un projet en dehors de tout litige.
La société Séolis soutient que la saisine est irrecevable, dès lors que la société CBC ne justifie d'aucun mandat pour agir au nom et pour le compte de l'Union laitière des Deux-Sèvres, dans la mesure où sa demande porte sur la facturation de l'électricité de son client à partir des flux physiques et réels et du raccordement indirect de l'installation de production.
Elle soutient qu'en application du décret du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité, une composante d'acheminement doit obligatoirement être prise en compte dans la détermination des tarifs réglementés.
La société Séolis ajoute qu'elle violerait le principe de non-discrimination si elle s'abstenait de facturer la part acheminement aux utilisateurs ayant des installations sur lesquelles sont raccordés des producteurs, tel que demandé par la société CBC.
Elle soutient que, dès lors que la société CBC bénéficiera, pour la totalité de sa production, d'une obligation d'achat définie sur la base d'une reconstitution des flux d'énergie, et non pas sur la réalité des flux physiques, il conviendra de « procéder à l'identique pour définir la tarification applicable » à l'Union laitière des Deux-Sèvres en matière de soutirage.
La société Séolis demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
― à titre principal, déclarer irrecevable la saisine de la société CBC et rejeter par suite l'ensemble de ses demandes ;
― à titre subsidiaire, rejeter les demandes de la société CBC comme infondées.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 29 avril 2010, présentées par la société CBC.
La société CBC soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître des litiges entre les gestionnaires de réseaux et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution de l'électricité. Elle indique que la société Séolis est un fournisseur d'électricité, soit un « distributeur d'électricité au sens de la loi du 10 février 2000 ». Elle ajoute, qu'en qualité de producteur, elle est un « utilisateur de réseau public d'électricité, puisqu'elle y achemine l'électricité qu'elle produit ».
Elle estime qu'il existe un différend avec la société Séolis, en raison de sa décision de refus d'« appliquer un dégrèvement sur la part acheminement de la facture d'électricité » de l'Union laitière des Deux-Sèvres.
La société CBC indique que la société Gérédis Deux-Sèvres s'est abstenue de faire état de l'existence d'une procédure relative à la demande de raccordement, qu'elle a découverte lors de la saisine du comité de règlement des différends et des sanctions.
Elle soutient que la société Gérédis Deux-Sèvres a manqué à son « obligation de conseil dans le cadre de ses missions » et a « procédé à la rétention d'information ». Elle ajoute que cette absence d'information constitue un refus d'accès au réseau électrique de nature à faire l'objet d'une demande de règlement de différend.
S'agissant de son intérêt à agir au nom de son client, la société CBC soutient que l'Union laitière des Deux-Sèvres a communiqué une attestation l'autorisant à recueillir toutes les informations utiles.
Elle indique que le raccordement indirect de son installation de production au réseau public de distribution conditionne l'équilibre financier des contrats à passer avec l'Union laitière des Deux-Sèvres et que la faisabilité de raccordement indirect a été confirmée par une étude de la société Gérédis Deux-Sèvres.
La société CBC considère que le manque d'informations sur la procédure de raccordement applicable à son projet « lui a causé un préjudice commercial certain » dans la mesure où elle n'est pas en mesure de finaliser les relations contractuelles avec son client.
Elle soutient que la facturation de l'Union laitière des Deux-Sèvres doit être établie selon les flux physiques réels et non par une reconstitution de ces flux.
La société CBC demande, donc, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
― de déclarer la société CBC recevable et bien fondée à saisir le comité de règlement des différends et des sanctions ;
― de dire que le proposition technique et financière qui devra être remise à la société CBC concernant son raccordement au réseau public d'électricité est celle qui consiste en un raccordement indirect du producteur via la ligne électrique déjà existante et située entre le gestionnaire de réseaux Gérédis Deux-Sèvres et l'Union laitière des Deux-Sèvres ;
― de dire que la société CBC est bien fondée à voir la part acheminement de la facture d'électricité de son client l'Union laitière des Deux-Sèvres exonérée sur la partie d'électricité correspondant au flux physique d'électricité provenant de la société CBC ;
― de constater que ni la société Gérédis Deux-Sèvres, ni la société Séolis, n'ont rempli leur devoir d'information de la société CBC quant à l'existence d'une procédure de raccordement au réseau public électrique, qu'ils ont ainsi violé le principe de non-discrimination dans l'exercice par la société CBC de son droit d'accès au réseau public d'électricité ;
― d'infliger une sanction financière aux sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis, d'un montant laissé à la discrétion de la Commission de régulation de l'énergie, en réparation du préjudice subi par la société CBC du fait du manquement des sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis à leur obligation d'information qui a ainsi retardé la réalisation du projet de la société CBC.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 12 mai 2010, présentées par la société Gérédis Deux-Sèvres.
La société Gérédis Deux-Sèvres maintient que la saisine de la société CBC est prématurée et qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information en publiant sur son site internet la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité au réseau public de distribution.
Elle soutient qu'il ne relève par des attributions du comité de règlement des différends et des sanctions de prononcer une sanction financière dans le cadre d'une procédure de règlement des différends.
La société Gérédis Deux-Sèvres soutient que la société CBC ne justifie d'aucun mandat pour agir au nom et pour le compte de l'Union laitière des Deux-Sèvres devant le comité de règlement des différends et des sanctions.
Elle indique que l'étude de faisabilité, réalisée en 2007, ne constitue qu'une étude préliminaire, qui ne permet pas de garantir la faisabilité d'une solution de raccordement indirect.
La société Gérédis Deux-Sèvres persiste, en conséquence, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 12 mai 2010, présentées par la société Séolis.
La société Séolis maintient que la demande de la société CBC est irrecevable au motif, d'une part, que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour trancher les différends entre un fournisseur d'électricité et un utilisateur du réseau, d'autre part, que la saisine est prématurée et, enfin, que la société CBC ne justifie d'aucun mandat pour agir au nom et pour le compte de l'Union laitière des Deux-Sèvres.
La société Séolis persiste, en conséquence, dans ses précédentes conclusions.
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Vu la mesure d'instruction du 7 mai 2010 par laquelle le rapporteur, chargé de l'instruction du dossier, a demandé à la société CBC de lui communiquer le (ou les) titre(s) juridique(s) qui la fonde(nt) à agir au nom et pour le compte de l'Union laitière des Deux-Sèvres, d'une part, et les résultats de l'étude de faisabilité pour le raccordement de l'installation de production communiquée, le 17 juillet 2007, par la société Sorégies Deux-Sèvres, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Gérédis Deux-Sèvres, d'autre part ;
Vu la lettre, enregistrée le 12 mai 2010, par laquelle la société CBC a communiqué, d'une part, un contrat de mandat entre la société Union laitière des Deux-Sèvres et la société Centrale Biomasse de Champdeniers et, d'autre part, les résultats de l'étude de faisabilité « pour le raccordement de l'installation de Ecotherm au réseau public de distribution d'électricité » réalisée par la société Sorégies Deux-Sèvres.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, notamment son article 38 ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 modifié relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 5 juin 2009 des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;
Vu la décision du 26 mars 2010 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 01-38-10 ;
Vu la décision du 17 mai 2010 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société Centrale Biomasse de Champdeniers ;
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 28 mai 2010, en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
Mme Christine LE BIHAN-GRAF, directeur général, M. Rémy COIN, directeur juridique ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur et M. Mathieu CACCIALI, rapporteur adjoint ;
Me Candie DAL MASO, représentant et assistant la société CBC ;
Les représentants de la société Gérédis Deux-Sèvres, assistés de Me Pierre-Alain JEANNENEY ;
Les représentants de la société Séolis assistés de Me Sandrine PERROTET.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Candie DAL MASO, pour la société CBC : la société CBC persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Pierre-Alain JEANNENEY et de M. Jean-Jacques JOUANGUY, pour la société Gérédis Deux-Sèvres et les observations de Me PERROTET pour la société Séolis ; les sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis persistent dans leurs moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité lors de la séance publique ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 28 mai 2010, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Les faits :
Il ressort des pièces du dossier soumis au comité de règlement des différends et des sanctions que la société Centrale Biomasse de Champdeniers (CBC) souhaite développer une installation de production d'électricité à partir d'un turboalternateur utilisant de la biomasse, d'une puissance de 8,9 MW, situé sur le territoire de la commune de Champdeniers-Saint-Denis (Deux-Sèvres).
Le 9 décembre 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a lancé, en application de l'article 8 de la loi du 10 février 2000, un appel d'offres « portant sur les installations de production d'électricité à partir de biomasse ».
Le 17 juillet 2007, la société Sorégies Deux-Sèvres, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Gérédis Deux-Sèvres, a communiqué à la société Voltalia les résultats d'une étude de faisabilité pour le raccordement de la nouvelle installation de production au réseau public de distribution. La société Gérédis Deux-Sèvres est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité pour la commune de Champdeniers-Saint-Denis.
Le 17 juin 2008, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a retenu l'offre présentée par la société Voltalia et a autorisé ladite société, par un arrêté du même jour, à exploiter une nouvelle installation de production électrique à partir de turbo-alternateur, d'une puissance électrique de 8,9 MW utilisant de la biomasse.
Le 21 août 2009, l'autorisation d'exploiter délivrée à la société Voltalia a été transférée par arrêté ministériel à la société CBC.
Le 14 octobre 2009, lors d'une réunion avec les sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis, fournisseur d'énergie, la société Voltalia a indiqué qu'elle envisageait un raccordement indirect au réseau public de distribution de son installation de production, autorisé par l'article 6.1 du cahier des charges de l'appel d'offres.
Le 9 novembre 2009, la société Voltalia a demandé aux sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis quelle serait, dans le cas d'un raccordement indirect de l'installation de production sur le réseau électrique de l'Union laitière des Deux-Sèvres, « l'économie dont pourrait bénéficier notre client sur sa part transport de l'énergie ».
Le même jour, la société Gérédis Deux-Sèvres a indiqué à la société Voltalia que ces données constituant des informations commercialement sensibles ne pouvaient être diffusées qu'au client ou à un tiers dûment habilité et que la réalisation de l'étude de raccordement était subordonnée à la communication « des fiches de collecte dûment complétées ».
Le 10 novembre 2009, l'Union laitière des Deux-Sèvres a autorisé la société Séolis à communiquer à la société Voltalia « toutes les informations clients nécessaires dans le cadre d'un projet CRE2 ».
Le 3 décembre 2009, la société Voltalia a adressé aux sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis une attestation de l'Union laitière des Deux-Sèvres autorisant la communication des informations permettant de calculer « les économies possibles du raccordement indirect ».
En réponse, le 14 décembre 2009, la société Séolis a indiqué à la société Voltalia qu'elle ne pouvait pas donner une suite favorable à sa demande au motif que l'Union laitière des Deux-Sèvres disposait d'un contrat au tarif vert A5 EJP et que ce contrat intégré comprenait deux volets indissociables : « la part fourniture » et « la part acheminement (distribution de l'électricité) ».
Estimant que le gestionnaire du réseau public de distribution Gérédis Deux-Sèvres et le fournisseur d'énergie Séolis n'avaient pas accédé à sa demande, la société CBC a saisi, le 19 mars 2010, le comité de règlement des différends et des sanctions quant à un raccordement indirect de son installation ainsi qu'à l'économie qu'un tel raccordement devrait procurer à son client, l'Union laitière des Deux-Sèvres, sur sa facture d'électricité.
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Sur la recevabilité des demandes de la société Centrale Biomasse de Champdeniers en tant qu'elles sont dirigées contre la société Séolis :
La société Séolis demande au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter la saisine comme irrecevable, au motif que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour trancher les différends entre un fournisseur d'électricité et un utilisateur du réseau.
Aux termes de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, « en cas de différend entre les gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] lié à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés [...] à l'article 23 de la présente loi [...], la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties. [...] Sa décision est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend ».
En application de ces dispositions, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître des seuls litiges opposant les gestionnaires de réseaux publics, d'une part, à leurs utilisateurs, d'autre part.
En l'occurrence, le contrat permettant l'accès au réseau, objet du règlement de différend, résulte d'un contrat tarif A5 option EJP conclu entre l'Union laitière des Deux-Sèvres et la société Séolis. Dans le cadre d'un contrat de fourniture d'électricité au tarif réglementé, qui porte sur la fourniture d'énergie et l'utilisation des réseaux publics d'électricité, le fournisseur facture simultanément à la fois la fourniture d'énergie et l'utilisation des réseaux électriques. Le schéma contractuel doit s'analyser, comme c'est le cas pour le contrat unique, en un ensemble de liens contractuels par lesquels le client habilite le fournisseur à le représenter auprès du gestionnaire de réseaux et le gestionnaire de réseaux habilite le fournisseur à le représenter auprès du client final. A ce titre, le rôle du fournisseur est nécessairement celui d'un intermédiaire dûment missionné à cet effet par le client final et le gestionnaire de réseaux en sorte que lorsque le litige porte sur la partie du contrat de fourniture relative à l'utilisation des réseaux, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour en connaître.
Or, tel est le cas en l'espèce du litige opposant la société CBC à la société Séolis qui porte sur la part acheminement de la facture d'électricité de l'Union laitière des Deux-Sèvres, liée à la société Séolis par un contrat de fourniture au tarif réglementé. Un tel litige porte sur l'exécution d'un contrat au sens et pour l'application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 susvisée. Le comité de règlement des différends et des sanctions est, donc, compétent pour en connaître.
Sur le raccordement indirect de l'installation de production au réseau public de distribution :
La société CBC demande au comité de règlement des différends et des sanctions de décider que le raccordement de son installation de production doit s'effectuer via la ligne électrique déjà existante et située entre le réseau de Gérédis Deux-Sèvres et les installations de l'Union laitière des Deux-Sèvres. A cette fin, la société CBC demande que la proposition technique et financière prévoie un raccordement indirect de l'installation de production au réseau public de distribution d'électricité.
Aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne le rachat de l'électricité produite dans le cadre du régime légal de l'obligation d'achat à un raccordement direct des installations de production à un réseau public de distribution et l'article 6.1 du cahier des charges de l'appel d'offres du ministre de l'énergie portant sur des installations de production d'électricité à partir de biomasse autorise un raccordement indirect de ces installations.
En application des articles 1er et 2 de la loi du 10 février 2000, le service public de l'électricité, dont la société Gérédis Deux-Sèvres a la charge pour les réseaux publics de distribution d'électricité, doit être assuré « dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ».
La mission de service public d'exploitation du réseau public de distribution, qui consiste à garantir, notamment, l'accès non discriminatoire au réseau, doit être exercée par le gestionnaire en conciliant le respect des règles régissant l'exploitation du réseau et l'accès des tiers avec un objectif de recherche du meilleur coût, tant pour le gestionnaire de réseau que pour le tiers se prévalant d'un droit d'accès.
Il incombe donc au gestionnaire du réseau de distribution de s'assurer que le raccordement direct au réseau public de distribution est la solution technique la plus économique pour garantir au demandeur l'exercice des droits qui lui sont légalement reconnus et dont il se prévaut, en l'espèce celui de vendre sa production dans le cadre de l'obligation légale d'achat, tout en veillant à respecter l'ensemble des règles gouvernant la sécurité et la sûreté du réseau dont il doit assurer la gestion, comme le caractère non discriminatoire des conditions d'accès direct ou indirect au réseau à des conditions économiques raisonnables pour la collectivité des utilisateurs du réseau public de distribution.
Si une étude de faisabilité permet d'envisager un raccordement indirect au réseau public de distribution d'une installation de production et constitue la solution technique de moindre coût, il n'appartient plus au gestionnaire du réseau public de distribution de transmettre au producteur une proposition technique et financière pour le raccordement de son installation de production à un réseau privé.
Dans le cas du raccordement indirect, via un réseau privé, d'une installation de production au réseau public de distribution, seules les conditions de raccordement du réseau privé au réseau public doivent faire l'objet, le cas échéant, de modifications.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société Ecotherm, agissant comme assistant du maître d'ouvrage, a demandé au gestionnaire du réseau public une étude de faisabilité pour le raccordement de l'installation de production de la société CBC en indiquant privilégier l'option du raccordement indirect.
En réponse, le gestionnaire du réseau public a établi, le 16 juillet 2007, une étude de faisabilité portant sur un raccordement au réseau public de distribution et dans ses écritures devant le comité de règlement des différends et des sanctions la société Gérédis a précisé qu'à ce stade, seule la faisabilité d'un raccordement direct avait été étudiée.
La société CBC n'a donné aucune suite jusqu'en 2009 à cette étude et en particulier n'a adressé à la société Gérédis de demande ni pour une nouvelle étude, ni pour une proposition technique et financière portant sur un raccordement indirect.
Dès lors, la demande de la société CBC en tant qu'elle porte sur un raccordement indirect est prématurée et doit, donc, être rejetée.
Dans l'hypothèse où un tel raccordement constituerait la solution technique de meilleur coût tant pour la collectivité des utilisateurs du réseau public de distribution que pour la société CBC, il appartiendrait à l'Union laitière des Deux-Sèvres, seule cocontractante du gestionnaire de réseau public de distribution, d'étudier avec ce dernier les modifications techniques et financières de ses conditions de raccordement tenant compte de la nouvelle installation de production de la société CBC.
Sur la part acheminement de la facture d'électricité de l'Union laitière des Deux-Sèvres :
La société CBC demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater qu'elle est bien fondée à demander que la part acheminement de la facture d'électricité de l'Union laitière des Deux-Sèvres soit exonérée de la partie d'électricité correspondant au flux physique d'électricité provenant de son installation de production.
Pour sa part, la société Gérédis Deux-Sèvres soutient que l'Union laitière des Deux-Sèvres restera redevable de la part acheminement, y compris dans l'hypothèse d'un raccordement indirect de la centrale de production sur son site. Elle estime que la société CBC, bénéficiant d'un contrat d'achat pour lequel est utilisée la reconstitution des flux, la facturation de la part acheminement de l'Union laitière des Deux-Sèvres doit s'effectuer selon ce même principe et non sur la base des flux physiques.
Aux termes de l'article 5 du décret du 26 avril 2001 modifié, les « factures indiquent, pour la catégorie concernée, la proportion correspondant aux coûts d'utilisation des réseaux publics. Le fournisseur reverse au gestionnaire de réseau les sommes qu'il a perçues au titre de l'utilisation de ce réseau ».
Il en résulte pour le fournisseur l'obligation de faire apparaître le coût de l'utilisation des réseaux publics sur la facture du client final.
En application du 2 de l'annexe de la décision des ministres de l'énergie et de l'économie en date du 5 juin 2009 relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, l'« énergie à prendre en compte pour calculer les composantes annuelles d'injection et de soutirage en chaque point de connexion est l'énergie correspondant au flux physique au point de connexion concerné, mesurée par période d'intégration par le dispositif de comptage contractuellement convenu ».
Il en résulte que le prix à payer pour l'utilisation d'un réseau public d'électricité s'effectue sur la base des seuls flux physiques mesurés au point de connexion de l'utilisateur du réseau public d'électricité et non sur la base de la reconstitution des flux d'énergie.
En l'espèce, dans l'hypothèse du raccordement de l'installation de production de la société CBC sur le réseau privé de l'Union laitière des Deux-Sèvres, cette dernière serait fondée à soutenir que la part acheminement soit évaluée sur la base des flux physiques observés au point de connexion de l'installation de l'Union laitière des Deux-Sèvres.
Sur un manquement à l'obligation d'information des sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis :
La société CBC demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que ni la société Gérédis Deux-Sèvres, ni la société Séolis, n'ont rempli leur devoir d'information à l'égard de la société CBC quant à la procédure de raccordement au réseau public d'électricité.
Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis auraient manqué à une telle obligation, notamment en dissimulant les étapes de la procédure de raccordement des installations de production au réseau public de distribution dont la société Gérédis Deux-Sèvres est le gestionnaire de réseau. Une telle demande n'est, donc, pas fondée.
Sur la demande de sanction financière à l'encontre des sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis :
La société CBC demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'infliger une sanction financière aux sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis, d'un montant laissé à la discrétion du comité de règlement des différends et des sanctions, en réparation du préjudice subi par la société CBC du fait du manquement des sociétés Gérédis Deux-Sèvres et Séolis à leur obligation d'information qui a ainsi retardé la réalisation du projet de la société CBC.
Toutefois, d'une part, il n'appartient pas au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le cadre de la compétence que lui donne l'article 38 de la loi du 10 février 2000 en matière de règlement de différends, de condamner une des parties à la réparation d'un préjudice subi du fait de l'inexécution par l'autre partie de ses obligations. D'autre part, une procédure conduisant à une sanction ne peut être engagée et suivie que sur le fondement de l'article 40 de la loi du 10 février 2000 susvisée.
Ainsi, quelle que soit sa portée, cette dernière demande ne peut qu'être rejetée.
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Décide :
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