JORF n°164 du 18 juillet 2001

Sur l'article 6. - Article L. 135-10 du code de la sécurité sociale et sa non-conformité partielle au regard de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté et de l'égalité de concurrence :

Cet article confie « la gestion administrative » du fonds de réserve pour les retraites à la Caisse des dépôts et consignations, tandis que le directeur général de cette caisse sera le président du directoire.

Le fait que la loi confie à la Caisse des dépôts et consignations la gestion administrative du fonds n'appelle pas de commentaires particuliers.

Il convient cependant de noter qu'il ressort des travaux parlementaires que le concept de « gestion administrative » est entendu de façon impropre : cette gestion comprend ainsi des missions assurées de manière traditionnelle par le secteur concurrentiel, comme la conservation des titres. On peut s'interroger, dès lors, si cette inclusion ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie.

Mais, surtout, l'établissement public administratif « fonds de réserve », à l'instar de tout organe administratif, est ainsi soumis à « une obligation d'impartialité », selon les termes de la décision no 89-260 DC du 28 juillet 1989.

Or, le « groupe » Caisse des dépôts, notamment par sa filiale CDC-IXIS, peut participer, selon les mêmes conditions que l'ensemble des acteurs du marché, aux appels d'offres de gestion financière, alors même que le président du directoire du fonds de réserve, en tant que directeur général de la Caisse des dépôts, est également le président du conseil de surveillance de CDC-IXIS.

Certes, des dispositions sont prévues à l'article L. 135-12 : en cas de participation de CDC-IXIS ou de toute autre filiale de la Caisse des dépôts à un appel d'offres de gestion financière, le président du directoire devra s'abstenir de participer aux délibérations. Le Gouvernement est resté à ce titre muet sur les conséquences d'un désaccord entre les deux derniers membres du directoire.

De telles dispositions apparaissent cependant insuffisantes à partir du moment où la caisse assure la gestion administrative du fonds. Des personnels soumis doublement à l'autorité du directeur général, en tant que responsable de la caisse et en tant que président du directoire, prépareront les cahiers des charges des appels d'offres... auxquels répondront d'autres personnels, soumis également à l'autorité du directeur général de la Caisse des dépôts ! La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 135-10 (« Cette activité la gestion administrative est indépendante de toute autre activité de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales ») relève de la pétition de principe, en raison notamment de la place jouée par le directeur général dans le dispositif.

Les participants aux appels d'offres de gestion financière seront ainsi placés dans une situation d'inégalité que rien ne justifie : la création de CDC-IXIS se fonde précisément sur la nécessité de séparer « les missions d'intérêt général » et « les activités financières concurrentielles » de la caisse : dès lors, aucune différence de situation ne peut exister entre les filiales concurrentielles de la caisse et les autres acteurs du marché ; l'objet poursuivi par la loi n'est pas d'avantager le groupe Caisse des dépôts, mais d'amener les produits du fonds au niveau maximal, tout en respectant les objectifs fixés à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale.

A partir du moment où le législateur confiait la gestion administrative du fonds de réserve à la Caisse des dépôts et consignations, il se devait, compte tenu de l'imbrication d'activités concurrentielles et non concurrentielles qui caractérise ce « groupe », placé sous l'autorité d'un directeur général unique, de l'exclure explicitement de la participation aux appels d'offres de gestion financière, sauf à porter atteinte à la liberté et à l'égalité de concurrence.

Dès lors, le premier alinéa de l'article L. 135-10 doit être déclaré non conforme à la Constitution.


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Version 1

Sur l'article 6. - Article L. 135-10 du code de la sécurité sociale et sa non-conformité partielle au regard de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté et de l'égalité de concurrence :

Cet article confie « la gestion administrative » du fonds de réserve pour les retraites à la Caisse des dépôts et consignations, tandis que le directeur général de cette caisse sera le président du directoire.

Le fait que la loi confie à la Caisse des dépôts et consignations la gestion administrative du fonds n'appelle pas de commentaires particuliers.

Il convient cependant de noter qu'il ressort des travaux parlementaires que le concept de « gestion administrative » est entendu de façon impropre : cette gestion comprend ainsi des missions assurées de manière traditionnelle par le secteur concurrentiel, comme la conservation des titres. On peut s'interroger, dès lors, si cette inclusion ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie.

Mais, surtout, l'établissement public administratif « fonds de réserve », à l'instar de tout organe administratif, est ainsi soumis à « une obligation d'impartialité », selon les termes de la décision no 89-260 DC du 28 juillet 1989.

Or, le « groupe » Caisse des dépôts, notamment par sa filiale CDC-IXIS, peut participer, selon les mêmes conditions que l'ensemble des acteurs du marché, aux appels d'offres de gestion financière, alors même que le président du directoire du fonds de réserve, en tant que directeur général de la Caisse des dépôts, est également le président du conseil de surveillance de CDC-IXIS.

Certes, des dispositions sont prévues à l'article L. 135-12 : en cas de participation de CDC-IXIS ou de toute autre filiale de la Caisse des dépôts à un appel d'offres de gestion financière, le président du directoire devra s'abstenir de participer aux délibérations. Le Gouvernement est resté à ce titre muet sur les conséquences d'un désaccord entre les deux derniers membres du directoire.

De telles dispositions apparaissent cependant insuffisantes à partir du moment où la caisse assure la gestion administrative du fonds. Des personnels soumis doublement à l'autorité du directeur général, en tant que responsable de la caisse et en tant que président du directoire, prépareront les cahiers des charges des appels d'offres... auxquels répondront d'autres personnels, soumis également à l'autorité du directeur général de la Caisse des dépôts ! La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 135-10 (« Cette activité la gestion administrative est indépendante de toute autre activité de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales ») relève de la pétition de principe, en raison notamment de la place jouée par le directeur général dans le dispositif.

Les participants aux appels d'offres de gestion financière seront ainsi placés dans une situation d'inégalité que rien ne justifie : la création de CDC-IXIS se fonde précisément sur la nécessité de séparer « les missions d'intérêt général » et « les activités financières concurrentielles » de la caisse : dès lors, aucune différence de situation ne peut exister entre les filiales concurrentielles de la caisse et les autres acteurs du marché ; l'objet poursuivi par la loi n'est pas d'avantager le groupe Caisse des dépôts, mais d'amener les produits du fonds au niveau maximal, tout en respectant les objectifs fixés à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale.

A partir du moment où le législateur confiait la gestion administrative du fonds de réserve à la Caisse des dépôts et consignations, il se devait, compte tenu de l'imbrication d'activités concurrentielles et non concurrentielles qui caractérise ce « groupe », placé sous l'autorité d'un directeur général unique, de l'exclure explicitement de la participation aux appels d'offres de gestion financière, sauf à porter atteinte à la liberté et à l'égalité de concurrence.

Dès lors, le premier alinéa de l'article L. 135-10 doit être déclaré non conforme à la Constitution.