Une discrimination géographique manifeste
dans l'exercice de la chasse de nuit
Le premier alinéa de l'article L. 224-4-1 du code rural créé par l'article 28 de la loi est contraire au principe d'égalité devant la loi. Il n'autorise en effet la chasse de nuit que dans 21 départements dont la sélection repose sur le caractère traditionnel de cette pratique. Or, d'autres départements répondent manifestement à ce critère, ce qui a été reconnu lors des débats à l'Assemblée nationale, en commission et en séance, en particulier par Mme Dominique Voynet au cours de la lecture définitive du projet de loi, le 28 juin 2000, notamment pour ce qui concerne l'Ille-et-Vilaine. Cette disposition a donc pour effet de traiter différemment des personnes placées dans la même situation de fait.
Or, selon le raisonnement tenu par le juge constitutionnel, le principe d'égalité impose que des situations comparables soient traitées de manière identique. Toute différence de traitement doit être en rapport avec l'objet de l'acte qui l'établit et proportionnée par rapport à l'objectif poursuivi et par rapport à la différence de situation.
Si le Conseil constitutionnel admet des dérogations au principe d'égalité, il exerce sur celles-ci un contrôle en deux temps.
Il s'attache, dans un premier temps, à vérifier si une différence de situation au regard de l'objet de la mesure permet de fonder la différence de traitement. En l'occurrence, aucune différence objective de situations n'existe entre les départements dans lesquels le droit de chasser la nuit a été reconnu et ceux dans lesquels il ne l'a pas été, alors que la chasse de nuit y relève des usages traditionnels.
Le Conseil constitutionnel recourt ensuite au critère subsidiaire de l'intérêt général, en exerçant un contrôle poussé des motifs qui pourraient justifier, à ce titre, une différence de traitement non fondée sur une différence de situation. Ainsi, l'intérêt général invoqué doit-il être en rapport avec l'objet de la mesure qui déroge au principe d'égalité. De plus, cette dérogation doit être proportionnée à l'objectif à atteindre et à l'intérêt général en cause. Or, aucun réel motif d'intérêt général ne justifie les restrictions disproportionnées apportées au droit de chasser la nuit dans certains départements où ce droit relève des usages locaux et des pratiques traditionnelles. La baie du mont Saint-Michel, qui s'étend sur les départements de la Manche et d'Ille-et-Vilaine, en est une illustration flagrante puisque la loi prévoit d'y autoriser la chasse de nuit pour le secteur géographique du département de la Manche, mais de l'interdire dans celui d'Ille-et-Vilaine.
Ainsi, l'article 28 du présent projet instaure une inégalité de traitement entre départements qui n'est justifiée ni par une différence de situation ni par un motif d'intérêt général. Pour cette raison, il doit être déclaré contraire à la Constitution.
(Liste des signataires : voir décision no 2000-434 DC).
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