JORF n°131 du 7 juin 2000

LOI TENDANT A FAVORISER L'EGAL ACCES DES FEMMES ET DES HOMMES AUX MANDATS ELECTORAUX ET FONCTIONS ELECTIVES

Les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives sur la base de l'argumentation suivante :

A. - Considérations générales

sur la constitutionnalité de la loi

  1. La révision constitutionnelle du 28 juin 1999 ne comprend que deux dispositions :

- le dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » ;

- le dernier alinéa de l'article 4 de la Constitution « ils (les partis et les groupements politiques) contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi ».

  1. On doit tout d'abord rappeler que le projet de loi constitutionnel soumis par le Président de la République et le Premier ministre au vote du Parlement avait pour effet de modifier l'article 3 de la Constitution pour inviter le législateur à favoriser par les mesures appropriées l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives.

  2. Au cours de la première lecture de ce texte, l'Assemblée nationale a prévu que la loi déterminerait les conditions dans lesquelles cet égal accès serait organisé. Le Sénat, en deuxième lecture, est revenu à la formulation du texte gouvernemental qui a été voté au Congrès. Il est d'une particulière importance de noter la signification qui s'attache au terme « favoriser » finalement retenu. Il est clair que le constituant a entendu écarter toute mesure de contrainte au profit de mesure d'incitation exclusive de toute règle limitant de façon abusive la liberté de choix de l'électeur découlant de principes constitutionnels auxquels cette révision ne saurait déroger.

  3. Ces dispositions constitutionnelles nouvelles n'ont pas abrogé d'autres dispositions de la Constitution, notamment l'ensemble de l'article 3 de la Constitution et l'article 4 avant modification.

  4. Ces dispositions constitutionnelles nouvelles ne sont pas normatives mais objectives. Elles fixent un objectif, qui découle des travaux préparatoires, selon lequel il faut favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions électives et les partis politiques doivent contribuer à la mise en oeuvre du principe. Elles n'imposent donc aucune contrainte nouvelle et ne justifient aucune mesure contraignante ou pénalisante et ne sont que des objectifs à caractère constitutionnel.

  5. Dès lors, les dispositions de l'article 3 de la Constitution, conjuguées à celles de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, conservent toute leur pertinence, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue de ses décisions du 20 novembre 1982 (élections municipales) et du 14 janvier 1999 (élections régionales) demeure parfaitement actuelle.

  6. La révision constitutionnelle n'a pas modifié le premier alinéa de l'article 4 de la Constitution, selon lequel les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage et qu'ils se forment et exercent leur activité librement sous la seule limitation du respect du principe de la souveraineté nationale de la démocratie. Imposer des sanctions financières aux partis et groupements politiques constitue donc une atteinte grave à la liberté de formation et de fonctionnement des partis politiques.

  7. Les sénateurs requérants acceptaient un certain nombre de contraintes pour permettre une meilleure représentation féminine au sein des assemblées, mais n'ont pas pu accepter le texte, amendé par les députés, qui selon eux dénature la révision constitutionnelle et instaure de fait des quotas par des mesures contraignantes ou pénalisantes.

  8. Il est de tradition constitutionnelle de ne pas modifier les modes de scrutin et les règles électorales à moins d'un an d'une échéance électorale qui serait concernée par les nouvelles règles. La loi déférée au Conseil constitutionnel ne respecte pas cette tradition.

  9. La loi va interdire à des élus sortants la possibilité d'être réélus à moins de constituer des listes dissidentes, et donc de rompre avec leurs formations politiques d'origine. Elle porte donc atteinte au principe de la liberté de candidature reconnue par la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

  10. La loi va interdire la constitution de liste intégralement féminine ou masculine, ce qui porte là encore atteinte à la liberté des électeurs et des éligibles.


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Version 1

LOI TENDANT A FAVORISER L'EGAL ACCES DES FEMMES ET DES HOMMES AUX MANDATS ELECTORAUX ET FONCTIONS ELECTIVES

Les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives sur la base de l'argumentation suivante :

A. - Considérations générales

sur la constitutionnalité de la loi

1. La révision constitutionnelle du 28 juin 1999 ne comprend que deux dispositions :

- le dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » ;

- le dernier alinéa de l'article 4 de la Constitution « ils (les partis et les groupements politiques) contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi ».

2. On doit tout d'abord rappeler que le projet de loi constitutionnel soumis par le Président de la République et le Premier ministre au vote du Parlement avait pour effet de modifier l'article 3 de la Constitution pour inviter le législateur à favoriser par les mesures appropriées l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives.

3. Au cours de la première lecture de ce texte, l'Assemblée nationale a prévu que la loi déterminerait les conditions dans lesquelles cet égal accès serait organisé. Le Sénat, en deuxième lecture, est revenu à la formulation du texte gouvernemental qui a été voté au Congrès. Il est d'une particulière importance de noter la signification qui s'attache au terme « favoriser » finalement retenu. Il est clair que le constituant a entendu écarter toute mesure de contrainte au profit de mesure d'incitation exclusive de toute règle limitant de façon abusive la liberté de choix de l'électeur découlant de principes constitutionnels auxquels cette révision ne saurait déroger.

4. Ces dispositions constitutionnelles nouvelles n'ont pas abrogé d'autres dispositions de la Constitution, notamment l'ensemble de l'article 3 de la Constitution et l'article 4 avant modification.

5. Ces dispositions constitutionnelles nouvelles ne sont pas normatives mais objectives. Elles fixent un objectif, qui découle des travaux préparatoires, selon lequel il faut favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions électives et les partis politiques doivent contribuer à la mise en oeuvre du principe. Elles n'imposent donc aucune contrainte nouvelle et ne justifient aucune mesure contraignante ou pénalisante et ne sont que des objectifs à caractère constitutionnel.

6. Dès lors, les dispositions de l'article 3 de la Constitution, conjuguées à celles de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, conservent toute leur pertinence, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue de ses décisions du 20 novembre 1982 (élections municipales) et du 14 janvier 1999 (élections régionales) demeure parfaitement actuelle.

7. La révision constitutionnelle n'a pas modifié le premier alinéa de l'article 4 de la Constitution, selon lequel les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage et qu'ils se forment et exercent leur activité librement sous la seule limitation du respect du principe de la souveraineté nationale de la démocratie. Imposer des sanctions financières aux partis et groupements politiques constitue donc une atteinte grave à la liberté de formation et de fonctionnement des partis politiques.

8. Les sénateurs requérants acceptaient un certain nombre de contraintes pour permettre une meilleure représentation féminine au sein des assemblées, mais n'ont pas pu accepter le texte, amendé par les députés, qui selon eux dénature la révision constitutionnelle et instaure de fait des quotas par des mesures contraignantes ou pénalisantes.

9. Il est de tradition constitutionnelle de ne pas modifier les modes de scrutin et les règles électorales à moins d'un an d'une échéance électorale qui serait concernée par les nouvelles règles. La loi déférée au Conseil constitutionnel ne respecte pas cette tradition.

10. La loi va interdire à des élus sortants la possibilité d'être réélus à moins de constituer des listes dissidentes, et donc de rompre avec leurs formations politiques d'origine. Elle porte donc atteinte au principe de la liberté de candidature reconnue par la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

11. La loi va interdire la constitution de liste intégralement féminine ou masculine, ce qui porte là encore atteinte à la liberté des électeurs et des éligibles.