JORF n°302 du 30 décembre 1999

  1. Cet article 30 n'est en réalité rien d'autre

qu'une validation législative plus ou moins déguisée

Le seul but de cette contribution, but qui n'est, lui, aucunement déguisé, est de neutraliser les conséquences financières d'une décision de justice. La contribution créée par l'article 30 présente d'ailleurs des points communs fondamentaux avec la taxe annulée par le Conseil d'Etat : son bénéficiaire, la CNAMTS ; ses redevables, l'industrie pharmaceutique ; son assiette, le chiffre d'affaires des spécialités remboursables et agréées ; son montant, enfin : 1,2 milliard. Cette équivalence doit être si précise que le législateur ne prévoit, en ce qui concerne le taux, qu'une fourchette, et renvoie à l'autorité réglementaire le soin de déterminer un chiffre parfaitement précis aboutissant à une sorte de restitutio in integrum du mécanisme de 1996 qui est l'objectif fondamentalement poursuivi.

Il s'agit donc, sans doute possible, d'une mesure de validation, particulièrement critiquable en regard de votre jurisprudence, issue notamment de votre décision no 119 DC du 22 juillet 1980. C'est en effet une validation a posteriori, franche et brutale, qui aboutit, au prix d'un détour, à remettre en vigueur un acte annulé par le juge administratif ou du moins à restaurer toutes ses conséquences. En tant que telle, cette validation de fait du III de l'article 12 de l'ordonnance de 1996 est contraire aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance des juridictions. Par ailleurs, la volonté de neutraliser les conséquences financières de l'annulation sur les comptes de l'assurance maladie, à savoir le remboursement par celle-ci d'une somme de 1,2 milliard de francs, ne peut être considérée comme un motif d'intérêt général suffisant pour justifier cette mesure. Cette perte de recettes, pour n'être pas négligeable, n'était pas cependant exorbitante et n'imposait pas par son volume une solution rigide. Les recettes de la CNAMTS se sont en effet élevées à 648,6 milliards de francs en 1999 ! Or votre jurisprudence contrôle la proportionnalité de la mesure de validation par rapport à sa justification, qui est elle-même fonction des nécessités d'intérêt général.

Le mécanisme institué par l'article 30 témoigne de l'obstination avec laquelle les autorités responsables persévèrent dans la recherche d'une rétroactivité législative d'abord patente, puis larvée, mais dans les deux cas réelle. La disposition litigieuse tend, en effet, à produire en effet juridique équivalent à celui des dispositions rétroactives que vous avez censurées dans votre décision précitée du 18 décembre 1998, à méconnaître cette décision et à tenir en échec la décision du Conseil d'Etat du 15 octobre 1999 revêtue de l'autorité de la chose jugée.

L'article 30 est donc inconstitutionnel.


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Version 1

1. Cet article 30 n'est en réalité rien d'autre

qu'une validation législative plus ou moins déguisée

Le seul but de cette contribution, but qui n'est, lui, aucunement déguisé, est de neutraliser les conséquences financières d'une décision de justice. La contribution créée par l'article 30 présente d'ailleurs des points communs fondamentaux avec la taxe annulée par le Conseil d'Etat : son bénéficiaire, la CNAMTS ; ses redevables, l'industrie pharmaceutique ; son assiette, le chiffre d'affaires des spécialités remboursables et agréées ; son montant, enfin : 1,2 milliard. Cette équivalence doit être si précise que le législateur ne prévoit, en ce qui concerne le taux, qu'une fourchette, et renvoie à l'autorité réglementaire le soin de déterminer un chiffre parfaitement précis aboutissant à une sorte de restitutio in integrum du mécanisme de 1996 qui est l'objectif fondamentalement poursuivi.

Il s'agit donc, sans doute possible, d'une mesure de validation, particulièrement critiquable en regard de votre jurisprudence, issue notamment de votre décision no 119 DC du 22 juillet 1980. C'est en effet une validation a posteriori, franche et brutale, qui aboutit, au prix d'un détour, à remettre en vigueur un acte annulé par le juge administratif ou du moins à restaurer toutes ses conséquences. En tant que telle, cette validation de fait du III de l'article 12 de l'ordonnance de 1996 est contraire aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance des juridictions. Par ailleurs, la volonté de neutraliser les conséquences financières de l'annulation sur les comptes de l'assurance maladie, à savoir le remboursement par celle-ci d'une somme de 1,2 milliard de francs, ne peut être considérée comme un motif d'intérêt général suffisant pour justifier cette mesure. Cette perte de recettes, pour n'être pas négligeable, n'était pas cependant exorbitante et n'imposait pas par son volume une solution rigide. Les recettes de la CNAMTS se sont en effet élevées à 648,6 milliards de francs en 1999 ! Or votre jurisprudence contrôle la proportionnalité de la mesure de validation par rapport à sa justification, qui est elle-même fonction des nécessités d'intérêt général.

Le mécanisme institué par l'article 30 témoigne de l'obstination avec laquelle les autorités responsables persévèrent dans la recherche d'une rétroactivité législative d'abord patente, puis larvée, mais dans les deux cas réelle. La disposition litigieuse tend, en effet, à produire en effet juridique équivalent à celui des dispositions rétroactives que vous avez censurées dans votre décision précitée du 18 décembre 1998, à méconnaître cette décision et à tenir en échec la décision du Conseil d'Etat du 15 octobre 1999 revêtue de l'autorité de la chose jugée.

L'article 30 est donc inconstitutionnel.