- Sur les prélèvements opérés
sur les ressources de la branche famille
De multiples transferts de branche à branche sont opérés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, affectant en particulier les ressources de la branche famille et aboutissant à priver celle-ci en 2002 de près de 14 milliards de francs.
Ces prélèvements ne sont donc conformes ni à l'exigence posée par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale qui met en place le principe de l'autonomie des branches dans son 3o, ni à celle d'une politique de solidarité envers les familles.
L'article 12 modifie l'état de comptes 2000 pour y annuler la créance détenue par la CNAF sur le FOREC. Les réserves de la branche s'en trouvent de facto amputées de 2,8 milliards de francs.
Dans le cadre de l'article 60, il est mis à la charge de la branche famille 30 % du financement des majorations de pension pour enfant, précédemment assurée par le Fonds de solidarité vieillesse. Les majorations de pension pour enfants ont été créées par l'article 88 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 et ont constitué dès leur origine un élément déterminant de la promotion d'un régime de retraite par répartition. Elles constituaient une prime à ceux qui, par leurs choix familiaux, assurent la pérennité du système par répartition. Il ne fut jamais contesté que cette prestation qui est un complément de la retraite de base ressortait de l'assurance vieillesse.
Ce caractère de prestation d'assurance a été confirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 94-351 DC du 29 décembre 1994. Par cette décision, le Conseil a considéré que le financement des majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants des prestations sociales légales dues par l'Etat à ses agents retraités est, à ce titre, par nature, une charge permanente qui ne pouvait être débudgétisée.
Loin de clarifier les relations entre les branches de la sécurité sociale, comme l'affirme le Gouvernement, le présent article n'a pour effet que d'accroître la confusion existante dans les comptes sociaux et prive la branche famille de 6 milliards de francs en 2002.
Par ailleurs, la décision no 97-393 DC du 18 décembre 1997 rappelle qu'il existe « une exigence constitutionnelle résultat des dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (qui) impliquent la mise en oeuvre d'une politique de solidarité en faveur des familles ».
L'article 68 est manifestement contraire à cette exigence dès lors qu'il vise à effectuer en 2002 au profit du fonds de réserve un prélèvement sur les excédents de la branche famille de 2000 à hauteur de 782 millions d'euros (5 milliards de francs). Ce prélèvement prive la branche famille de moyens pour répondre aux attentes des familles, attentes que les excédents de la branche ont légitimement fait naître. S'il est indispensable de traiter le problème des retraites, l'abondement du fonds de réserve ne peut servir d'alibi au Gouvernement pour opérer ce détournement de fonds, d'autant qu'il prélève dans le même temps une partie des ressources du fonds de réserve pour financer les 35 heures.
Au total, les multiples prélèvements opérés par les articles 12, 60 et 68 de la présente loi aboutissent en 2002 à grever les moyens de la branche famille de 14 milliards de francs, sachant que l'Etat ne consacre en comparaison à la politique familiale que 4 milliards de francs.
Ils doivent donc être censurés au motif qu'ils méconnaissent d'une part, le principe constitutionnel de l'autonomie des branches et, d'autre part, l'exigence constitutionnelle résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
Pour ces motifs, et pour tout autre qu'il plairait à votre Conseil de soulever d'office, les auteurs de la présente saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
(Liste des signataires : voir décision no 2001-453 DC.)
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