JORF n°289 du 14 décembre 2000

  1. Sur l'inconstitutionnalité des plans locaux d'urbanisme

L'article 4 du texte met en place des plans locaux d'urbanisme qui conduisent à imposer aux propriétaires des contraintes particulièrement sévères en matière de constructions (constructibilité, aspect extérieur et dimensions), d'aménagement de leurs abords, et plus généralement à imposer des règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées (art. L. 123-1 du code de l'urbanisme).

De telles dispositions conduisent à des ruptures d'égalité entre propriétaires fonciers, selon que les terrains sont régis par un plan local d'urbanisme limitant ou réglementant plus ou moins restrictivement l'exercice du droit de propriété. A cet égard, la rupture d'égalité s'accompagne d'une atteinte au libre exercice du droit de propriété, c'est-à-dire à la libre disposition de son bien par le propriétaire.

Enfin, là encore, le texte de loi ne prévoit pas l'application d'un principe de proportionnalité de la mesure instituée par le plan local d'urbanisme, en fonction des objectifs énoncés dans les premiers alinéas de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme. Or, le Conseil constitutionnel sanctionne les atteintes au droit de propriété qui pourraient être, en elles-mêmes, acceptables au regard de sa jurisprudence, mais qui sont portées sans qu'une procédure adéquate ait permis au propriétaire d'être informé et de se défendre, c'est-à-dire sans que soient présentes dans la loi « des garanties de fond et de procédure en rapport avec le degré d'atteinte portée au droit de propriété » (C. const., no 84-172 DC et no 98-403 DC). Ici, ce sont d'autres principes qui s'ajoutent à ceux directement protecteurs du droit de propriété : droits de la défense, principe d'égalité devant la loi, etc.

De plus, l'article L. 123-2 (a et b) du code de l'urbanisme, tel qu'il résulte de l'artice 3 du texte déféré, prévoit l'institution de servitudes permettant d'interdire « pour une durée au plus de cinq ans... les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement ».

Or, si le Conseil constitutionnel reconnaît la possibilité pour le législateur d'instituer des servitudes administratives (C. const., no 82-141 DC, 27 juillet 1982, Rec. 48), il rappelle dans le même temps que ces servitudes ne doivent pas « vider de son contenu le droit de propriété en affectant non seulement l'immeuble mais la personne de ses occupants (ni) constituer une entrave à l'exercice de droits et libertés constitutionnellement garantis » (C. const., no 85-198 DC, 13 décembre 1985, Rec. 78 ; cf. plus largement no 94-352 DC, 18 janvier 1995, Rec. 170). Le Conseil constitutionnel impose ensuite que l'institution de telles servitudes soit accompagnée de garanties fixées dans la loi elle-même : « il revient au législateur de déterminer lui-même la nature des garanties nécessaires ; en tout état de cause, il doit poser la règle que la servitude doit être établie par une autorité de l'Etat et prévoir le principe d'une procédure destinée à permettre aux intéressés, d'une part, d'être informés des motifs rendant nécessaire l'établissement de la servitude, d'autre part, de faire connaître leurs observations » (C. const., no 85-198 DC, précitée).

Force est de constater qu'aucune garantie évitant l'arbitraire de la décision instituant la servitude n'est présente dans le texte de loi. Il faut d'ailleurs ajouter qu'aucun principe d'indemnisation n'est prévu dans le texte instituant la servitude, ce qui renforce l'inconstitutionnalité de l'article 4 du texte. Compte tenu des graves atteintes portées tant au principe d'égalité qu'au droit de propriété, on peut soutenir que ces dispositions sont inséparables de l'ensemble des dispositions de l'article 4.

Pour toutes ces raisons, il est demandé au Conseil constitutionnel de déclarer l'ensemble de l'article 4 contraire à la Constitution.


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1. Sur l'inconstitutionnalité des plans locaux d'urbanisme

L'article 4 du texte met en place des plans locaux d'urbanisme qui conduisent à imposer aux propriétaires des contraintes particulièrement sévères en matière de constructions (constructibilité, aspect extérieur et dimensions), d'aménagement de leurs abords, et plus généralement à imposer des règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées (art. L. 123-1 du code de l'urbanisme).

De telles dispositions conduisent à des ruptures d'égalité entre propriétaires fonciers, selon que les terrains sont régis par un plan local d'urbanisme limitant ou réglementant plus ou moins restrictivement l'exercice du droit de propriété. A cet égard, la rupture d'égalité s'accompagne d'une atteinte au libre exercice du droit de propriété, c'est-à-dire à la libre disposition de son bien par le propriétaire.

Enfin, là encore, le texte de loi ne prévoit pas l'application d'un principe de proportionnalité de la mesure instituée par le plan local d'urbanisme, en fonction des objectifs énoncés dans les premiers alinéas de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme. Or, le Conseil constitutionnel sanctionne les atteintes au droit de propriété qui pourraient être, en elles-mêmes, acceptables au regard de sa jurisprudence, mais qui sont portées sans qu'une procédure adéquate ait permis au propriétaire d'être informé et de se défendre, c'est-à-dire sans que soient présentes dans la loi « des garanties de fond et de procédure en rapport avec le degré d'atteinte portée au droit de propriété » (C. const., no 84-172 DC et no 98-403 DC). Ici, ce sont d'autres principes qui s'ajoutent à ceux directement protecteurs du droit de propriété : droits de la défense, principe d'égalité devant la loi, etc.

De plus, l'article L. 123-2 (a et b) du code de l'urbanisme, tel qu'il résulte de l'artice 3 du texte déféré, prévoit l'institution de servitudes permettant d'interdire « pour une durée au plus de cinq ans... les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement ».

Or, si le Conseil constitutionnel reconnaît la possibilité pour le législateur d'instituer des servitudes administratives (C. const., no 82-141 DC, 27 juillet 1982, Rec. 48), il rappelle dans le même temps que ces servitudes ne doivent pas « vider de son contenu le droit de propriété en affectant non seulement l'immeuble mais la personne de ses occupants (ni) constituer une entrave à l'exercice de droits et libertés constitutionnellement garantis » (C. const., no 85-198 DC, 13 décembre 1985, Rec. 78 ; cf. plus largement no 94-352 DC, 18 janvier 1995, Rec. 170). Le Conseil constitutionnel impose ensuite que l'institution de telles servitudes soit accompagnée de garanties fixées dans la loi elle-même : « il revient au législateur de déterminer lui-même la nature des garanties nécessaires ; en tout état de cause, il doit poser la règle que la servitude doit être établie par une autorité de l'Etat et prévoir le principe d'une procédure destinée à permettre aux intéressés, d'une part, d'être informés des motifs rendant nécessaire l'établissement de la servitude, d'autre part, de faire connaître leurs observations » (C. const., no 85-198 DC, précitée).

Force est de constater qu'aucune garantie évitant l'arbitraire de la décision instituant la servitude n'est présente dans le texte de loi. Il faut d'ailleurs ajouter qu'aucun principe d'indemnisation n'est prévu dans le texte instituant la servitude, ce qui renforce l'inconstitutionnalité de l'article 4 du texte. Compte tenu des graves atteintes portées tant au principe d'égalité qu'au droit de propriété, on peut soutenir que ces dispositions sont inséparables de l'ensemble des dispositions de l'article 4.

Pour toutes ces raisons, il est demandé au Conseil constitutionnel de déclarer l'ensemble de l'article 4 contraire à la Constitution.