V. - Sur l'article 29 du projet de loi
Les sénateurs soussignés estiment que l'article 29 du projet de loi, qui modifie pour la seule année 2000 l'article L. 138-10 du code de la séucrité sociale, est contraire aux dispositions de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
Cet article constitue la conséquence pratique de l'opération qualifiée par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité de « rebasage » du calcul de l'ONDAM pour 2000 (cf. commentaires dans le rapport no 58 1999-2000) présenté par M. Charles Descours, « Equilibres financiers généraux et assurance maladie », tome I, p. 135).
Le tome IV de ce rapport (Examen des articles) a ainsi retracé la position de la commission, qui a été suivie par le Sénat (commentaire sous l'article 29) :
« Votre commission estime que cet article est contraire aux dispositions de l'article LO 111-3, tel qu'il est issu de la loi organique no 96-646 du 22 juillet 1996.
« En effet, aux termes de cet article :
« Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :
« 1o Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;
« 2o Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;
« 3o Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de 20 000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;
« 4o Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;
« 5o Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3o ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ces besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. »
« Certes, ces dispositions ne sont pas limitatives, les lois de financement pouvant comporter, aux termes du paragraphe III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, "des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale".
« On pourrait soutenir qu'en définissant un objectif national de dépenses pharmaceutiques de 2 % pour 2000, le présent article constitue une disposition "affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base" : une telle assertion ne pourrait être contestée, la fixation d'un taux spécifique de 2 % pour le médicament au lieu des 4,5 % retenus par l'article 28 du projet de loi devant même avoir un impact positif sur les finances sociales.
« Cependant, la fixation d'un objectif spécifique de dépenses est contraire aux dispositions du 4o de l'article LO 111-3, qui ne prévoit qu'un "objectif national de dépenses d'assurance maladie pour l'ensemble des régimes de base".
« Et votre commission estime qu'est inopérante l'argumentation relative à l'impact sur l'équilibre financier.
« En effet, ce n'est pas parce que, par exemple, la prévision de recettes par catégories pour chacun des régimes de base (au lieu de l'ensemble des régimes) améliorerait l'information du Parlement qu'elle serait conforme aux dispositions du 2o de l'article LO 111-3.
« Ce n'est pas, non plus, parce qu'elle aurait un impact sur l'équilibre financier de la sécurité sociale que la fixation d'objectifs de dépenses par prestation (au lieu de par branche) serait conforme aux dispositions du 3o de l'article LO 111-3.
« Ce n'est donc pas non plus parce qu'elle a un impact sur l'équilibre que la fixation d'un "ONDAM - médicament" est conforme aux dispositions du 4o de l'article LO 111-3.
« Si le présent article 21 du projet de loi est contraire à la lettre de la loi organique, c'est parce que, dans la motivation de son article 28, le Gouvernement s'est écarté de l'esprit de la réforme constitutionnelle et organique instituant les lois de financement de la sécurité sociale, avec le "rebasage" du calcul du taux de progression de l'ONDAM.
« Lors des débats parlementaires sur le projet de loi organique, il avait été discuté, essentiellement d'ailleurs à l'Assemblée nationale, de la question de la présentation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Cet objectif devait-il être exprimé comme un volume de dépenses ou sous la forme d'un taux de progression ? C'est la notion de volume de dépenses qui a été retenue. Pourtant, l'expérience des débats sur les projets de loi de financement a montré qu'en pratique, si un volume de dépenses est voté, le taux de progression est toujours cité dans les exposés des motifs. Un taux de progression "parle" plus qu'un volume de dépenses, et surtout un taux de progression global peut être comparé aux taux de progression sectoriels (ville, hospitalisation, médico-social et, cette année... médicament) qui ont été dévoilés, cette année, par un communiqué à la presse du ministère de l'emploi et de la solidarité publié avant la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale.
« Votre commission comprend l'intérêt de l'enseignement politique que traduit, pour le Gouvernement, la publication de taux sectoriels. Mais elle estime que l'opportunité du vote de ces taux sectoriels doit être discutée par le législateur organique et ne saurait donc être décidée presque "en catimini", pour un seul secteur et une seule année, dans le cadre d'une loi "ordinaire", fût-elle de financement de la sécurité sociale. »
Si cette argumentation sur la fixation d'un « ONDAM médicament » pour 2000 n'était pas retenue par votre haute juridiction, elle pourrait se fonder aussi sur les dispositions de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale. Celui-ci dispose, dans son premier alinéa, que la taxe est due par les entreprises pharmaceutiques lorsque leur chiffre d'affaires hors taxes « s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente (...), d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif de dépenses d'assurance maladie tel qu'il résulte du rapprochement des lois de financement de la sécurité sociale de l'année et de l'année précédente compte tenu, le cas échéant, des lois de financement rectificatives ». C'est ce taux, dénommé « K », qui figure dans le tableau inscrit au deuxième alinéa de l'article L. 138-10 précité, qui est modifié pour 2000 par l'article 29 du projet de loi.
Ce premier alinéa n'a pas été abrogé par la loi de financement pour 2000, et demeure donc en vigueur.
En conséquence, l'article 29 de la loi de financement pour 2000 aboutit à modifier l'ONDAM 1999 tel qu'il a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Or, seule une loi de financement rectificative aurait pu, aux termes du paragraphe II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, procéder à une telle révision de l'ONDAM 1999.
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