JORF n°302 du 30 décembre 1999

IV. - Sur l'article 24 du projet de loi

  1. Sur le mécanisme des « lettres clés flottantes » institué par l'article 24 :

Le mécanisme des « lettres clés flottantes » institué pour tous les professionnels de santé exerçant en ville par l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale apparaît aux sénateurs auteurs de la saisine non conforme à la Constitution.

Certes, il est constant, dans le droit de la sécurité sociale, que la fixation des tarifs des professionnels conventionnés relève du pouvoir réglementaire.

Les sénateurs soussignés ne contestent pas ce point et approuvent le système conventionnel mis en place depuis 1971 qui prévoit l'approbation par des mesures réglementaires des tarifs fixés par les conventions conclues entre l'assurance maladie et les professionnels.

Ils observent cependant que l'article 24, en établissant un lien automatique et général entre des fluctuations conjoncturelles à la hausse des dépenses d'assurance maladie et la fluctuation à la baisse des tarifs des professionnels de santé, confère à ces baisses de tarifs le caractère de sanctions collectives.

Ces sanctions sont à la charge de l'ensemble des professionnels, quel qu'ait été leur comportement individuel en cours d'année. Ainsi, en adoptant l'article 24, le législateur n'a pas fondé, comme le Conseil lui en avait fait grief une première fois l'an dernier, « son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la modération des dépenses qu'il s'était assigné ».

Le mécanisme prévu par l'article 24 méconnaît les principes de nécessité, de proportionnalité et de personnalité des peines : il doit donc être déclaré non conforme à la Constitution.

  1. Sur les « accords conventionnels de substitution » prévus par le paragraphe XII bis de l'article 24 :

En cas d'absence de convention pour les médecins spécialistes, ou en cas de désaccord entre les partenaires conventionnels pour conclure une annexe à la convention, le paragraphe XII bis prévoit la possibilité d'« accords conventionnels de substitution », qualifiés de « protocoles », mais qui, pour les spécialistes, semblent avoir le même effet, dans le même domaine, que les accords conventionnels (encore que la loi ne prévoie aucun mécanisme d'approbation et se contente d'affirmer que les protocoles sont « relatifs aux éléments de l'annexe mentionnée au I de l'article L. 162-15-2 »).

Ces protocoles peuvent être conclus par spécialité ou par groupe de spécialités avec « au moins une organisation syndicale nationale de médecins de la spécialité ou du groupe de spécialités adhérente d'une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire des médecins spécialistes ».

Il n'apparaît pas conforme à la Constitution que des organisations de médecins non reconnues comme représentatives puissent, pour les médecins de la ou des spécialités qu'ils prétendent représenter, conclure ainsi des accords conventionnels.


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Version 1

IV. - Sur l'article 24 du projet de loi

1. Sur le mécanisme des « lettres clés flottantes » institué par l'article 24 :

Le mécanisme des « lettres clés flottantes » institué pour tous les professionnels de santé exerçant en ville par l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale apparaît aux sénateurs auteurs de la saisine non conforme à la Constitution.

Certes, il est constant, dans le droit de la sécurité sociale, que la fixation des tarifs des professionnels conventionnés relève du pouvoir réglementaire.

Les sénateurs soussignés ne contestent pas ce point et approuvent le système conventionnel mis en place depuis 1971 qui prévoit l'approbation par des mesures réglementaires des tarifs fixés par les conventions conclues entre l'assurance maladie et les professionnels.

Ils observent cependant que l'article 24, en établissant un lien automatique et général entre des fluctuations conjoncturelles à la hausse des dépenses d'assurance maladie et la fluctuation à la baisse des tarifs des professionnels de santé, confère à ces baisses de tarifs le caractère de sanctions collectives.

Ces sanctions sont à la charge de l'ensemble des professionnels, quel qu'ait été leur comportement individuel en cours d'année. Ainsi, en adoptant l'article 24, le législateur n'a pas fondé, comme le Conseil lui en avait fait grief une première fois l'an dernier, « son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la modération des dépenses qu'il s'était assigné ».

Le mécanisme prévu par l'article 24 méconnaît les principes de nécessité, de proportionnalité et de personnalité des peines : il doit donc être déclaré non conforme à la Constitution.

2. Sur les « accords conventionnels de substitution » prévus par le paragraphe XII bis de l'article 24 :

En cas d'absence de convention pour les médecins spécialistes, ou en cas de désaccord entre les partenaires conventionnels pour conclure une annexe à la convention, le paragraphe XII bis prévoit la possibilité d'« accords conventionnels de substitution », qualifiés de « protocoles », mais qui, pour les spécialistes, semblent avoir le même effet, dans le même domaine, que les accords conventionnels (encore que la loi ne prévoie aucun mécanisme d'approbation et se contente d'affirmer que les protocoles sont « relatifs aux éléments de l'annexe mentionnée au I de l'article L. 162-15-2 »).

Ces protocoles peuvent être conclus par spécialité ou par groupe de spécialités avec « au moins une organisation syndicale nationale de médecins de la spécialité ou du groupe de spécialités adhérente d'une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire des médecins spécialistes ».

Il n'apparaît pas conforme à la Constitution que des organisations de médecins non reconnues comme représentatives puissent, pour les médecins de la ou des spécialités qu'ils prétendent représenter, conclure ainsi des accords conventionnels.