La présente saisine demande au Conseil Constitutionnel de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs en s'appuyant sur deux moyens tirés de l'article 24. Au terme de ce dernier, le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales, est élu au suffrage indirect et assure la représentation des Français de l'étranger. Les sénateurs estiment que les deux premiers principes ne sont pas respectés.
Premièrement, les sénateurs à l'origine de la saisine estiment que la loi n'assure plus correctement la représentation des collectivités territoriales de la République. En s'appuyant sur des considérations historiques, ils soulignent que la mission constante impartie au Sénat est la représentation des collectivités territoriales de la République, dans le cadre de la circonscription départementale, au besoin modifiée par une correction démographique. Or, la loi ne garantirait plus la représentation de certaines collectivités territoriales : elle viserait exclusivement à renforcer la représentation des grandes villes en ne prenant en compte que leur seul poids démographique. Les régions et les départements n'auraient plus qu'une représentation résiduelle et seraient (même en y ajoutant les députés) complètement noyés par la représentation des communes, notamment les communes centres ou très peuplées. L'abaissement à 300 habitants du seuil pour désigner les délégués des communes leur semble ainsi bouleverser complètement la représentation des collectivités territoriales. En outre, le seuil de 300 habitants pour la désignation d'un délégué leur apparaît arbitraire et justifié par aucun autre argument que celui de la démographie.
En second lieu, les sénateurs affirment que la loi n'assure plus l'élection des sénateurs au suffrage indirect. La loi ne respecterait plus cette exigence : les élus du suffrage universel deviendraient souvent minoritaires au sein du collège des grands électeurs sénatoriaux. Dans certains cas, les délégués supplémentaires de communes deviendraient alors majoritaires -- alors qu'ils ne disposent pas de la légitimité qui découle du suffrage universel comme les députés, les conseillers municipaux, généraux et régionaux. Dès lors, la loi nouvelle qui augmentera considérablement la représentation des communes importantes amplifierait la sur-représentation de la majorité communale. Le seuil arbitraire de 300 (les sénateurs ont proposé 700) leur semble bouleverser l'équilibre entre la représentation des collectivités territoriales et la prise en compte du facteur démographique et donc porter atteinte au principe selon lequel les sénateurs sont élus au suffrage indirect.
Enfin, ils objectent que la loi ne tient pas compte des mutations démographiques intervenues depuis les trois derniers recensements. Pour eux, la modification du mode de scrutin dans les départements élisant trois sénateurs au moins ne saurait intervenir sans que la répartition des sièges dans le cadre du département ne soit revue. Or, le nombre actuel de sénateurs par département ne tiendrait pas compte des résultats des recensements de 1982, de 1990 et de 1999. Il eût fallu modifier la loi qui fixe le nombre de sièges de sénateurs avant de modifier le mode de scrutin et selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Faute d'avoir effectué cette réforme préalable, la modification du mode de scrutin se trouverait donc entachée d'arbitraire (décision des 1er et 2 juillet 1986 du Conseil constitutionnel).
Ils demandent, pour les raisons mentionnées ci-dessus, la déclaration de la présente loi, à l'exception de ses dispositions financières, inconstitutionnelle.